2010


ANALYSE

7-

Pratiques à risque chez les fumeurs de crack

En France, la population des consommateurs de crack a fait l’objet de peu de recherches tant épidémiologiques que sociologiques et elle est donc encore mal connue. La population des usagers de crack est actuellement estimée entre 6 000 et 10 000 personnes par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) à partir d’estimations basées sur les files actives de structures spécialisées accueillant des usagers de drogues (Chalumeau et coll., 2010renvoi vers). Le phénomène du crack en métropole est encore aujourd’hui essentiellement concentré dans le Nord-Est parisien. Les principales données épidémiologiques disponibles sur les usagers de crack en France sont issues de l’étude ANRS-Coquelicot réalisée entre 2004 et 2007 dans 5 villes (Lille, Strasbourg, Paris, Bordeaux, Marseille)1 (Jauffret-Roustide et coll., 2006arenvoi vers et brenvoi vers, 2009renvoi vers). Dans cette enquête, le crack/free base était le premier produit illicite consommé dans le dernier mois (par 30 % des usagers de drogues), avant la cocaïne (27 %) et l’héroïne (21 %).
Une revue de la littérature réalisée en 2006 (Scheinmann et coll., 2007renvoi vers) met en évidence une prévalence du VHC beaucoup plus élevée chez les usagers de drogues non injecteurs que dans la population générale. Ainsi, la prévalence du VHC dans des populations d’usagers de drogues non injecteurs oscille entre 2,3 et 35,3 % (Scheinmann et coll., 2007renvoi vers).
Ces résultats ont conduit à s’interroger sur des vecteurs de transmission liés à l’usage de drogues en dehors de la pratique d’injection. Au début des années 2000, des débats ont porté sur la question de l’implication du sniff sans pouvoir réellement conclure sur ce lien (Galperim et coll., 2004renvoi vers; Scheinmann et coll., 2007renvoi vers)2 . En parallèle, l’usage de crack par voie fumée est présenté comme un facteur de risque de l’infection au VHC, même quand il est ajusté sur la pratique d’injection (Nyamathi et coll., 2002; Wolff et coll., 2008renvoi vers; Jauffret-Roustide et coll., 2009renvoi vers). Un des critères de validation de ce lien réside dans la pluridisciplinarité des sources qui se complètent et se confortent.
La revue de la littérature effectuée dans ce chapitre comprend des articles appartenant au domaine de l’épidémiologie, de la virologie et de la socio-anthropologie, ce qui permet d’aborder la question de l’exposition au risque VHC chez les consommateurs de crack dans sa complexité.

Épidémiologie du VHC et comportements chez les consommateurs de crack

Dans la littérature internationale, la prévalence du VHC parmi les consommateurs de crack est particulièrement élevée et peut atteindre 50 à 75 % (Fischer et coll., 2008renvoi vers; Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers). En France, d’après l’enquête ANRS-Coquelicot, la prévalence du VHC chez les consommateurs de crack s’élevait à 72 % et à 45 % chez les consommateurs de crack déclarant n’avoir jamais injecté dans leur vie (Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers).
Les observations de terrain en France, de type ethnographique, ont montré que l’utilisation et le partage des outils liés à la consommation de crack (cutter, fils électriques, pipe en verre) pouvaient provoquer des lésions mains-bouche chez les fumeurs et constituer des portes d’entrée pour la transmission du VHC (Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers). Ces observations issues de « savoirs de terrain » mettent en évidence le fait que les différentes séquences de la préparation et de la consommation de crack fumé exposent les usagers à la transmission du VIH et du VHC de différentes manières. L’utilisation du cutter pour débiter la galette en cailloux est souvent associée à des coupures aux doigts. Le partage quasi systématique de cet outil avec les autres outils en fait un vecteur possible d’agents infectieux. La fabrication du filtre à partir de fils de cuivre récupérés (fils de téléphone, d’appareil électronique...) a pour conséquence l’apparition de coupures et d’abcès sur les doigts des usagers. Couplée au partage du cutter, cette pratique devient potentiellement dangereuse ; ceci pousse à la réflexion autour de la mise au point de filtres déjà préparés distribués aux usagers de drogues. Enfin, l’utilisation du doseur à pastis en verre comme pipe (outil choisi par les usagers à partir des années 1990) entraîne des brûlures, des plaies, des lésions ulcérées et des coupures autant sur les lèvres que dans la bouche. L’utilisation de pipes en verre facilement cassables et conduisant très bien la chaleur provoque des plaies et des gerçures importantes aux lèvres des fumeurs (Faruque et coll., 1996renvoi vers; Ward et coll., 2000renvoi vers). Lors du partage de ces pipes à crack, un usager peut, à travers ses plaies buccales, y déposer une petite quantité de sang, qui peut entraîner la contamination d’autres usagers de drogues présentant également ce type de lésions (Hagan et coll., 2005renvoi vers).
Récemment, dans la littérature internationale, des articles de plus en plus nombreux se sont intéressés à l’implication du partage de la pipe à crack comme vecteur de transmission du VHC. La prévalence de cette pratique à risque est particulièrement élevée et peut concerner jusqu’à 81 % des consommateurs de crack (Jauffret-Roustide, 2009renvoi vers). Discutée dans quelques études (Howe et coll., 2005renvoi vers), l’implication de cette pratique de partage de la pipe à crack semble être une des hypothèses plausibles pour expliquer à la fois la prévalence élevée du VHC chez les consommateurs de crack non injecteurs et une partie des cas de VHC inexpliqués par les voies de contaminations connues (Tortu et coll., 2004renvoi vers; Macias et coll., 2008renvoi vers). Ces apports épidémiologiques sont confortés par les données virologiques révélant la présence du virus de l’hépatite C dans les sécrétions nasales (McMahon et coll., 2004renvoi vers), dans la salive (Hermida et coll., 2002renvoi vers; Suzuki et coll., 2005renvoi vers), et sur des pipes à crack usagées (Fisher et coll., 2008renvoi vers).
En France, l’enquête ANRS-Coquelicot a mis en évidence que la consommation de crack par voie fumée constituait un facteur de risque de séropositivité au VHC, après avoir été ajusté sur le facteur de risque majeur que constitue l’injection (Jauffret-Roustide et coll., 2009renvoi vers). L’ajustement est effectué sur la pratique d’injection dans la vie (tableau 7.I).

Tableau 7.I Facteurs indépendamment associés à la séropositivité au VHC parmi les usagers de drogues, Enquête ANRS-Coquelicot 2004-2005 (N=794) (d’après Jauffret-Roustide et coll., 2009renvoi vers)

Variable
 
Odds Ratio
IC 95 %
Âge
< 30 ans
1,00
 
 
≥ 30 ans
3,44
1,46-8,12
Logement
Stable
1,00
 
 
Précaire
1,80
0,99-3,27
Séropositivité VIH
Négatif
1,00
 
 
Positif
29,17
9,79-86,87
Injection dans la vie
Non
1,00
 
 
Oui
9,25
4,02-21,27
Usage de crack (dernier mois)
Non
1,00
 
 
Oui
2,65
1,19-5,91
Traitement de substitution aux opiacés (6 derniers mois)
Non
1,00
 
 
Oui
3,24
1,01-10,37
Les données françaises en accord avec les données internationales sur le lien entre la contamination par le VHC et la consommation de crack par voie fumée, viennent conforter l’hypothèse que le partage de pipes à crack constitue un facteur de transmission du VHC chez les usagers de drogues non injecteurs.

Programmes de réduction des risques adaptés aux consommateurs de crack

Les données épidémiologiques présentées ci-dessus posent la question du risque de transmission du VHC lié à l’utilisation de crack. Cette question reste néanmoins peu prise en compte par la politique de réduction des risques en France. Le référentiel fondateur de la réduction des risques a, en effet, été pensé uniquement autour de la figure de l’héroïnomane injecteur des années 1980 (Cheung, 2000renvoi vers; Jauffret-Roustide, 2004renvoi vers). Les priorités des autorités dans ce domaine, en France et au niveau international, restent aujourd’hui centrées exclusivement sur la pratique de l’injection et des actes préparatoires à l’injection (Haydon et Fischer, 2005renvoi vers; Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers), qui constitue le vecteur majeur de la transmission du VHC et du VIH dans la population des usagers de drogues.
Depuis les années 1990, d’autres produits tels que la cocaïne, le crack/free base et d’autres modes de consommation tels que le recours à la voie fumée constituent des tendances fortes en Europe et en Amérique du Nord. En France, l’enquête ANRS-Coquelicot a mis en évidence que le crack/free base était le premier produit consommé par les usagers de drogues dans le dernier mois ; à hauteur de 30 %, avant la cocaïne (27 %) et l’héroïne (21 %) (Jauffret-Roustide et coll., 2006arenvoi vers et brenvoi vers). Cette situation reste toutefois plutôt spécifique à la région Île-de-France, même si une tendance à l’augmentation de crack/free base semble se dessiner dans certaines villes telles que Bordeaux ou Rennes.
Peu d’attention a été portée aux modes de consommations tels que l’usage de crack par voie fumée et aux profils de consommateurs (Haydon et Fischer, 2005renvoi vers). Afin d’être pleinement efficace, la politique de réduction des risques doit prendre en compte l’évolution des pratiques d’usage. La distribution de matériel spécifique pour les usagers de drogues non injecteurs est un moyen de capter une population particulièrement vulnérable aux risques infectieux et de la sensibiliser aux messages de prévention. Par ailleurs, la population des usagers de crack présente de nombreux facteurs de vulnérabilité sociale, économique, sanitaire qui se renforcent mutuellement.
Le Canada occupe une place innovante dans le domaine de la réduction des risques liée à la consommation de crack en mettant en œuvre des programmes de distribution de matériel de réduction des risques spécifique (Leonard et coll., 2006renvoi vers; Boyd et coll., 2008renvoi vers). Plusieurs villes, telles que Vancouver, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal, Guelph, White Horse, Halifax ou encore depuis peu Gatineau, ont fait le choix de s’engager dans ce type d’action (Conseil municipal d’Ottawa, 20073 ). Ces programmes de distribution de kits crack sont l’objet de controverses, à l’instar des programmes d’échange de seringues au moment de leur mise en place (Haydon et Fischer, 2005renvoi vers) et restent donc fragiles à implanter sur le long terme (Symington, 2007renvoi vers).
Le matériel de réduction des risques distribué comprend un tube de pyrex, des embouts en plastique, des filtres (sous la forme de grilles métalliques), des préservatifs, des baumes à lèvres, des compresses alcoolisées, des lingettes pour les mains et de la gomme à mâcher pour saliver. Une évaluation (de type avant/après) de la mise à disposition de pipes en pyrex destinées à limiter la transmission du VHC dans cette population a été menée dans la ville d’Ottawa (Leonard et coll., 2006renvoi vers et 2008renvoi vers). Cette évaluation indique que les usagers de crack ont adhéré de manière immédiate, importante et soutenue à la distribution de matériel de consommation. Elle met également en évidence que suite à la disponibilité de ce nouvel outil de réduction des risques, les usagers de crack ont diminué leur pratique de partage de la pipe à crack et renoncé à l’injection pour préférer la voie fumée. Les chercheurs se sont penchés, dans cette étude, sur l’estimation des prévalences du VIH et du VHC aux différentes phases de l’enquête. Aucune différence significative n’a été notée, ce qui peut néanmoins s’expliquer par la petite taille de l’échantillon (environ 120 usagers de drogues) et le fait que l’effet protecteur de l’outil nécessite plus de temps d’exposition pour être observé. Ce programme de réduction des risques a cependant permis de capter de nouvelles populations d’usagers de drogues qui ne fréquentaient pas les structures de réduction des risques, par manque de matériel adapté à leurs besoins. Cette enquête met donc en évidence l’efficacité du programme de distribution de pipes à crack en termes de réduction des risques, tant sur le plan du comportement à risque infectieux (recul du partage de la pipe à crack et de l’injection) que sur le plan social (prise de contact avec des populations isolées).
Un programme similaire a également fait l’objet d’une évaluation à Vancouver. Ce programme a mis l’accent sur l’importance de la prise en compte des pratiques des usagers et de leur point de vue, en intégrant la dimension de l’éducation par les pairs (Boyd et coll., 2008renvoi vers). Par ailleurs, la ville de Vancouver qui a mis en place des salles d’injections supervisées a alors envisagé l’extension de ce dispositif aux usagers de drogues par voie fumée, s’inspirant des modèles existant dans plusieurs pays européens (Shannon et coll., 2006renvoi vers). En effet, en Europe, des salles de consommations de drogues existent en Suisse, en Hollande, en Allemagne, au Luxembourg, en Norvège et en Espagne (Hunt, 2006renvoi vers). Ces dispositifs de réduction des risques comprennent un espace destiné à l’injection, et parfois, un espace destiné à la consommation de produits par voie fumée ou sniffée. Ces infrastructures mettent à la disposition des usagers de drogues du matériel stérile de consommation par voie fumée, un environnement sécurisé et hygiénique pour consommer, et diffusent des messages de prévention et en particulier les techniques les plus sûres pour la consommation de produits non injectés. La présence d’un personnel qualifié permet de conseiller les usagers sur la réduction des risques et de prévenir les overdoses. Par ailleurs, ces dispositifs ont pour objectifs secondaires de réduire l’usage de drogues en milieu public et d’éviter la transition de la consommation par voie fumée à l’injection (Shannon et coll., 2006renvoi vers).

Premières expérimentations menées et évaluées en France

En France, la population des consommateurs de crack a fait l’objet de peu de recherches tant épidémiologiques que sociologiques et est donc encore mal connue. Les usagers de crack constituent une population stigmatisée au sein même du « monde de la drogue ». La volonté d’une partie des usagers de drogues de se démarquer des « crackeurs » a certainement contribué au décalage dans l’évaluation de l’ampleur du problème du crack en France. Les premières données épidémiologiques disponibles sur les usagers de crack du Nord-Est parisien sont issues de l’étude ANRS-Coquelicot réalisée fin 2004 par l’Institut de veille sanitaire (Jauffret-Roustide et coll., 2006arenvoi vers et brenvoi vers). L’enquête ANRS-Coquelicot portait sur des usagers de drogues pris en charge dans des dispositifs spécialisés et chez des médecins généralistes. Parmi ces usagers pris en charge, le crack était le premier produit illicite consommé dans le dernier mois (par 30 % des usagers de drogues).
Une sous-analyse portant sur les usagers de crack du Nord-Est parisien publiée récemment (Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers) montre que cette population est plus féminine (40 %) que celle présente habituellement dans les études portant sur les usagers de drogues pris en charge dans le dispositif spécialisé (proportion de femmes de l’ordre de 20 %). L’âge moyen des usagers de crack est de 36,7 ans pour les hommes et de 33,5 ans pour les femmes. Les profils de ces usagers de crack sont marqués par une précarité sociale extrême, un tiers d’entre eux (31 %) vivent dans la rue ou dans un squat. Leur exclusion concerne également l’emploi puisque 8 sur 10 ne travaillent pas et la majorité d’entre eux (81 %) ont connu la prison au cours de leur vie. Malgré l’amélioration de l’accessibilité au matériel stérile, les pratiques à risque persistent tant vis-à-vis de l’injection que des autres modes de consommation. Dans le dernier mois, plus de 80 % d’entre eux déclarent avoir partagé leur pipe à crack.
Sur le terrain, quelques associations impliquées dans la réduction des risques à Paris délivrent du matériel sous forme d’embouts pour pipes à crack, de « doseurs », éventuellement sous forme de kit base depuis 2002 (Espoir Goutte d’Or, 2004renvoi vers). Cette initiative, en plus de réduire les risques infectieux en limitant le partage de la pipe à crack, permet aux centres d’accueil d’établir un contact avec des usagers de drogues « cachés » (Fischer et coll., 2006renvoi vers). Le passage des consommateurs de crack dans les dispositifs de réduction des risques leur permet par ailleurs de rester en lien avec des intervenants voire d’entamer des démarches en matière de soins et d’insertion. Les différents outils, distribués actuellement au sein de quelques structures parisiennes (Ego, Charonne, Ipssud, Gaïa, Aides) dans un cadre expérimental, ne sont pas scientifiquement validés en termes d’impact sur la transmission du VHC et du VIH chez les usagers de drogues. De plus, aucun de ces outils actuellement disponibles ne semble faire consensus dans le champ des intervenants spécialisés, certains distribuant des embouts, d’autres des doseurs ou des kits.
Face à un contexte d’augmentation de la consommation de cocaïne/crack, la France s’est très récemment impliquée en mettant en place un programme de recherche spécifique, s’inspirant en partie du modèle d’évaluation du programme mené à Ottawa. Ce projet de recherche met en œuvre une dynamique partenariale entre acteurs de la recherche (InVS, Cermes 3), acteurs de terrains (Collectif inter-Caarud) et usagers de crack (Jauffret-Roustide et coll., 2008renvoi vers; Jauffret-Roustide et coll., 2010renvoi vers). Les premiers résultats de l’évaluation « pipes à crack » devraient être disponibles en 2011, mais les usagers de drogues bénéficieront de l’outil (tube en pyrex, embouts et filtres) dès le premier semestre 2010 dans le cadre d’une expérimentation en Île-de-France, restreinte dans un premier temps aux Caarud participant à l’enquête à Paris et à Saint-Denis.
Des décisions politiques récentes tendent à intégrer les risques liés à d’autres pratiques que l’injection dans la politique de réduction des risques. Ainsi, dans le cadre de la loi de Santé Publique, le décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 propose notamment la « distribution de matériel de prévention » et vise entre autres « la prévention de la transmission interhumaine d’agents infectieux et des risques septiques : tampons alcoolisés, flacons d’eau stériles, filtres stériles, cupules stériles, seringues, matériel pour fumer ou inhaler la cocaïne, le crack ou l’héroïne, pansements ». L’ouverture d’un CSST (centre spécialisé de soins aux toxicomanes) orienté vers l’accueil des usagers de crack par l’association Ego (Espoir goutte d’or) le 1er janvier 2007 révèle également la prise en compte des besoins spécifiques de ces usagers de drogues en termes de prise en charge sanitaire. Différents plans gouvernementaux (Plan Mildt, 2008arenvoi vers et brenvoi vers) ont également récemment intégré la nécessité d’adapter les outils de réduction des risques à la consommation de crack, sur la base d’évaluations scientifiques.
La consommation de cocaïne, de crack ou de méthamphétamine induit des comportements diversifiés concernant le rapport à l’injection et les pratiques à risque, à la fois en raison des effets des produits, des profils des consommateurs et des contextes d’usage associés. Ainsi, la littérature internationale montre que les injecteurs de méthamphétamine plus jeunes, semblent avoir été moins exposés aux messages de prévention des risques infectieux que les consommateurs d’héroïne, en partie parce qu’ils sont peu en contact avec des programmes de réduction des risques (Zule et Desmond, 1999renvoi vers). La persistance des pratiques à risque semble concerner tout particulièrement les jeunes usagers de drogues (Jauffret-Roustide et coll., 2006arenvoi vers et brenvoi vers) et peut être liée à un effet de génération. Les plus jeunes usagers n’ont pas bénéficié de la transmission de messages de prévention par les pairs, et sont moins sensibilisés aux risques infectieux n’ayant pas connu le contexte de décimation des héroïnomanes par l’infection par le VIH dans les années 1980 (Emmanuelli et coll., 2003renvoi vers).
En conclusion, la littérature internationale et les enquêtes françaises montrent une prévalence du VHC élevée parmi les consommateurs de crack non injecteurs (45 % en France). Elles suggèrent également que le partage de pipes à crack constitue un facteur de transmission du VHC chez les usagers de drogues non injecteurs. Ces données renvoient à la nécessité d’adapter la réduction des risques en mettant de nouveaux outils à la disposition des usagers et de promouvoir des démarches évaluatives associant chercheurs, acteurs de terrain et usagers de drogues. Par ailleurs, les profils des usagers de crack sont marqués par une précarité sociale extrême, ce qui justifie d’améliorer leur qualité de vie de manière plus globale et de prendre en compte également leur demande d’aide à l’arrêt de l’usage. Afin d’être réellement efficace, la politique de réduction des risques doit s’inscrire dans une démarche gradualiste et doit prendre en considération la dimension des inégalités sociales de santé.

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