Evolution des séquences "signal de recombinaison" dans le locus de la région variable de la chaîne lourde des immunoglobulines
Résumé
Les locus des immunoglobulines (Ig) et des récepteurs
des cellules T (TcR) sont propres aux vertébrés et
présentent une dynamique évolutive exceptionnelle dont
les modalités restent cependant à découvrir. Les gènes
des Ig et TcR sont assemblés au cours du développement
des lymphocytes, à partir des segments codants V, D, et
J, par un mécanisme spécifique appelé recombinaison
V(D)J. Ce mécanisme très particulier fait intervenir de
courtes séquences cibles adjacentes aux segments codants
appelées séquences « signal de recombinaison » (SSR).
Des travaux récents ont montré que la recombinaison
V(D)J pouvait avoir lieu dans les cellules germinales
des poissons cartilagineux [12]. Si un tel mécanisme
était avéré chez les mammifères, il pourrait expliquer les
importantes restructurations observées dans les locus
des Ig et des TcR au cours de l’évolution. Dans le cadre
de cette hypothèse, on s’attendrait alors à ce que les
segments codants et les SSR n’aient pas toujours évolué
comme une unité fonctionnelle. Autrement dit, des
analyses phylogénétiques menées indépendamment sur
les segments codants et leurs SSR adjacentes devraient
montrer des histoires évolutives différentes.
L’étude du locus de la région variable de la chaîne
lourde des Ig a permis de définir quatre types de SSR
chez l’homme : H1, H2, H3 et H5. L’analyse des
séquences disponibles dans les banques de données a
indiqué que les autres mammifères ne présentaient pas
de types de SSR autres que ceux découverts chez
l’homme. Les analyses phylogénétiques menées sur les
segments codants VH et leurs SSR adjacentes ont
montré qu’il y a eu remplacement d’une SSR de type
H2 par une SSR de type H3 au cours de l’évolution
des mammifères. Deux modèles sont proposés pour
rendre compte de ce remplacement : le premier implique
un crossing-over inégal, le second fait intervenir une
activation de la recombinaison V(D)J dans les cellules
germinales. Ce remplacement semble avoir été
sélectionné positivement au cours de l’évolution des
mammifères car les SSR H3 apparaissent plus efficaces
pour la recombinaison V(D)J que les SSR H2. The immunoglobulin (ig) and T cell receptor (tcr) loci of vertebrates present an exceptionally dynamic evolutionary history, but the mechanisms responsible remain unknown. Genes encoding the V, D, and J segments of antigen receptors are somatically rearranged in developing lymphocytes by a specialised Dna recombination mechanism called V(d)j recombination. This site-specific recombination requires the presence of short target sequences, named « Recombination Signal Sequences » (rss), which are adjacent to the coding segments V, D and J. Recently, V(D)J recombination has been reported in the germline of cartilaginous fishes. Assuming that germline V(D)J rearrangements also occurred during the mammal history, we expect to find that coding segments and RSSs were not always associated as a functional unit during evolution. In other words, the phylogenetic tree constructed from coding segments could be different from the one produced with the RSSs. This possibility is here examined by studying the complete human Ig heavy chain variable region (VH) locus. In this locus, four distinct types of RSS have been defined, namely H1, H2, H3, and H5. No other RSS type has been detected in other mammalian species. The phylogenetic analyses, performed on one hand on the coding VH segments and on the other hand on the adjacent RSSs, revealed that the type H2 RSS of one VH gene has clearly become replaced by a type H3 RSS during mammalian evolution. Two general models are proposed to explain the RSS swap: the first involves an unequal crossing-over, the second implicates germ-line activation of V(D)J recombination. The recombination event has likely been selected during the evolution of mammals because the type H3 RSS seem to provide better VDJ recombination efficiency than the type H2 RSS.
Pour citer ce document
Hassani A, Evolution des séquences "signal de recombinaison" dans le locus de la région variable de la chaîne lourde des immunoglobulines, Med Sci (Paris), 2001, Vol. 17, N° 11; p.1168-75