Polyhandicap

2024


ANALYSE

I-

Le polyhandicap


5-

Diagnostic prénatal

La prédiction d’un possible polyhandicap peut être abordée dès la vie fœtale : par exemple, quand une anomalie cérébrale est dépistée lors d’une échographie de suivi ; ou en cas de diagnostic d’une anomalie génétique responsable de polyhandicap, portée par le fœtus ; ou encore en cas de souhait des parents d’un enfant polyhandicapé (dont le diagnostic étiologique est connu) d’interrompre une nouvelle grossesse d’un fœtus atteint (voir partie « Évaluation prédictive de la probabilité de polyhandicap et de la qualité de vie future » du chapitre « Qualité de vie »). Les progrès de l’imagerie prénatale combinés à ceux des techniques de génomique amènent ainsi de plus en plus souvent à poser la problématique de la situation de handicap voire de polyhandicap chez un fœtus, en cours de grossesse.
Le diagnostic prénatal comprend « les examens de biologie médicale ou d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse »1 . Les progrès de la médecine génomique ont permis d’appliquer les techniques génétiques (analyse chromosomique sur puce à ADN, séquençage d’exome) en prénatal, réalisées à partir d’ADN fœtal, dans un temps compatible avec un rendu de résultat en cours de grossesse. En parallèle, l’imagerie prénatale comprenant les échographies obstétricales et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fœtale a considérablement progressé cette dernière décennie, permettant de détecter plus finement les malformations fœtales, en particulier cérébrales. Pour certaines malformations fœtales ou associations malformatives, couplées parfois à un diagnostic génétique, la possibilité d’un polyhandicap chez le fœtus sera explicitée au couple, alors que la grossesse est en cours. En cas de « forte probabilité d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic », le couple pourra recourir à une interruption médicale de la grossesse (IMG)2 .
Dans le cadre du diagnostic prénatal, deux situations se distinguent :
• le diagnostic prénatal « ciblé », recherchant chez le fœtus une maladie connue, à la suite d’un ou plusieurs antécédents familiaux de polyhandicap pour lequel le diagnostic moléculaire est établi ;
• la mise en évidence de malformation(s) fœtale(s) au cours du suivi échographique, menant à considérer la possibilité d’un polyhandicap chez le fœtus.

Diagnostic prénatal ciblé

Lorsqu’un apparenté (enfant du couple par exemple) présente un polyhandicap dont l’origine génétique a été identifiée (c’est-à-dire qu’une anomalie génétique pathogène a été mise en évidence et est reconnue comme responsable du polyhandicap), le risque de récurrence pour une nouvelle grossesse du couple peut être défini. Dans cette situation, le couple connaît déjà la pathologie et en a un vécu associé, du fait de son histoire familiale.
Le couple dont la grossesse est à risque de récurrence est pris en charge par une équipe de diagnostic anténatal intégrée à un CPDPN (Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal) incluant notamment obstétriciens, sage-femmes, généticiens et pédiatres.
En amont du diagnostic prénatal, il est indispensable de vérifier la pathogénicité du/des variants identifiés chez le cas index et la compatibilité avec le phénotype (variant(s) génétique(s) expliquant tout ou partie du phénotype du cas index). Avec ces éléments, le risque pour la grossesse en cours sera explicité, celui-ci dépendant du mode de transmission (d’un risque faible, limité à celui de la mosaïque germinale en cas d’anomalie de novo chez un précédent enfant, à un risque de 50 % en cas de variation autosomique dominante portée par un parent).
Si le couple ne souhaite pas prendre ce risque de récurrence et recourir à un diagnostic prénatal, cette demande doit être validée par le CPDPN. Ensuite, le diagnostic prénatal consiste en un prélèvement invasif fœtal (biopsie de trophoblastes vers 11-12 semaines d’aménorrhée [SA] ou ponction de liquide amniotique à partir de 14 SA), qui permettra de rechercher chez le fœtus le(s) variant(s) génétique(s) responsable(s) de la pathologie chez le cas index. En cas de récurrence chez le fœtus, le couple pourra s’orienter vers une interruption médicale de la grossesse.
Il est important de noter les progrès très récents du diagnostic prénatal non invasif, ceux-ci permis grâce à l’analyse de fragments d’ADN fœtal circulant présents dans le sang maternel précocement au cours de la grossesse. Le diagnostic prénatal non invasif permet dans certaines situations de rechercher une anomalie génétique ciblée à partir d’un prélèvement sanguin maternel (recherche du variant paternel en cas d’anomalie génétique dominante portée par le père ou de maladie récessive hétérozygote composite), et ainsi d’éviter le prélèvement invasif (Pacault et coll., 2022renvoi vers).

Diagnostic prénatal sur anomalie(s) échographique(s)

Le suivi échographique de grossesse recommandé en France comprend trois échographies de dépistage, à chaque trimestre de la grossesse, vers 12 SA, 22 SA et 32 SA. Ces examens échographiques ont pour but de dépister des malformations congénitales chez le fœtus. En cas de mise en évidence d’une malformation, une échographie à visée diagnostique par un échographiste référent est indiquée, couplée à un avis auprès d’un CPDPN. En fonction du contexte, une ponction de liquide amniotique pourra être proposée, permettant des analyses virales (recherche de cytomégalovirus [CMV] en particulier) et génétiques. Alors que les analyses génétiques en prénatal ont longtemps été limitées aux analyses chromosomiques (caryotype et analyse chromosomique sur puce à ADN), les progrès techniques du séquençage pangénomique permettent maintenant de réaliser un séquençage d’exome en cours de grossesse (Lord et coll., 2019renvoi vers ; Petrovski et coll., 2019renvoi vers ; Tran Mau-Them et coll., 2023renvoi vers). Ainsi, un diagnostic génétique pourra être posé chez le fœtus au cours de la grossesse, permettant d’aider à l’information sur le pronostic fœtal.
Le pronostic fœtal sera évalué en équipe pluridisciplinaire comprenant les sages-femmes, obstétriciens, radiologues, neuropédiatres et généticiens, en incluant les données d’imagerie et les données génétiques/virales.
Pour certaines malformations cérébrales (holoprosencéphalie, anomalie étendue de la gyration par exemple) ou associations malformatives, le pronostic fœtal sera d’emblée établi comme sévère à l’imagerie avec forte probabilité d’un handicap voire de polyhandicap. Dans ces situations, le résultat des analyses génétiques aura peu d’impact sur le pronostic fœtal. L’intérêt des analyses génétiques sera alors celui de la compréhension de la cause et de l’enjeu de conseil génétique pour les grossesses suivantes. Les analyses génétiques pourront être réalisées en postnatal, ou en cas d’IMG après autopsie fœtale (examen fœtopathologique et neuropathologique). L’examen clinique postnatal ou l’examen fœtopathologique permettront une évaluation phénotypique plus fine qu’en prénatal (les données phénotypiques se limitant alors à celles visibles à l’imagerie fœtale), ce qui aidera l’interprétation des variations génétiques.
À l’inverse, les analyses génétiques comprenant le séquençage d’exome, ont un impact majeur dans les malformations de pronostic incertain, telles que les anomalies du corps calleux. Ainsi, en cas d’anomalie isolée du corps calleux chez le fœtus (c’est-à-dire sans autre malformation fœtale), en l’absence d’un contexte maternel particulier (alcoolisation fœtale, phénylcétonurie maternelle), le pronostic fœtal est incertain puisque 80 % des enfants présenteront un développement dans les normes tandis que 20 % d’entre eux présenteront un handicap intellectuel, incluant un polyhandicap chez certains (Moutard et coll., 2012renvoi vers ; Sotiriadis et Makrydimas, 2012renvoi vers). La variabilité phénotypique associée à cette malformation cérébrale, couplée à sa grande hétérogénéité génétique, ont amené à proposer aux couples de réaliser un séquençage d’exome chez le fœtus (Heide et coll., 2020renvoi vers). Dans la majorité des cas, lorsqu’un diagnostic génétique est identifié, celui-ci permet de mieux définir le pronostic. Il est à noter que certaines causes génétiques peuvent être associées à des phénotypes peu spécifiques ou peu étayés (syndrome génétique rare ou ultra-rare) ou à large spectre clinique (allant d’un trouble du neurodéveloppement léger à un polyhandicap), le plus souvent peu prévisibles.
Les difficultés d’interprétation des variations génétiques sont exacerbées en prénatal, en particulier du fait du phénotypage incomplet inhérent au prénatal, les données accessibles étant limitées à celles de l’échographie, sans diagnostic fonctionnel sous-jacent. Il existe donc un risque plus élevé qu’en postnatal d’identifier une variation de signification incertaine (variation dont il n’est pas possible d’affirmer si elle est pathogène c’est-à-dire responsable d’une maladie, ou non pathogène, et donc sans conséquence phénotypique). Ces situations d’incertitude diagnostique doivent être accompagnées d’un dialogue étroit entre cliniciens et biologistes. La loi prévoit de ne pas faire figurer sur le compte rendu biologique les variations de signification incertaine, et donc de ne pas les rapporter aux couples dans la période prénatale (Arrêté du 25 janvier 2018 fixant les recommandations de bonnes pratiques relatives aux modalités de prescription, de réalisation et de communication des résultats des examens de biologie médicale concourant au diagnostic biologique prénatal)3 .
En l’absence de diagnostic génétique identifié, le pronostic est réévalué en intégrant les données d’imagerie et le risque de handicap ne pourra être exclu, mais reste encore non défini. Des études de suivi de cohortes postnatales sont indispensables pour ce type de malformations afin de définir le risque résiduel de handicap/polyhandicap chez ces enfants.

Conclusion

Les progrès technologiques, tels que ceux du séquençage pangénomique et ceux très récents du diagnostic prénatal non invasif, offrent des perspectives encourageantes ; mais la prise en compte des aspects éthiques et des conséquences pour les familles reste primordiale dans ces situations délicates. Des études cliniques détaillant en particulier les histoires naturelles des syndromes associés spécifiquement aux différentes étiologies sont indispensables pour permettre de délivrer une information précise, personnalisée et prédictive sur le pronostic fœtal, d’accompagner au mieux les couples en cas de demande d’interruption médicale de la grossesse ou d’adapter la prise en soins post-natale le cas échéant.

Références

[1] Heide S, Spentchian M, Valence S, et coll . Prenatal exome sequencing in 65 fetuses with abnormality of the corpus callosum: contribution to further diagnostic delineation. Genet Med. 2020; 22:1887-91Retour vers
[2] Lord J, McMullan DJ, Eberhardt RY, et coll . Prenatal exome sequencing analysis in fetal structural anomalies detected by ultrasonography (PAGE): a cohort study. Lancet. 2019; 393:747-57Retour vers
[3] Moutard M-L, Kieffer V, Feingold J, et coll . Isolated corpus callosum agenesis: a ten-year follow-up after prenatal diagnosis (how are the children without corpus callosum at 10 years of age?). Prenat Diagn. 2012; 32:277-83Retour vers
[4] Pacault M, Verebi C, Lopez M, et coll . Non-invasive prenatal diagnosis of single gene disorders by paternal mutation exclusion: 3 years of clinical experience. BJOG. 2022; 129:1879-86Retour vers
[5] Petrovski S, Aggarwal V, Giordano JL, et coll . Whole-exome sequencing in the evaluation of fetal structural anomalies: a prospective cohort study. Lancet. 2019; 393:758-67Retour vers
[6] Sotiriadis A, Makrydimas G. Neurodevelopment after prenatal diagnosis of isolated agenesis of the corpus callosum: an integrative review. American Journal of Obstetrics and Gynecology. 2012; 206:337.e1-5Retour vers
[7] Tran Mau-Them F, Delanne J, Denommé-Pichon A-S, et coll . Prenatal diagnosis by trio exome sequencing in fetuses with ultrasound anomalies: A powerful diagnostic tool. Front Genet. 2023; 14: 1099995p. Retour vers

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