III. Activité physique et prévention des chutes
2015
12-
Programmes de prévention des chutes reposant uniquement sur l’exercice physique
L’analyse de la littérature a porté essentiellement sur les essais contrôlés randomisés (ECR) d’interventions de prévention des chutes reposant uniquement sur l’exercice physique (programmes mono-factoriels). Les interventions multifactorielles mêlant exercice et autres types d’intervention en fonction des risques repérés chez un individu donné (modification de l’environnement, éducation à la santé et à la prévention des chutes, dépistage et traitement des troubles visuels, ajustement de la prise médicamenteuse…) sont traitées dans le
chapitre 13.
Le présent chapitre abordera l’impact des programmes d’exercices conçus pour prévenir les chutes selon la grille des questions suivantes :
• Quelle est l’efficacité de l’exercice vis-à-vis de la prévention des chutes ? Quelles sont les caractéristiques des programmes les plus efficaces ?
• Quels sont les sous-groupes de la population qui sont susceptibles de bénéficier des programmes d’exercices pour la prévention des chutes ? Ces programmes sont-ils aussi efficaces chez les personnes à plus haut risque de chute ?
• Quelle est l’efficacité de ces programmes d’exercices vis-à-vis des chutes les plus graves, comme celles qui s’accompagnent de traumatismes ou qui entraînent le recours à des soins médicaux ?
• Quels sont les effets secondaires éventuels des programmes d’exercices de prévention des chutes ? Quel est l’impact de ces programmes sur les facteurs psychosociaux et la qualité de vie globale des personnes ?
Efficacité de l’exercice sur la prévention des chutes chez les personnes âgées
Plusieurs dizaines d’ECR et plusieurs méta-analyses (Province et coll., 1995
; Chang et coll., 2004
; Sherrington et coll., 2008
; Michael et coll., 2010
; Sherrington et coll., 2011
; Gillespie et coll., 2012
) ont montré qu’il est possible de réduire le taux de chutes chez les personnes âgées par des programmes d’exercices physiques appropriés. La réduction du taux de chutes va de 10 à 40 % selon la nature de l’intervention et les caractéristiques de la population.
La plus importante revue systématique de la littérature sur la prévention des chutes chez les personnes âgées vivant à leur domicile est celle réalisée par la
Cochrane Collaboration en 2012 (Gillespie et coll., 2012
). Cinquante-neuf ECR mono-factoriels où l’exercice est l’unique intervention ont ainsi été inclus dans une méta-analyse, totalisant 13 264 participants. L’effet de l’exercice a été apprécié à la fois sur le taux de chutes (c’est-à-dire le nombre total de chutes par personne-année de suivi) et sur le risque de chuter (c’est-à-dire le nombre de personnes qui font une chute ou plus pendant la durée de l’intervention). L’âge minimum des participants dans les essais était de 60 ans ; il s’agissait majoritairement de femmes. Dans un certain nombre d’essais, les participants étaient sélectionnés à l’inclusion en fonction de la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque de chute (par exemple : un antécédent de chute, des capacités d’équilibre et de marche diminuées), quand dans d’autres, la population n’était pas sélectionnée. Les interventions évaluées variaient en termes de contenu (type d’exercices, intensité), de fréquence des sessions d’exercice, de longueur de l’intervention (de quelques semaines à plus d’un an) et de mode d’administration (sessions en groupes supervisées par un intervenant pour la majorité des interventions, ou entraînement individuel au domicile). Pour l’analyse, les interventions ont été regroupées en fonction de leur mode d’administration et du type d’exercices proposé. Six catégories d’exercices ont été distinguées selon la classification proposée par le groupe ProFaNE
(Prevention of Falls Network Europe) (Lamb et coll., 2005
) : équilibre/marche/entraînement fonctionnel, renforcement musculaire/résistance, endurance, souplesse, activité physique générale (marche) et
tai chi. La plupart des programmes d’exercices étaient en fait multi-catégoriels (c’est-à-dire incluaient plus d’une catégorie d’exercices) : pratiquement tous comprenaient des exercices de stimulation de l’équilibre et de la marche, auxquels étaient associés le plus souvent des exercices de renforcement musculaire.
Les résultats de la méta-analyse (Gillespie et coll., 2012
) montrent que les programmes d’exercices multi-catégories pratiqués en groupe diminuent le taux de chutes de 29 % (
Ratio of incidence rates (RaR)=0,71 ; IC 95 % [0,63-0,82] ; 16 ECR ; 3 622 participants) et le risque de chuter de 15 % (
Relative Risk (RR)=0,85 ; IC 95 % [0,76-0,96] ; 22 ECR ; 5 333 participants) (tableau 12.I
en fin de chapitre). Les programmes d’exercices multi-catégories sont également efficaces lorsqu’ils sont pratiqués en individuel au domicile : le taux de chutes est diminué de 32 % (RaR=0,68 ; IC 95 % [0,58 à 0,80] ; 7 ECR ; 951 participants) et le risque de chuter de 22 % (RR=0,78 ; IC 95 % [0,64 à 0,94] ; 6 ECR ; 714 participants) (tableau 12.II
en fin de chapitre). Ces programmes d’exercices à domicile sont généralement mis en Ĺ“uvre et suivis, au moins au départ, par des kinésithérapeutes ou d’autres types d’intervenants spécialement formés. La pratique en groupe du
tai chi est elle aussi associée à une diminution de 28 % du taux de chutes (RaR=0,72 ; IC 95 % [0,52-1,00] ; 5 ECR ; 1 563 participants) et à une réduction de 29 % du risque de chuter (RR=0,71 ; IC 95 % [0,57-0,87] ; 6 ECR ; 1 625 participants) (tableau 12.III
en fin de chapitre). Parmi les autres interventions basées sur une seule catégorie d’exercices, seuls les programmes d’exercices incluant équilibre, marche et/ou entraînement fonctionnel ont été trouvés efficaces, avec une diminution de 28 % du taux de chutes (RaR=0,72 ; IC 95 % [0,55-0,94] ; 4 ECR ; 519 participants) (tableau 12.IV
).
L’inclusion dans le programme d’un entraînement spécifique de l’équilibre semble être un élément clé pour le succès du programme, et pourrait expliquer pourquoi des interventions apparemment très différentes, comme la pratique en groupe du
tai chi (Li et coll., 2005
) et le programme d’exercice à domicile « Otago » (Robertson et coll., 2001a
), ont une efficacité comparable et substantielle vis-à-vis des chutes. La méta-analyse des 7 essais américains FICSIT (
Frailty and Injuries : Cooperative Studies of Intervention Techniques comprenant 5 essais en milieu communautaire et 2 en institution), qui a constitué la première tentative d’évaluer l’intérêt de l’exercice physique pour prévenir les chutes chez les personnes âgées (Province, 1995
), a ainsi montré que globalement l’exercice réduit de 10 % le risque de chute. Cependant, une analyse complémentaire en fonction du type d’exercices inclus dans les programmes (équilibre, résistance, endurance, souplesse) montre que les programmes qui incluent un entraînement de l’équilibre réduisent le risque de chute de 17 % (voire même 25 % lorsque les groupes qui ont reçu d’autres types d’intervention en plus de l’exercice sont exclus de l’analyse), alors qu’il n’y a pas de diminution significative du risque avec les autres types de programme.
Tableau 12.I Effets des programmes d’exercices multi-catégories pratiqués en groupe sur le nombre de chuteurs et le taux de chutes en milieu communautaire (Gillespie et coll., 2012)
Référence
|
Intervention
(N)
|
Contrôle
(N)
|
Types d’intervention
|
Nombre de chuteurs
Relative Risk
[IC 95 %]
|
Taux de chutes
Rate ratio
[IC 95 %]
|
Ballard et coll., 2004
|
20
|
19
|
Séances d’exercices (échauffement, capacité respiratoire, force musculaire, équilibre), 1 h, 3 fois/semaine durant 15 semaines + 6 séances d’éducation à la santé (home safety education) au domicile
Contrôle : sessions d’exercices comme ci-dessus 1 h, 3 fois/semaine, pendant 2 semaines + cassette vidéo pour poursuivre au domicile + 6 séances d’éducation comme ci-dessus
|
0,54 [0,19-1,55]
|
0,38 [0,12-1,20]
|
Barnett et coll., 2003
|
76
|
74
|
Sessions d’exercices (stretching, force musculaire, équilibre, coordination, capacité aérobie) par un éducateur sportif accrédité en groupe de 6 à 18, 1 h/semaine sur 4 trimestres pendant 1 année (37 séances). Programme d’exercices à domicile basé sur les exercices réalisés en séances + carnet de bord pour enregistrer sa participation
Contrôle : pas d’exercice
Les deux groupes reçoivent des informations sur les stratégies permettant d’éviter les chutes (par exemple, placement des mains et des pieds si perte d’équilibre)
|
0,71 [0,49-1,03]
|
0,60 [0,36-1,00]
|
Beyer et coll., 2007
|
24
|
29
|
Programme d’exercices en groupe sous surveillance (souplesse, exercices en résistance des membres inférieurs, entraînement de l’équilibre, stretching), 60 mn, 2 fois/semaine durant 6 mois
Contrôle : aucune intervention mais offre d’une intervention après 1 an
|
1,04 [0,60-1,80]
|
–
|
Brown et coll., 2002
|
39
|
32
|
Exercices pour favoriser endurance cardiaque, performance musculaire, équilibre, coordination et souplesse. 60 mn, 2 fois/semaine durant 16 semaines (32 h). Intervention sociale durant 13 semaines impliquant la présentation de diapositives et vidéos sur les voyages par les participants
Contrôle : aucune intervention
|
0,78 [0,53-1,15]
|
–
|
Buchner et coll., 1997
|
70
|
30
|
Au hasard parmi 7 groupes : 6 groupes d’intervention (3 essais FICSIT, 3 essais Movel T trial) et 1 groupe contrôle. Seuls les groupes essais FICSIT et contrôle sont inclus dans cette revue.
Séances d’exercices 1 h/semaine pendant 24 à 26 semaines non supervisées
6 mois d’entraînement en endurance (ET)
6 mois d’entraînement en force (ST) (avec poids pour des exercices de résistance du haut et du bas du corps)
6 mois ST + ET
Contrôle : activités de niveau usuel mais permettant des exercices après 6 mois Sessions d’exercices démarrant après 10-15 mn d’échauffement et se terminant par 5-10 mn de relaxation
|
0,53 [0,31-0,92]
|
0,61 [0,40-0,94]
|
Bunout et coll., 2005
|
111
|
130
|
Séances d’exercices 1 h, 2 fois/semaine pendant une année ; intensité modérée, exercice en résistance (exercices de portée de poids, exercices avec TheraBand et marche)
Contrôle : aucune intervention
|
1,68 [0,93-3,03]
|
1,22 [069-2,16]
|
Carter et coll., 2002
|
40
|
40
|
Séances d’exercices (Osteofit) 40 mn, 2 fois/semaine pendant 20 semaines dans des centres sportifs. 12 participants par instructeur, 8-10 exercices en force et étirements utilisant TheraBand et poids. Séminaires 2 fois/mois
Contrôle : activités usuelles de routine et séminaire 2 fois/mois séparé du groupe d’intervention
|
–
|
0,88 [0,32-2,43]
|
Cerny et coll., 1998
|
15
|
13
|
Programme d’exercices en résistance progressive, exercices de stretching, aérobie, équilibre et marche vigoureuse sur terrains variés. 1,5 h, 3 fois/semaine durant 6 h
Contrôle : aucune intervention
|
0,87 [0,21-3,57]
|
–
|
Dangour et coll., 2011 a
|
854
|
811
|
(1) Compléments nutritionnels (50 g/jour de nourriture végétale en poudre, 50 g/jour de lait en poudre allégé en lactose comme boisson)
(2) Séances d’activité physique : séances d’entraînement en groupe d’1 h sous surveillance, 2 fois/semaine, encouragement à la marche
(1) + (2)
Contrôle : aucune intervention
|
0,98 [0,85-1,12]
|
–
|
Day et coll., 2002 a
|
541
|
549
|
(1) Exercices 1 h/semaine pendant 15 semaines + exercices à domicile préparés par un physiothérapeute pour améliorer la souplesse, la force des jambes et l’équilibre
(2) Sécurisation du domicile
(3) Amélioration de la vision
(1) + (2)
(1) + (3)
(3) + (2)
(1) + (2) + (3)
Aucune intervention. Brochure sur le contrôle de la vision à partir de 40 ans
|
0,82 [0,70-0,96]
|
0,79 [0,66-0,94]
|
Hauer et coll., 2001
|
31
|
25
|
Entraînement combiné : visite au domicile par un physiothérapeute pour évaluation ; séances par groupe de 8 à 10 personnes (exercices progressifs en résistance, ciblés sur chaque participant, entraînement de l’équilibre). 1 h, 2 fois/semaine durant 12 semaines + exercices au domicile comme ci-dessous
Entraînement au domicile, 4 exercices (non progressif) équilibre fonctionnel et exercices de force 2 fois par jour pendant 12 semaines + 3 rencontres par groupe
|
0,76 [0,45-1,26]
|
–
|
Iwamoto et coll., 2009
|
34
|
33
|
Programme d’exercices quotidiens sous surveillance à la clinique ou l’hôpital : 30 mn, 3 fois/semaine durant 20 semaines
Contrôle : aucun exercice
|
0,11 [0,01-1,52]
|
–
|
Korpelainen et coll., 2006
|
84
|
76
|
Programme d’exercices supervisés par un physiothérapeute. Programme à domicile + en groupe + 2 fois/an séminaires sur nutrition, santé, traitements médicaux et prévention des chutes
Contrôle : séminaires 2 fois/an sur nutrition, santé, traitements médicaux et prévention des chutes
|
–
|
0,79 [-0,59-1,06]
|
Lord et coll., 1995
|
75
|
94
|
Intervention : séances d’exercices (échauffement, mise en condition physique, étirement, relaxation), 1 h, 2 fois/semaine pendant 52 semaines
Contrôle : aucune intervention
|
0,99 [0,66-1,49]
|
0,85 [0,58-1,26]
|
Lord et coll., 2003
|
259
|
249
|
Séances d’exercices en groupe (1 h, 2 fois/semaine pendant 52 semaines). Conçu pour améliorer la force, la vitesse, la coordination, l’équilibre et la performance pour les activités quotidiennes (ADL : Activities for Daily Living) (demi-tour, lever de chaise, montée d’escalier, équilibre debout et durant la marche). Par période de 35-40 mn. Exercices d’aérobie, de force, d’équilibre, coordination main-yeux, pied-yeux et assouplissement (portée de poids)
Contrôle : assouplissement assis et activités de relaxation par un instructeur de yoga (1 h, 2 fois/semaine durant 52 semaines)
|
–
|
0,78 [0,62-0,99]
|
Luukinen et coll., 2007
|
217
|
220
|
Programme d’intervention défini par un ergothérapeute et un physiothérapeute basé sur une évaluation par un infirmier en pré randomisation. Faisabilité approuvée par le médecin généraliste. Le programme comporte des exercices à domicile et des exercices en groupe, de la marche, des exercices en autonomie (durée et fréquence non décrites)
Contrôle : visite du médecin généraliste sans proposition d’intervention écrite
|
0,94 [0,81-1,10]
|
0,93 [0,80-1,09]
|
Means et coll., 2005
|
144
|
94
|
Travail de l’équilibre, stretching, contrôle postural, endurance (marche) et exercices de coordination musculaire. Séances en groupe de 90 mn, 3 fois/semaine durant 6 semaines
Contrôle : séminaires en groupe non centrés sur des problématiques de santé mais présentant un intérêt pour les seniors. Mêmes durée et fréquence pour le groupe d’intervention
|
0,40 [0,25-0,64]
|
0,41 [0,27-0,62]
|
Morgan et coll., 2004
|
119
|
110
|
Exercices de faible intensité en groupe : exercices assis et debout pour améliorer la force musculaire, la souplesse, l’équilibre et la démarche. 5 personnes par groupe. 45 mn, 3 fois/semaine durant 8 semaines
Contrôle : activités usuelles
|
0,92 [0,62-1,37]
|
–
|
Reinsch et coll., 1992 a
|
129
|
101
|
Programme d’exercices « stand up/step up » précédé d’exercices d’étirement (1 h, 3 fois/semaine durant 52 semaines)
Intervention consistant en entraînement à la relaxation + programme de sensibilisation à la santé et à la sécurité
Exercices 2 fois par semaine et intervention cognitive 1 fois/semaine durant 52 semaines
Contrôle : groupe de discussion 1 h, 1 fois/semaine durant 52 semaines
|
1,28 [0,90-1,83]
|
–
|
Rubenstein et coll., 2000
|
31
|
28
|
Séances d’exercices (entraînement de la force, l’endurance et l’équilibre), groupe de 16 à 20 personnes, 90 mn, 3 fois/semaine durant 12 semaines
Contrôle : activités usuelles
|
1,20 [0,59-1,42]
|
0,84 [0,39-1,81]
|
Sherrington et coll., 2004 b
|
35
|
36
|
Exercices en position debout
Exercices en position allongée
Contrôle : aucune intervention
|
0,75 [0,40-1,40]
|
–
|
Skelton et coll., 2005
|
50
|
31
|
Séances d’exercices FAME (Fitness And Mobility Exercices), 1 h, 1 fois/semaine durant 36 semaines + exercices à domicile 30 mn, 2 fois/semaine
Contrôle : pas de séances d’exercices assis à domicile 2 fois/semaine
|
0,96 [0,77-1,19]
|
0,69 [0,50-0,96]
|
Smulders et coll., 2010
|
47
|
45
|
Programme de prévention des chutes Nijmegen (NFPP) : 1 séance éducative puis 10 séances durant 5,5 semaines (course d’obstacles, marche, exercices avec portée de poids, correction de la démarche et entraînement à la chute). Animé par physio- et ergothérapeutes
Contrôle : Soins usuels
|
0,87 [0,56-1,34]
|
0,61 [0,40-0,94]
|
Suzuki et coll., 2004
|
22
|
22
|
Intervention : programme d’exercices centrés sur la prévention des chutes + programme d’exercices à domicile pour améliorer la force musculaire, l’équilibre, la capacité de marche. 10 séances d’1 h (toutes les 2 semaines pendant 6 mois) + exercices à domicile 30 mn, 3 fois/semaine
Contrôle : brochure et affiche sur la prévention des chutes
|
0,25 [0,08-0,78]
|
0,35 [0,14-0,88]
|
Trombetti et coll., 2011
|
66
|
68
|
Intervention : programme d’exercices multitâches en musique (Jacques Dalcroze Eurythmics), 1 h/semaine durant 6 mois. Séances d’exercices d’improvisation sur musique en groupe (marche en musique, réponses à une variation de rythme…) avec parfois la manipulation d’objets (instruments de percussion, ballon) avec augmentation graduelle de la difficulté pour stimuler le contrôle de l’équilibre
Contrôle : intervention après 6 mois
|
0,53 [0,30-0,94]
|
0,46 [0,27-0,78]
|
Résultats groupés (pooled Rate ratio / Relative risk, IC 95 %)
| | | |
0,85 [0,76-0,96]
|
0,71 [0,63-0,82]
|
Hétérogénéité (I2, %) : 48 (p-value 0,02)
FICSIT : Frailty and Injuries : Cooperative Studies of Intervention Techniques
a Factorial design : exercise intervention groups vs remainder (no exercice intervention)
b Weight-bearing exercise group vs control
Tableau 12.II Effets des programmes d’exercices multi-catégories pratiqués en individuel au domicile sur le taux de chutes et le nombre de chuteurs (Gillespie et coll., 2012)
Référence
|
Intervention
(N)
|
Contrôle
(N)
|
Types d’intervention
|
Nombre de chuteurs
Relative Risk [IC 95 %]
|
Taux de chutes
Rate ratio
[IC 95 %]
|
Bischoff-Ferrari et coll., 2010 a
|
87
|
86
|
Cholécalciférol (Vitamine B3) 2 000 IU/j + physiothérapie standard (supervisée par un physiothérapeute), programme intensif de 30 mn/j
Cholécalciférol 2 000 IU/j + physiothérapie supplémentaire (supervisée par un physiothérapeute), programme intensif de 30 mn/j + instructions pour un programme de 30 mn/j à domicile, programme non supervisé sur 12 mois (debout sur 1 ou 2 jambes, TheraBand pour les bras, assis-debout, montée et descente d’escaliers)
Cholécalciférol 800 IU/j + physiothérapie standard (voir ci-dessus)
Cholécalciférol 800 IU/j + physiothérapie supplémentaire (comme ci-dessus)
|
–
|
0,72 [0,55-0,95]
|
Campbell et coll., 1997
|
116
|
117
|
Bilan initial de santé pour les deux groupes
4 visites d’1 h par un physiothérapeute les deux premiers mois pour prescrire un programme individualisé d’exercices et de marche à faire au domicile (programme Otago). Exercices 30 mn, 3 fois/semaine + marche à l’extérieur 3 fois/semaine Encouragement pour poursuivre durant une année. Contact régulier par téléphone pour entretenir la motivation après les deux premiers mois
Contrôle : 4 visites par un infirmier durant les deux premiers mois. Contact régulier par téléphone
|
0,81 [0,56-1,18]
|
0,68 [0,51-0,89]
|
Campbell et coll., 1999
|
45
|
48
|
Évaluation initiale
Retrait graduel de médicaments psychotropes (substitution par placebo) sur une période de 14 semaines + programme d’exercices au domicile (programme Otago)
Retrait graduel de médicaments psychotropes (substitution par placebo) sans programme d’exercices au domicile
Pas de retrait des psychotropes + programme d’exercices au domicile
Sans retrait des psychotropes + sans programme d’exercices au domicile
Programme d’exercices (Otago) : 4 visites d’1 h par un physiothérapeute les deux premiers mois pour prescrire un programme individualisé d’exercices au domicile (étirements musculaires, entraînement de l’équilibre, 30 mn, 3 fois/semaine + marche 2 fois/semaine)
Contact régulier par téléphone pour entretenir la motivation
Présentation, aspect et goût similaires pour le placebo et le psychotrope
|
0,80 [0,43-1,50]
|
0,87 [0,36-2,10]
|
Haines et coll., 2009 b
|
19
|
34
|
« Kitchen table Exercise program » : DVD et livret d’instructions. Exercices progressifs de force des membres inférieurs et d’équilibre 3 à 7 fois par semaine. Lecteur de DVD prêté si besoin. Au moins 1 visite au domicile par le physiothérapeute qui a défini le programme puis contact hebdomadaire par téléphone sur 8 semaines après la première visite au domicile puis durant 18 semaines sans encouragements
Contrôle : aucun programme d’exercices
|
0,98 [0,61-1,57]
|
0,72 [0,33-1,57]
|
Kamide et coll., 2009
|
20
|
23
|
Exercice au domicile au moins 3 j/semaine durant 24 semaines. Une heure de session d’éducation plus une heure d’explication des exercices par un physiothérapeute. Exercice : stretching, entraînement en force des membres
inférieurs d’intensité modérée, entraînement de l’équilibre, « impact training ». Pas de visite au domicile mais contact téléphonique ou par mail mensuellement
Contrôle : activités habituelles. Contact téléphonique ou par mail par un physiothérapeute trimestriellement
|
0,38 [0,02-7,91]
|
–
|
Lin et coll., 2007
|
50
|
50
|
Exercices d’entraînement de base à domicile (physiothérapeute)
Évaluation de la sécurité du domicile et modification professionnel de santé publique
Contrôle : « éducation » 1 visite de 30-40 mn chaque quinzaine durant 4 mois avec fourniture de brochures sur la prévention des chutes (professionnel de santé publique)
|
–
|
0,67 [0,35-1,28]
|
Liu-Ambrose et coll., 2008
|
31 (T0)
28 (6 mois de suivi)
|
28 (T0)
24 (6 mois de suivi)
|
Programme au domicile basé sur l’entraînement de la force et de l’équilibre (Programme Otago)
Contrôle : entretien semi-structuré avec la personne qui s’est présentée aux urgences pour une chute et son expérience pour rechercher le soin (experience seeking care for the fall)
Les deux groupes reçoivent une évaluation des facteurs de risque de chute et une consultation par un gériatre + conseils de prévention des chutes
|
0,64 [0,38-1,06]
|
0,65 [0,25-1,70]
|
Robertson et coll., 2001b
|
121
|
119
|
Programme individualisé d’exercices au domicile (Otago) prescrit par un infirmier spécialement formé (l’infirmier n’avait pas d’expérience préalable vis-à-vis de la prescription d’exercices physiques, mais a suivi une semaine de formation par un physiothérapeute qui a ensuite assuré un contrôle qualité en effectuant des visites sur site et un suivi téléphonique)
Visites à domicile par l’infirmier la 1re semaine (1 h), puis à 2, 4, 8 semaines et à 6 mois (1/2 h) + contact téléphonique mensuel pour maintenir la motivation
Exercices d’entraînement en force et équilibre de difficulté progressive + programme de marche, durée un an avec exercices 3 fois/semaine, marche 2 fois/semaine
Contrôle : soins usuels
|
0,73 [0,53-1,02]
|
0,54 [0,32-0,90]
|
Résultats groupés (pooled Rate ratio / Relative risk, IC 95 %)
|
714
|
951
| |
0,78 [0,64-0,94]
|
0,68 [0,58-0,80]
|
Hétérogénéité (I2, %) : 0 (p-value 0,97)
a Factorial design : extended physiotherapy groups vs standard physiotherapy groups post hip fracture
b Post hospital discharge
Tableau 12.III Effet des programmes de tai chi sur le taux de chutes et le nombre de chuteurs (Gillespie et coll., 2012)
Référence
|
Intervention (N)
|
Contrôle (N)
|
Types d’intervention
|
Nombre de chuteurs
Relative Risk [IC 95 %]
|
Taux de chutes
Rate Ratio [IC 95 %]
|
Huang et coll., 2010
|
31
|
47
|
1. Éducation : 5 séances d’éducation (médicaments, nutrition, environnement extérieur et intérieur, chaussage) et discussion
2. Tai chi chuan : 13 mouvements simples 40 mn, 3 fois/semaine durant 20 semaines
3. Éducation et Tai chi
4. Contrôle
|
0,51 [0,02-2,49]
|
–
|
Li et coll., 2005
|
95
|
93
|
Intervention : Tai chi 1 h, 3 fois/semaine, 26 semaines
Contrôle : stretching 1 h, 3 fois/semaine, 26 semaines
|
0,48 [0,28-0,83]
|
0,45 [0,29-0,69]
|
Logghe et coll., 2009
|
138
|
131
|
Tai chi chuan, 1 h, 2 fois/semaine, 13 semaines + brochure sur la prévention des chutes
Contrôle : brochure sur la prévention des chutes
|
0,93 [0,71-1,23]
|
1,16 [0,96-1,56]
|
Voukelatos et coll., 2007
|
347
|
337
|
Tai chi 1 h/semaine, 16 semaines (8 à 15 participants par groupe) en 24 lieux différents. Styles de Tai chi différents selon les groupes : majorité (83 %) Sun style, 2 groupes (3 %) Yang style, le reste (14 %) mélange de styles
Contrôle : après 24 semaines, proposition d’un programme de Tai chi
|
0,67 [0,49-0,92]
|
0,67 [0,46-0,97]
|
Wolf et coll., 1996 a
|
72
|
64
|
3 groupes :
Tai chi chuan (exercice pour augmenter l’équilibre). Séances en groupe 2 fois/semaine durant 15 semaines (contact individuel avec l’instructeur 45 mn/semaine)
Entraînement sur plate-forme de force. Séance individuelle une fois/semaine durant 15 semaines (contact individuel avec l’instructeur 45 mn/semaine)
Contrôle : groupes de discussion sur les centres d’intérêt des personnes âgées avec un infirmier de service de gérontologie une heure/semaine durant 15 semaines
|
–
|
0,67 [0,41-1,09]
|
Wolf et coll., 2003
|
145
|
141
|
Tai chi (TC) intensif : 6 à 24 formes simplifiées de TC de 1 h à 90 mn, 2 fois/semaine (10 à 50 mn de TC) sur 48 semaines. Progressif avec support puis sans support
Contrôle : Programme de bien-être, 1 h/semaine durant 48 semaines. Éducation à la prévention des chutes, exercices et équilibre, nutrition, médicaments, changement dans le fonctionnement du corps, santé
Matériel interactif fourni mais pas d’instruction pour les exercices
|
0,79 [0,62-1,00]
|
0,75 [0,52-1,09]
|
Woo et coll., 2007 a
|
60
|
60
|
Tai chi, 24 formes d’exercices de Hang style, 3 fois/semaine durant 52 semaines
Entraînement avec exercices en résistance 3 fois/semaine en utilisant une Thermoband durant 52 semaines
Contrôle : aucun exercice prescrit
|
0,49 [0,29-0,80]
|
–
|
Résultats groupés (pooled Rate ratio/ Risk ratio, IC 95 %)
| | | |
0,71 [0,57-0,87]
|
0,72 [0,52-1,00]
|
Hétérogénéité (I2, %) : 72 (p-value 0,006)
a Tai chi group vs control
Tableau 12.IV Effet des programmes d’exercices en groupe incluant marche, équilibre ou entraînement fonctionnel sur le taux de chutes et le nombre de chuteurs (Gillespie et coll., 2012)
Référence
|
Intervention (N)
|
Contrôle (N)
|
Types d’intervention
|
Nombre de chuteurs
Relative Risk [IC 95 %]
|
Taux de chutes
Rate Ratio
[IC 95 %]
|
Cornillon et coll., 2002
|
150
|
153
|
Information sur le risque de chute et entraînement de l’équilibre par groupe de 10 à 16 personnes. Une séance par semaine durant 8 semaines. Séances débutant par échauffement des pieds et chevilles, marche sur la pointe des pieds, sur les talons, marche en suivant différentes consignes, marche sur différentes surfaces, sur un pied yeux ouverts et fermés, pratique du relevé de sol
Contrôle : activités usuelles
|
0,83 [0,58-1,18]
|
0,82 [0,58-1,17]
|
Liu-Ambrose et coll., 2004 a
|
34
|
32
|
1. Entraînement en résistance de haute intensité. 50 mn, 2 fois/semaine durant 25 semaines en utilisant Kaiser Presurized Air system et poids.
Un moniteur pour 2 participants
2. Entraînement en agilité. 50 mn, 2 fois/semaine durant 25 semaines (jeux de balle, relais, mouvements de danse, courses d’obstacles avec protecteurs de hanches) dans le but de stimuler la coordination main-yeux et pieds-yeux, l’équilibre et les réflexes. Un moniteur pour 3 participants
Contrôle : exercices d’étirement de respiration, relaxation, posture 50 mn, 2 fois/semaine, durant 25 semaines. Un moniteur pour 4 participants
|
–
|
1,04 [0,44-2,47]
|
McMurdo et coll., 1997
|
44
|
48
|
Programme d’exercices debout en musique. 45 mn, 3 fois/semaine, 30 semaines/an + 100 mg de carbonate de calcium par jour
Contrôle : 100 mg de carbonate de calcium par jour
|
0,68 [0,39-1,17]
|
0,53 [0,28-1,00]
|
Weerdesteyn et coll., 2006
|
30
|
28
|
Programme d’exercices de faible intensité. 1,5 h, 2 fois/semaine durant 5 semaines. La 1re séance hebdomadaire inclue marche, équilibre, coordination (évitement d’obstacles). La 2e séance inclue marche, exercices de changement de vitesse et de direction et pratique des techniques de chute dérivées des arts martiaux
Contrôle : aucun entraînement
|
1,04 [0,50-2,15]
|
0,53 [0,28-1,00]
|
Résultats groupés (pooled Rate ratio / Relative risk, IC 95 %)
| | | |
0,81 [0,62-1,07]
|
0,72 [0,55-0,94]
|
Hétérogénéité (I2, %) : 0 (p-value 0,39)
a Agility training group vs control. Fall data at end of intervention (25 weeks)
Ces résultats sont en accord avec ceux d’une autre méta-analyse basée sur les données de 44 essais réalisés majoritairement en milieu communautaire et regroupant 9 603 participants au total (Sherrington et coll., 2008
). Après avoir montré que l’exercice réduisait globalement le taux de chutes de 17 %, les auteurs ont réalisé une méta-régression afin d’identifier les caractéristiques des programmes ou des participants qui étaient associées à un effet plus important de l’intervention. Les résultats de cette méta-régression montrent que 3 facteurs influencent significativement et positivement l’effet de l’exercice : un entraînement spécifique de l’équilibre, une plus forte « dose » totale d’exercice et l’absence de marche à pied dans le programme.
Une stimulation efficace de l’équilibre peut être obtenue de trois façons (Sherrington et coll., 2011
) :
• en réduisant la « base d’appui » (par exemple, en se tenant debout les pieds rapprochés, ou avec un pied juste devant l’autre, ou sur un seul pied) ;
• en effectuant des mouvements contrôlés de déplacement du centre de gravité (par exemple, en tendant les bras vers l’avant comme pour atteindre quelque chose, en transférant le poids du corps d’une jambe sur l’autre, ou en montant sur un marchepied) ;
• en réduisant au minimum l’utilisation des membres supérieurs pour aider à se stabiliser (par exemple, en se tenant à une barre d’une seule main au lieu de deux, en s’appuyant sur une table à l’aide d’un seul doigt plutôt qu’en posant la main entière).
Les résultats de la méta-régression montrent que les programmes d’exercice qui stimulent fortement l’équilibre (programmes répondant aux 3 critères ci-dessus) sont significativement plus efficaces vis-à-vis des chutes que ceux qui offrent une stimulation moins intense.
La « dose » totale d’exercice (combinaison fréquence hebdomadaire des séances supervisées ou individuelles × longueur du programme) semble également importante à considérer : l’effet sur la prévention des chutes est nettement plus marqué dans les essais où la dose d’exercice est au minimum de 50 heures sur la longueur totale de l’intervention, ce qui équivaut par exemple à 2 heures par semaine sur une période de 6 mois. Ces résultats ont des implications importantes dans la mesure où la plupart des programmes de prévention des chutes qui sont actuellement proposés aux personnes âgées se déroulent sur 10 à 12 semaines seulement. Des stratégies combinant séances en groupe et exercices à domicile (les 2 en parallèle ou bien l’entraînement à domicile prenant la suite des séances en groupe) pourraient s’avérer intéressantes pour faciliter la participation au long cours, en particulier pour les personnes très âgées qui sont moins mobiles.
L’analyse de Sherrington et coll. (2008
) montre par ailleurs que les programmes qui incluent de la marche à pied ont un effet moindre sur le taux de chutes que ceux qui n’en incluent pas. Cette différence d’effet pourrait être liée au fait que les participants sont exposés à un plus haut risque de chute pendant qu’ils marchent. Mais les essais publiés n’ont généralement pas rapporté de chutes pendant les séances de marche prescrites. Une autre explication serait que le temps passé à marcher remplacerait en partie celui consacré aux exercices d’équilibre (qui sont les exercices les plus efficaces) au sein de programmes où la durée hebdomadaire totale d’exercice est fixe et limitée. Dans le cadre de la prévention des chutes, il est donc recommandé de veiller à ce que la marche ne soit pas prescrite au détriment des exercices d’équilibre.
Sherrington et coll. (2008
) montrent que la plus forte réduction du taux de chutes (de l’ordre de 42 %) est observée avec les programmes qui incluent des exercices stimulant fortement l’équilibre et une haute dose globale d’exercice (≥ 50 h) et qui ne comprennent pas de marche à pied (
adjusted pooled Rate Ratio=0,58 ; IC 95 % [0,48-0,69] ; 68 % de la variabilité entre études expliquée) (tableau 12.V
).
Tableau 12.V Effet de l’exercice sur le taux de chutes en fonction de différentes caractéristiques du programme (d’après Sherrington et coll., 2008)
|
Adjusted pooled Rate Ratios2 (IC 95 %)
|
Caractéristiques du programme1
|
Stimulation forte de l’équilibre3
|
Stimulation modérée ou faible
de l’équilibre
|
Haute dose globale d’exercices et marche4
|
0,76 [0,66-0,88]
|
0,96 [0,80-1,16]
|
Haute dose globale d’exercices sans marche
|
0,58 [0,48-0,69]
|
0,73 [0,60-0,88]
|
Faible dose globale d’exercices et marche
|
0,95 [0,78-1,16]
|
1,20 [1,00-1,44]
|
Faible dose globale d’exercices sans marche
|
0,72 [0,60-0,87]
|
0,91 [0,79-1,05]
|
1 Dose globale d’exercice (sessions en groupe et/ou exercices à la maison) sur la durée totale de l’intervention : ≥ 50 h (haute dose) versus < 50 h (faible dose)
2 Les adjusted pooled Rate Ratios estiment les effets de l’exercice sur les taux de chutes dans des essais ayant différentes combinaisons de caractéristiques du programme d’exercices
3 Stimulation de l’équilibre forte (3 critères suivants) ou modérée (seulement 2 des 3 critères suivants) : réduction de la base de support, mouvement du centre de gravité, utilisation limitée des membres supérieurs
4 Programme de marche ou incitation à marcher spécifiquement mentionnée (avec marche) ou non (sans marche)
L’analyse de la littérature (Gillespie et coll., 2012
) montre que divers types de programmes peuvent être efficaces, des programmes d’exercices à pratiquer en groupe comme des programmes d’exercices à pratiquer en individuel au domicile. L’intérêt des programmes d’exercices en groupe est d’offrir un environnement social stimulant et un niveau de supervision et d’encadrement dont beaucoup de personnes âgées ont besoin pour s’engager puis rester dans un programme d’exercices. Ce type de programme présente également l’avantage de favoriser le lien social et peut donc contribuer à lutter contre la solitude. Il nécessite également un moindre investissement en temps d’instructeur et en coût financier global. La littérature montre que la pratique d’exercices d’équilibre au domicile peut se faire sans risque, dans la mesure où les exercices sont prescrits individuellement par des instructeurs qualifiés. Par exemple, il a été montré que le programme à domicile « Otago » (
Otago Exercise Program) (voir
chapitre 10) qui combine des exercices d’équilibre et de renforcement musculaire, permettait de réduire le taux de chutes de 35 % chez des femmes âgées de plus de 80 ans vivant à leur domicile (Campbell et coll., 1997
). La mise en Ĺ“uvre de ce programme comprend initialement 5 visites à domicile réalisées par un kinésithérapeute ou un infirmier spécialement formé afin d’enseigner à la personne les mouvements à effectuer, puis un suivi téléphonique une fois par mois qui a pour but de s’assurer du déroulement du programme dans de bonnes conditions mais également d’entretenir la motivation de la participante. Ce type de programme apparaît particulièrement adapté pour les personnes plus âgées, plus « fragiles » ou plus isolées, qui peuvent difficilement se rendre dans un centre.
De façon générale, on sait que les bénéfices de l’exercice sont rapidement perdus après l’arrêt de l’entraînement, ce qui implique idéalement la poursuite de l’entraînement aussi longtemps que possible pour le maintien des effets sur le long terme. Peu d’études ont suivi les participants au-delà de la période d’intervention pour apprécier la durée de l’effet préventif sur les chutes et la persistance d’une activité par les participants. Des programmes combinant séances en groupe et exercices à la maison (en parallèle ou à la suite des séances en groupe) pourraient contribuer à améliorer la participation à long terme. Une autre stratégie, qui a été testée récemment dans l’essai Australien Life (
Life style Integrated Functional Exercice), consiste à proposer des exercices pouvant être réalisés en effectuant les tâches quotidiennes (par exemple, se tenir debout sur un pied en faisant la cuisine, plier les genoux plutôt que se pencher en avant pour ramasser un objet au sol…) (Clemson et coll., 2012
). Les résultats de l’essai Life, qui a été réalisé chez des sujets âgés de plus de 70 ans qui avaient déjà fait de multiples chutes ou au moins une chute traumatique au cours des 12 derniers mois, montrent une diminution significative de 31 % du taux de chutes dans le groupe intervention comparé au groupe contrôle, après 12 mois de suivi.
Dans tous les cas, il est évident qu’il n’y a pas une stratégie d’intervention qui conviendrait à tous, et le contenu et les modalités d’application du programme d’exercice doivent être adaptés à l’âge, à l’état fonctionnel et à l’état de santé de la population cible si on veut que l’intervention soit acceptée et efficace, en particulier sur le long terme (Rose, 2008
). Cependant, il y a peu de recommandations ou de conseils sur la meilleure façon de concevoir et d’implémenter un programme « adapté » en pratique, et les caractéristiques des programmes optimums en termes d’efficacité et d’acceptabilité pour différents sous-groupes de la population âgée n’ont pas été clairement déterminées.
De façon générale, les études publiées ne fournissent pas une description suffisamment précise des programmes et des procédures d’implémentation utilisées pour que l’on puisse juger de l’applicabilité des programmes dans des cadres différents et à large échelle.
Efficacité des programmes selon le risque de chute
Personnes vivant à domicile
Quelques essais d’évaluation d’interventions de prévention des chutes ont montré que l’intervention en question était plus efficace et plus « coût-efficace » dans des sous-groupes de participants ayant un plus haut risque de chute (Tinetti et coll., 1994
; Rizzo et coll., 1996
; Cumming et coll., 1999
; Robertson et coll., 2001a
et b
). Cependant, les essais ont généralement une puissance statistique trop limitée pour des analyses en sous-groupes et montrer dans quels sous-groupes le programme est le plus efficace.
Le groupe de recherche de John Campbell, qui a développé en Australie le programme « Otago », a combiné les données individuelles provenant de 4 essais randomisés évaluant l’effet de ce programme dans diverses populations de personnes âgées (Robertson et coll., 2002
). Les résultats de cette méta-analyse montrent que, globalement, le programme diminue de 35 % le taux de chutes et de traumatismes (modérés ou sévères) consécutifs à une chute. L’analyse en sous-groupes montre une efficacité plus importante du programme vis-à-vis de la prévention des chutes traumatiques chez les participants âgés de plus de 80 ans que chez les participants plus jeunes (entre 65 et 79 ans), mais une efficacité identique chez les personnes avec un antécédent de chute dans les 12 derniers mois que chez celles qui n’en ont pas. De façon générale, il est important de souligner que, pour une même efficacité (mesurée en termes de réduction relative du taux de chutes chez les personnes qui reçoivent l’intervention par rapport à celles qui ne la reçoivent pas), le bénéfice absolu du programme mesuré en termes de nombre de chutes évitées sera plus grand dans le sous-groupe de la population qui a un risque de chute plus élevé au départ. Ainsi, le programme « Otago » sera particulièrement efficace pour réduire le nombre total de chutes chez les personnes de plus de 80 ans qui ont un antécédent de chute.
Dans la revue
Cochrane des interventions de prévention des chutes en milieu communautaire (Gillespie et coll., 2012
), une analyse en sous-groupes a été réalisée selon le niveau de risque (a priori) des participants à l’inclusion, c’est-à-dire en distinguant les essais dans lesquels les participants ont été sélectionnés sur la base d’un antécédent de chute ou d’autres facteurs de risque de chute (a priori à plus haut risque) et les essais dans lesquels les participants n’ont pas été sélectionnés. Les résultats indiquent que les programmes d’exercices multi-catégories pratiqués en groupe sont aussi efficaces dans les essais où les participants ont été sélectionnés pour être à plus haut risque que dans les essais où les participants n’ont pas été sélectionnés. En revanche, le
tai chi semble moins efficace lorsque les personnes ont été sélectionnées au départ pour être à plus haut risque de chute (mais seulement 2 ECR dans ce sous-groupe) (tableaux 12.VI
et 12.VII
).
Tableau 12.VI Exercices en groupe : exercices multi-catégories versus contrôle. Analyse en sous-groupes selon le risque de chute (Gillespie et coll., 2012)
Essai
|
Études
(N)
|
Participants
(N)
|
Méthode statistique
|
Effets
|
Taux de chutes
|
16
| | | |
Sujets sélectionnés pour être à plus haut risque de chute
|
9
|
1 261
|
Rate Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,70 [0,58-0,85]
|
Sujets non sélectionnés
|
7
|
2 361
|
Rate Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,72 [0,58-0,90]
|
Nombre de chuteurs
|
22
| | | |
Sujets sélectionnés pour être à plus haut risque de chute
|
12
|
1 430
|
Risk Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,87 [0,78-0,97]
|
Sujets non sélectionnés
|
10
|
3 903
|
Risk Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,85 [0,68-1,06]
|
Tableau 12.VII Exercices en groupe : Tai Chi versus contrôle : analyse en sous-groupes selon le risque de chute (Gillespie et coll., 2012)
Essai
|
Études
(N)
|
Participants
(N)
|
Méthode statistique
|
Effets
|
Taux de chutes
|
5
| | | |
Sujets sélectionnés pour être à plus haut risque de chute
|
2
|
555
|
Rate Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,95 [0,62-1,46]
|
Sujets non sélectionnés
|
3
|
1 008
|
Rate Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,59 [0,45-0,76]
|
Nombre de chuteurs
|
6
| | | |
Sujets sélectionnés pour être à plus haut risque de chute
|
2
|
555
|
Risk Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,85 [0,71-1,01]
|
Sujets non sélectionnés
|
4
|
1 070
|
Risk Ratio (Random, IC 95 %)
|
0,58 [0,46-0,74]
|
Ces résultats vont dans le même sens que ceux rapportés dans plusieurs revues systématiques et méta-analyses qui ont évalué spécifiquement les effets potentiellement bénéfiques du
tai chi sur l’amélioration de l’équilibre et la réduction des chutes dans des populations âgées diverses, qui vivaient à leur domicile, en résidence pour personnes âgées ou en maison de retraite (Liu et Frank, 2010
; Logghe et coll., 2010
; Blake et Hawley, 2012
; Schleicher et coll., 2012
). Ces revues montrent que le
tai chi a été trouvé efficace vis-à-vis de la réduction des chutes uniquement dans des populations âgées considérées comme étant « non fragiles ». Il ne semble pas efficace chez les personnes âgées qui sont dans un état de transition vers la fragilité (Wolf et coll., 2003
) et pourrait même augmenter le risque de chute chez les personnes les plus fragiles (Faber et coll., 2006
). Cependant, le nombre d’ECR analysés est relativement faible et les interventions évaluées varient beaucoup non seulement en termes d’état de santé et de niveau de capacités fonctionnelles des participants, mais aussi en termes de style de
tai chi, de forme d’exercices (courte
versus longue), de fréquence et de durée de l’intervention. Ces différences pourraient contribuer également à expliquer l’hétérogénéité des résultats entre les études.
Personnes vivant en institutions
Dans la dernière édition de la revue
Cochrane sur les interventions de prévention des chutes, les essais réalisés en institutions (maisons de retraite) ont été analysés séparément (Cameron et coll., 2012
) des essais réalisés en milieu communautaire (Gillespie et coll., 2012
). Cette séparation se justifie non seulement parce que le nombre d’essais dans chacun de ces milieux a augmenté très rapidement au cours des 10 dernières années, mais aussi parce que les profils des personnes et les caractéristiques de leur environnement sont tellement différents dans ces deux milieux que l’on peut penser que le type d’interventions à mettre en Ĺ“uvre pour prévenir efficacement les chutes devra probablement lui aussi être différent. Parmi les interventions menées en maison de retraite incluses dans la revue de Cameron, 11 correspondaient à des programmes d’exercices supervisés et administrés seuls, en l’absence d’autres types d’intervention. Globalement, l’exercice n’a pas été trouvé associé à une réduction du taux de chutes (RaR=1,00 ; IC 95 % [0,74-1,35] ; 7 ECR ; 1 205 participants) ni à une diminution du risque de chuter (RR=1,03 ; IC 95 % [0,88-1,21] ; 7 ECR ; 1 248 participants). Les résultats des essais sont hétérogènes. Par exemple, 2 essais ont utilisé des appareils permettant d’induire des perturbations de l’équilibre. Les résultats combinés de ces 2 essais montrent une réduction significative du taux de chutes chez les participants recevant l’intervention. À l’inverse, les résultats combinés de 4 autres essais ayant évalué l’effet de programmes incluant différents types d’exercices montrent une augmentation significative du taux de chutes chez les participants recevant l’intervention. Dans la méta-analyse de Sherrington et coll. (2011
), une analyse complémentaire portant uniquement sur les 15 ECR réalisés en maisons de retraite ou résidence médicalisée a été menée. Dans cette analyse, comme dans la revue
Cochrane de Cameron, aucun effet significatif de l’exercice (tous types de programmes confondus) n’a pu être mis en évidence (RaR=0,93 ; IC 95 % [0,78-1,11]).
En résumé, en milieu communautaire l’exercice peut être recommandé pour prévenir les chutes chez l’ensemble des personnes âgées, y compris celles qui sont à plus haut risque de chute. Les programmes qui se sont avérés efficaces sont extrêmement variés et comprennent à la fois des programmes à pratiquer en groupe et des programmes individualisés à pratiquer au domicile. Concernant les programmes d’exercices à pratiquer en groupe, il a été suggéré de cibler des personnes à plus haut risque de chute de façon à pouvoir constituer des groupes plus homogènes en termes de capacités physiques et à augmenter le rapport « coût-efficacité » de l’intervention (Campbell et Robertson, 2007
). Mais les critères de sélection doivent être simples à utiliser en pratique clinique courante (antécédent de chute, limitation des capacités d’équilibre et de marche mesurée par des tests fonctionnels simples) et permettre de proposer le programme à une part importante de la population âgée. Chez les sujets vivant en maison de retraite et plus généralement chez les sujets âgés très fragiles, l’effet de l’exercice n’est pas clairement démontré, et les recherches doivent être poursuivies pour déterminer quels sont les types d’interventions qui pourraient réduire significativement les chutes dans ces populations.
Efficacité des programmes sur la prévention des chutes graves
Bien que la réduction du nombre de traumatismes liés aux chutes soit un objectif majeur des programmes d’exercice pour la prévention des chutes, la plupart des essais d’intervention n’ont pas un effectif suffisant pour montrer de manière définitive l’efficacité de l’intervention sur la réduction des chutes traumatiques, en particulier des plus graves dont l’incidence est relativement faible par rapport à l’ensemble des chutes (faible puissance statistique). De plus, la définition des « chutes traumatiques » varie d’une étude à l’autre et peut inclure des traumatismes légers ou relativement modérés tels que des hématomes ou plaies superficielles ou seulement des traumatismes graves tels que des fractures, si bien qu’il est difficile de comparer les résultats entre études (tableau 12.VIII
en fin de chapitre).
Dans la méta-analyse de Robertson et coll. (2002
) qui regroupe les données de 4 ECR, l’efficacité du programme « Otago » sur la réduction des chutes entraînant un traumatisme (modéré ou grave) était globalement de 35 %. Aucun effet significatif n’a pu être mis en évidence spécifiquement sur la prévention des traumatismes graves, mais la puissance statistique était faible pour montrer un effet sur ce type de traumatisme. Une revue plus récente (Thomas et coll., 2010
) incluant 3 « nouveaux » essais en plus des 4 inclus dans l’analyse précédente n’a pas retrouvé d’effet significatif du programme sur les chutes traumatiques. Cependant, cette deuxième analyse n’était pas basée sur des données individuelles et les taux de participation au programme étaient significativement plus bas dans les 3 « nouveaux » essais comparés aux 4 autres.
Dans la revue
Cochrane de Gillespie et coll. (2012
), une analyse complémentaire a été menée pour évaluer l’effet de l’exercice sur la prévention des fractures chez les personnes âgées vivant à leur domicile. Cette analyse, qui inclut 6 ECR, suggère que les programmes d’exercice visant à prévenir les chutes diminuent significativement le risque de fracture (RR=0,34 ; IC 95 % [0,18-0,63]).
En dehors des fractures, d’autres types de traumatismes liés aux chutes sont fréquents et peuvent également avoir des conséquences médicales, psychologiques et économiques importantes. De façon générale, toutes les chutes qui entraînent le recours à des soins médicaux sont importantes à considérer car elles représentent un coût élevé pour la société et un poids considérable pour le fonctionnement des services de soins (Shumway-Cook et coll., 2009
; Davis et coll., 2010
). Même les chutes qui entraînent des traumatismes relativement légers ne doivent pas être négligées car elles aussi peuvent entraîner une diminution de la confiance en soi et une restriction d’activité qui, à la longue, peuvent conduire à une accélération du déclin fonctionnel lié à l’âge et à une perte progressive d’autonomie (Hartholt et coll., 2011
). Une méta-analyse récente a regroupé les données de 17 ECR réalisés en milieu communautaire (4 305 participants au total) pour évaluer l’efficacité de l’exercice sur différents types de chutes traumatiques (El-Khoury et coll., 2013
). Une étape préliminaire essentielle a consisté à grouper les définitions des chutes traumatiques trouvées dans les études sélectionnées en 4 catégories relativement homogènes : 1) toutes les chutes ayant eu une conséquence, qu’il s’agisse d’un symptôme clinique spécifique (pouvant aller d’un simple hématome à un traumatisme plus grave) ou du recours à des soins médicaux ; 2) celles qui ont entraîné le recours à des soins médicaux ; 3) celles accompagnées de traumatismes graves tels qu’une fracture, un traumatisme crânien, une plaie profonde ayant nécessité des sutures ou tout autre blessure ayant conduit à une hospitalisation ; et 4) enfin, celles accompagnées spécifiquement d’une fracture. En fonction du type de données disponibles, une même étude a pu contribuer à l’analyse d’une ou plusieurs catégories de chutes traumatiques. Les résultats de la méta-analyse montrent que l’exercice est efficace vis-à-vis de toutes les catégories de chutes traumatiques considérées, avec un ratio de taux de chutes (
pooled RaR et IC 95 %) égal à 0,63 (0,51-0,77) pour l’ensemble des chutes traumatiques (10 essais), 0,70 (0,54-0,92) pour les chutes ayant entraîné le recours à des soins médicaux (8 essais), 0,57 (0,36-0,90) pour les chutes accompagnées d’un traumatisme grave (7 essais), et 0,39 (0,22-0,66) pour les chutes accompagnées d’une fracture, spécifiquement (6 essais).
Beaucoup de facteurs de risque de chute et de traumatismes liés aux chutes sont identiques (Tinetti, 2003
). Ces facteurs peuvent être « corrigés » par des programmes d’exercice physique appropriés, même chez des sujets très âgés ou fragiles (Lord et coll., 1995
; Li et coll., 2005
; Iwamoto et coll., 2009
). Tous les programmes d’exercice qui se sont montrés efficaces vis-à-vis de la prévention des chutes (et tous les essais inclus dans la méta-analyse de El-Khoury et coll., 2013
) mettent l’accent sur l’entraînement de l’équilibre, et il y a maintenant suffisamment de preuves de l’efficacité de ce type d’entraînement sur l’amélioration des capacités d’équilibre des personnes âgées (Campbell et coll., 1997
; Howe et coll., 2011
) (voir
chapitre 10). Cependant, la plupart des programmes sont multi-catégoriels, c’est-à-dire incluent d’autres types d’exercices comme la marche, des exercices d’entraînement fonctionnel, de renforcement musculaire, ou d’endurance. Il y a aussi des preuves que ce type d’intervention peut améliorer le temps de réaction, la marche, la force musculaire, la coordination, le fonctionnement physique général ainsi que les fonctions cognitives, en particulier les fonctions exécutives (Barnett et coll., 2003
; Fitzharris et coll., 2010
; Liu-Ambrose et coll., 2010
) (voir
chapitre 11). On peut donc penser que l’exercice prévient les chutes traumatiques non seulement en améliorant l’équilibre et en diminuant le risque de chute, mais aussi en améliorant le fonctionnement cognitif, la vitesse et l’efficacité des réflexes de protection (comme le fait d’étendre le bras en avant pour se protéger) ainsi que les capacités d’amortissement des tissus mous (comme les muscles) (Nevitt et coll., 1993
; Quant et coll., 2001
), ce qui contribue à diminuer la force d’impact de la chute. Ainsi, pour une même énergie cinétique initiale de la chute, l’amélioration des réponses de protection va permettre de diminuer la sévérité des conséquences de la chute, ce qui pourrait expliquer que l’efficacité de l’exercice apparaît plus importante sur les chutes les plus sévères que sur l’ensemble des chutes traumatiques (qui inclut à la fois les chutes sévères et les chutes plus modérées).
D’autres facteurs de risque sont spécifiques du risque de traumatisme au cours d’une chute, et la correction de ces facteurs par l’exercice pourrait également expliquer l’efficacité apparemment plus grande de l’exercice vis-à-vis des chutes les plus sévères. En particulier, la diminution de la masse osseuse est un déterminant majeur du risque de fracture. Dans 3 des 5 essais inclus dans la méta-analyse de El-Khoury et coll. concernant les chutes accompagnées d’une fracture (McMurdo et coll., 1997
; Korpelainen et coll., 2006
; Kemmler et coll., 2010
), l’intervention a été conçue spécifiquement pour améliorer la masse osseuse et, par conséquent, inclut des exercices « d’impact » (en charge) de haute intensité en plus des exercices d’équilibre, de marche et d’entraînement fonctionnel. Les résultats de ces études montrent un effet significatif sur la masse osseuse à des sites osseux variables selon les études. Cependant, ces interventions ont été évaluées chez des femmes ménopausées dont l’âge moyen était inférieur à 75 ans, et ne sont probablement pas appropriées pour les femmes plus âgées, qui sont celles qui sont le plus à risque de chute et de fractures, en particulier de fractures de l’extrémité supérieure du fémur.
La méta-analyse montre que des programmes d’exercices d’intensité plus modérée permettent de réduire efficacement les chutes les plus graves (qui incluent les chutes avec fractures), ce qui suggère qu’un moyen de prévention efficace et faisable des fractures chez les personnes âgées pourrait passer par la réduction du risque de chute et l’amélioration des capacités de protection lors de chute, comme cela a également été suggéré par d’autres auteurs (Skelton et Beyer, 2003
; Kannus et coll., 2005
; Järvinen et coll., 2008
; de Kam et coll., 2009
; Martin, 2009
). Ces résultats sont d’autant plus importants que des grandes études de cohortes ont montré que la majorité des fractures surviennent chez des personnes âgées qui ont un « risque osseux » modéré pour leur âge (Dargent-Molina et coll., 1996
; Stone et coll., 2003
). Ainsi, à côté de la prescription de traitements à visée osseuse pour les femmes ostéoporotiques les plus à risque de fractures, des mesures de prévention complémentaires, qui pourraient être proposées à de larges segments de la population âgée, seront nécessaires pour réduire de façon significative le nombre de fractures dans cette population (Cheung et Detsky, 2008
). Les programmes d’exercices pour la prévention des chutes pourraient être une de ces stratégies.
Il est important que dans les futurs essais, le nombre et le type de chutes traumatiques soient systématiquement rapportés en utilisant une classification bien standardisée et référencée dont le choix aura été décidé avant le début de l’intervention (voir chapitre 1). Ceci facilitera les comparaisons entre études et permettra de combiner plus facilement les données dans le cadre de méta-analyses (El-Khoury et coll., 2013
).
Il apparaît également important que les futurs essais rapportent de façon plus systématique l’effet de l’intervention sur les facteurs « intermédiaires » liés au risque de chute (capacités d’équilibre et de marche, capacités physiques fonctionnelles globales, fonctions cognitives) afin de mieux comprendre comment agit l’intervention et de développer des programmes optimums en termes de contenu.
Effets secondaires des programmes et impact sur la qualité de vie
Peu d’effets secondaires ont été rapportés dans les essais d’évaluation de programmes d’exercice pour la prévention des chutes. La plupart du temps, il s’agissait de douleurs ou gênes temporaires d’origine musculosquelettique telles que des douleurs au dos (Korpolainen et coll., 2006
; Haines et coll., 2009
). Pas d’autres effets secondaires majeurs, en particulier pas de traumatismes liés à une chute pendant une session d’exercice, n’ont été rapportés. Cependant, la question des effets secondaires n’est généralement pas clairement abordée dans les publications.
Certains auteurs ont suggéré que les interventions de prévention des chutes (par l’exercice physique ou d’autres mesures) pouvaient avoir un impact psychologique négatif chez certaines personnes et diminuer ainsi leur qualité de vie (par exemple, par le biais d’une réduction volontaire des activités par peur de chuter) (Laybourne et coll., 2008
; Sjösten et coll., 2008
).
Dans certains essais, l’effet du programme d’exercice sur la peur de tomber, le niveau général d’activité physique ou d’autres dimensions de la qualité de vie a été examiné (par exemple : Barnett et coll., 2003
; Li et coll., 2005
; Luukinen et coll., 2007
; Haines et coll., 2009
; Smulders et coll., 2010
; Clemson et coll., 2012
). Les résultats de ces études montrent soit une absence d’effet, soit une tendance globale vers l’amélioration des mesures, en particulier une tendance à la diminution de la peur de tomber.
Une méta-analyse a été réalisée pour déterminer quelles interventions de prévention des chutes étaient les plus efficaces pour améliorer la confiance des personnes dans leurs capacités d’équilibre (Rand et coll., 2011
). Au total, 24 études ont été incluses dans cette méta-analyse et les interventions ont été regroupées en 3 catégories : exercice seul (9 études, 453 participants),
tai chi (5 études, 468 participants), interventions multifactorielles (toutes incluant de l’exercice physique) (10 études, 1 233 participants). Le
tai chi apparaît comme étant le type d’intervention le plus efficace, comme d’autres revues l’ont également suggéré (Liu et Frank, 2010
; Logghe et coll., 2010
; Blake et Hawley, 2012
) ; mais l’effet global estimé apparaît faible. De plus, le risque de biais de publication (lié à la non-publication de petites études n’ayant pas mis en évidence une réduction de la peur de tomber) semble important, et l’on ne sait pas si les interventions analysées se sont montrées efficaces ou pas sur la réduction des chutes.
Une autre revue systématique de la littérature a été réalisée afin de voir si certains essais de prévention des chutes ont considéré la qualité de vie comme un critère de jugement, et quel était globalement l’impact des interventions sur les différentes dimensions de la qualité de vie telle qu’elle est perçue par les participants aux essais (Vaapio et coll., 2009
). Au total, seuls 12 ECR (2 357 participants au total) ont inclus la qualité de vie perçue (mesurée par des échelles de type SF-36, EuroQol, Rand-30…) parmi leurs critères de jugement. Six d’entre elles ont montré un effet positif de l’intervention sur certaines dimensions de la qualité de vie (fonctionnement physique, fonctionnement social, vitalité, santé mentale). Mais ces interventions étant toutes différentes en termes de contenu (exercice, éducation, intervention plurifactorielle) et de population cible (personnes vivant à leur domicile ou en institution), il n’est pas possible de préciser quels types d’intervention ou quels aspects des programmes permettent d’améliorer la qualité de vie dans différents groupes de personnes âgées. De plus, seule une d’entre elles a rapporté un effet bénéfique sur la réduction des chutes.
Il apparaît important que les études à venir fournissent des informations plus précises sur les effets secondaires éventuels des exercices de prévention des chutes ainsi que des données sur l’impact du programme sur le plan psychosocial et de la qualité de vie des participants à l’essai, de façon à ce que l’on puisse mieux juger du bénéfice global lié aux programmes d’exercice de prévention des chutes (Lamb et coll., 2011
; El-Khoury et coll., 2013
).
Tableau 12.VIII Chutes traumatiques : définitions extraites des études et conséquences estimées des interventions dans la réduction des chutes (d’après El-Khoury et coll., 2013)
Référence
|
Définitions
|
Rate Ratio des chutes avec traumatismes
|
A. Ensemble des chutes traumatiques
|
B. Chutes ayant entraîné le recours à des soins médicaux
|
C. Chutes accompagnées d’un traumatisme grave
|
D. Chutes accompagnées d’une fracture, spécifiquement
|
Barnett et coll., 2003
|
Chutes résultant en contusions, entorses (ou foulures), coupures et écorchures, douleur dorsale et fractures (A)
|
0,73 (046-1,17)
|
–
|
–
|
–
|
Campbell et coll., 1997
|
Chutes classées comme résultant en un traumatisme sérieux si la chute résulte en une fracture, et qu’une admission à l’hôpital ou des sutures sont requises. Chutes classées comme résultant en un traumatisme modéré s’il résulte en contusions, entorses, coupures, écorchures ou réduction des capacités physiques fonctionnelles pour au moins 3 jours ou si le participant a recours aux soins médicaux (A=modéré + sévère), (C=sévère). Chutes nécessitant le recours aux soins médicaux (B)
|
0,45 (0,30-0,67)
|
0,97 (0,58-1,64)
|
0,82 (0,37-1,79)
|
–
|
Cornillon et coll., 2002
|
Cumul de consultations médicales (B). Chutes nécessitant une hospitalisation (C)
|
–
|
1,16 (0,57-2,37)
|
0,15 (0,02-1,16)
|
–
|
Fitzharris et coll., 2010
|
Coupure, éraflure, entaille, écorchure ou fracture ; blessure à la tête ou hospitalisation (A). Chutes nécessitant le recours aux soins médicaux (B)
|
0,85 (0,70-1,04)
|
0,74 (0,50-1,10)
|
–
|
–
|
Freiberger et coll., 2012
|
Nombre de chutes traumatiques (A)
|
0,70 (0,46-1,08)
|
–
|
–
|
–
|
Haines et coll., 2009
|
Chutes avec traumatisme (A), chutes nécessitant un examen médical (médecin généraliste ou personnel médical hospitalier si la chute nécessite l’hospitalisation) (B), chutes accompagnées d’une fracture (D)
|
0,82 (0,32-2,12)
|
0,34 (0,07-1,62)
|
–
|
0,88 (0,08-9,70)
|
Kemmler et coll., 2010
|
Chutes traumatiques (A), chutes accompagnées d’une fracture (D)
|
0,65a (0,45-0,92)
|
–
|
–
|
0,49 (0,18-1,30)
|
Korpelainen et coll., 2006
|
Chutes accompagnées d’une fracture (D)
|
–
|
–
|
–
|
0,36 (0,14-0,93)
|
Li et coll., 2005
|
Chutes résultant en une fracture, blessure à la tête, entorse, écorchure, éraflure ou autre blessure sérieuse aux articulations ou si le participant a recours aux soins médicaux (A), chutes ayant entraîné le recours à des soins médicaux (B), chutes accompagnées d’un traumatisme grave nécessitant des soins médicaux (C)
|
0,40 (0,17-0,95)
|
0,31 (0,11-0,85)
|
0,28b (0,09-0,88)
|
–
|
MacRae et coll., 1994
|
Chutes ayant entraîné le recours à des soins médicaux (B)
|
–
|
0,18 (0,02-1,77)
|
–
|
–
|
Lukkinen et coll., 2007
|
Les traumatismes incluent fractures, luxations et blessures superficielles nécessitant une suture et même des blessures plus sévères (C)
|
–
|
–
|
0,94 (0,60-1,49)
|
–
|
McMurdo et coll., 1997
|
Nombre de personnes avec fracture (D)
|
–
|
–
|
–
|
0,22b (0,01-4,59)
|
Means et coll., 2005
|
Tout changement des capacités physiques fonctionnelles persistant 1 heure après la chute (A)
|
0,35 (0,22-0,56)
|
–
|
–
|
–
|
Robertson et coll., 2001b
|
Écorchures, entorses, coupures, éraflures ou diminution des capacités physiques fonctionnelles durant au moins trois jours ou si le participant a recours aux soins médicaux (traumatisme modéré), chutes accompagnées d’une fracture, admission à l’hôpital avec une blessure ou si une suture est requise (traumatisme sévère) (A=modéré + sévère), (C=sévère), chutes nécessitant un recours aux soins médicaux (B)
|
0,80 (0,53-1,21)
|
0,64 (0,35-1,17)
|
0,22 (0,04-0,95)
|
0,28 (0,06-1,32)
|
Skelton et Beyer, 2005
|
Chutes nécessitant un recours aux soins médicaux (B)
|
–
|
0,60 (0,33-1,08)
|
–
|
–
|
Smulders et coll., 2010
|
Auto-déclaration des traumatismes (A), fractures, commotion cérébrale, blessures nécessitant des sutures (C), fractures comme conséquence d’une chute (D)
|
0,55 (0,32-0,96)
|
–
|
0,19 (0,02-1,57)
|
0,31 (0,03-2,93)
|
Wolf et coll., 1996
|
Chutes accompagnées d’une fracture, blessure à la tête nécessitant une hospitalisation, luxations, entorses, blessures articulaires et déchirures nécessitant des sutures (C)
|
–
|
–
|
0,69 (0,42-1,12)
|
–
|
Pooled Rate ratio
| |
0,63 (0,52-0,77)
|
0,70 (0,53-0,92)
|
0,57 (0,37-0,90)
|
0,39 (0,23-0,66)
|
a Résultats non publiés du nombre total de chutes traumatiques
b Risk ratio d’au moins une chute traumatique (Rate ratio non disponible)
En conclusion, l’efficacité de l’exercice physique sur la prévention des chutes est maintenant clairement établie. Les programmes les plus efficaces sont ceux qui incluent des exercices offrant une stimulation efficace de l’équilibre et qui sont administrés à dose « suffisante » (au moins 50 heures au total). Ces programmes sont efficaces aussi bien chez les personnes sélectionnées pour leur plus haut risque de chute, donc a priori plus « fragiles », que chez les personnes non sélectionnées. Cependant, les preuves viennent majoritairement d’essais réalisés chez des personnes volontaires vivant à leur domicile. L’efficacité de l’exercice chez les sujets les plus fragiles, comme ceux qui vivent en maisons de retraite, n’a pu être démontrée.
Les programmes d’exercice pour la prévention des chutes semblent également efficaces pour réduire les traumatismes liés aux chutes, en particulier les plus graves comme les fractures. Ils réduiraient aussi le taux de chutes entraînant le recours à des soins médicaux. La plupart des essais n’ont pas une taille suffisante pour montrer un effet sur les chutes graves dont l’incidence est relativement faible. Il est important que les futurs essais de prévention des chutes prévoient de recueillir systématiquement des données sur les conséquences des chutes, et de classer les chutes en fonction de la sévérité des traumatismes et du type de soins apporté en utilisant des définitions bien standardisées. Ces données faciliteront les comparaisons entre études et permettront de mettre en commun les données de plusieurs études afin de mieux estimer l’effet global des interventions sur différents types de chutes traumatiques.
Il apparaît également important que les futurs essais rapportent l’effet de l’intervention sur les facteurs « intermédiaires » liés au risque de chute (capacités d’équilibre et de marche, capacités physiques fonctionnelles globales, fonctions cognitives) afin de mieux comprendre comment agit l’intervention et de développer des programmes optimums en termes de contenu. Une évaluation de l’impact de l’intervention sur les facteurs psychosociaux liés aux chutes et sur la qualité de vie des personnes permettrait également de mieux juger de l’intérêt global des interventions.
Enfin, une description plus précise des interventions et des procédures d’implémentation permettrait de mieux juger de leur applicabilité dans différents contextes et faciliterait le transfert des connaissances dans la pratique clinique et de santé publique.
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