Une histoire de la lobotomie du point de vue des patients et des archives hospitalières

Abstract

L’histoire des neurosciences est logiquement écrite à partir de ce qui constitue le cœur de la discipline : un système nerveux et son organe central, le cerveau ; des approches scientifiques destinées à interpréter leur fonctionnement ; des techniques de représentations de ce système nerveux et des techniques d’action correctrice ; des individus et des institutions qui consacrent leurs moyens à la mise en œuvre de ces différents éléments. Plus rares sont les récits qui placent en leur cœur l’expérience des sujets qui sont soit des objets d’observation, soit des objets d’expérimentation, soit des objets de soin dans le cadre des approches neuroscientifiques. Or une approche historienne fondée sur le décentrement des objets de l’histoire des sciences permet d’enrichir un tel récit. C’est la démarche que je propose dans cet article à partir de travaux menés dans le cadre d’une enquête historique de longue durée sur les patients diagnostiqués schizophrènes en France au XXe siècle.

The history of the neurosciences is naturally written out of what constitutes the heart of the discipline: a nervous system and its central organ, the brain; scientific approaches designed to interpret their functioning; techniques for representing this nervous system and techniques for corrective action; individuals and institutions that devote their resources to the implementation of these different elements. Fewer are the narratives focusing on the experience of subjects who are either objects of observation, objects of experimentation, or objects of care within the framework of neuroscientific approaches. Yet a historical approach based on the decentring of objects in the history of science provides an opportunity to enrich such a narrative. In this article, I propose to take this approach on the basis of work carried out as part of a long-term historical survey of patients diagnosed with schizophrenia in France in the 20th century.