L'invention de l'insuline, entre physiologie, clinique et industrie pharmaceutique
Résumé
L’histoire de la manufacture de l’insuline au début des
années 1920 est, sur certains points, d’une étonnante
actualité. Après l’antitoxine diphtérique et les extraits
thyroïdiens (deux médicaments testés pour la première fois
avec succès en 1891), l’insuline pose à son tour le
problème difficile de la production en masse d’une
molécule biologiquement active. Cette production a reposé
sur une collaboration étroite entre partenaires publics et
privés, au cours de laquelle les partenaires du secteur
privé furent étroitement surveillés par un comité issu
d’une institution publique (l’université de Toronto). Elle
a mis en oeuvre des essais cliniques multicentriques à une
échelle relativement large pour l’époque, et une circulation
intense et souvent informelle de savoir-faire et
d’informations techniques et scientifiques, à travers des
réseaux d’abord locaux puis rapidement internationaux.
Elle a posé très tôt la question de la brevetabilité d’une
substance naturelle considérée comme universelle et
inappropriable, ainsi que celui de l’accessibilité, aux
médecins comme aux malades, d’un médicament
efficace et précieux, réservé dans les débuts à quelques
heureux élus. Enfin sa standardisation a posé des
problèmes difficiles, qui vont de la mise au point d’un
dosage biologique ardu aux enjeux économiques et
politiques soulevés par la production d’un standard
international. The discovery of insulin in 1921-922 in Toronto remains one of the most remarkable events in the history of medicine. The construction of the new substance as a medication was a difficult undertaking, which triggered complex and heterogeneous processes of clinical application and production of physiological and clinical knowledge. Industrialists had to collaborate closely with clinicians and physiologists, and there was no clear-cut separation between «applied» and «basic» research. Administrative, legal and commercial procedures also played an important part in the story. Difficulties of all kinds appeared during the early manufacture of insulin, linked to the fact that the researchers had to do everything at the same time: invent and build laboratories and animal facilities, define a unit of insulin, study its physiological effects, construct a method of clinical use, organize financial management for the whole and patent problems. As with all medicinal substances with an unknown biochemical structure, the making of the new medication involved the construction of a unit of measurement, as well as the standardisation of industrial preparations. This was especially important for insulin, as dosage variations could have disastrous effects on the patient. In addition the standardisation of insulin was a significant step in the development of biological standardisation of drugs, which makes its story especially interesting
Pour citer ce document
Sinding C, L'invention de l'insuline, entre physiologie, clinique et industrie pharmaceutique, Med Sci (Paris), 2001, Vol. 17, N° 11; p.1176-81