L’apéline, un inhibiteur naturel de l’effet antidiurétique de la vasopressine
Résumé
L’apéline a été découverte en 1998 comme étant le ligand naturel du récepteur orphelin humain, le récepteur APJ. Elle est issue d’un précurseur de 77 acides aminés, la proapéline, qui comporte à son extrémité carboxyterminale une séquence de 17 acides aminés, l’apéline 17, strictement conservée dans plusieurs espèces. L’apéline 17, ainsi qu’un fragment de 13 acides aminés dérivé de ce peptide ont été identifiés dans le cerveau et le plasma des mammifères et ont une affinité élevée (nM) pour le récepteur APJ. Tout comme l’apéline, le récepteur de ce peptide est présent dans le système nerveux central et le système cardiovasculaire. Dans le cerveau, ces récepteurs sont fortement exprimés dans les neurones magnocellulaires vasopressinergiques et ocytocinergiques de l’hypothalamus. Dans le modèle de la rate en lactation, l’apéline 17 injectée par voie centrale diminue l’activité électrique phasique de ces neurones, réduit la sécrétion systémique de vasopressine (AVP) et entraîne une diurèse aqueuse. Dans le modèle du rat déshydraté, l’augmentation de la libération somatodendritique d’AVP entraîne une augmentation de l’activité phasique des neurones vasopressinergiques facilitant la sécrétion d’AVP dans la circulation sanguine et entraînant une déplétion du contenu en AVP de ces neurones. À l’inverse, les taux plasmatiques d’apéline diminuent, tandis que le peptide s’accumule dans les neurones vasopressinergiques, atténuant l’action inhibitrice de l’apéline sur la sécrétion systémique d’AVP. Cette régulation croisée de l’apéline et de l’AVP semble avoir pour finalité de maintenir l’équilibre hydrique de l’organisme, en optimisant la sécrétion d’AVP et en évitant ainsi une perte d’eau supplémentaire par les reins. Enfin, l’apéline a aussi des effets cardiovasculaires propres. Injectée par voie systémique, elle diminue la pression artérielle. Dans le coeur, l’apéline augmente la force contractile du myocarde par un effet inotrope positif et réduit les préet post-charges. Le développement d’analogues non peptidiques de l’apéline devrait permettre de determiner si ce peptide, inhibiteur de la vasopressine, est susceptible de devenir un médicament aquarétique. Apelin is a peptide that was recently isolated as the endogenous ligand for the human orphan APJ receptor, a G protein-coupled receptor which shares 31 % amino-acid sequence identity with the angiotensin type 1 receptor. Apelin naturally occurs in the brain and plasma as 13 (pE13F) and 17 amino-acid (K17F) fragments of a single pro-peptide precursor. In transfected CHO cells, K17F and pE13F bind with high affinity to the rat APJ receptor, promote receptor internalization, and inhibit forskolin-induced cAMP formation. In the same cells, pE13F activates MAP kinase and PI3 kinase pathways. Apelin and APJ receptors are both widely distributed in the brain but are particularly highly expressed in the supraoptic (SON) and paraventricular (PVN) hypothalamic nuclei. Dual labeling studies demonstrate that within these two nuclei, apelin and its receptor are colocalized with vasopressin (AVP) in a subset of magnocellular neurons. In lactating rats, characterized by increases in both synthesis and release of AVP, central injection of apelin inhibits the phasic electrical activity of AVP neurons, reduces plasma AVP levels, and increases aqueous diuresis. Moreover, water deprivation, while increasing the activity of AVP neurons, reduces plasma apelin concentrations and induces an intra-neuronal pile up of the peptide, thereby decreasing the inhibitory effect of apelin on AVP release and preventing additional water loss at the kidney level. Taken together, these data demonstrate that apelin counteracts the effects of AVP in the maintenance of body fluid homeostasis. In addition, apelin and its receptor are present in the cardiovascular system, i.e. heart, kidney and vessels. Systemically administered apelinreduces arterial blood pressure, increases cardiac contractility and reduces cardiac loading. The development of non peptidic analogs of apelin may therefore offer new therapeutic avenues for the treatment of cardiovascular disorders.
Pour citer ce document
Llorens-Cortès, Catherine ; Beaudet, Alain ; L’apéline, un inhibiteur naturel de l’effet antidiurétique de la vasopressine, Med Sci (Paris), 2005, Vol. 21, N° 8-9; p. 741-746 ; DOI : 10.1051/medsci/2005218-9741