Polyhandicap

2024


ANALYSE

II-

Clinique et prise en soins du polyhandicap


7-

Psychologie et psychopathologie

L’évaluation et le suivi du développement psychomoteur du nourrisson permettent de suivre les progrès du tonus axial, de la mise en place des compétences motrices, relationnelles, comportementales, sensorielles, durant les premiers mois de vie. Lorsque les premières manifestations d’interactions entre l’entourage proche et l’enfant sont inhabituelles, l’observation de la cinétique des différentes acquisitions psychomotrices est une bonne façon d’appréhender les compétences de l’enfant. Le futur enfant polyhandicapé a souvent des acquisitions qui n’apparaissent pas aux âges attendus ce qui le maintient dans son état de dépendance initiale. Fernandez Fidalgo (2021renvoi vers) souligne le fait que la distinction entre les manifestations de ses handicaps et celles des troubles psychiques qu’il peut présenter est difficile et que l’on manque d’outils pour identifier ces derniers qui s’ajoutent aux difficultés constitutives du polyhandicap. En effet, les interactions entre les membres de la famille ou de l’équipe des soignants et l’enfant polyhandicapé sont particulièrement difficiles avec l’enfant polyhandicapé qui n’a pas les compétences attendues par son entourage. La communication avec lui est très primitive, empathique et émotionnelle, mais peut être une communication réelle, concrète même si elle est fruste (Camélio, 2006renvoi vers). Régine Scelles (Scelles, 2017renvoi vers) souligne la particularité de l’interaction avec la personne polyhandicapée, et les doutes et les risques qui l’accompagnent. Elle montre comment l’entre-deux dans ce contexte ne comporte souvent pas de retour de la part de la personne polyhandicapée et qu’il n’y a jamais de certitude possible de savoir que l’on fait bien. Ces difficultés persistent avec la personne polyhandicapée devenue adulte, qui reste, de fait, dans une forme d’isolement extrême et avec laquelle la communication n’est possible que par une empathie qui seule permet que la rencontre devienne réciproque (Ramos, 2017renvoi vers) (voir chapitre « Communication »). C’est de cette même empathie dont parle Eva Feder Kittay (Kittay, 2019renvoi vers) quand elle affirme que le plus important pour un parent est de préserver le lien avec son enfant afin d’éviter que l’intrusion de la notion d’enfant handicapé n’interfère avec l’affection que l’on a pour elle ou lui.
Par ailleurs, les maladies psychiatriques, que nous aborderons dans un deuxième temps, sont rares chez les personnes polyhandicapées. Il s’agit de syndromes dépressifs et de troubles autistiques.

Psychologie et psychopathologie chez la personne polyhandicapée

Approche psychologique du polyhandicap

Vandesande et coll. (2020renvoi vers) étudient le développement du fonctionnement émotionnel social de 45 enfants avec PIMD (Profound Intellectual and Multiple Disabilities) âgés de 1 à 5 ans. Vandesande et coll. constatent qu’ils présentent tous un fonctionnement émotionnel social correspondant à un âge inférieur à leur âge réel. Ce décalage est retrouvé pour tous les domaines : mobilisation de son corps, gestion des émotions avec les proches, image de soi dans l’environnement, changements d’environnement, angoisses, interactions avec les pairs ou avec les objets, communication, contrôle des émotions. Parallèlement, Fernandez et Ferreira (2020renvoi vers) rappellent que les interactions de la personne polyhandicapée avec les autres membres de sa famille, et notamment avec sa fratrie, lors de séjours de répit partagés avec d’autres enfants polyhandicapés et leurs familles, permettent d’observer l’importance de l’équilibre familial et de dévoiler des interactions possibles plus souples entre l’enfant polyhandicapé et sa fratrie.
Plusieurs études se penchent sur les façons d’améliorer les conditions de confort psychologique de la personne polyhandicapée. Mylène Garo (Garo, 2013renvoi vers) décrit l’importance des angoisses archaïques qui perdurent chez les personnes polyhandicapées. Elle insiste sur l’attention qu’il faut avoir pour repérer ces angoisses et les précautions à prendre pour les limiter en ayant conscience de leur existence et en prêtant attention aux différents actes qui peuvent les réactiver notamment la façon de leur parler, les postures d’équilibre instables lors du portage ou les installations inconfortables.
Des études australiennes portant sur les façons d’améliorer l’éveil des enfants avec MSD (Multiple and Severe Disabilities) dans les premières années de vie (Roberts et coll., 2005renvoi vers) montrent l’importance des interactions entre élèves et de l’intégration dans des structures ordinaires. Une étude longitudinale menée chez des enfants âgés de 1 à 4 ans montre que certaines compétences stimulées dans la petite enfance permettent d’améliorer leur socialisation et leur communication (Guess et coll., 2002renvoi vers). Une deuxième étude évalue le comportement de 8 enfants âgés de 6 à 11 ans avec MSD scolarisés en structure spécialisée avec 8 autres enfants appariés scolarisés dans des classes ordinaires (Foreman et coll., 2004renvoi vers). Les auteurs retrouvent les mêmes meilleurs résultats et de meilleures interactions chez les enfants en structures ordinaires. Il faut toutefois souligner que ces différentes études émanent des mêmes équipes et que les handicaps des enfants comportent une déficience intellectuelle profonde mais des compétences motrices variables et ne correspondant pas au polyhandicap dont le périmètre est précisé dans cette expertise collective. On ne peut extrapoler ces résultats au polyhandicap, notamment pour ce qui concerne l’inclusion dans des structures scolaires ordinaires.
Une autre étude australienne (Moir, 2010renvoi vers) compare la qualité des apprentissages chez 3 enfants avec SPMD (Severe and Profound Multiple Disabilities). Deux enfants de 22 mois et de 2 ans et demi ont des stimulations liées par des tâches brèves et qui changent régulièrement, le troisième enfant de 4 ans et 9 mois a des stimulations continues de longue durée. Les deux enfants ayant des tâches changeant régulièrement sont perçus par leurs parents comme ayant un meilleur comportement avec des effets positifs sur leur famille. Ici, le biais induit par la différence d’âge entre les enfants stimulés alternativement et celui ayant des stimulations prolongées ne permet pas de conclusion formelle.
Une étude japonaise (Ozaki et coll., 2022renvoi vers) évalue l’impact du confort de 10 enfants avec SMID (Severe Motor and Intellectual Disabilities) lié au balancement d’un lit balançoire sur les réponses automatiques et émotionnelles et sur le tonus musculaire comparé aux mêmes tests sans balancement pour les mêmes enfants. Les périodes avec balancement s’accompagnent d’un effet sur les réponses neuro-autonomiques et émotionnelles mais pas sur le tonus musculaire. D’autres études sont nécessaires pour préciser et vérifier ces premiers résultats.
L’attention est portée par Jeong et Ohno (Jeong et Ohno, 2022renvoi vers) sur les risques liés à l’usage des environnements multi-sensoriels mis en évidence par électrocardiographie chez les patients handicapés avec SMID. L’électrocardiogramme de 10 adultes ayant une dystrophie musculaire et de 10 autres ayant un SMID a été enregistré pendant des séances de stimulation multi-sensorielles et analysé. Parallèlement, la température nasale était mesurée en continu pendant les séances pour l’évaluer comme marqueur de la survenue des émotions détectées sur le visage. L’électrocardiogramme permettait de suivre les variations de la fréquence cardiaque (intervalle RR) et l’intervalle QT1 . Les patients avec SMID avaient un rapport QT-RR onze fois plus élevé que les patients ayant une dystrophie musculaire. Leur QT était court, inférieur à 300 millisecondes, ce qui fait conclure aux auteurs à un risque de mort subite d’origine cardiaque par syndrome de QT-court de ces personnes avec SMID, possiblement accentué par les traitements antiépileptiques et antipsychotiques.

Troubles du comportement

Les effets positifs d’un « programme d’environnement » sur les comportements de 19 adultes avec des déficiences physiques et cognitives sévères ont été évalués par Realon et coll. (Realon et coll., 2002renvoi vers). Le programme n’a pas de modèle particulier, il consiste à avoir un comportement respectant la « règle d’or » : « fais pour autrui ce que tu voudrais que l’on fasse pour toi », ou bien : « si tu es bon avec ceux que tu rencontres, alors ils auront tendance à être bon avec toi ». Les personnes avec des déficiences physiques et cognitives sévères étaient accompagnées de 11 soignants qu’ils connaissaient. La vigilance, la disponibilité du matériel, la motivation, les interactions avec les soignants et les affects ont été recueillis à deux reprises six mois avant la mise en place du programme. Les soignants ont été formés aux méthodes d’interaction positive. Le résultat de ce travail retrouve une amélioration des interactions au sein de l’équipe, de l’interaction des résidents avec le matériel de loisir, l’augmentation de leur vigilance et de leur niveau de bonheur.
L’intérêt clinique des différentes méthodes utilisées aux Pays-Bas et en Belgique flamande pour améliorer le confort des personnes avec PIMD a été analysé dans 48 structures par Carla Vlaskamp et Han Nakken (Vlaskamp et Nakken, 2008renvoi vers). Parmi les 16 méthodes analysées, les 5 les plus utilisées par les équipes sont la méthode Snoezelen (environnement multi-sensoriel), la thérapie sensori-intégrative, l’équi-thérapie, la stimulation basale et l’aromathérapie. Un tiers de l’ensemble des interventions utilisées régulièrement ne reposent sur aucune évaluation clinique. Seule la méthode Snoezelen a été analysée et évaluée de façon satisfaisante. Pour les méthodes qui ont été évaluées, leur effet clinique sur la personne l’est rarement. Les auteures plaident pour que ces différentes méthodes soient mieux étudiées et que leur utilisation s’accompagne d’évaluations cliniques régulières pour chaque patient.
Les stéréotypies sont des manifestations fréquentes chez les personnes polyhandicapées. Lancioni et coll. (2009brenvoi vers) ont analysé les 41 études regroupées en 5 catégories : restriction mécanique (gouttières rigides par exemple), blocage des mouvements de stéréotypies, stimulation distractive, manipulations diverses et stimulation avec micro-interrupteur donnant une stimulation « préférée » uniquement si la stéréotypie cessait. Les avantages et indications respectives avec ou sans combinaisons des méthodes doivent être étudiés sur le long terme. La même équipe (Lancioni et coll., 2008renvoi vers) a testé la stimulation avec micro-interrupteur qui a permis de diminuer les stéréotypies avec un effet prolongé pendant 3 mois après la période de test. La conclusion est de proposer d’autres études pour confirmer l’utilité de cette méthode.
Pour limiter la propension à la passivité et à l’isolement social des personnes avec PIMD, Lancioni et coll. (2022renvoi vers) ont testé une incitation aux manipulations d’objets via un smartphone sur lequel est installé un programme spécifique permettant une amélioration de l’humeur. Cette méthode favorise la réactivité des 5 participants et améliore leur humeur globale.
L’effet d’une stimulation multimodale intensive sur le comportement de 31 personnes polyhandicapées (en bénéficiant 5 heures par semaine) a été comparé à l’effet chez 29 témoins appariés (n’en bénéficiant que pendant une heure par semaine) (Rousseau et coll., 2022renvoi vers). Les personnes vivaient toutes dans 3 structures hospitalières spécialisées dans la prise en charge de personnes polyhandicapées. Les personnes étaient âgées de 3 à 25 ans. Chaque participant des 2 groupes présentait au moins l’un des troubles du comportement suivant : manifestations de replis sur soi, de cris inexpliqués, de grincements de dents, d’auto- ou d’hétéro-agressivité, de stéréotypies ou de balancement, de mérycisme. Les soignants référents de ces patients participaient à l’évaluation. Les résultats montrent une absence d’effet de la prise en charge éducative sur les stéréotypies mais démontrent une tendance à la diminution du bruxisme, du comportement de repli et des manifestations d’auto-agressivité dans le groupe le plus stimulé, la différence n’était toutefois pas significative entre les 2 groupes, nécessitant d’autres études plus ciblées sur de plus larges populations de personnes polyhandicapées.
L’équipe italienne de Giulio Lancioni s’est penchée particulièrement sur la « main à la bouche » comme manifestation d’inconfort psychologique des personnes avec déficiences multiples. La revue de la littérature (Cannella et coll., 2006renvoi vers) confirme la grande fréquence de la « main à la bouche » chez les personnes avec une déficience développementale profonde. Ces manifestations sont liées à la déficience et les diverses méthodes d’interventions conduisent à une certaine diminution de ces manifestations, avec un effet bénéfique sur le comportement et les interactions sociales. L’entraînement à la manipulation d’objet a aussi un effet bénéfique chez une enfant de 12 ans avec « PIMD » (Lancioni et coll., 2008renvoi vers). Les outils technologiques avec des vibrations déclenchées par un champ magnétique ont amélioré la fréquence de la « main à la bouche » d’un adolescent avec « PIMD » et malvoyant âgé de 15 ans (Lancioni et coll., 2009arenvoi vers). Enfin, le programme de stimulation avec micro-interrupteur mentionné plus haut a été bénéfique chez 2 adultes, l’un avec « PIMD » âgé de 19 ans et malvoyant, l’autre déficiente intellectuelle profonde et malvoyante avec un effet bénéfique sur leur comportement.

Comportements difficiles

Les comportements difficiles sont aussi appelés comportements perturbateurs, mais cette appellation insiste sur la dimension négative de ces comportements sans évoquer clairement qu’ils sont induits par diverses perturbations subies par la personne polyhandicapée (Pellerin, 2021renvoi vers). Ce sont des manifestations d’inconfort et d’une souffrance physique ou psychique dont il faut prendre la mesure pour comprendre ce que vit et ressent la personne. Ce n’est qu’alors que l’on peut adopter l’attitude la plus adéquate en vue d’améliorer ces comportements difficiles.
Tucker et coll. (1998renvoi vers), en Australie, ont analysé les comportements difficiles et sont intervenus pour tenter de les améliorer chez 2 adolescents avec handicaps multiples. Est considéré comme un comportement difficile : une agression, une auto-agression ou une extrême colère. Ces comportements difficiles peuvent entraîner des blessures sérieuses ou d’autres dommages et interférer avec les apprentissages. Les stimulations qui s’accompagnaient de comportements difficiles étaient repérées et la diminution progressive de ces stimulations permettait de diminuer les comportements difficiles. Les effets bénéfiques de ces interventions étaient évalués sur la fréquence et l’intensité des comportements difficiles dans 5 contextes particuliers : solitude, attention, essai concret, tâche, évitement social. Les auteurs indiquent l’intérêt d’expliquer à l’adolescent ce qu’on attend de lui, d’être à ses côtés quand on lui demande une tâche, de lui parler en s’adressant à lui.
La fréquence et la sévérité des comportements difficiles (auto-agressivité, stéréotypies, dégradation, agressivité) ont été analysées sur un échantillon des 30 personnes chez qui les comportements difficiles étaient les plus fréquents et les plus sévères parmi 181 enfants et adultes avec PIMD résidant dans des structures d’accueil (Poppes et coll., 2010renvoi vers) aux Pays-Bas. Les principaux comportements difficiles (82 %) étaient des auto-agressivités et des stéréotypies ; les agressivités et les comportements de destruction étaient présents chez 45 % des personnes. Les comportements difficiles étaient surtout adressés à l’équipe et avaient généralement peu de conséquences pour les personnes avec PIMD. Les mentions de ces comportements difficiles ont été étudiées par la même équipe (Poppes et coll., 2014renvoi vers) dans la même cohorte à partir des éléments retranscrits dans les programmes individuels complets. Au total, seulement 52 % des comportements difficiles étaient notés et pour 54 % d’entre eux la nature des comportements ainsi que les interventions ou les stratégies pour les réduire y étaient décrites. Un lien positif est retrouvé entre la sévérité des troubles et la précision de leur description dans les programmes individuels. Les interventions décrites étaient très élémentaires et pratiquement aucun objectif ni aucune méthode pour les diminuer n’étaient notés.
Certains facteurs déclenchant ou perpétuant des comportements difficiles ont été identifiés chez des personnes avec déficience intellectuelle. L’équipe de Poppes et coll. (Poppes et coll., 2016brenvoi vers) a recherché si ces facteurs étaient aussi retrouvés dans un groupe de 198 personnes avec PIMD. Des facteurs liés à la personne avec PIMD ont été identifiés, comme les troubles du sommeil ou les troubles de l’audition. Aucun facteur contextuel n’a été mis en évidence. Un seul facteur semble pouvoir être attribué aux membres de l’équipe soignante dans la disparition des comportements difficiles. Ce facteur était la participation à une formation spécifique sur la façon de gérer les troubles du comportement, soulignant l’intérêt et l’importance de ces formations.
L’évaluation d’une approche psycho-éducative adoptée par les soignants proches de 195 adultes avec PIMD ayant des comportements difficiles a consisté en une heure et demi de session d’apprentissage didactique et expérientiel. Ces séances ont montré que les comportements difficiles étaient notés comme plus sévères après l’intervention, bien que l’effet soit faible. Ce résultat n’est ni significatif ni expliqué par une modification de la composante biomédicale de la situation des personnes (Poppes et coll., 2016arenvoi vers). La même équipe (Poppes et coll., 2016crenvoi vers), au cours de cette même étude, a cherché à savoir si l’expérience des soignants faisant les évaluations de ces comportements difficiles et de leur composante biomédicale impactait les résultats. L’échelle utilisée est une version traduite (mais elle ne semble pas validée dans la littérature) de l’échelle CHABA (Challenging Behaviour Attributions Scale de R. P. Hasting : Hastings, 1997renvoi vers). Il n’est pas retrouvé de différence significative selon que les équipes sont expérimentées ou non. Les auteurs soulignent que le score moyen est particulièrement faible pour tous les items suggérant que les évaluateurs n’ont peut-être pas trouvé le modèle très pertinent.
L’équipe de Vrijmoeth et coll. (Vrijmoeth et coll., 2012renvoi vers) s’est elle aussi penchée sur les facteurs liés aux comportements difficiles chez 101 enfants flamands (Pays-Bas et Belgique) ayant un déficit moteur et intellectuel (MID), d’un âge moyen de 14 ans et demi. Les auteurs ont recueilli les comportements difficiles rapportés par leurs parents et leurs soignants réguliers. Ils n’ont pas trouvé de lien entre les comportements difficiles et le sexe de l’enfant. Les comportements difficiles étaient mentionnés par 18 % des parents et 8 % des soignants. Un trouble anxieux de l’enfant est rapporté par 27 % des parents. Les enfants plus jeunes avaient plus de comportements difficiles que les plus âgés. Les analyses statistiques ont mis en évidence un lien fort entre les comportements difficiles et une instabilité émotionnelle ou une attitude désagréable, et moindre avec une impulsivité. Par ailleurs, les comportements difficiles étaient en lien notable avec les difficultés relationnelles parentales. Dans la cohorte nationale Eval-PLH, près de 90 % des sujets âgés de plus de 50 ans présentent des troubles du comportement (Rousseau et coll., 2019renvoi vers).
L’ensemble de ces études portant sur les comportements difficiles soulignent l’importance de la formation des soignants à la gestion des comportements difficiles car ceux-ci s’améliorent avec un environnement adapté et apaisant. Cela confirme aussi que les comportements difficiles chez l’enfant ou l’adulte polyhandicapé sont le plus souvent réactionnels à la situation particulière de la personne et ne sont pas des troubles psychiatriques à proprement parler.

Pathologies psychiatriques chez la personne polyhandicapée

Les pathologies psychiatriques sont peu nombreuses chez la personne polyhandicapée. Cependant, certaines manifestations d’allure psychiatrique sont en partie secondaires et la notion de retard développemental devient alors inopérante, car celui-ci prend une autre voie (Ouss, 2019renvoi vers). L’intrication des troubles neurologiques et du développement psychologique entraîne des symptômes possiblement transitoires et améliorables par une action sur l’environnement humain et matériel de la personne et « il ne suffit pas que le patient présente des stéréotypies pour qu’on puisse le dire autiste » (Gabbaï, 2021renvoi vers). Ces troubles sont précédemment décrits dans la partie « Psychologie et psychopathologie chez la personne polyhandicapée ».

Dépression et polyhandicap

Il n’y a pas de travaux portant spécifiquement sur la dépression chez les personnes polyhandicapées. Cependant, Adams et Oliver (2011renvoi vers) ont réalisé une revue de la littérature concernant l’expression et l’évaluation des émotions et de l’état intérieur des personnes avec une déficience intellectuelle sévère ou profonde (SPID). En raison de la rareté des études portant sur cette population, ils ont aussi retenu les études analysant d’autres états intérieurs de ces personnes comme l’anxiété, la dépression et la douleur. L’expression des émotions et de l’état intérieur chez les personnes polyhandicapées a été comparée avec les manifestations des émotions chez les nouveau-nés dont les expressions faciales sont évaluables dès 3 à 10 heures de vie par des tests de goûts agréables ou désagréables. Malgré la grande similitude entre les expressions des émotions selon les cultures, elles sont différentes dans la schizophrénie, la démence ou chez les personnes avec SPID. Chez les personnes non parlantes, les émotions faciales sont interprétables aisément par les personnes entraînées ou non et proches ou non de l’enfant, alors que les personnes avec SPID ont des expressions faciales des émotions souvent difficiles à interpréter comme dans l’autisme par exemple. Ces difficultés sont retrouvées dans l’interprétation des comportements difficiles en cas d’anxiété ou de douleur. Les auteurs plaident pour que des études permettant la reconnaissance des émotions et des états intérieurs soit réalisées tant pour les expressions faciales que comportementales.
Toutefois, la revue de la littérature de Eaton et coll. (2021renvoi vers) portant sur les manifestations comportementales associées à la dépression chez les personnes ayant une déficience intellectuelle profonde retrouve des comportements connus pour être associés à une dépression : affects dépressifs, anhédonie, pleurs et larmes, agitation psychomotrice, diminution de l’appétit, fatigue/manque d’énergie/léthargie, irritabilité et troubles du sommeil. D’autres symptômes moins typiques sont aussi mentionnés chez les personnes avec SPID : agressivité, auto-agression, accès de colère, hurlements et d’autres comportements perturbateurs.

Troubles autistiques et polyhandicap

Les troubles du spectre autistique ont été recherchés chez 451 enfants âgés de 8 ans ayant une paralysie cérébrale (spastique : 77,4 % ; non spastique : 8,4 %) et vivant dans 4 États des États-Unis. Dans l’étude nationale, en 2008, les troubles du spectre autistique étaient présents chez 4 % des enfants âgés de 8 ans aux États-Unis. Pendant la même période (2008), l’étude trouvait des troubles autistiques chez 7 % des enfants ayant une paralysie cérébrale et dans le sous-groupe des enfants dont la paralysie cérébrale était hypotonique, la fréquence en était de 18 %. Ces données issues de la paralysie cérébrale ne sont pas extrapolables au polyhandicap (Christensen et coll., 2014renvoi vers).
En résumé sur les troubles psychiatriques, les études disponibles sont des études portant sur la dépression ou sur les troubles du spectre autistique chez les enfants ayant une déficience mentale sévère ou profonde, mais ne concernent pas le polyhandicap.

Conclusion

Il est nécessaire de distinguer les troubles du comportement (qui sont fréquents et qui peuvent être graves et envahissants) des maladies psychiatriques qui restent relativement rares chez les personnes polyhandicapées. Les troubles du comportement, même sévères, sont réactionnels aux conditions de vie de la personne polyhandicapée et leur prise en compte passe par une évaluation de leur cadre de vie. Les pathologies autistiques ne sont pas surreprésentées chez les personnes polyhandicapées.

Références

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