Activité physique et prévention des chutes chez les personnes âgées
2015
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Parmi les personnes âgées qui vivent à leur domicile, près d’une personne de plus de 65 ans sur trois et une personne de plus de 80 ans sur deux chutent chaque année. Parmi celles qui chutent, la moitié font des chutes répétées (deux chutes ou plus au cours d’une année). La majorité des fractures qui surviennent chez les personnes âgées sont la conséquence d’une chute, et les chutes représentent la principale cause de décès par traumatisme chez les personnes de plus de 65 ans. Par ailleurs, il est très probable que les données sur le nombre de chutes, notamment celles sans conséquence grave, soient sous-estimées, car les personnes âgées n’évoquent pas volontiers leurs chutes ou les oublient.
Dans le but de réduire les chutes chez les personnes âgées, plusieurs initiatives, plans et orientations ont été menés en France : entre autres, en 2004, la Loi de santé publique avait pour objectif une diminution du nombre annuel de chutes de 25 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans à l’horizon 2008 ; en 2009, la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) en partenariat avec la Haute autorité de santé (HAS) ont proposé des recommandations de bonnes pratiques sur l’évaluation et la prise en charge des personnes âgées faisant des chutes répétées. Auparavant, dans une approche plus globale, le réseau francophone de prévention des traumatismes et de promotion de la sécurité avait publié en 2005 (Inpes, 2005) un référentiel de bonnes pratiques sur la prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à domicile.
Au vu de leur fréquence et de leurs conséquences sanitaires et sociales (traumatismes physiques et psychologiques, perte d’autonomie et diminution de la qualité de vie), mais également économiques, les chutes constituent un réel problème de santé publique. Elles représentent une des causes principales d’hospitalisation chez les personnes âgées, et les chutes répétées entraînent souvent l’entrée en institution.
Cependant, la chute n’est pas une fatalité liée à l’âge. La cause d’une chute est souvent multifactorielle, résultant d’interactions entre différents facteurs de risque liés à la personne elle-même, à son état de santé, à ses capacités fonctionnelles, à des facteurs comportementaux et aux caractéristiques de son environnement. Certains de ces facteurs peuvent être prévenus ou retardés et faire l’objet de mesures correctrices. Plusieurs niveaux d’intervention sont possibles, depuis une information générale sur les facteurs de risque liés à l’avancée en âge jusqu’à une prise en charge en rééducation fonctionnelle individuelle après une chute traumatique. Parmi les multiples actions de prévention mises en place, les programmes d’exercices physiques reposant sur le travail de l’équilibre se sont révélés efficaces dans la réduction des chutes chez les personnes âgées vivant à leur domicile. L’activité physique peut non seulement prévenir les chutes mais également améliorer et maintenir la mobilité, les capacités fonctionnelles, la vie sociale et la qualité de vie des personnes âgées. Les chutes traumatiques pouvant conduire à une perte d’autonomie de la personne âgée, la prévention des chutes doit mobiliser tous les acteurs concernés : non seulement les personnes âgées mais également les proches, les aidants, les professionnels de santé et les acteurs territoriaux.
1. Sensibiliser et informer sur les chutes, identifier les personnes âgées à risque de chute
Chez les personnes âgées, la chute est rarement un simple accident dû au hasard. Il est possible de repérer des personnes à plus haut risque de chute que d’autres, grâce à des questions (sur les antécédents de chutes, la prise de médicaments psychotropes…) et des tests cliniques simples. De même, la sensation d’instabilité, des difficultés de marche et la peur de tomber peuvent être des signes d’alerte pour la personne âgée ou son entourage. La chute, surtout si elle est répétée, ne doit pas être « banalisée », car elle témoigne d’un état de fragilité (c’est-à-dire d’un risque accru de devenir dépendant) et d’un mauvais état de santé de la personne.
Sensibiliser et informer les personnes âgées et leurs proches sur le risque de chute, les conséquences et la prévention des chutes
Bien que peu d’études et recommandations ciblent le rôle des proches (familles ou aidants familiaux), ceux-ci pourraient jouer un rôle d’alerte dans la prévention des chutes : c’est-à-dire en plus de repérer les chutes, percevoir une peur de tomber, observer des difficultés de marche, et identifier des risques de chute associés à l’environnement ou à l’état de santé de la personne âgée. Les proches peuvent inciter la personne âgée à en parler au médecin traitant, l’aider à corriger certains facteurs de risque et l’encourager à maintenir une activité physique. Cependant, l’anxiété et l’inquiétude des proches vis-à-vis de la chute peuvent les conduire à porter un regard négatif sur la pratique d’une activité physique par leurs aînés et freiner ainsi l’engagement de ces derniers.
Le groupe d’experts recommande de sensibiliser la population générale sur le risque de chute chez les personnes âgées, sur les conséquences des chutes et leur caractère potentiellement évitable. Il recommande plus particulièrement d’informer les personnes âgées sur les facteurs de risque (antécédents de chute dans l’année écoulée, mauvaise acuité visuelle, troubles de l’équilibre et de la marche, prise de médicaments psychotropes, dangers de l’habitat…) et sur les moyens d’en corriger certains.
Ces informations pourraient être diffusées par les médias comme par d’autres vecteurs (caisses d’assurance maladie, mutuelles, médecins, pharmaciens…). Pour être efficaces, les messages de prévention doivent mettre en avant les bénéfices d’un bon équilibre sur la mobilité, l’autonomie, le bien-être et la qualité de vie, plutôt que de porter seulement sur la prévention et les conséquences des chutes. Ils doivent être adaptés à tous les groupes d’âge et à toutes les catégories sociales pour toucher une population large, au-delà des personnes habituellement sensibles aux mesures de prévention en santé.
Sensibiliser les professionnels de santé à l’évaluation du risque de chute et au repérage de la fragilité
Étant donné la fréquence des chutes et leurs conséquences multiples et graves chez les personnes âgées ainsi que la possibilité de les éviter, il est indispensable d’identifier les sujets à risque de chute afin de leur proposer une prise en charge adaptée visant à prévenir les chutes et leurs conséquences.
Dans la plupart des cas de chute, il n’est pas observé de problèmes pathologiques particuliers. La chute résulte le plus souvent de multiples déficiences liées au vieillissement. De nombreux facteurs liés à la santé augmentent le risque de chute. Il s’agit de pathologies chroniques (déficits sensoriels, maladie d’Alzheimer et autres démences, maladie de Parkinson, diabète, dépression…), de syndromes gériatriques (dénutrition, hypotension orthostatique…) ou de médicaments (polymédication et prise de médicaments psychotropes notamment). D’autres conditions peuvent augmenter la gravité de la chute comme l’ostéoporose, l’incapacité à se relever du sol. La fragilité, définie par une diminution des capacités de réserves fonctionnelles, est associée à un risque élevé de chute, de chute grave, de déclin fonctionnel, de dépendance, d’entrée en institution et de décès. Selon cette définition, 25 à 50 % des sujets de plus de 85 ans peuvent être considérés comme fragiles. En France, selon l’étude Share (Survey of Health, Aging and Retirement in Europe), 15 % (12,2-17,8 %) des plus de 65 ans seraient fragiles.
Le groupe d’experts recommande une évaluation au moins annuelle du risque de chute pour toute personne âgée. Cette tâche incombe en premier lieu au médecin généraliste mais peut aussi être réalisée par d’autres professionnels de santé amenés à intervenir auprès de la personne âgée.
Le groupe d’experts recommande qu’une attention particulière soit portée par le médecin traitant et les professionnels de santé, aux sujets âgés en population générale présentant un ou plusieurs facteurs de risque de chute. La HAS a émis des propositions d’outils de repérage pour les médecins traitants et acteurs de soins paramédicaux
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Quoique les données de la littérature scientifique ne permettent pas de conclure sur la supériorité d’un outil particulier pour aider les médecins généralistes ou les professionnels de santé à identifier en population générale, des personnes âgées à risque de chute, les sociétés savantes s’accordent sur le fait que ce repérage doit reposer sur la question « Êtes-vous tombé cette année ? », et, si oui, « Combien de fois ? » ainsi que sur la réalisation dans des conditions rigoureuses, d’un test simple et rapide d’équilibre et de marche. Le test le plus souvent proposé est le Timed Up and Go Test, c’est-à-dire le Get Up and Go Test chronométré. Il consiste à mesurer le temps nécessaire à la personne âgée pour réaliser l’épreuve suivante : se lever d’une chaise avec dossier, faire trois mètres, faire demi-tour, revenir vers la chaise et se rasseoir. Quoique la valeur seuil soit discutée, un temps égal ou supérieur à 14 secondes pourrait témoigner d’une difficulté posturale, d’un trouble de la mobilité pouvant être à l’origine d’un risque de chute.
La présence de troubles révélés par ces tests doit conduire à la recherche des facteurs du risque de chute et à leur prise en charge. Pour cela, le médecin généraliste peut s’appuyer sur une évaluation multifactorielle effectuée lors d’une consultation gériatrique qui préconisera les mesures de prévention des chutes à mettre en œuvre.
La population des personnes fragiles et celle des personnes à risque élevé de chute, c’est-à-dire de sujets ayant des troubles manifestes de l’équilibre et de la marche, un Timed Up and Go Test supérieur à 14 secondes, ou ayant fait plusieurs chutes dans l’année écoulée, ou encore ayant fait une chute grave (avec fracture ou suivie d’une station prolongée au sol) se recouvrent largement sans toutefois se confondre. Néanmoins, ces différentes populations relèvent toutes d’une prise en charge de même nature. Pour ces personnes, le groupe d’experts recommande une évaluation multifactorielle en consultation ou hospitalisation de jour gériatrique afin d’aider ensuite le médecin à la mise en place des mesures de prévention personnalisées qui ont montré une efficacité à réduire l’incidence des chutes.
Agir face à la consommation excessive de médicaments psychotropes chez les personnes âgées
De nombreux arguments physiopathologiques, cliniques, biologiques, expérimentaux et épidémiologiques supportent l’hypothèse d’un rôle des médicaments psychotropes dans la survenue de chutes. La prise de médicaments psychotropes multiplie par deux le risque de chute. Le rôle des médicaments psychotropes dans la survenue de chutes est d’autant plus important que leur utilisation est particulièrement élevée chez les sujets âgés avec un rapport bénéfice/risque souvent faible dans cette population. Il faut souligner que les effets indésirables des médicaments sont surtout évalués chez les personnes robustes et probablement sous-estimés chez les personnes très âgées et fragiles pour lesquelles les médicaments sont les plus prescrits.
Le groupe d’experts recommande que les ordonnances des patients âgés soient réévaluées régulièrement et que les prescriptions inappropriées et les interactions médicamenteuses soient repérées. Il convient également que médecins et pharmaciens informent les personnes âgées du risque de chute associé à la prise de certains médicaments, notamment les psychotropes. Il recommande qu’une évaluation du risque de chute soit effectuée avant toute primo-prescription de médicaments psychotropes.
Pour une meilleure évaluation bénéfice/risque, le groupe d’experts préconise que la chute soit intégrée aux effets indésirables dans les suivis de pharmacovigilance.
Assurer une prise en charge post-chute des patients âgés accueillis aux urgences
La majorité des personnes âgées se présentant à l’hôpital dans le cadre des suites d’une chute bénéficient rarement d’une prise en charge adéquate, visant à réduire le risque de nouvelle chute et de chute grave. En l’absence de traumatisme important, elles sont trop souvent autorisées à rentrer chez elles sans prise en charge appropriée, ni même aucune recommandation. La chute constitue pourtant une alerte et une opportunité pour prévenir le risque de récidive. Dans les cas de chutes graves avec fracture, la rééducation est trop souvent uniquement orthopédique.
Le groupe d’experts recommande qu’une personne âgée accueillie aux urgences suite à une chute, puisse bénéficier d’une évaluation des facteurs de risque de chute et de la mise en place de mesures correctives. Le facteur de risque « peur de tomber » ne doit pas être négligé afin d’éviter l’installation d’un cercle vicieux de chutes à répétition. Le groupe d’experts préconise que les services d’accueil des urgences s’appuient sur les Unités mobiles gériatriques pour orienter le patient chuteur vers un service approprié ou, en cas de retour immédiat à domicile, initient une prise en charge et un suivi gériatrique adaptés. Pour les personnes accueillies aux urgences pour chute, comme pour celles sortant de services de soins de suite après un traumatisme lié à une chute, il recommande de mettre en place des parcours de soins et des programmes de prévention des chutes individualisés. Ces programmes individualisés au domicile doivent intégrer une évaluation des différents facteurs de risque de chute de la personne âgée.
2. Développer des programmes d’activités physiques adaptés à l’état de santé des personnes âgées
Recommander une pratique régulière d’activité physique à tout âge pour prévenir les chutes et conserver une autonomie fonctionnelle avec l’avancée en âge
Les études montrent que la pratique régulière d’activité physique est associée à de meilleures conditions physiologiques à tout âge au niveau cardio-respiratoire comme au niveau musculaire. Les sujets ayant pratiqué une activité physique tout au long de leur vie comme les sujets de plus de 65 ans pratiquant régulièrement la marche montrent de meilleures performances de l’équilibre que les sujets sédentaires. L’activité physique permet de maintenir une bonne coordination entre posture et mouvement, cette coordination tendant à s’altérer au cours du vieillissement. Une bonne condition physique est associée à de meilleures performances dans de nombreuses tâches cognitives, avec un effet plus marqué dans les fonctions exécutives. De nombreuses données épidémiologiques dont quelques études randomisées suggèrent un effet protecteur d’une pratique d’activité physique, même modérée, sur le déclin cognitif, celui-ci étant identifié comme un facteur de risque de chute chez les personnes âgées.
Le groupe d’experts recommande la pratique régulière d’activités physiques et d’exercices pour prévenir les chutes et plus généralement pour conserver une autonomie fonctionnelle, gage de qualité de vie. Il préconise également de promouvoir l’activité physique tout au long de la vie pour bénéficier d’une réserve fonctionnelle suffisante au grand âge, et compenser la perte progressive de la force musculaire avec l’avancée en âge et maintenir les capacités cognitives.
Composer des programmes de prévention des chutes reposant sur un travail de l’équilibre
La fonction d’équilibration vise au maintien de l’équilibre lors de la station debout ou assise (équilibre statique) et lors des déplacements (équilibre dynamique). Le maintien de l’équilibre repose sur la coopération entre systèmes sensoriels (capables de détecter les positions et déplacements du corps et des objets dans l’espace) ainsi que sur la mise en jeu des réponses musculaires qui fournissent les réactions posturo-cinétiques appropriées.
De nombreuses études (essais contrôlés randomisés et méta-analyses) ont montré que des programmes d’exercice physique adaptés aux personnes âgées et comprenant un entraînement spécifique de l’équilibre réduisent le taux de chutes chez les personnes âgées vivant à leur domicile. Ces programmes d’exercices centrés sur le travail de l’équilibre ne présentent pas de risque particulier (notamment, n’occasionnent pas de chute) dans la mesure où ils sont encadrés par des spécialistes de l’activité physique adaptée. C’est pourquoi le groupe d’experts recommande un travail sur l’équilibre s’appuyant sur les connaissances actuelles du contrôle de la motricité et de la posture. Les exercices d’équilibre doivent être considérés comme la clé de voûte de tout programme structuré d’exercices visant à prévenir les chutes.
Les exercices doivent, en premier lieu, mettre l’accent sur l’amélioration de l’équilibre dynamique, c’est-à-dire la capacité de contrôler la position du corps alors que le centre de masse est déplacé au-delà de la base de sustentation, lors de mouvements volontaires mais aussi dans le cas de perturbations imprévisibles. Les exercices d’équilibre dynamique tels le rattrapage de l’équilibre en position debout, des passages d’obstacle, des demi-tours qui correspondent à des stratégies particulièrement importantes dans les actes de la vie quotidienne permettent de retrouver ou de préserver la palette des stratégies de réaction au déséquilibre en fonction du contexte (équilibre statique/dynamique, mouvement actif/passif, sol dur/mou, environnement visuel stable/en mouvement).
La mise en œuvre d’un programme centré sur l’équilibre ne doit pas négliger le fonctionnement sensoriel. Optimiser le fonctionnement sensoriel, afin de mettre en jeu l’aspect fondamentalement multi-sensoriel de l’équilibre, favorise la compensation des informations sensorielles déficitaires. Les programmes doivent intégrer l’adaptation des comportements posturaux, les compensations mises en place lors de déficits sensoriels et/ou moteurs des personnes ; l’objectif est de favoriser l’élaboration de nouvelles stratégies se substituant aux fonctions déficitaires, c’est-à-dire la mise en place de nouvelles réponses à une même situation. Pour compléter ce programme, des exercices de marche destinés à améliorer l’équilibre dynamique devront compléter ce programme. Ces exercices pourront être exécutés sous des formes variées, en condition de double-tâche (par exemple, marcher en comptant), ou associés à des tâches sensorielles (ouverture et fermeture des yeux, écoute…).
Adapter les exercices d’équilibre à l’état de santé et à l’état fonctionnel des personnes âgées
Les programmes d’exercices physiques de l’équilibre, pratiqués en groupe dans des espaces dédiés ou individuellement à domicile, ont été trouvés efficaces pour réduire le taux de chutes chez les personnes âgées vivant à leur domicile, que celles-ci aient été sélectionnées ou pas sur la base de facteurs de risque de chute.
Le travail sur l’équilibre peut être dispensé aux différentes populations de personnes âgées, quel que soit le risque de chute, mais doit reposer sur des programmes différenciés selon qu’il s’agit de personnes âgées robustes, de sujets âgés fragiles ou de sujets âgés dépendants. Les programmes doivent s’adresser à des groupes de personnes de niveau homogène, constitués en s’appuyant sur des tests simples (par exemple, le test de vitesse de la marche sur 4 mètres).
Pour toutes les personnes âgées autonomes vivant à domicile et d’autant plus pour celles qui sont à risque élevé de chute (antécédents de chute, peur de tomber, difficulté d’équilibration, personnes fragiles), le groupe d’experts recommande de promouvoir des programmes structurés d’exercices physiques qui permettent d’améliorer les performances d’équilibration en incluant les différentes dimensions de l’équilibre.
Le programme doit tenir compte des paramètres suivants : fréquence, intensité, durée et spécificité de l’exercice. Bien que l’effet/dose de l’ensemble de ces techniques ne soit pas renseigné précisément dans la littérature, le groupe d’experts recommande que les programmes d’entraînement incluent prioritairement des exercices d’équilibre statique et dynamique, au minimum de 50 h (soit au moins deux heures par semaine pendant au moins six mois). L’intensité des activités sera corrélée à l’état de santé de la personne âgée avec une progression en fonction des capacités individuelles : une perception d’exercices difficiles ou trop intenses peut être décourageante, à l’inverse une « facilité perçue » n’amène pas nécessairement à la perception d’un bénéfice.
Le groupe d’experts insiste sur le fait de conseiller des activités physiques qui conviennent à la personne, de manière à favoriser le maintien de ces activités sur le long terme.
Les programmes d’entraînement peuvent correspondre à une combinaison de séances d’exercices en groupe et de séances au domicile. Les programmes d’exercices en groupe offrent un environnement social stimulant et un niveau de supervision et d’encadrement dont beaucoup de personnes âgées ont besoin pour s’engager puis rester dans un programme d’exercice. Ce type de programme présente également l’avantage de favoriser le lien social et peut donc contribuer à lutter contre la solitude dont souffrent beaucoup de personnes âgées. Il nécessite également un investissement moindre en temps d’instructeur et en coût financier global.
Pour les personnes vivant en Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la littérature scientifique aujourd’hui ne peut pas démontrer formellement un bénéfice du travail de l’équilibre sur la prévention des chutes. Il faut souligner l’hétérogénéité de l’état de santé et de la vulnérabilité des personnes vivant dans de tels établissements selon les pays, ce qui peut expliquer l’absence de preuves formelles. Cependant,
le groupe d’experts préconise également un travail de l’équilibre pour les personnes âgées vulnérables, qu’elles soient en Ehpad ou vivant à domicile. Pour ces personnes, le programme de travail de l’équilibre devra être adapté aux spécificités de la personne âgée en s’appuyant sur une évaluation gérontologique standardisée
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L’évaluation gériatrique standardisée est une méthode de diagnostic multidimensionnelle et interdisciplinaire, dont le but est de déterminer les capacités fonctionnelles, psychologiques, médicales et sociales d’une personne âgée fragile, dans le but de développer un plan de soins personnalisé.
(EGS). Il devra s’intégrer dans une prise en charge globale des risques de chute (facteurs intrinsèques et extrinsèques) et devra être animé par une personne compétente connaissant les caractéristiques de la population âgée.
Associer d’autres types d’exercices au travail de l’équilibre
Si le renforcement musculaire et le travail en endurance ont peu d’effet direct sur l’équilibre, ils ont respectivement des effets positifs sur l’efficience des muscles sollicités en cas de déséquilibre et sur la mobilité. Ainsi, les programmes ne doivent pas négliger le renforcement musculaire, un travail d’endurance et un travail des amplitudes articulaires afin de favoriser des réponses rapides lors des déséquilibres. Associer des exercices musculaires en puissance aux exercices de modification de la base de sustentation ou à des exercices en multitâche améliore les performances d’équilibre statique et dynamique.
Le groupe d’experts recommande d’associer au travail de l’équilibre, un travail de renforcement musculaire avec des exercices favorisant souplesse et endurance. De même, l’amélioration de la vitesse de marche et des caractéristiques des pas (variabilité, longueur, largeur, fréquence, temps d’appui...) constitue un objectif important dans les programmes de prévention des chutes. La vitesse de marche démontre l’utilisation fonctionnelle des acquis obtenus au terme d’exercices d’équilibre dynamique, d’exercices qualitatifs de marche et du renforcement musculaire. La progression se fera en fonction des capacités individuelles.
Une altération de la force musculaire, de la puissance musculaire, des capacités aérobies et d’équilibre sont des facteurs de risque de chute. Une densité minérale osseuse faible est un facteur de risque de fracture. Les effets de l’activité physique sur ces différents facteurs de risque varient en fonction du type, de l’intensité, de la fréquence et de la durée des exercices. Le groupe d’experts recommande une évaluation de ces différents paramètres avant de débuter un programme d’activité physique, de manière à l’adapter au mieux aux déficiences de la personne. Une mesure de la densité minérale osseuse devrait être préconisée chez les sujets chuteurs en l’absence d’ostéoporose connue et traitée.
L’incapacité à se relever lors d’une chute est un marqueur de fragilité, et un maintien prolongé au sol semble être un élément de mauvais pronostic en termes de mortalité. La station prolongée au sol peut avoir de graves conséquences physiques et psychologiques même chez les sujets robustes (destruction du tissu musculaire, déshydratation, confusion). La capacité à se relever du sol dépend de la conservation des automatismes, des possibilités articulaires et musculaires, de l’adaptation à l’effort et de la peur de tomber. Bien que peu de littérature traite de l’efficacité de l’apprentissage du relevé de sol, le groupe d’experts recommande de promouvoir la mise en place d’exercices pour apprendre aux personnes âgées à se relever du sol.
Pour les personnes restées longuement au sol, au même titre qu’en cas de chutes répétées, le groupe d’experts recommande une évaluation multifactorielle, ces personnes ayant un risque élevé de nouvelle chute et un mauvais pronostic.
Tous ces programmes doivent introduire une démarche éducative pour favoriser les comportements préventifs au quotidien. Si les exercices sont pratiqués en groupe, le groupe d’experts recommande également d’inciter les personnes âgées à pratiquer individuellement entre les séances, en s’appuyant sur les conseils donnés par les professionnels.
Proposer pour les sujets âgés fragiles et à risque élevé de chutes une approche multifactorielle et personnalisée
Les interventions dites multifactorielles combinent différentes mesures de prévention ciblées sur les facteurs de risque propres de la personne. Cette approche repose sur une évaluation individuelle préalable du risque de chute qui permet ensuite une prise en charge personnalisée visant à corriger les risques repérés.
Les interventions multifactorielles comprennent le plus souvent des exercices physiques associés à d’autres mesures comme la révision des médicaments (notamment la réduction des traitements psychotropes), la correction d’une hypotension orthostatique, la correction de troubles visuels, l’adaptation du domicile, l’ajout de suppléments vitaminiques ou plus généralement l’amélioration de l’état nutritionnel, les soins des pieds et l’amélioration du chaussage, le diagnostic et le traitement de certaines pathologies comme par exemple, la dépression...
D’après les données de la littérature, les interventions multifactorielles menées dans des populations de sujets âgés vivant à domicile réduisent le nombre de chutes mais ne diminuent pas le risque d’être un « chuteur ». La grande hétérogénéité des études et des résultats ne permet pas de préciser les circonstances dans lesquelles les approches multifactorielles sont les plus efficaces.
Le groupe d’experts recommande pour les personnes âgées fragiles ou à risque élevé de chutes (qui ont fait plusieurs chutes au cours de l’année écoulée, qui présentent des troubles manifestes de l’équilibre et de la marche ou qui ont fait au moins une chute grave nécessitant un avis médical) que les exercices physiques proposés s’intègrent dans une approche multifactorielle individualisée. Pour les personnes âgées plus robustes, des programmes d’exercices physiques à pratiquer en groupe dans des lieux facilement accessibles et/ou individuellement au domicile doivent être largement proposés.
3. Favoriser la mise en œuvre des programmes
Susciter la motivation pour la pratique d’une activité physique
Les actions de promotion de l’engagement dans une activité physique chez les personnes âgées doivent prendre en considération le rôle des facteurs psychosociaux. Parmi une multitude de déterminants, le sentiment d’efficacité personnelle de l’individu, c’est-à-dire la croyance en ses capacités à s’engager dans une activité physique, est la variable la plus fortement associée à l’engagement et au maintien à long terme. De plus, la croyance selon laquelle l’avancée en âge est associée à l’incapacité de pratiquer une activité physique interfère avec l’adoption d’un style de vie actif. Il a été démontré que des programmes d’activité physique pouvaient contribuer au développement du sentiment d’efficacité personnelle chez les personnes âgées.
Le groupe d’experts recommande de mettre en œuvre des interventions visant à renforcer la confiance des personnes âgées en leurs capacités tout en modifiant leur perception de l’activité physique. Des ateliers de découverte de l’activité physique peuvent aider à sensibiliser les personnes sédentaires (une personne de plus de 80 ans sur deux) à la pratique d’activité physique. Une prise de conscience du niveau d’activité physique pourrait se faire lors de ces ateliers par l’utilisation de questionnaires d’auto-évaluation (tels que le « Voorips ») ou la réalisation de tests mesurant l’aptitude physique (par exemple, test de marche de 6 minutes qui doit être réalisé dans les conditions de sécurité et de mesure répondant aux recommandations internationales). Démarrer ou reprendre une activité physique améliore rapidement les capacités cardio-respiratoires. Il convient de conjuguer et d’adapter les programmes d’activité physique en insistant sur ceux qui améliorent les capacités cardio-respiratoires à la base du renforcement musculaire et de l’amélioration de la posture et de l’équilibre.
D’après les travaux les plus récents sur la multi-dimensionnalité de la motivation pour l’activité physique chez les personnes âgées, les actions de promotion doivent permettre la prise de conscience des risques encourus par la sédentarité et également souligner le plaisir et les bénéfices sociaux, physiques et émotionnels suscités par l’adoption d’un style de vie actif. Les interventions de promotion de la pratique d’une activité physique pourront particulièrement s’adresser aux personnes ayant un faible niveau de vie.
Le groupe d’experts recommande pour susciter la pratique d’activité physique chez les personnes âgées sédentaires, de mettre en place des conseils personnalisés prenant en considération leur mode de vie et leur culture sans trop bouleverser leurs habitudes.
Améliorer la formation des intervenants dans le champ de l’activité physique et de la rééducation
L’application de programmes de prévention des chutes et de rééducation chez les personnes âgées nécessite de solides connaissances sur les modifications des fonctions motrices et posturales liées au vieillissement ainsi que sur les particularités des différentes populations, en particulier celles des sujets âgés fragiles. Le groupe d’experts recommande, pour chacun des types d’intervenants (éducateurs sportifs, professionnels de l’activité physique adaptée et paramédicaux, rééducateurs), d’insister dans leur formation sur la connaissance des tests d’évaluation des capacités motrices et posturales, sur la construction de programmes spécifiques (prévention des chutes, amélioration de la condition physique générale, diminution des risques cardio-métaboliques…), adaptés aux différents types de population âgée.
Favoriser les réseaux intégrant les acteurs du monde médical, associatif et sportif
Tous les acteurs de santé doivent s’engager sur le long terme. En prévention primaire, ce sont les personnes âgées qu’il est nécessaire d’éduquer sur la fragilité et la dépendance fonctionnelle puis les aidants dans une démarche anticipative.
Le repérage des trajectoires de vie des personnes âgées à risque de chute est une démarche collégiale des soignants visant à orienter le patient chuteur vers le service approprié ou à initialiser un suivi gériatrique. Les professionnels paramédicaux spécialistes de la rééducation et de la réhabilitation apportent leur contribution à la rééducation. Le monde associatif propose des activités physiques adaptées, directement ou en relais d’une démarche thérapeutique médicale, animées par des éducateurs sportifs et médico-sportifs.
Le groupe d’experts recommande un partenariat solide entre les différents intervenants de la santé, du sport et des diverses associations. Certaines initiatives, déjà anciennes, ont permis d’établir des partenariats, comme par exemple les Clubs cœur et santé liés à la Fédération française de cardiologie qui proposent des activités adaptées aux personnes souffrant ou ayant souffert de pathologies cardiaques. Pour que l’ensemble des problématiques médicales pouvant bénéficier des apports d’une activité physique et sportive puissent trouver un relais, il est nécessaire de favoriser une coordination entre les organismes de tutelle responsables de la santé (Agence régionale de santé), du sport (Direction régionale de la jeunesse et des sports), les collectivités locales et les associations.
Le groupe d’experts recommande que les éducateurs et animateurs sportifs du milieu associatif, qui assurent des programmes d’activités physiques, soient associés à la démarche médicale et paramédicale. Le groupe d’experts incite les associations à proposer des activités multiples permettant un choix suivant les capacités de chacun et en accord avec les programmes recommandés.
Devant l’augmentation du nombre de personnes âgées, le recrutement d’éducateurs ayant reçu une formation de qualité pour dispenser des activités physiques adaptées est indispensable. Parmi les compétences requises, ces éducateurs doivent être attentifs à la cohésion du groupe, à l’entraide, à la convivialité pour une meilleure intégration de tous et une pérennité de chacun dans son activité.
Définir un cahier des charges afin de guider l’élaboration et l’implémentation de programmes harmonisés d’exercice physique pour la prévention des chutes
Les recommandations proposées dans la littérature internationale pour la mise en œuvre des programmes, se fondent sur l’évidence scientifique de l’efficacité des interventions de prévention des chutes par l’activité physique ou, pour les thématiques sur lesquelles les études manquent à ce jour, sur des consensus d’experts.
D’après la littérature, les programmes ne sont efficaces que s’ils ont une intensité suffisante (modérée à soutenue), une durée suffisante et un volume encourageant l’activité physique et respectant les capacités des personnes âgées. L’augmentation du niveau des exercices doit être progressive, avec des paliers pour permettre l’adaptation et le maintien d’une activité physique sur du long terme. Il est nécessaire d’éviter tout découragement et des effets indésirables comme les traumatismes musculo-squelettiques qui, même sans gravité, pourraient entraîner un arrêt de la pratique. L’assiduité de la personne, son adhésion au programme, la présence ou non de chute pendant le programme seront des éléments importants pour adapter le programme à la progression de la personne.
En France, de plus en plus d’acteurs de terrain s’investissent dans la réalisation de programmes de prévention des chutes. Néanmoins, il reste difficile à ce jour d’évaluer leur efficacité en termes de réduction des chutes accidentelles (souvent peu de descriptif précis du contenu et du protocole de mise en œuvre, ou de référence à un programme spécifique, validé dans la littérature, caractéristiques des participants…). Des outils restent à mettre en place pour favoriser l’évaluation de l’intérêt sur le plan clinique et de la santé publique de ces différents programmes.
Le groupe d’experts recommande de définir un cahier des charges (voir
annexe 2) qui pourrait s’appuyer sur les documents labellisés du groupe
Prevention of Falls Network for Dissemination (ProFouND), financé par la Commission européenne. Ces documents préconisent des exercices reposant sur les preuves médicales, et proposent des programmes de formation pour les professionnels concernés.
Le groupe d’experts recommande que ce cahier des charges comporte un contrôle qualité-efficacité pré- et post-programme et six mois après la fin du programme. Cette évaluation doit utiliser pour des raisons de faisabilité, des techniques simples pouvant être réalisées sans équipements particuliers, par exemple le test TUG, la vitesse de marche et l’échelle de Berg pour l’équilibre, le nombre d’assis-debout en 30 secondes pour la fonction musculaire, le Falls Efficacy Scale International (FES-I) pour la peur de tomber. L’évaluation devrait également porter sur l’assiduité et l’adhésion de la personne au programme.
Le cahier des charges pourrait être un document de référence pour l’obtention d’une labellisation, reconnue par les ARS (agence régionale de santé), des programmes et des formations destinés aux professionnels de l’activité physique adaptée et de la rééducation ciblant des personnes âgées à risque de chute. Cette labellisation donnerait une meilleure visibilité et une meilleure harmonisation du contenu des programmes mis en place sur tout le territoire.
D’autres outils sont à mettre en place pour favoriser la diffusion de bonnes pratiques (plateformes d’expériences, forum, liste des chercheurs impliqués dans le thème pour accompagner l’initiation de programmes…).
Sensibiliser les collectivités à la nécessité d’un environnement favorable à la pratique d’activité physique
Les facteurs environnementaux sont des éléments clés pouvant interférer ou favoriser la pratique d’une activité physique chez les personnes âgées. L’éloignement de lieux de pratique (clubs, associations, parcs), les difficultés de transport, les risques liés aux aménagements urbains constituent des barrières à l’engagement. Les aménagements urbains, tels que le potentiel piétonnier, sont des facteurs essentiels pour une pratique régulière d’activité physique.
En 2007, l’OMS a publié un Guide mondial des villes-amies des aînés, suivi en 2010 par la mise en place d’un réseau des « Villes et communautés amies des aînés ». De bonnes pratiques ont été développées par certaines municipalités permettant d’identifier les principales caractéristiques d’une ville adaptée à une population vieillissante.
Le groupe d’experts recommande d’encourager les villes françaises à s’inscrire dans la démarche de l’OMS pour relever le défi du vieillissement. Dans le cadre de la prévention de la chute, il propose que les collectivités territoriales soient informées sur la nécessité d’agir en amont de la chute et sur les bienfaits de la pratique d’activités physiques (actions de promotion, développement de lieux de proximité pour la pratique d’activités, gratuité des activités…). La mise en place au niveau des villes et des intercommunalités d’une démarche dynamique sur la voirie, les transports, le mobilier urbain, l’accessibilité et le caractère accueillant des commerces et services ainsi que des efforts de sensibilisation à destination de l’ensemble de la population répondront aux besoins des personnes âgées, tout en améliorant le bien-être de tous.
Recommandations de recherche |
1. Développer des recherches interventionnelles et des études d’impact
Réaliser des études permettant de préciser les programmes optimaux en termes d’efficacité et d’acceptabilité, notamment pour les personnes les plus âgées, les moins mobiles et les plus fragiles
Les programmes qui ont été évalués en milieu communautaire varient beaucoup en termes de contenu, intensité, fréquence, durée, modalité de délivrance et populations cibles. Cette variété traduit en partie le fait qu’il n’y a pas de programme unique valable pour tous, et que le type de programme doit être parfaitement adapté à l’âge, à l’état de santé et à l’état fonctionnel des personnes ciblées pour être efficace et acceptable. Cependant, les programmes optimaux pour différents sous-groupes de la population âgée ne sont pas clairement définis.
Une des principales difficultés est de concevoir des programmes « suffisamment » intenses tout en restant acceptables, en particulier sur le long terme. Cette difficulté est particulièrement notable pour les programmes visant les personnes les plus âgées (> 75 ans) et les moins mobiles, qui sont celles qui sont les plus à risque de chute et de traumatisme et qui devraient donc être ciblées en priorité.
Bien que la « dose » (fréquence × durée) minimum d’exercice pour obtenir un effet positif ne soit pas clairement déterminée, on considère généralement que ce minimum correspond à 50 h au total, ce qui équivaut, par exemple, à 2 h par semaine pendant au moins 6 mois. La plupart des programmes qui ont été évalués ont une durée d’1 an ou moins, et on observe généralement une diminution significative de la participation au bout de quelques mois, d’où la nécessité de développer et tester des stratégies visant à favoriser l’adhésion (et donc le maintien des bénéfices) sur le long terme (par exemple, exercices à la maison en complément des sessions collectives ou prenant la suite d’une série de sessions collectives).
Le groupe d’experts recommande de mettre en place des essais d’intervention ciblant prioritairement les personnes âgées qui vivent à leur domicile mais sont à plus haut risque de chutes (car plus âgées, moins mobiles, plus fragiles) et visant à évaluer l’efficacité et l’acceptabilité sur le long terme de différents types de programmes d’exercices pour la prévention des chutes.
Chez les sujets vivant en maison de retraite ou Ehpad et plus généralement chez les sujets âgés très fragiles, l’effet de l’exercice n’est pas clairement démontré. Les recherches interventionnelles doivent être poursuivies pour déterminer les types d’interventions et les types de programmes d’exercice capables de réduire significativement les chutes dans ces populations. Plus spécifiquement, il convient de déterminer des interventions efficaces chez les personnes présentant des déficits des fonctions cognitives, motrices et sensorielles ainsi que dans certaines pathologies à risque de chute, telles que la maladie de Parkinson, l’incontinence urinaire, le diabète ou le post-accident vasculaire cérébral.
Évaluer l’efficacité des programmes non seulement sur les chutes mais aussi selon la gravité des conséquences des chutes
Du point de vue de la santé publique, il est important de promouvoir des programmes qui ont démontré leur efficacité non seulement par rapport aux chutes, mais aussi par rapport à la gravité des conséquences des chutes selon une typologie précise et uniformisée, tenant compte de la gravité du traumatisme, des conséquences du maintien prolongé au sol et du retentissement psychique et social.
La plupart des essais réalisés jusqu’ici n’avaient pas une taille suffisante pour montrer de façon claire un effet bénéfique du programme sur la prévention des chutes traumatiques, en particulier des plus sévères (comme celles qui s’accompagnent d’une fracture, par exemple) ou, plus généralement sur la prévention des chutes entraînant le recours à des soins médicaux.
Le groupe d’experts recommande que les futurs essais incluent un nombre suffisamment grand de sujets (plusieurs centaines) pour pouvoir évaluer l’efficacité du programme non seulement sur les chutes, mais aussi sur les chutes graves.
Des essais de grande taille, incluant plusieurs centaines de personnes, permettraient également de comparer directement l’efficacité de différents programmes (par exemple, Tai chi versus un programme d’équilibre et de renforcement musculaire ; exercice seul versus intégré dans un programme multifactoriel/multiple) ou les stratégies d’implémentation (par exemple, exercices à la maison ou en groupe laissés au choix des participants ; sessions collectives et d’exercices au domicile combinées versus sessions collectives seules ; programmes de différentes fréquences/durées). Ces essais permettraient également de réaliser des analyses en sous-groupes pour déterminer les bénéfices de l’intervention selon les groupes de personnes âgées (sous-groupes définis en fonction de l’âge, de l’existence ou non d’antécédents de chute, du niveau de risque initial apprécié par des tests simples et couramment utilisés tels que le TUG, la vitesse de marche ou l’équilibre monopodal, par exemple).
Quels que soient les objectifs spécifiques et la taille des futures études, le groupe d’experts recommande que des données valides sur différents types de chutes selon la gravité des conséquences, soient fournies afin de faciliter la comparaison des résultats entre études et la mise en commun (« pooling ») des données pour réaliser des méta-analyses. Pour cela, le groupe d’experts recommande d’adopter une classification précise et bien standardisée des conséquences des chutes dès l’élaboration du protocole.
Approfondir les connaissances sur les mécanismes d’action des programmes d’exercice pour la prévention des chutes, et mieux apprécier leur impact sur la vie des personnes âgées
Dans les essais sur la prévention des chutes, l’impact des programmes d’exercice sur les facteurs physiques « intermédiaires » (capacités d’équilibre et de marche, force musculaire…) n’est pas toujours rapporté ; et lorsque ces effets sont rapportés, ils sont généralement relativement modestes. L’effet bénéfique de l’exercice vis-à-vis des chutes pourrait également passer par un effet positif sur les facteurs cognitifs (fonctions exécutives…), psychologiques (peur de tomber, état psychologique…) ou bien encore sur le niveau général d’activité physique. Par ailleurs, il est important d’apprécier l’impact des programmes de prévention quels qu’ils soient sur la vie des personnes, et en particulier sur leur qualité de vie perçue en lien avec la santé (capacités physiques, bien-être psychologique, sommeil, perception de l’état général de santé…). Mais peu d’essais de prévention des chutes ont évalué l’impact du programme d’exercice sur ces différents facteurs.
Le groupe d’experts recommande d’évaluer l’impact des programmes d’exercice non seulement sur les chutes mais aussi sur les « facteurs intermédiaires » (physiques, cognitifs et psychologiques, niveau général d’activité) et sur les différents indicateurs de la qualité de vie perçue en lien avec la santé (mobilité/capacités physiques, bien-être moral, sommeil, santé perçue). Une meilleure connaissance de ces effets permettrait de mieux comprendre pourquoi certains programmes sont plus efficaces que d’autres, et donnerait donc des informations utiles pour concevoir des programmes optimaux en termes d’efficacité. Elle permettrait également de mieux apprécier le bénéfice global des programmes sur la qualité de vie liée à la santé.
Les futurs essais doivent avoir une approche pragmatique
Un très grand nombre d’essais ont montré l’efficacité de programmes d’exercice pour la prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à leur domicile, mais l’efficacité de ces programmes « en conditions réelles » n’est pas clairement établie.
Le groupe d’experts recommande que les futurs essais soient de nature pragmatique de façon à évaluer la faisabilité, l’efficacité et l’acceptabilité des programmes en conditions réelles (par exemple, programme mis en œuvre en collaboration avec les acteurs de terrain, cours collectifs donnés dans des locaux où sont habituellement proposées des activités aux personnes âgées, sélection de la population d’étude sur la base de critères simples, facilement utilisables par les médecins généralistes et autres intervenants de terrain). Il est également recommandé que les auteurs diffusent un descriptif détaillé du programme et du processus d’implémentation (protocole initial et écarts éventuels par rapport à ce protocole) de façon à pouvoir mieux apprécier dans quelle mesure le programme pourrait être généralisé.
Réaliser des évaluations coût-efficacité des programmes de prévention
En dehors des programmes de recherches interventionnelles dont les résultats sont publiés dans la littérature scientifique, on ne retrouve pas d’évaluation des plans nationaux. De même en France, très peu de scénarios proposés sont évalués et leur faisabilité estimée ; peu de données sont disponibles sur les problèmes rencontrés par les personnes, la compréhension et l’appropriation des messages à moyen ou long terme.
Les évaluations de ces programmes doivent prendre en compte : le nombre de chuteurs, de chutes et chutes graves, la poursuite du programme, l’observance étant un facteur important, mais également l’autonomie, la mobilité, la qualité de vie, le parcours de soins, les coûts.
Les comparaisons de l’analyse coût-efficacité des différents types d’exercice physique ne sont possibles que si un minimum de normalisation des essais existe : à savoir une durée de suivi uniforme des essais, une mesure standardisée des coûts incluant les pertes de production et les coûts à long terme pour la société et une mesure identique de l’efficacité (réduction des coûts des soins, retard à l’hébergement en institution). La constitution du groupe témoin, la définition retenue de la chute, le type d’échelle retenu pour évaluer les dimensions de la qualité de vie attachée aux états de santé, la définition des coûts, la taille de l’échantillon, l’horizon temporel et la perspective dans laquelle l’étude est menée (du point de vue de la société, d’un financeur du système de soins ou d’un offreur de soins) sont des facteurs qui ne sont pas toujours explicites dans les évaluations des interventions de prévention des chutes.
Le groupe d’experts recommande une approche des coûts assez large incluant le coût de la mise en œuvre de l’intervention, du groupe témoin et des différents groupes d’intervention, des coûts totaux en santé, des coûts des services de santé liés aux chutes, des coûts d’opportunité (qui désignent le coût d’une action estimé en termes d’opportunités non réalisées) de la personne âgée et de son aidant informel, des Qalys
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Unité de mesure indiquant le nombre d’années de vie supplémentaires en parfaite santé associé à un traitement.
(
Quality Adjusted Life Year) afin d’avoir une mesure et une évaluation des coûts et des indicateurs de chutes évitées et du nombre d’années de vie sans incapacité gagnées. L’articulation entre l’intervention proposée, l’adhésion des publics âgés concernés aux exercices physiques proposés et la réduction des chutes n’a pas encore été analysée. Les données sont insuffisantes pour comprendre pourquoi un programme est efficace et quelles sont les raisons économiques qui contribuent à son efficacité.
Le groupe d’experts recommande qu’un cahier des charges comprenant un certain nombre d’informations (adhésion, profil des participants, évaluation des patients en début et en fin de programme, contenus du programme, critères d’observance, implication des acteurs de terrain) soit élaboré afin de réaliser une évaluation économique et sociale sur le long terme, en partenariat avec des équipes spécialisées en économie de la santé, de tous les programmes financés par de l’argent public.
2. Mieux définir les facilitateurs et les freins à l’engagement dans la pratique d’activité physique chez les personnes âgées
Identifier les interactions entre les différents facteurs liés à l’engagement
Actuellement, l’engagement des personnes âgées dans une activité physique est considéré comme un phénomène plurifactoriel : l’environnement urbain et matériel, les facteurs sociodémographiques et l’état de santé agissent comme des barrières ou des facilitateurs de l’engagement. Des facteurs psychologiques, reposant sur la perception et les sentiments éprouvés à l’égard de l’activité physique ou de l’état de santé, jouent un rôle motivationnel indépendamment de cet ensemble de variables. Cependant, la majorité des études appréhendent ces différents facteurs comme des entités indépendantes, et peu de travaux questionnent les interactions potentielles entre les différents facteurs susceptibles de favoriser ou limiter l’engagement. En particulier, quelle est la contribution des facteurs psychologiques, notamment motivationnels, dans l’engagement à la pratique, et quelle est leur capacité à compenser les barrières sociodémographiques, environnementales et liées à la santé ?
Le groupe d’experts recommande de développer des études prospectives permettant d’analyser conjointement les effets des facteurs facilitant et des facteurs limitant la pratique de l’activité physique chez les personnes âgées.
Approfondir la connaissance des facteurs psychologiques contribuant à l’adhésion aux programmes de prévention
Si de nombreux facteurs psychologiques ont été mis en relation avec la pratique ou non d’une activité physique chez les personnes âgées, les implications de la personnalité et de l’âge subjectif, c’est-à-dire l’âge que se donnent les individus, sont peu étudiées.
Le groupe d’experts recommande que des travaux soient menés afin de tester le rôle des dispositions individuelles et de la dimension subjective de l’âge chez les personnes âgées dans l’engagement ou non d’une pratique d’activité physique, ainsi que les processus sociocognitifs explicatifs de cette relation.
Tester les modèles sociocognitifs de l’engagement pour bâtir les interventions
Les recherches existantes ont souligné l’utilité des modèles sociocognitifs récents tels que la théorie du comportement planifié, l’approche des processus d’action en faveur de la santé et la théorie de l’autodétermination, pour prédire l’engagement dans une activité physique des personnes âgées. En proposant de renforcer les variables motivationnelles, ces modèles permettent ainsi de guider les interventions pour amener les personnes âgées vers un style de vie actif. Cependant, très peu d’études utilisent les variables définies par ces cadres théoriques. Le groupe d’experts recommande de mener des interventions guidées par les modèles sociocognitifs de l’engagement, et de tester l’efficacité de l’activation des leviers motivationnels proposés par ces modèles sur l’engagement et le maintien de la pratique d’activité physique chez les personnes âgées.
3. Mieux évaluer l’incidence des chutes en France et améliorer les outils prédictifs
Conduire des travaux épidémiologiques sur l’incidence des chutes et leurs conséquences, en lien avec la transition vers la fragilité
En France, le nombre de chutes chez les personnes âgées est probablement sous-estimé, notamment parmi celles vivant en Ehpad. Les cohortes et enquêtes existantes chez les personnes âgées telles que Safes (Sujets âgés fragiles évaluation et suivi), Paquid (évolution des fonctions cognitives, démence, dépendance), Epidos (risque de fracture ostéoporotique chez les femmes de plus de 75 ans) et Suvimax 2 (alimentation et vieillissement) ne sont pas toutes représentatives de l’ensemble de la population âgée et n’intègrent pas toutes l’évènement « chute ». Notamment, peu de données sur les évènements « chutes » sont disponibles dans la population résidant en Ehpad, qui pour la plupart est poly-pathologique et poly-médicamentée, et particulièrement à risque de chute traumatisante. Par ailleurs, cette population est peu intégrée dans les essais thérapeutiques si bien qu’elle peut être amenée à recevoir des traitements médicamenteux non adaptés à sa physiologie.
Compte-tenu des enjeux en santé publique, de la démographie de la population âgée et de la mutation de la structure familiale, le groupe d’experts souligne la nécessité d’un recensement fiable et régulier des chutes, notamment celles en Ehpad.
Face à un manque de données représentatives de la population générale actuelle, le groupe d’experts recommande d’intégrer systématiquement un volet « chutes » dans le cadre de grandes cohortes « généralistes » (abordant différents aspects du vieillissement) et incluant une grande variété de situations sociales et de santé en spécifiant leur état de santé (robustes, fragiles, dépendantes) avec un suivi des évènements « chutes ». Le groupe d’experts recommande aussi d’intégrer une composante « activité physique » et « qualité de vie » (autonomie, dépendance, alimentation, sommeil, peur de tomber). L’évolution de l’état de santé de la population incluse (selon la typologie « robuste, fragile, dépendant ») est nécessaire pour une meilleure connaissance des facteurs de risque, de la prévalence des chutes et du risque de dépendance selon la population. Afin d’évaluer l’aspect médico-économique de la prise en charge de la fragilité et la dépendance associées aux chutes, cette étude devra se poursuivre lors des changements de lieu de vie (entrée en institution) et de prise en charge.
La mise en place de cette étude pourrait prendre exemple sur la cohorte Elsa (English Longitudinal Study of Ageing), source de données interdisciplinaires sur la santé, l’invalidité, les marqueurs biologiques, la situation économique et la qualité de vie pendant la vieillesse.
Mieux évaluer les outils prédictifs de chutes
Les personnes à risque de chute ont plus de difficultés à effectuer une double-tâche qui requiert de partager son attention entre deux tâches, telles que parler et marcher en même temps. La standardisation des conditions des tests de dépistage des sujets à risque de chute, en particulier ceux de « double-tâche », est nécessaire pour un repérage plus efficient des sujets à risque de chute et des comparaisons entre les études. Cependant, l’épreuve d’une simple tâche avant une double-tâche est nécessaire pour objectiver plus clairement l’impact de la double-tâche.
Le groupe d’experts recommande de mener des enquêtes sur les outils de dépistage du risque de chute, notamment des tests de double-tâche afin de mieux les valider et de déterminer leur pertinence dans l’orientation et le suivi de la prise en charge. Par exemple, les études devront déterminer si les sujets ayant des modifications des paramètres de marche en condition de double-tâche ont un risque de chute accru et si chez ces sujets l’entraînement de la marche sous double-tâche peut modifier significativement les mesures spatiotemporelles de la marche, puis limiter les chutes.
4. Mieux documenter les aspects psychologiques et comportementaux du risque de chute liés à la peur de tomber
Identifier les variables médiatrices et modulatrices de la relation entre la peur de chuter et le risque de chute
Si les travaux existants ont établi une relation entre la peur de chuter et l’augmentation du risque de chute ultérieure, peu de connaissances existent sur les processus explicatifs de cette relation comme sur les paramètres susceptibles de moduler cette relation. L’hypothèse la plus couramment évoquée est la restriction d’activité : la peur de chuter serait associée à un évitement de l’engagement dans certaines activités, dont l’activité physique. À ce jour, aucune étude n’a clairement mis à l’épreuve ce modèle.
Ainsi, le groupe d’experts recommande de mener des études prospectives afin de tester l’hypothèse du rôle médiateur de la restriction des activités dans l’association entre la peur de chuter et les chutes futures. Il propose également d’étudier les variations de la relation entre la peur de chuter et la chute en fonction de l’âge.
Approfondir le rôle de la personnalité et des facteurs cognitifs sur la peur de chuter
De rares travaux ont mis en évidence une contribution de la personnalité et des variables cognitives sur la peur de chuter, indépendamment de facteurs sociodémographiques, physiques et des expériences de chutes. Cependant, les études sur la personnalité n’ont testé que la contribution d’un seul trait, le névrosisme, sans tenir compte du potentiel des autres traits définis par le modèle de la personnalité en cinq facteurs : l’extraversion, le caractère consciencieux, l’ouverture aux expériences et le caractère agréable. De plus, les résultats concernant la relation entre le fonctionnement cognitif et la peur de chuter sont inconsistants.
Ainsi, le groupe d’experts recommande d’étudier les conditions dans lesquelles la cognition et la personnalité pourraient amplifier ou limiter l’émergence de la peur de chuter.
Identifier les interactions entre les déterminants de la peur de chuter
La peur de chuter est un phénomène plurifactoriel, reposant sur des variables sociodémographiques, physiques, cognitives, psychologiques et sur les expériences de chute antérieures. Cependant, la majeure partie des travaux n’ont considéré ces différents facteurs que de façon indépendante, sans envisager leurs interactions. De plus, la majorité des travaux sur les déterminants de la peur de chuter reposent sur des études transversales qui ne renseignent pas sur le lien de causalité. L’investigation des interactions entre facteurs pourrait permettre d’approfondir les processus de compensation et d’amplification de la peur de chuter.
Le groupe d’experts recommande de mener des travaux expérimentaux en modulant certaines variables psychologiques (induction d’anxiété) et physiques (manipulation de la vitesse de marche, de l’équilibre) afin d’approfondir la connaissance sur les facteurs influençant la peur de chuter. Des études prospectives devraient être mises en place afin de tester la relation entre les facteurs sociodémographiques, physiques, cognitifs, psychologiques et l’évolution de la peur de chuter.
5. Élucider les mécanismes fondamentaux qui sous-tendent les facteurs de risque de chute
Mieux connaître la physiopathologie de l’équilibre
En pratique clinique comme en recherche, les perturbations de la posture et de l’équilibre sont généralement appréhendées comme étant liées au vieillissement dans son ensemble. Cependant, la notion de sujet chuteur peut révéler des déficiences d’origine sensorielle, motrice ou centrale très différentes et bien spécifiques. Les connaissances actuelles sont insuffisantes sur les types de déficiences qui expliquent les altérations de l’équilibre associées à certains facteurs de santé (pathologies, déficits fonctionnels et cognitifs, dénutrition, sarcopénie, médicaments…). Par ailleurs, les mécanismes compensatoires qui sont mis en place pour compenser les effets de ces déficiences sur l’équilibre sont mal connus voire ignorés.
Le groupe d’experts préconise des recherches fondamentales sur la physiopathologie de l’équilibre, ayant une approche plus analytique permettant de préciser le poids respectif des déficiences sensorielles et cognitives, en particulier, et de mieux connaître comment s’effectue la compensation après apparition de l’une ou l’autre de ces déficiences. Ces connaissances seraient utiles dans le cadre du développement de stratégies de rééducation de l’équilibre et de prévention des chutes.
Il apparaît que la capacité à maintenir une position debout ne dépend pas seulement de la difficulté inhérente de la tâche (c’est-à-dire des exigences sensorielles, motrices et cognitives) mais aussi de la peur que ressent l’individu à l’idée de tomber. Dans ce cadre, les recherches futures devraient examiner, chez le jeune adulte, l’effet de la peur de tomber sur le contrôle postural (par exemple, dans des situations expérimentales de menace posturale, lorque le sujet est placé en hauteur), ce qui permettrait de préciser comment, dans les pathologies liées à l’âge, la peur de tomber influe sur l’équilibre.
Il est répertorié un grand nombre de facteurs de risque de chute liés à la santé. Il serait pertinent de mettre en place des études d’impact de la correction de ces facteurs de risque sur l’équilibre, la marche et le risque de chute.
Le groupe d’experts recommande de mener des études dans des sous-groupes de sujets et de patients à haut risque de chute en raison de facteurs de risque spécifiques pour améliorer la prévention des chutes, par exemple :
• étudier l’impact de la correction des déficits sensoriels (audition, vision) ou encore de l’entraînement à la mobilité chez les sujets ayant une perte du champ visuel binoculaire ;
• étudier chez les malnutris, l’effet potentiel sur les chutes d’une intervention nutritionnelle seule ou combinée à des exercices physiques ;
• développer des recherches sur la sarcopénie, dont la définition actuelle englobe la diminution de la force, de la masse et de la qualité musculaire. La diminution des performances motrices et de la force est beaucoup plus associée aux évènements péjoratifs comme les chutes que la masse musculaire. La sarcopénie est tenue pour responsable d’une part importante des limitations fonctionnelles et de la dépendance motrice des personnes âgées.
Il apparaît également nécessaire de définir des indicateurs illustrant les capacités fonctionnelles. Le nombre de chutes rapporté à l’activité quotidienne ou à la vitesse de marche pourrait satisfaire à l’un de ces critères.
Une meilleure connaissance de la physiopathologie des troubles de l’équilibre devrait permettre d’en améliorer la prise en charge et d’adapter les pratiques d’activité physique. Une approche plus analytique, telle qu’elle est réalisée chez l’adulte jeune, serait profitable.
Promouvoir des travaux de recherche sur de nouvelles approches médicamenteuses
Les personnes âgées de plus de 75 ans sont souvent fragilisées par certaines pathologies et désordres fonctionnels liés au vieillissement : insuffisance rénale (réduisant l’excrétion des médicaments), arthrose, hypertension, diabète, insuffisance cardiaque... Du fait de ces polypathologies chroniques, elles consomment le plus souvent plusieurs médicaments au long cours avec le risque d’une accumulation de ces molécules dans l’organisme, créant un risque d’interactions médicamenteuses, des surdosages et des effets indésirables sur l’équilibre.
Parmi les solutions qui pourraient être envisagées pour contre-carrer ces effets indésirables, le groupe d’experts recommande la recherche de molécules innovantes permettant d’améliorer l’équilibre et la force musculaire par exemple. Ces nouvelles thérapeutiques devront être évaluées seules ou en association avec des programmes d’activité physique adaptés.