II. État des lieux en matière de nutrition

2014


ANALYSE

4-

Consommations alimentaires et apports nutritionnels en France

Connaître la situation globale sur les consommations alimentaires et les apports nutritionnels dans la population générale est utile aux politiques de santé publique visant la réduction des inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation, en particulier au regard des recommandations diffusées. Ces dernières sont fondées sur les connaissances acquises grâce aux nombreux travaux de recherche qui ont fait l’objet de synthèses de consensus. La connaissance de la situation nutritionnelle peut s’appuyer sur l’adhésion de la population aux recommandations, évaluée dans des études de surveillance. En France, il existe depuis plusieurs années des enquêtes répondant à cet objectif. Après des décennies de forte évolution des consommations alimentaires, ces enquêtes montrent une situation contrastée au cours des années 2000, selon le groupe d’aliments ou les nutriments concernés.

Évolutions des consommations alimentaires au XXe siècle

Le bilan réalisé en 1998 par le Haut Comité de la Santé publique (HCSP) (« Pour une politique nutritionnelle de santé publique ») (HCSP, 2000renvoi vers) inclut un descriptif fondé principalement sur les données macroéconomiques de consommations apparentes1 , des évolutions des consommations alimentaires depuis la moitié des années 1900, jusqu’au début des années 1990. De façon très marquée, les consommations d’aliments pourvoyeurs de glucides complexes comme le pain, les pommes de terre, les légumes secs ont chuté en quelques décennies. Les apports en aliments pourvoyeurs de protéines ont eux augmenté fortement (viandes/poissons/œufs, produits laitiers), de même que les consommations de fruits et légumes, et les apports en produits sucrés. Les apports en matières grasses, d’origine animale ou végétale, ont augmenté jusqu’au début des années 1990. Tandis que les apports énergétiques ont globalement diminué dans la même période (en lien avec les évolutions des groupes alimentaires) et que l’activité physique a également été fortement réduite suite aux changements globaux du mode de vie (tâches domestiques, pénibilité du travail physique, transports…), ces évolutions ont conduit à un déséquilibre des apports en glucides et lipides, à la faveur des seconds. La diversification de l’alimentation a aussi apporté des bénéfices comme des apports en vitamines et minéraux plus élevés par rapport à la période antérieure à 1950 (HCSP, 2000renvoi vers).
L’analyse des évolutions des consommations dans les années 1990, à partir des données macroéconomiques et d’autres sources, montre peu de modifications dans la répartition entre les groupes d’aliments (Savanovitch, 2005renvoi vers). Seuls quelques groupes ou sous-groupes particuliers semblent avoir connu des changements, comme les produits transformés ou conditionnés qui ont vu leurs consommations apparentes augmenter (légumes surgelés, jus, compotes, certains produits laitiers…). Le développement des achats de produits transformés, et de l’alimentation hors domicile, est confirmé par les enquêtes individuelles de consommations alimentaires qui se sont intéressées à ce type d’indicateurs (Volatier, 2000renvoi vers ; Hebel, 2007renvoi vers ; Nichèle et coll., 2008renvoi vers ; Escalon et coll., 2009renvoi vers) ainsi que par les données colligées par l’Insee (Insee, 2009renvoi vers). Après avoir connu une forte progression jusqu’à la fin des années 1990, la restauration hors domicile s’est stabilisée au milieu des années 2000 puis a légèrement régressé, en lien probablement avec la conjoncture (dont le pouvoir d’achat) (Insee, 2009renvoi vers). La part des achats alimentaires pour le domicile reste très majoritaire dans le budget consacré à l’alimentation, la restauration hors domicile (restauration collective ou autres moyens) concerne surtout le déjeuner pris sur le lieu de travail ou à l’école (Afssa, 2009renvoi vers). Il peut également être noté que les prises en dehors des trois repas principaux, n’ont qu’assez peu évolué au cours des années 2000 (Afssa, 2009renvoi vers).

Sources d’information récentes sur les consommations alimentaires

Les informations apportées par les analyses de type économique ou selon les pratiques alimentaires doivent être complétées par celles fondées sur les consommations alimentaires individuelles, en fonction des recommandations notamment. Les méthodes décrites dans le chapitre précédent ont été mises en place en France depuis le début des années 1990, dans le cadre d’études nationales en population générale. Actuellement, plusieurs dispositifs complémentaires avec des finalités différentes permettent de disposer d’une vue d’ensemble de la situation nutritionnelle en France, selon des angles variés.

Enquêtes en population générale à visée représentative

Concernant la population générale, chez les adultes comme chez les enfants, il existe plusieurs enquêtes incluant une appréciation fine des consommations alimentaires dans des échantillons nationaux à visée représentative.
Le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) a réalisé plusieurs enquêtes : les enquêtes Association Sucre-Produits Sucrés Communication Consommation (ASPCC) en 1994 (Volatier et Verger, 1999renvoi vers), l’enquête Individuelle nationale des consommations alimentaires (Inca, en collaboration avec l’Afssa et la Direction générale de l’alimentation) en 1998-1999 (Volatier, 2000renvoi vers), et celles sur les Comportements et Consommations Alimentaires en France (CCAF) en 2004 (Hebel, 2007renvoi vers), 2007 (Hebel, 2012renvoi vers) et 2010 (non publiée). Bien qu’ayant des finalités différentes (en fonction des commanditaires pour certaines d’entre elles) et utilisant des modalités d’échantillonnage qui peuvent varier, ces enquêtes ont pour point commun d’utiliser des carnets d’enregistrement sur 7 jours, avec un recueil d’informations sur les lieux d’achats, les modes de préparation, les attitudes face à l’alimentation… Réalisées pour des commanditaires privés, l’ensemble des résultats de ces enquêtes ne sont pas systématiquement disponibles ou ne sont pas toujours détaillés, comme c’est le cas pour l’enquête de 2010 à ce stade. Les recueils des données sont réalisés auprès de l’ensemble des individus d’un foyer (environ 1 200 ménages en 2010).
Les Baromètres santé nutrition ont été réalisés en 1996 (Baudier et coll., 1997renvoi vers), 2002 (Guilbert et Perrin-Escalon, 2004renvoi vers) et 2008 (Escalon et coll., 2009renvoi vers) par l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, ex-CFES). Leurs techniques d’échantillonnage, qui utilisent des bases de sondage de numéros de téléphone, ont été améliorées au fur et à mesure pour tenir compte des modifications du paysage de la téléphonie en France. Le principe de ces enquêtes est d’interroger les individus sélectionnés sur les fréquences de consommation de groupes d’aliments pendant les deux semaines passées et de décrire les occurrences de consommation d’aliments durant la journée précédant l’appel (faute d’évaluation des quantités consommées, cette technique n’est pas à proprement parler un rappel des 24 heures). Ces données étaient complétées par des informations sur les attitudes et les connaissances en lien notamment avec les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS). En 2008, environ 4 700 personnes âgées de 12 à 75 ans avaient été interrogées, incluant des sur-échantillonnages des adolescents de 12-18 ans et de certaines régions.
Pour faire suite à l’enquête Inca (étude individuelle nationale sur les consommations alimentaires) de 1998-1999, l’Anses a réalisé en 2006-2007 l’enquête Inca 2 (Afssa, 2009renvoi vers) selon des modalités de recueil comparables à l’édition précédente mais en utilisant un plan de sondage aléatoire ; l’enquête de 1998-1999 ayant été réalisée par quotas2 comme c’est le cas des enquêtes CCAF du Credoc citées précédemment. Elle comprenait donc un carnet d’enregistrement sur 7 jours avec une évaluation des portions sur la base de photographies et de mesures ménagères, ainsi qu’un descriptif des caractéristiques des aliments et boissons consommés chez 1 444 enfants de 3-17 ans et 1 918 adultes de 18-79 ans. Le recueil des données était effectué au domicile des personnes pour ce qui concerne les informations sociodémographiques générales (questionnaire en face-à-face) et des données complémentaires sur l’alimentation (autoquestionnaire).
Réalisée également en 2006-2007 à l’échelle nationale à partir d’un échantillon sélectionné aléatoirement, l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) incluait un recueil des consommations alimentaires par 3 rappels des 24 heures répartis sur 2 semaines, des recueils par questionnaires et un examen de santé (anthropométrie, pression artérielle, marqueurs biologiques) (Usen, 2007renvoi vers ; Castetbon et coll., 2009renvoi vers). Au total, 1 675 enfants (3-17 ans) et 3 115 adultes (18-74 ans) ont été inclus dans cette étude. Les rappels des 24 heures ont été conduits par des diététiciens (en face-à-face chez les 3-14 ans et par téléphone chez les 15-74 ans) qui ont saisi les réponses sur un logiciel spécialisé. Des questions complémentaires ont été soit posées en face-à-face soit incluses dans des questionnaires auto-remplis.

Enquêtes à visée de recherche

Les enquêtes nationales dont l’objectif principal est de décrire les consommations alimentaires en population générale en France, en utilisant des méthodes sophistiquées d’interrogatoire, fournissent des informations complètes pour apprécier la situation nutritionnelle. Leurs résultats peuvent aussi être mis en parallèle avec ceux apportés par des études dont la visée est plutôt centrée sur la recherche. Ces dernières ne sont généralement pas représentatives de la population générale au niveau national, mais elles apportent, grâce à des approches un peu différentes, des informations complémentaires.
C’est le cas de cohortes dont certaines ont débuté dans les années 1990, comme les cohortes Suvimax (Hercberg et coll., 1998renvoi vers), Nutrinet-Santé (Hercberg et coll., 2010renvoi vers), E3N (Clavel-Chapelon et coll., 1997renvoi vers) ou Desir (Balkau, 1996renvoi vers). Initialement, les objectifs de ces cohortes sont souvent spécifiques : tester l’efficacité d’interventions, suivre de multiples facteurs de risque de cancer chez les femmes… Mais elles permettent aussi de constituer des bases de données sur l’alimentation qui peuvent être exploitées à des fins de compréhension des déterminants des consommations alimentaires, y compris d’un point de vue socioéconomique. Il faut également mentionner les études réalisées dans le cadre du projet international Monica (Jost et coll., 1990renvoi vers), dont une réédition a eu lieu en 2005-2007 avec l’étude Mona Lisa-Nut (Wyndels et coll., 2011renvoi vers), évaluations transversales représentatives de 3 zones géographiques (Bas-Rhin, Lille et Toulouse), et incluant des adultes d’âge moyen (35-64 ans). Ces recherches utilisent des méthodes variées de recueils alimentaires : enregistrements des 24 heures pour Suvimax et Nutrinet-Santé ; questionnaires de fréquence pour E3N ou Desir ; carnet d’enregistrements sur 3 jours pour Monica et Mona Lisa-Nut. Il n’est pas approprié de comparer leurs résultats directement, compte tenu de leurs différences méthodologiques mais l’ensemble de ces études permet de disposer d’un état des lieux comportant de multiples facettes.

Situation globale en France selon les recommandations alimentaires et nutritionnelles

Si l’on tient compte, en priorité, de la mesure de la concordance des consommations alimentaires avec les recommandations en cours, en particulier celles du PNNS, l’étude ENNS a fourni en utilisant cette approche, un bilan complet de la situation en 2007 (Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Usen, 2007renvoi vers).
Chez les adultes, les apports en fruits et légumes, glucides complexes, fibres, produits céréaliers complets, et poissons pouvaient être considérés, en moyenne, comme trop faibles dans la population par rapport aux recommandations. En revanche, ceux en sel, lipides et acides gras saturés étaient trop élevés globalement. Pour les féculents, le groupe des viandes/poissons/œufs, les produits laitiers, ou encore l’alcool, les indicateurs utilisés ont montré des niveaux d’apports relativement satisfaisants dans l’ensemble. À ce constat général contrasté, s’ajoutent des apports trop faibles ou trop élevés dans des sous-groupes : calcium et produits laitiers trop peu consommés chez les jeunes femmes, sel et produits sucrés trop consommés chez les jeunes hommes… On peut également noter des pourcentages d’adhésion aux recommandations alimentaires et nutritionnelles qui augmentaient avec l’âge comme cela est généralement observé dans les études épidémiologiques portant sur de larges tranches d’âge (voir le chapitre « Position socioéconomique et alimentation »). L’utilisation d’un score global d’adhésion aux recommandations comme le PNNS-GS3 (Malon et coll., 2010renvoi vers) a montré que, en moyenne, les hommes obtenaient 7,7 points et les femmes, 8,6 points sur un maximum de 15 points théoriques. Par ailleurs, en moyenne, le nombre moyen de recommandations atteintes était de 6,7 chez les hommes et de 7,2 chez les femmes sur un total de 13 recommandations.
Chez les enfants (Usen, 2007renvoi vers), une consommation faible en fruits et légumes de même qu’en féculents a été observée, tandis que les apports en viandes/poissons/œufs, produits laitiers et sel étaient globalement satisfaisants, même s’il restait des marges de manœuvre importantes compte tenu des recommandations. Les consommations en fruits et légumes variaient peu selon l’âge et étaient identiques chez les garçons et les filles. En revanche, les garçons consommaient plus de féculents que les filles, avec le risque de trop en consommer au-delà de 15 ans (c’est-à-dire plus de l’équivalent de 6 portions par jour). Ce constat se retrouvait également pour le groupe des « viandes, poissons, et œufs » ; de surcroît, les enfants de 3-10 ans en consommaient également au-delà des quantités recommandées (1 à deux fois par jour). Enfin, les consommations en produits laitiers étaient globalement comparables chez les garçons et les filles, mais plus de deux-tiers des adolescentes en consommaient insuffisamment.
Les études Inca, CCAF et du Baromètre santé nutrition, qui ont été répétées au cours des années 1990-2000 permettent de disposer d’informations sur les évolutions récentes des comportements. Dans les conclusions de l’étude Inca 2 (Afssa, 2009renvoi vers), il est par exemple fait état d’une augmentation significative des consommations en fruits et légumes, pâtes et riz, glace et chocolat chez les adultes entre 1998-1999 et 2006-2007. En revanche, celles en lait, fromages, viandes, gâteaux/biscuits sucrés et pain ont diminué. Chez les enfants, ce sont les consommations en viandes et volaille, pain, pommes de terre, lait et produits sucrés qui ont diminué tandis que celles en compotes ont augmenté (les fruits et légumes étant globalement stables). Ces changements sont parfois de faible ampleur et mériteront d’être confirmés lors de prochaines enquêtes. Notons par ailleurs que d’après l’enquête Inca 2,20 % des adultes et 12 % des enfants avaient consommé des compléments alimentaires dans les 12 mois précédant leur interrogatoire. En ce qui concerne la structuration des journées alimentaires (Escalon et coll., 2009renvoi vers ; Afssa, 2009renvoi vers), les trois repas principaux restent la norme dans la population générale en France, avec relativement peu d’évolutions récentes, mise à part une augmentation de la fraction de la population consommant deux repas par jour (10 % de la population sautaient l’un des trois repas principaux en 2002 ; ils étaient 13 % en 2008), le petit déjeuner étant le repas supprimé le plus souvent dans cette situation.
D’après les études issues de la recherche, on peut noter que, au-delà des variations de consommations alimentaires et apports nutritionnels selon l’âge et le sexe, il existe des variations régionales qui restent relativement importantes (Kesse et coll., 2005renvoi vers ; Afssa, 2009renvoi vers ; Wyndels et coll., 2011renvoi vers). Elles sont à mettre en regard des habitudes culturelles mais aussi des caractéristiques socioéconomiques, aspects qui sont traités dans d’autres chapitres.

Situation globale dans les pays occidentaux

D’autres pays occidentaux ont mené des études nationales, à visée représentative et dont les méthodes étaient proches de celles utilisées en France. Aux États-Unis, depuis les années 1970-1980, il a été noté une augmentation, même si elle semble s’être stabilisée récemment, des apports en énergie (Briefel et Johnson, 2004renvoi vers). Parallèlement, une faible augmentation des occasions de consommation alimentaire (Kant et Graubard, 2006renvoi vers) était observée, ce qui inciterait à mettre cette évolution sur le compte de la densité énergétique des aliments consommés. Au contraire au Royaume-Uni, les apports en énergie semblent avoir diminué entre la moitié des années 1980 et le début des années 2000 (Swan, 2004renvoi vers) mais sont restés stables par la suite (Whitton et coll., 2011renvoi vers). Une réduction des apports a aussi été observée en Espagne entre 1964 et 2006 (Varela-Moreiras et coll., 2010renvoi vers). Comme pour tous les indicateurs de l’alimentation, l’impact des méthodes d’enquêtes sur les observations rapportées peut être important, et les interprétations de ces évolutions restent donc difficiles. C’est le cas par exemple aux États-Unis où l’on est passé d’un seul rappel des 24 heures à deux rappels sur des jours non consécutifs.
La diminution des apports énergétiques peut s’accompagner d’une réduction bénéfique des apports en sel comme cela a été observé en Finlande, bien que les apports y restent encore trop élevés par rapport aux recommandations (Reinivuo et coll., 2006renvoi vers). Enfin, une étude comparative (Troesch et coll., 2012renvoi vers) a montré que, en dépit des variations internationales (ici, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et les États-Unis ont été étudiés), des apports insuffisants en vitamines sont mesurables dans tous les pays, en particulier pour la vitamine D, la vitamine E et les folates. Un enrichissement en folates, tel que pratiqué dans des pays comme le Royaume-Uni et les États-unis, permet de remédier à ce déficit.
En ce qui concerne les consommations alimentaires, les approches globales ont permis de mettre en évidence pour les populations occidentales (comme pour la population en France) des consommations qui, en moyenne, s’éloignaient des recommandations en cours. C’est le cas par exemple en Belgique (Vandevijvere et coll., 2010renvoi vers) et au Danemark (Knudsen et coll., 2012renvoi vers). Néanmoins, au Danemark, on observe une évolution positive récente concernant les fruits chez les enfants (Rasmussen et coll., 2008renvoi vers). En utilisant des approches par groupe d’aliments, l’éloignement des consommations alimentaires avec les recommandations a également été rapporté en Espagne (Varela-Moreiras et coll., 2010renvoi vers), en Belgique (Vandevijvere et coll., 2008renvoi vers) et en Suisse chez les jeunes adultes (Meier et coll., 2010renvoi vers), ainsi qu’en Catalogne (Ribas-Barba et coll., 2007renvoi vers). Dans les pays méditerranéens, ont ainsi été montrés une diminution notable des apports en fruits, légumes, pommes de terre, viandes et poissons entre 1992 et 2003, et donc un éloignement du régime méditerranéen, comme c’est le cas globalement en Espagne (Varela-Moreiras et coll., 2010renvoi vers) mais aussi en Grèce (Filippidis et coll., 2011renvoi vers). Une conclusion équivalente a été relevée chez les enfants (Kontogianni et coll., 2008renvoi vers). Les diversités alimentaires observées en Europe, qui sembleraient s’amenuiser récemment (Slimani et coll., 2002renvoi vers), sont particulièrement intéressantes à surveiller puisque la population en France présente des régimes alimentaires intermédiaires à ceux observés dans le nord et dans le sud de l’Europe.
En conclusion, les informations sur les consommations alimentaires en France chez les adultes et les enfants sont issues des enquêtes en population générale telle que l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) réalisée par l’InVS, l’enquête Individuelle nationale des consommations alimentaires (Inca) réalisée par l’Anses, et les Baromètres nutrition santé réalisés par l’Inpes. Par ailleurs, des enquêtes à visée de recherche (Suvimax, E3N, Desir, Monica…) permettent de compléter l’analyse des déterminants des consommations.
En France, des améliorations mesurables des consommations alimentaires des adultes et des enfants ont été observées depuis le début des années 2000, mais elles restent insuffisantes par rapport aux recommandations. Chez les adultes, les apports restent trop faibles en fruits et légumes, glucides complexes, fibres, produits céréaliers complets et poissons, trop élevés en sel, lipides et acides gras saturés, et relativement satisfaisants en viandes/poissons/œufs et produits laitiers. Chez les hommes, le nombre moyen de recommandations atteintes était de 6,7 et de 7,2 chez les femmes sur un total de 13 recommandations. Chez les enfants, une consommation faible en fruits et légumes de même qu’en féculents a été observée, tandis que les apports en viandes/poissons/œufs, produits laitiers et sel étaient globalement satisfaisants. Par ailleurs, il faut souligner qu’il existe des variations régionales importantes, en relation avec des habitudes culturelles ou des caractéristiques socioéconomiques.
Ces tendances globalement positives nécessiteront d’être confirmées à l’avenir par des enquêtes utilisant des méthodologies équivalentes pour permettre les comparaisons. Elles cachent par ailleurs des variations entre des groupes plus ou moins à risque, notamment en fonction de l’âge et du sexe. De ce fait, au-delà des enseignements généraux que ces données apportent, elles ne contribuent que partiellement à la compréhension des inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation. Des approches complémentaires sont nécessaires, telles que l’analyse en population de la consommation alimentaire en fonction de la position socioéconomique et l’investigation des populations particulièrement à risque qui, pour certaines, sont peu ou pas incluses.
Katia Castetbon
InVS, Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle USEN, Bobigny

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