Polyhandicap

2024


Résumé

Aujourd’hui, quatre définitions de la notion de polyhandicap coexistent, qui possèdent un socle commun : le polyhandicap se réfère aux conséquences définitives d’une lésion survenue sur un cerveau en développement avec une déficience motrice sévère et une déficience mentale sévère à profonde, engendrant une restriction extrême de la communication, de l’autonomie et de la mobilité. S’y associent souvent des comorbidités, des déficiences sensorielles et des troubles du comportement.
En effet, l’événement causal qui altère la dynamique développementale du cerveau survient précocement. Il peut être anténatal (causes acquises ou génétiques), péri- ou postnatal (causes acquises). En l’absence de cause acquise confirmée, un diagnostic génétique peut être indiqué.
On estime en France un taux de prévalence du polyhandicap à 1/1 000 pour les générations nées dans les années 1970 et autour de 0,3-0,5/1 000 pour les générations nées dans les années 2000, faisant entrer le polyhandicap dans le champ des maladies rares. Une cohorte française de personnes polyhandicapées (Eval-PLH) qui inclut des enfants et des adultes est en cours. Les données à venir permettront, entre autres, d’évaluer le taux de mortalité et les causes de décès des personnes polyhandicapées. Néanmoins, d’autres études montrent que le taux de survie des personnes polyhandicapées est d’autant plus bas que les déficiences motrices et intellectuelles sont sévères et accompagnées d’autres déficiences ou pathologies.
Le polyhandicap est une entité clinique spécifique et complexe avec de nombreux troubles imbriqués ; il induit des situations d’une grande hétérogénéité et la prise en soins nécessite de tenir compte de chacun de ces troubles. Les déficiences motrices sévères et les déficiences mentales, évaluées comme sévères à profondes, appartiennent à l’entité même du tableau clinique du polyhandicap. S’agissant des troubles moteurs, la réadaptation via des interventions motrices a pour objectifs de favoriser la motricité volontaire par un apprentissage moteur, de prévenir les déficits secondaires (en particulier les déformations orthopédiques), et de favoriser des interventions directes sur les activités motrices via des adaptations, des aides techniques et autres innovations technologiques. S’agissant de la déficience intellectuelle, il faut favoriser les interactions entre personnes et une intégration dans des structures ordinaires (avec des conditions d’accueil adaptées et des personnes formées). Les troubles du comportement, fréquents, quand réactionnels aux conditions de vie de la personne polyhandicapée s’améliorent avec un environnement adapté et apaisant.
Les troubles associés au polyhandicap, notion qui se réfère ici à des comorbidités ou à des multimorbidités, sont nombreux et fréquents. L’épilepsie, parfois premier symptôme du trouble du neurodéveloppement, est souvent une comorbidité du handicap initial constituant un véritable « sur-handicap ». Les troubles respiratoires constituent la première cause de mortalité et la première cause d’hospitalisation en urgence. D’autres troubles sont fréquemment rencontrés : des perturbations de l’acte alimentaire et de la digestion (dysphagie, dénutrition, constipation, reflux gastro-œsophagien, etc.) ; une fragilité osseuse chez l’enfant et de l’ostéoporose chez l’adulte du fait de leur mobilité très restreinte ; des troubles nutritionnels fréquents ; des troubles du sommeil ; des perturbations de la puberté (retard ou précocité). La douleur est fréquente dans la population des personnes handicapées, parfois de façon chronique, dès le plus jeune âge et elle peut être multifactorielle. Il existe en outre un risque de sous-estimation de la douleur du fait des difficultés de son évaluation (outils d’hétéroévaluation).
L’évaluation des compétences et des déficiences de la personne polyhandicapée est complexe et nécessite des évaluations régulières de sa situation globale, de ses compétences et difficultés spécifiques (médicales, psychologiques, relationnelles). L’Échelle de sévérité du polyhandicap, validée en langue française, a été construite dans cet objectif. La plupart des autres outils d’évaluation sont partiellement validés, ce qui en limite l’accès et la fiabilité. L’évaluation de la qualité de vie est également nécessaire car elle permet de mieux garantir et de renforcer les droits fondamentaux des personnes polyhandicapées mais elle pose des questions éthiques et méthodologiques du fait de ses spécificités (telle que l’hétéroévaluation). Les méthodes proposées pour l’évaluer sont soit objectives, soit subjectives soit les deux comme l’échelle PolyQol dont l’utilisation est à généraliser.
Du fait de sa dépendance et de son extrême vulnérabilité physique et psychique, la personne polyhandicapée a besoin d’un haut niveau d’attention et de soin. En parallèle des soins médicaux, l’accompagnement de la personne polyhandicapée est également crucial au niveau des dimensions éducative et sociale, en particulier pour la communication, les apprentissages, l’inclusion, la scolarisation et la participation sociale. La communication, droit humain fondamental, se situe au centre des méthodes d’accompagnement de la personne polyhandicapée : la mise en place d’une communication multimodale avec elle est indispensable. Les moyens de communication alternative et améliorée (CAA) proposés doivent être adaptés à ses capacités motrices et cognitives. La personne polyhandicapée a la possibilité d’apprendre tout au long de sa vie avec des aménagements adéquats, une évaluation de ses déficiences, de ses potentialités et de ses modalités de communiquer, et la prise en compte de sa trajectoire personnelle d’évolution. Les enfants polyhandicapés ont le droit d’accéder à une scolarisation ajustée à leurs besoins : réfléchir aux types d’apprentissages qui leur seraient bénéfiques correspond à la fois à une injonction légale et à la préoccupation éthique de leur offrir le meilleur développement possible. Une inclusion relative permet de construire un parcours de scolarisation « sur mesure » avec la coopération des équipes d’appui médico-social et des équipes éducatives et pédagogiques des établissements scolaires ordinaires. Concernant la participation sociale, les personnes polyhandicapées peuvent participer aux diverses activités de la vie quotidienne et sociale grâce à certaines aides, méthodes, outils, et grâce à l’adaptation de leur environnement. Sur le plan de la vie affective et sexuelle, il faut à la fois reconnaître et prendre en compte les manifestations de sexualité de la personne, sans négliger ce qui relève de sa vie affective.
Le polyhandicap implique donc un accompagnement global et individualisé, tout au long de la vie, afin de proposer à la personne un projet de vie adapté à l’ensemble de ses besoins et à son évolution personnelle. La famille, les aidants et les professionnels, également très impactés par le polyhandicap sur le plan concret et émotionnel, tiennent une place prépondérante dans cet accompagnement. L’évaluation des besoins, leur mise en place coordonnée et leur adaptation à l’avancée en âge, nécessitent une multidisciplinarité des approches et une coordination complexe. En France, le système de soins unique mis en œuvre avec la filière de prise en soins des personnes polyhandicapées devrait permettre de répondre à l’ensemble de leurs besoins tout au long de leur vie. La labélisation de centres de référence et compétence polyhandicaps de causes rares est une opportunité unique pour mieux répondre aux besoins de prises en soins non couverts, à condition que la complexité des soins et la vulnérabilité des patients puissent être mieux prises en compte, en particulier à l’hôpital. Cependant, ce parcours de soins qui nécessite coordination et continuité n’est pas toujours optimal. Il est essentiel d’effectuer un repérage et un diagnostic précoces du polyhandicap chez l’enfant, en impliquant les familles dès le début et en offrant un soutien adéquat. Des interventions précoces doivent être proposées, tout en favorisant l’accueil dans des environnements inclusifs de la petite enfance en partenariat avec les services spécialisés. La transition vers l’âge adulte, processus continu qui débute entre 13 et 15 ans, reste difficile avec des implications médicales, sociales, juridiques pour la personne elle-même et pour sa famille. De façon globale, la sévérité du polyhandicap s’accroît avec l’âge et cela a pour conséquence une majoration du niveau de dépendance de la personne déjà très important. La fin de vie de la personne polyhandicapée soulève de multiples enjeux éthiques et de moyens ; c’est un sujet complexe et sensible qui pose des défis importants, notamment à tout l’entourage, qu’il soit familial ou professionnel.
Enfin, il est fondamental d’insister sur la vulnérabilité majeure, à la fois physique, psychique et communicationnelle, qui caractérise le polyhandicap : cette vulnérabilité renforce les risques de maltraitance, dont les formes, volontaires ou involontaires, peuvent se cumuler. Pour prévenir la maltraitance, des groupes d’analyse de la pratique, une formation continue solide, l’instauration d’une culture de la bientraitance et d’une cellule de veille dans les établissements et services sont nécessaires, mais ne peuvent évidemment pas se substituer à des moyens humains suffisants avec des équipements adaptés.
Les conclusions et les recommandations émanant de cette expertise apportent des éléments nouveaux et utiles pour aider à répondre aux interrogations sur notre comportement et notre considération vis-à-vis des personnes polyhandicapées.

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