III. Facteurs sociaux, culturels, économiques et inégalités sociales en matière de nutrition
2014
9-
Déterminants de l’activité physique et de la sédentarité
La promotion d’une activité physique et la réduction des comportements sédentaires sont d’intérêt majeur en santé publique. La connaissance des facteurs conditionnant la pratique d’activité physique est importante pour identifier les cibles potentielles d’interventions visant à augmenter l’activité physique, mais également à réduire la sédentarité. Les facteurs associés à la pratique d’activité physique peuvent être classés en cinq catégories (Trost et coll., 2002
) : sociodémographiques, psychosociaux, comportementaux, sociaux et culturels, et enfin environnementaux. Ce chapitre traitera des quatre premières catégories de facteurs et tentera d’identifier ceux qui pourraient être liés aux variations de pratique d’activité physique et de sédentarité en fonction de la position socioéconomique. L’analyse des facteurs socioéconomiques et des facteurs environnementaux fera l’objet de chapitres à part entière dans cette expertise.
Facteurs associés à la pratique d’activité physique et à la sédentarité
Dans un article récent de synthèse des revues de littérature sur les facteurs associés à la pratique de l’activité physique, l’équipe de Bauman a analysé les études transversales et longitudinales disponibles (Bauman et coll., 2012
). Les auteurs proposent de distinguer les « facteurs associés », essentiellement identifiés à partir d’études transversales qui peuvent avoir un effet médiateur de la relation sans lien causal avec l’activité physique, et les « déterminants » pour lesquels l’existence d’une relation forte est confirmée dans un grand nombre d’études longitudinales, apportant plus de poids à la détermination d’un lien causal. Ces auteurs ont ainsi recensé 39 facteurs et 11 déterminants chez les enfants, 51 facteurs et 7 déterminants chez les adolescents, et 36 facteurs et 20 déterminants chez les adultes. Dans la suite de ce chapitre, les termes facteurs et déterminants seront utilisés en suivant la distinction proposée par ces auteurs.
Ce chapitre s’appuie largement sur la revue de Bauman et coll. (2012
) et les revues incluses dans son étude qui font la synthèse des facteurs associés à la pratique d’une activité physique ou sportive (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Wendel-Vos et coll., 2007
; Uijtdewilligen et coll., 2011
) ainsi qu’au changement de comportement en matière d’activité physique chez les enfants et les adolescents (Craggs et coll., 2011
) et chez les adultes (Zimmermann-Sloutskis et coll., 2010
).
Chez les enfants
Les résultats présentés se rapportent à l’activité physique et sportive chez les enfants. En ce qui concerne le comportement sédentaire dans cette population, les preuves restent insuffisantes pour permettre de conclure (Van Der Horst et coll., 2007
).
Facteurs sociodémographiques
Parmi les variables sociodémographiques, plusieurs revues de la littérature indiquent que les garçons ont tendance à être plus actifs que les filles, et ceci quelle que soit la tranche d’âge : 2-5 ans (préscolaire) (Hinkley et coll., 2008
), 4-12 ans (Van Der Horst et coll., 2007
) ou 13-18 ans (Sallis et coll., 2000
) (tableau 9.I
). Le fait d’être un garçon a même été qualifié de déterminant du changement de pratique d’activité physique chez les 4-9 ans mais pas chez les 10-13 ans (Craggs et coll., 2011
), cependant les résultats ne sont pas toujours concluants (Uijtdewilligen et coll., 2011
). Une étude suggère que certaines caractéristiques sociodémographiques (genre
1
On associe habituellement le « genre » à des différences sociales entre hommes et femmes et le « sexe » à des différences biologiques. Bien que les articles analysés dans ce chapitre ne permettent pas toujours de faire la distinction entre social et biologique, le terme « genre » sera utilisé dans la mesure où des différences sociales sont le plus souvent étudiées.
féminin, origine latino-américaine, faible niveau socioéconomique) d’élèves de 11 à 14 ans pourraient être des facteurs importants dans la perception des obstacles à la pratique sportive (Casper et coll., 2011
). Toutefois, dans la grande majorité des études, l’âge des enfants, l’origine ethnique, le statut socioéconomique ou le revenu familial, le niveau d’éducation et le statut marital des parents, de même que l’indice de masse corporelle de l’enfant ne seraient pas associés au niveau d’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Hinkley et coll., 2008
; Craggs et coll., 2011
). Des associations modestes ont été observées entre le niveau socioéconomique au cours de l’enfance et le niveau des capacités physiques
2
Capacités physiques : fonction cardiorespiratoire, force de préhension, temps pour se lever d’une chaise, vitesse de marche, équilibre
à l’âge adulte (Cleland et coll., 2009
; Birnie et coll., 2011
).
Tableau 9.I Facteurs associés à l’activité physiquea
|
Enfants
|
Adolescents
|
Adultes
|
Facteurs sociodémographiques
|
Genre masculin (+)
|
Genre masculin (+)
Origine caucasienne (+)
Niveau d’éducation des parents (+) Âge (-)
|
Genre masculin (+)
Âge (-)
Origine caucasienne (+)
Niveau d’éducation (+)
Revenu, statut socioéconomique (+)
Statut au travail (-)
Nombre d’heures de travail (-)
Heures de travail supplémentaires (-)
État de santé ou de forme perçue (+)
Surpoids/obésité (-)
|
Facteurs psychosociaux
|
Auto-efficacitéb (+)
Intention (+)
|
Auto-efficacité (+)
Intention (+)
Compétence perçue (+)
Image de soi (+) (filles)
Contrôle du comportement perçu (+)
Valeur associée à la santé et état de santé (+)
Manque de temps (-) (filles)
|
Auto-efficacité (+) Intention (+)
Contrôle comportemental perçuc (+)
Manque de temps (-)
Attitudes (+)
Plaisir de faire de l’exercice (+)
Bénéfices attendus (+)
Barrières à l’exercice (-)
Planification de l’actiond (+)
Auto-motivation (+) Auto-schémase pour l’exercice (+)
Étape de changement de comportement (+)
Processus de changement de comportement (+)
Névrosisme (-)
Extraversion (+)
Conscience (volonté de bien faire) (+)
Stress (-)
Contrainte élevée au travail (-)
Crainte associée à l’activité physique (-)
Perturbation de l’humeur (-)
Santé psychologique, bien-être (+)
Bénéfices perçus (+)
Réalisations d’objectifs physiques ou psychologiques (+)
|
Facteurs comportementaux
|
Temps passé à l’extérieur (+)
Activité physique antérieure (+)
Alimentation saine (+)
|
Éducation physique ou sport à l’école (+) Sports de compétition (+) (filles)
Sports communautaires (+)
Sédentarité après l’école ou le week-end (-)
Activité physique antérieure (+)
Tabac (-) (filles)
Recherche de sensations (+)
|
Historique de l’activité physique au cours de l’âge adulte (+)
Habitudes alimentaires (+)
|
Facteurs sociaux et culturels
|
Implication des parents (+)
Activité physique des parents (+)
Soutien des parents, de la famille (+)
|
Activité physique des parents (+)
Activité physique de la fratrie (+)
Soutien à l’activité physique (+)
Soutien des parents, de la famille (+)
Soutien des amis (+)
Attitudes des parents (+)
|
Soutien social (+)
Influence du médecin (+)
|
a (+) Facteur associé positivement à la pratique ; (-) Facteur associé négativement à la pratique ; b Auto-efficacité (ou efficacité personnelle) : Capacité que l’on pense avoir à pratiquer des activités physiques et à surmonter les obstacles à cette pratique, et donc à adopter et maintenir cette pratique ; c Contrôle comportemental perçu : Degré de difficulté qu’on perçoit pour adopter un comportement ; d Planification de l’action : Processus cognitif permettant un comportement flexible et adapté au contexte ; e Autoschéma : Croyances et idées que les gens ont sur eux-mêmes
Facteurs psychologiques et comportementaux
Parmi les variables psychosociales et comportementales considérées comme des facteurs associés à l’activité physique, seules l’auto-efficacité
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Auto-efficacité : capacité que l’on pense avoir à pratiquer des activités physiques et à surmonter les obstacles à cette pratique, et donc à adopter et maintenir cette pratique
et une pratique d’activité physique antérieure apparaissent comme des déterminants de l’activité physique, chez les enfants âgés de 10 à 13 ans (Craggs et coll., 2011
).
Une revue récente a analysé les études longitudinales publiées entre 2004 et 2010, avec une évaluation de la qualité des études incluses (7 études de qualité élevée sur 30 identifiées). Les auteurs concluent que l’intention de pratiquer est positivement associée à l’activité physique des enfants (Uijtdewilligen et coll., 2011
). Toujours chez les enfants, Sallis et coll. avaient conclu à une association positive entre l’activité physique et le plaisir de pratiquer (Sallis et coll., 2000
), résultats qui n’ont pas été retrouvés dans des synthèses récentes (Van Der Horst et coll., 2007
; Craggs et coll., 2011
). L’estime de soi, l’attitude
4
Attitudes : manières habituelles et plutôt stables par lesquelles les individus perçoivent, éprouvent et jugent pour eux-mêmes ou pour d’autres, des actions, des idées et leur environnement social et physique (Glossaire européen en santé publique).
http://asp.bdsp.ehesp.fr/Glossaire/
, le fait de ne pas aimer l’éducation physique, les bénéfices perçus ou encore les barrières à l’activité physique ne sont pas des facteurs associés à la pratique d’activité physique dans cette population (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
). À l’inverse, plus le temps passé à l’extérieur est élevé, plus le niveau d’activité physique est élevé (Sallis et coll., 2000
; Hinkley et coll., 2008
). Par ailleurs, le temps de sédentarité n’a pas été identifié comme étant associé à l’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Hinkley et coll., 2008
; Uijtdewilligen et coll., 2011
).
Facteurs sociaux et culturels
Parmi les variables sociales et culturelles, l’implication des parents (encouragements, conduites sur les lieux d’activité…) dans la pratique des enfants (Edwardson et Gorely, 2010
; Lee et coll., 2010
), la pratique d’activité physique par les parents (pour les garçons) ainsi que leur soutien ou celui de la famille (Van Der Horst et coll., 2007
) sont des facteurs liés à l’activité physique. Toutefois, certains auteurs suggèrent que le modèle parental perçu, l’activité physique des parents et le soutien des parents ou de la famille ne sont pas pour autant des déterminants de l’activité physique chez les enfants (Craggs et coll., 2011
). La plupart des autres variables sociales et culturelles étudiées, n’ont pas été retenues comme facteurs associés à l’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Hinkley et coll., 2008
; Edwardson et Gorely, 2010
).
Chez les adolescents
Plusieurs revues de littérature ont étudié les facteurs associés à l’activité physique et sédentaire des adolescents (13-18 ans) (Sallis et coll., 2000
; Van der Horst et coll., 2007
; Edwardson et Gorely, 2010
; Craggs et coll., 2011
; Uijtdewilligen et coll., 2011
), les résultats de ces synthèses ne sont pas toujours concordants ; les revues les plus récentes qui se sont intéressées aux déterminants de l’activité physique et de la sédentarité (Uijtdewilligen et coll., 2011
) ou du changement vis-à-vis de l’activité physique (Craggs et coll., 2011
) ne retiennent que très peu de déterminants.
Facteurs sociodémographiques
Chez les adolescents, le fait d’être un garçon a été également retrouvé fréquemment associé à la pratique d’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Hinkley et coll., 2008
) (tableau 9.I
). Cependant, les dernières revues de littérature incluant des études longitudinales sont plus réservées (Craggs et coll., 2011
; Uijtdewilligen et coll., 2011
). De la même manière, bien que des synthèses anciennes avaient observé une association inverse entre l’âge et le niveau d’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Biddle et coll., 2005
), les revues récentes ne concluent pas à une association entre ces deux paramètres (Van Der Horst et coll., 2007
; Uijtdewilligen et coll., 2011
).
Dans les premières revues de littérature, l’origine ethnique avait été identifiée comme associée à la pratique l’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Biddle et coll., 2005
), puis d’autres auteurs ont conclu à une absence d’association (Van Der Horst et coll., 2007
). Le sujet fait encore l’objet de controverses comme le montrent deux revues récentes (plus particulièrement centrées sur les études longitudinales), l’une concluant que l’origine ethnique est un déterminant (Uijtdewilligen et coll., 2011
) et l’autre non (Craggs et coll., 2011
).
En général, le statut socioéconomique ou le revenu familial n’est pas reconnu comme facteur associé ou déterminant de l’activité physique des adolescents (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
; Craggs et coll., 2011
), sauf chez les filles dans certaines études (Biddle et coll., 2005
).
Concernant le comportement sédentaire, une association positive a été trouvée avec le fait d’être un garçon, tandis qu’une association inverse a été identifiée entre genre masculin et activité physique insuffisante (<1 h par jour d’activité physique d’intensité modérée). Le statut socioéconomique est inversement associé aux comportements sédentaires des adolescents (Van Der Horst et coll., 2007
).
Facteurs psychosociaux et comportementaux
Chez les adolescents, la motivation, l’attitude (Van Der Horst et coll., 2007
), la compétence perçue (Sallis et coll., 2000
; Biddle et coll., 2005
) et la capacité de planification (Uijtdewilligen et coll., 2011
) ont été identifiées comme des facteurs associés à l’activité physique, mais pas comme déterminants (Craggs et coll., 2011
). L’auto-efficacité et le contrôle du comportement perçu sont les deux facteurs reconnus comme déterminants de l’activité physique (Craggs et coll., 2011
). Pour les autres variables psychosociales, les associations retrouvées ne sont pas toujours concordantes ou significatives (Sallis et coll., 2000
; Biddle et coll., 2005
; Van Der Horst et coll., 2007
).
Comme pour les enfants, la pratique antérieure d’activité physique est le seul déterminant comportemental qui ait été clairement identifié chez les adolescents (Uijtdewilligen et coll., 2011
). Des études suggèrent que le temps de sédentarité ne serait pas associé à l’activité physique (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
), mais les résultats d’une revue récente ne permettent pas de conclure quant à l’existence ou non d’une telle association (Uijtdewilligen et coll., 2011
). En revanche, être sédentaire après l’école ou le week-end est inversement associé à l’activité physique des adolescents (Sallis et coll., 2000
).
Variables sociales et culturelles
Dans leur revue systématique publiée en 2011, Craggs et coll. identifient le soutien à l’activité physique (encouragement à pratiquer) par les parents et plus largement par la famille comme un facteur associé à la pratique chez les adolescents, en accord avec les conclusions d’autres revues de littérature (Sallis et coll., 2000
; Biddle et coll., 2005
). Cependant, les études longitudinales ne permettent pas de considérer ce facteur comme un déterminant de l’activité physique des adolescents (Craggs et coll., 2011
; Bauman et coll., 2012
). D’autres facteurs ont été montrés comme étant associés positivement à l’activité physique, tels que : l’éducation des parents, l’activité physique de la mère ou du père, les attitudes des parents (Edwardson et Gorely, 2010
), ou encore le soutien des amis (Sallis et coll., 2000
; Van Der Horst et coll., 2007
). D’autres facteurs, comme le modèle des parents, de l’enseignant, du coach ou des pairs, pourraient aussi être associés à l’activité des adolescents, mais n’ont pas été identifiés comme tels dans les revues de synthèse (Sallis et coll., 2000
; Edwardson et Gorely, 2010
; Van Der Horst et coll., 2007
).
L’éducation physique et le sport à l’école sont associés à la pratique de l’activité physique (Van Der Horst et coll., 2007
).
Chez les adultes
Les revues de synthèse sur la population adulte sont moins nombreuses (Trost et coll., 2002
) et concernent souvent des populations spécifiques comme les personnes âgées (Rhodes et coll., 1999
; Plonczynski, 2003
; van Stralen et coll., 2009
; Koeneman et coll., 2011
) ou se rapportent à un contexte spécifique comme le contexte professionnel (Kaewthummanukul et Brown, 2006
; Kirk et Rhodes, 2011
). La plupart ne permettent pas d’identifier des déterminants mais seulement des associations avec certains facteurs (Trost et coll., 2002
). Des études qualitatives suggèrent que chez les adultes, les déterminants de l’activité physique peuvent dépendre de la position socioéconomique (Burton et coll., 2003
; Ball et coll., 2006
). Un statut professionnel faible, un nombre d’heures de travail élevé et des heures de travail supplémentaires sont associés à une activité physique faible (Kirk et Rhodes, 2011
) (tableau 9.I
).
Chez les personnes âgées, l’âge, le genre masculin, le niveau d’éducation, le niveau de revenu, le statut socioéconomique, le statut marital, le surpoids ou l’obésité et l’origine ethnique n’ont pas été identifiés comme des déterminants de la pratique (van Stralen et coll., 2009
; Koeneman et coll., 2011
). Le seul déterminant retenu est l’état de santé ou la forme perçue, pour le maintien de la pratique d’activité physique mais pas pour son initiation (van Stralen et coll., 2009
). Seule une association entre la plupart de ces variables et l’activité physique a été mise en évidence à la fois chez les personnes âgées et chez les adultes plus jeunes (Rhodes et coll., 1999
; Trost et coll., 2002
; Plonczynski, 2003
).
Parmi les variables psychosociales, trois sont des déterminants de l’initiation à l’activité physique chez les adultes : l’intention de faire de l’exercice, la planification de l’action, l’auto-efficacité. Trois autres sont spécifiques à son maintien : stress (déterminant inverse), atteintes d’objectifs physiques ou psychologiques. Les étapes de changement de comportement déterminent à la fois l’initiation et le maintien de l’activité physique. D’autres associations positives (plaisir dans la pratique, bénéfices attendus, motivation) ou inverses (barrières à l’exercice, manque de temps, troubles de l’humeur) ont été mises en évidence chez les adultes (Trost et coll., 2002
).
Peu d’études portant sur les facteurs associés à l’activité physique ou sur les déterminants de la pratique se sont intéressées aux caractéristiques des activités réalisées telles que le type et l’intensité de l’activité. Des associations négatives ont été observées pour l’intensité et l’effort perçu (Trost et coll., 2002
).
Facteurs associés à la pratique d’activité physique et à la sédentarité : variations selon la position socioéconomique
Peu d’études ont analysé la pratique d’activité physique et la sédentarité sous l’angle des inégalités sociales. Elles cherchent à identifier des facteurs qui paraissent importants pour la pratique de l’activité physique et qui pourraient expliquer les disparités de pratique en fonction de la position socioéconomique.
Transitions de vie
Il est particulièrement important de souligner la baisse observée du niveau d’activité physique au cours de la transition de l’enfance vers l’adolescence (Kimm et coll., 2002
; Nader et coll., 2008
), et de l’adolescence vers l’âge adulte (Telama et Yang, 2000
; Tammelin, 2005
; Zick et coll., 2007
).
Par ailleurs, les événements de la vie tels que se marier, avoir des enfants, et commencer à travailler sont associés à une baisse des niveaux d’activité physique chez les femmes adultes jeunes (Brown et Trost, 2003
). Une étude suédoise montre que devenir parent influe sur le niveau d’activité physique et que les parents ayant des enfants à charge sont nettement moins actifs dans le cadre des loisirs (Sjögren et coll., 2011
). Les femmes ont en général tendance à être moins actives que les hommes et cette tendance pourrait être exacerbée chez les nouveaux parents (Bellows-Riecken et Rhodes, 2008
).
Le passage à la retraite serait quant à lui accompagné d’une augmentation de l’activité physique. Des études longitudinales se sont plus particulièrement intéressées aux changements d’activité physique de loisirs après le passage à la retraite et ont montré une augmentation de la pratique de loisirs en France (environ 2 heures par semaine) aussi bien chez les hommes que chez les femmes (Touvier et coll., 2010
), de même qu’une augmentation de l’activité physique d’intensité modérée chez les hommes (+ 42 minutes par semaine) et les femmes (+ 31 minutes par semaine) en Suède (Lahti et coll., 2011
). Cette tendance a encore été confirmée dans une étude récente qui a montré une augmentation de l’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse après le passage à la retraite (Koeneman et coll., 2012
).
Ainsi, les comportements vis-à-vis de l’activité physique peuvent varier au cours du temps et en particulier lors des périodes de transitions. Il est important d’identifier quels sont les facteurs associés à ces périodes en fonction des niveaux socioéconomiques pour optimiser les actions de santé publique.
Une étude rétrospective finlandaise s’est, par exemple, intéressée aux niveaux de pratique d’activité physique dans l’enfance et l’adolescence selon le statut socioéconomique et au retentissement sur la pratique à l’âge adulte (Mäkinen et coll., 2010
). Les résultats montrent que la participation à des compétitions sportives des jeunes ayant un faible niveau d’éducation ainsi que la pratique d’exercice en fin d’adolescence (15-24 ans) chez les jeunes ayant un niveau d’éducation plus élevé ont un effet direct sur l’activité physique de loisirs à l’âge adulte. Il est intéressant de souligner que dans cette étude, quel que soit le niveau d’éducation, la perception de l’éducation physique au cours de l’enfance explique approximativement 20 % de la variation de la pratique compétitive, et que la perception de l’éducation physique et la pratique compétitive expliquent 20 % de la variation de pratique en fin d’adolescence (Mäkinen et coll., 2010
).
Rôle des parents
Un niveau d’activité physique plus élevé est observé chez les enfants (Davison et coll., 2003
) et chez les adolescents (Trost et coll., 2003
) de parents actifs physiquement. Une étude menée dans le département du Bas-Rhin chez des jeunes âgés de 12 ans a montré que la pratique d’activités sportives des parents est associée à une participation plus fréquente des enfants à des activités en dehors du collège, indépendamment du statut socioéconomique de la famille (Wagner et coll., 2004
).
Soutien des parents
L’encouragement des parents à être physiquement actif a un effet significatif sur le niveau d’activité physique des enfants et des adolescents. La majorité des études ont montré une relation positive entre l’encouragement des parents à être physiquement actif et le temps passé à l’activité physique et la participation à des sports organisés. Une étude longitudinale menée chez des adolescentes a confirmé cette tendance (Dowda et coll., 2007
).
Une étude longitudinale (suivi à 5 ans) (Bauer et coll., 2008
) a été réalisée pour évaluer comment l’encouragement des parents à faire de l’activité physique et leur souci de rester en forme (rapportés par les adolescents) sont associés à l’activité physique des adolescents et à leur comportement sédentaire. Les résultats ont montré qu’un facteur important pour la pratique d’intensité modérée à vigoureuse chez les adolescents est l’encouragement à être actif par les parents de même genre. Toutefois, le souci des parents quant à leur propre condition physique n’était pas lié à l’activité physique (d’intensité modérée à vigoureuse) de ces adolescents (Bauer et coll., 2008
). En effet, les parents peuvent encourager leurs enfants à être physiquement actifs sans se préoccuper de leur propre condition physique (Trost et coll., 2003
).
Le soutien des parents peut varier selon le statut socioéconomique. Les résultats de deux études (Dollman et Lewis, 2009
; Gorely et coll., 2009
) suggèrent que le soutien des parents joue un rôle important, notamment chez les filles, en les aidant à surmonter les obstacles à l’activité physique, qui sont plus importants dans les communautés plus défavorisées. Si l’encouragement des enfants à être physiquement actifs par leurs parents est observé quelles que soient les origines socioéconomiques, les approches diffèrent (Brockman et coll., 2009
). Dans les écoles de niveaux socioéconomiques modéré et élevé, les enfants sont encouragés par des méthodes non verbales (soutien logistique et financier) alors que les enfants des écoles moins favorisées sont encouragés par des méthodes verbales (incitation à).
Les facteurs associés au fait que l’enfant et les parents sont physiquement actifs en même temps ont été peu étudiés. Aux États-Unis, une étude transversale portant sur plus de 5 000 enfants de 9 à 13 ans et leurs parents a montré que la probabilité de pratiquer ensemble est augmentée si l’enfant fait du sport mais n’est pas affectée par le niveau d’éducation et de revenu des parents (Lee et coll., 2010
).
Substitution de comportements
Pour Owen et coll. (2011
), la diminution du temps d’activité sédentaire pourrait permettre d’augmenter le temps d’activité physique d’intensité plus élevée.
Le temps de loisir peut être utilisé pour des activités physiques et sédentaires. Privilégier la pratique d’une activité physique durant ce temps libre implique de faire des choix parmi différentes activités. Comment ces choix s’opèrent-ils ? Chez des enfants et adolescents, des études ont montré qu’imposer des contraintes limitant l’accès à des comportements sédentaires réduit l’engagement dans ces comportements et favorise le choix de s’engager dans des pratiques d’activité physique (Epstein et coll., 2004
et 2005
).
Chez les adultes, un enregistrement d’activité sur 7 jours a mis en évidence que les personnes ayant un travail physique n’ont pas tendance à être plus sédentaires en dehors de leur activité professionnelle que celles ayant un travail sédentaire (Tigbe et coll., 2011
). Cependant, une étude longitudinale a montré que s’il n’y avait pas de différences d’activité physique entre les catégories socioprofessionnelles durant les loisirs en début d’étude, des différences ont émergé au cours du suivi (5 à 7 ans), en faveur des catégories les plus favorisées qui étaient plus actives physiquement pendant les loisirs que leurs homologues des catégories moins favorisées (Seiluri et coll., 2011
). Dans l’étude de Droomers et coll. (suivi à 6 ans), une baisse du niveau d’activité physique de loisirs a également été plus fréquemment observée chez les personnes de niveau d’éducation plus faible comparé à celles d’un niveau plus élevé (Droomers et coll., 2001
). Dans cette étude, le faible niveau de contrôle perçu chez les personnes les moins éduquées était le facteur prédictif le plus important conditionnant le peu de pratique d’activité physique (Droomers et coll., 2001
).
Autres facteurs
Une étude menée dans différents pays d’Europe a montré que l’activité physique est reconnue comme ayant de nombreux effets bénéfiques sur la santé par la majorité des sujets (96 %), quelle que soit la position socioéconomique et le pays (Kafatos et coll., 1999
). Toutefois, lorsqu’il était demandé aux personnes interrogées de sélectionner les deux facteurs les plus importants ayant une influence sur la prise de poids, la proportion de sujets qui sélectionnaient l’activité physique augmentait avec l’élévation du niveau d’éducation, dans les 3 groupes d’âges (15-34 ans, 35-54 ans, ≥55 ans), la différence étant plus marquée chez les plus jeunes. Presque la moitié des sujets considéraient qu’ils n’avaient pas besoin de faire plus d’activité physique que ce qu’ils faisaient déjà. Les personnes les plus âgées (58 %) et les personnes avec le plus faible niveau d’éducation (59 %) étaient les plus susceptibles d’être d’accord avec cette déclaration bien qu’étant les moins actives. Une autre étude montre que les croyances en l’effet bénéfique de l’activité physique sur la santé sont moins importantes chez les personnes de faible niveau d’éducation qui ont également un faible niveau de pratique (Wardle et Steptoe, 2003
).
Les changements de pratique d’activité physique impliquent une capacité à planifier l’action pour des bénéfices à long terme. Le rôle médiateur de la perspective temporelle dans les inégalités sociales en lien avec l’activité physique (Adams, 2009
; Gellert et coll., 2012
) de même que celui de l’auto-efficacité restent à explorer. La contribution de ces deux facteurs au gradient social de santé dans le domaine de l’alimentation et de l’activité physique est abordée dans la communication de Thierry Meyer à la fin de cet ouvrage.
En conclusion, le modèle d’analyse privilégié aujourd’hui pour appréhender l’ensemble des différents facteurs liés à l’activité physique est le modèle écologique qui prend en considération les relations inter-individuelles de même que l’environnement social et physique. Des modèles écologiques de l’activité physique suggèrent que les facteurs associés à l’activité physique sont spécifiques aux quatre domaines traditionnels d’activité physique (Sallis et coll., 2006
) : activités professionnelles, loisirs, transports, activités quotidiennes domestiques (Pratt et coll., 2004
). Il est donc important de prendre en considération les différents domaines (Bauman et coll., 2012
) et de ne pas considérer uniquement l’activité physique dans sa globalité.
Les facteurs individuels tels que les facteurs psychologiques, sont les plus étudiés, tout comme les facteurs interpersonnels. L’efficacité personnelle perçue, variable psychologique la plus étudiée, est le facteur le plus fréquemment associé à la pratique d’activité physique. Plus les personnes ont confiance en leurs capacités, plus leur intention d’adopter ou maintenir un comportement sera certaine et plus elles seront prêtes à faire des efforts pour adopter ou maintenir ce comportement. Les facteurs liés à l’environnement (voir le chapitre « Environnement géographique et pratique d’activité physique »), aux politiques dans différents secteurs (sport, santé, éducation…) ou des facteurs plus globaux (développement de l’économie, marketing, urbanisation…) sont moins explorés mais pourraient également avoir des effets sur la pratique d’activité physique. La combinaison de ces différents facteurs et leurs interactions pourraient aussi influencer les comportements.
Les connaissances sur l’importance relative des différents facteurs selon la position socioéconomique et sur les mécanismes des disparités d’activité physique restent embryonnaires. Leur développement nécessite à la fois d’approfondir les recherches sur les déterminants de l’activité physique et sur le gradient social d’activité physique.
Anne Vuillemin
Université de Lorraine, Université Paris Descartes,
Apemac, EA 4360, Faculté du Sport, Nancy
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