Polyhandicap

2024


ANALYSE

I-

Le polyhandicap


4-

Génétique

Au cours de cette dernière décennie, les avancées en termes de médecine génomique et l’avènement du séquençage haut débit ont permis d’accroître considérablement la connaissance des causes génétiques des anomalies du développement et des troubles du neurodéveloppement, permettant une meilleure compréhension de leurs mécanismes physiopathologiques sous-jacents. Ainsi, le rendement diagnostique des analyses génétiques a considérablement augmenté chez les patients avec déficience intellectuelle et une cause génétique est maintenant identifiée chez 40 à 50 % des patients, grâce aux techniques d’exome et/ou de génome (Wright et coll., 2018renvoi vers ; Srivastava et coll., 2019renvoi vers).
Aucune étude ne répertorie à ce jour les résultats d’analyses génétiques systématiques (en particulier séquençage d’exome et/ou de génome) dans une cohorte de patients polyhandicapés au sens du périmètre de cette expertise collective. Ceci empêche l’évaluation précise du rendement diagnostique des analyses génétiques dans le polyhandicap. Dans l’étude Eval-PLH (Rousseau et coll., 2020renvoi vers) portant sur une cohorte de 463 enfants et adultes jeunes polyhandicapés, les causes anténatales étaient majoritaires, représentant 59,2 % des causes et incluant majoritairement des malformations cérébrales (45,7 %) dont une partie conséquente sont d’origine génétique. Les encéphalopathies neuro-métaboliques (6,25 %), les causes neuro-génétiques (4,75 %) et les encéphalopathies épileptiques (2,5 %) sont quant à elles exclusivement d’origine génétique. Dans cette même étude, 63 patients n’avaient pas d’étiologie identifiée pour leur polyhandicap, sans que soit détaillé si des investigations génétiques avaient été menées et le type d’analyses effectuées, et il est probable qu’un grand nombre de ces patients « sans étiologie » présentent en réalité un polyhandicap d’étiologie génétique, non identifiable par la technique utilisée si une analyse génétique a déjà été réalisée, ou non connue dans l’état de la science au moment de l’investigation génétique.
Plusieurs études s’intéressent à la proportion de diagnostics génétiques dans des cohortes de patients avec « paralysie cérébrale », « encéphalopathie épileptique » et « déficience intellectuelle sévère à profonde », incluant en grande partie des patients polyhandicapés (McTague et coll., 2016renvoi vers ; Srivastava et coll., 2022renvoi vers).

Intérêt du diagnostic étiologique génétique

L’identification d’une cause génétique chez la personne polyhandicapée est essentielle quel que que soit son âge, pour la personne elle-même et pour sa famille.
Le premier des intérêts est l’impact thérapeutique potentiel qui peut découler de l’étiologie. Dans une revue de la littérature, Leach et coll. (2014renvoi vers) recensaient les maladies métaboliques compatibles avec un phénotype de paralysie cérébrale incluant 54 affections dites traitables (phénylcétonurie par déficit en cofacteur, déficit en GLUT1, maladie de Krabbe, leucodystrophie métachromatique, etc.), avec des possibilités thérapeutiques s’étendant d’un traitement primaire voire préventif à des thérapeutiques à visée de stabilisation (Leach et coll., 2014renvoi vers). En dehors des maladies métaboliques, l’identification de l’étiologie permet d’adapter la prise en charge médicale et le suivi. La démarche de soins et d’accompagnement peut différer en fonction de l’étiologie, en particulier lorsque la trajectoire évolutive est connue (dégradation secondaire ou état fixé). Ainsi, la connaissance de la cause génétique sous-jacente peut permettre d’adapter la surveillance et prévenir l’apparition de sur-handicaps ou comorbidités.
De plus, le parcours de recherche étiologique est souvent long et angoissant pour l’entourage. La mise en évidence du diagnostic génétique permet de mettre fin à ce long parcours d’errance diagnostique.
Par ailleurs, le diagnostic étiologique permet de déterminer le mode de transmission de l’affection et donner ainsi accès à un conseil génétique fiable pour les parents et la famille (Moreno-De-Luca et coll., 2021renvoi vers). Ainsi, en cas de grossesse, le couple des parents ou les apparentés à risque (notamment en cas de maladie liée à l’X) pourront faire la demande d’un diagnostic prénatal ou d’un diagnostic pré-implantatoire. En l’absence d’étiologie identifiée, le risque de récidive ne peut être évalué ni exclu.
L’impact clinique du diagnostic étiologique est bien rapporté en pédiatrie, mais a également été montré à l’âge adulte sur le plan de la prévention des sur-handicaps, comme sur celui du conseil génétique (Srivastava et coll., 2014renvoi vers ; Minardi et coll., 2020renvoi vers). Chez les adultes polyhandicapés sans diagnostic étiologique, une nouvelle évaluation génétique est souvent indiquée. En effet, de nombreux adultes n’ont pas bénéficié d’une enquête étiologique génétique à l’âge pédiatrique. De plus, le bilan génétique étiologique, s’il a été réalisé au cours de l’enfance, peut être complété par les nouvelles techniques (disponibles en diagnostic depuis seulement une petite décennie) et ainsi apporter un diagnostic, même tardif.

Causes génétiques de polyhandicap

Le polyhandicap est caractérisé par une importante hétérogénéité génétique, avec plusieurs centaines de gènes, souvent associés à une expressivité clinique variable. Les gènes spécifiques au polyhandicap sont rares. La majorité des anomalies génétiques retrouvées sont responsables de déficience intellectuelle, le polyhandicap représentant la forme la plus sévère du spectre phénotypique de ce trouble du neurodéveloppement. Dans ces situations, le diagnostic génétique précoce ne permet pas de prédire la sévérité du handicap, qui sera évaluée de façon dynamique en fonction de la trajectoire développementale de l’enfant.
Il est à noter que l’histoire naturelle de ces syndromes rares est souvent peu connue, en particulier à l’âge adulte. Le phénotype de la majorité des syndromes génétiques développementaux est rapporté au moment du diagnostic, et donc dans une population essentiellement pédiatrique. Les études dédiées à l’évolution à l’âge adulte manquent pour la majorité des syndromes développementaux responsables de déficience intellectuelle ou de polyhandicap. Pour certains gènes, il est rapporté un trouble du neurodéveloppement initial, qui peut être sévère, puis une aggravation progressive avec un aspect neurodégénératif survenant secondairement et aggravant le (poly)handicap initial. À titre d’exemple, les variants pathogènes du gène WDR45 causent une pathologie d’accumulation intra-cérébrale du fer nommée BPAN (Beta-propeller protein-associated neurodegeneration), responsables d’un retard de développement chez l’enfant, parfois sévère, souvent associé à une épilepsie, puis l’apparition secondaire à l’âge adulte d’un syndrome parkinsonien d’aggravation progressive (Abidi et coll., 2016renvoi vers).

Causes chromosomiques

Les causes chromosomiques correspondent à des anomalies de nombre et incluent soit la perte d’un chromosome (monosomie) ou d’un fragment de chromosome (délétion ou monosomie partielle), soit le gain d’un chromosome (trisomie) ou d’un fragment chromosomique (duplication ou trisomie partielle). Elles peuvent être homogènes (c’est-à-dire présentes dans toutes les cellules analysées) ou en mosaïque (c’est-à-dire limitées à certaines populations cellulaires). Historiquement identifiées grâce au caryotype, elles sont maintenant identifiées par analyse chromosomique sur puce à ADN1 (ACPA), caractérisée par une meilleure résolution que le caryotype. Dans une cohorte de patients avec déficience intellectuelle sévère à profonde, une cause chromosomique est identifiée par ACPA chez 12 % des patients (Gilissen et coll., 2014renvoi vers). Concernant la paralysie cérébrale, une méta-analyse récente portant sur ses étiologies génétiques retrouvait une fréquence des anomalies chromosomiques dans cette population de l’ordre de 5 % (entre 2 et 12 %), à partir de 5 études portant sur une totalité de 294 patients (Srivastava et coll., 2022renvoi vers).

Causes géniques

Les causes géniques (variation d’une base nucléotidique dans un gène) ne sont pas détectables par les techniques d’analyses chromosomiques telles que le caryotype et l’ACPA. Les techniques de séquençage permettent de les détecter et leur identification est nettement améliorée depuis l’avènement des techniques de séquençage haut débit qui permettent de séquencer l’ensemble des gènes par une seule et même technique, que ce soit par séquençage d’exome (séquençage de l’ensemble des parties codantes des gènes appelées exons) ou séquençage de génome (séquençage complet de l’ensemble du génome). Pour ces examens, un délai de rendu de plusieurs mois à un an est l’usage dans la majorité des laboratoires diagnostiques, hors urgence médicale.
Les gènes impliqués dans le polyhandicap sont des gènes jouant un rôle dans le développement cérébral souvent très exprimés au niveau du cerveau fœtal. De très nombreux nouveaux gènes ont été identifiés ces dernières années grâce aux séquençages de génome ou exome et la mise en place de plateformes de partage de variants génétiques type GeneMatcher, qui facilitent largement les échanges et les collaborations entre équipes à l’échelle internationale impliqués dans l’identification de variants génétiques rares voire ultra-rares. Il s’agit toujours de causes rares voire très rares avec parfois seulement quelques patients rapportés dans le monde.

Pathologies autosomiques dominantes

Une pathologie autosomique dominante est due à une variation pathogène présente sur l’une des deux copies du gène. Ce variant pathogène est soit transmis par l’un de ses deux parents, qui est donc lui-même atteint, ou peut-être survenu de novo. La majorité des causes géniques identifiées dans la déficience intellectuelle et le polyhandicap sont des variations dominantes survenues de novo (c’est-à-dire non présentes chez les parents). Ces variations surviennent spontanément au cours de la gamétogenèse (au cours de la méiose ou d’une mitose) ou précocement au cours du développement embryonnaire et ne sont pas héritées de l’un ou l’autre des parents.
Parmi les causes dominantes de novo identifiées de manière récurrente chez les patients polyhandicapés, les tubulinopathies constituent un groupe de pathologies dues à des variations pathogènes dans des gènes de tubulines (TUBA1A, TUBB4A, TUBB2B, TUBB3). Ces gènes sont impliqués dans le fonctionnement des microtubules, indispensables au processus mitotique des cellules pro-génitrices cérébrales dès les stades embryonnaires précoces. Les tubulinopathies se caractérisent cliniquement par des malformations cérébrales incluant lissencéphalie, polymicrogyries, anomalies des noyaux gris centraux, associées à un handicap intellectuel chez la quasi-totalité des patients rapportés, dont la sévérité est corrélée à la sévérité des malformations cérébrales (Bahi-Buisson et Maillard, 2021renvoi vers) et une épilepsie fréquente. Les syndromes de Mowat-Wilson (variant pathogène dans le gène ZEB2) et de Pitt-Hopkins (variant pathogène dans le gène TCF4) se caractérisent par une déficience intellectuelle souvent sévère associée à un spectre malformatif variable.
La majorité des causes identifiées dans le polyhandicap sont ainsi des causes dominantes de novo, avec de très nombreuses étiologies et les pathologies citées ici ne sont que des exemples dans cet ensemble de maladies rares.
Le risque de récurrence pour les parents d’un enfant présentant une maladie génétique de novo est estimé comme faible mais non nul, l’hypothèse d’une mosaïque germinale (présence de la variation génétique pathogène au niveau des gamètes, ovocytes ou spermatozoïdes) ne pouvant être exclue. Un diagnostic prénatal pourra être proposé au couple en cas de nouvelle grossesse.
Les formes dominantes héritées d’un parent asymptomatique ou à phénotype modéré sont rares dans le polyhandicap. Parmi celles-ci, la sclérose tubéreuse de Bourneville est une pathologie dominante multi-systémique d’expressivité très variable pouvant être responsable d’un handicap intellectuel et d’une épilepsie, parfois d’un polyhandicap (Northrup et coll., 2021renvoi vers). Dans 30 % des cas, elle est héritée d’un parent qui peut être pauci-symptomatique (atteinte cutanée ou rénale isolée par exemple) et parfois porteur de la variation à l’état de mosaïque (c’est-à-dire la présence concomitante de deux populations cellulaires différentes, l’une présentant la variation TSC1/TSC2 et l’autre sans cette variation).
De façon similaire, les variations pathogènes des gènes COL4A1 et COL4A2 sont responsables d’affections de transmission autosomique dominante et de spectre phénotypique très large, avec une atteinte cérébrale, oculaire et/ou rénale. Des formes fœtales avec hémorragie cérébrale prénatale peuvent être responsables d’un polyhandicap chez l’enfant. Le variant génétique peut être hérité d’un parent asymptomatique, ou survenu de novo chez le cas index. L’âge de début des manifestations cliniques dans ces pathologies est extrêmement variable, de la période fœtale jusqu’à l’âge adulte après la cinquantaine (Meuwissen et coll., 2015renvoi vers).
Les maladies dites à expansion (dues à des expansions instables de répétitions tri-nucléotidiques dans l’ADN) sont souvent associées à un phénomène d’anticipation (c’est-à-dire d’aggravation phénotypique au fil des générations) mais ne sont qu’exceptionnellement responsables d’un polyhandicap. À titre d’exemple, la maladie de Huntington, maladie neurodégénérative liée à une expansion CAG dans le gène de la huntingtine, peut être associée à un phénotype pédiatrique sévère d’aggravation progressive alors que le parent transmetteur peut être encore asymptomatique ou pauci-symptomatique au moment du diagnostic chez l’enfant (Fusilli et coll., 2018renvoi vers). L’aggravation du phénotype entre le parent et l’enfant atteint est expliquée par l’augmentation du nombre de répétitions tri-nucléotidiques au cours de la gamétogenèse, et la valeur du nombre de répétitions est ainsi plus élevée chez l’enfant que le parent, expliquant le phénotype plus sévère chez l’enfant.
L’impact du diagnostic génétique de ces pathologies dominantes transmises par un parent est majeur pour la prise en charge du parent transmetteur (qui peut ne pas avoir été diagnostiqué avant que le diagnostic ne soit porté chez son enfant) et pour le conseil génétique pour le couple de parents puisque le risque de récurrence de la pathologie pour chaque grossesse est alors de 50 %. Il est important de noter qu’il s’agit du risque de récurrence de la pathologie et non du polyhandicap (l’expressivité de ces pathologies étant éminemment variable), la sévérité ne pouvant souvent pas être prédite sur la base de la seule présence de la variation génétique, ce qui soulève la question des facteurs modificateurs pouvant expliquer la variabilité phénotypique.

Pathologies autosomiques récessives

Dans les pathologies autosomiques récessives, l’individu atteint est porteur d’un variant pathogène sur chacun des deux allèles du gène, chacun des variants lui ayant été transmis par l’un des deux parents. L’enfant est soit porteur du même variant sur les deux allèles (homozygote), soit porteur de deux variants différents chacun sur un allèle (hétérozygote composite). Les parents sont asymptomatiques car hétérozygotes (porteurs du variant sur un seul des deux allèles). Les pathologies récessives sont plus fréquemment retrouvées chez les enfants dont les parents sont apparentés (les parents portent alors une certaine proportion de variations génétiques communes, dépendant de leur degré de parenté).
La majorité des maladies métaboliques sont de transmission autosomique récessive, comme le syndrome de Smith-Lemli-Opitz, qui est dû à une anomalie de synthèse du cholestérol par déficit en 7-déhydrocholestérol réductase. Son spectre phénotypique est large avec un syndrome malformatif caractérisé par un retard de croissance intra-utérin, des malformations génitales, des malformations cérébrales avec microcéphalie, des anomalies des extrémités, et un handicap intellectuel constant.
Plus récemment, un groupe de pathologies neurodégénératives phénotypiquement homogènes ont été décrites, liées à un défaut du complexe AP-4 (anomalies des gènes AP4E1, AP4B1, AP4M1 et AP4S1), complexe protéique impliqué dans le trafic vésiculaire entre le système de Golgi et les endosomes, et exprimé de façon ubiquitaire, y compris au niveau du système nerveux central. Cliniquement, ces pathologies se caractérisent par un retard de développement global et une paraparésie spastique précoce et progressive et peuvent mimer une pathologie anoxo-ischémique (Ebrahimi-Fakhari et coll., 2020renvoi vers).
De très nombreuses autres pathologies récessives rares sont associées au polyhandicap, avec des prévalences parfois variables en fonction des populations (exemple du déficit en GM3-synthase à La Réunion : Heide et coll., 2022renvoi vers).
Pour les parents d’un enfant atteint de polyhandicap lié à une pathologie récessive, le risque de récurrence pour chaque grossesse est de 25 % (c’est-à-dire le risque d’avoir un enfant porteur des deux variants pathogènes), et un diagnostic prénatal peut être proposé pour chaque grossesse (éventuellement dans un premier temps un diagnostic prénatal non invasif en cas d’hétérozygotie composite, pour recherche du variant paternel au niveau de l’ADN libre circulant). Dans certaines situations (projet parental avec un apparenté, fréquence d’hétérozygotie considérée comme élevée dans la population générale), une recherche du variant familial ou de variants récurrents pourra être proposée aux apparentés à risque ainsi qu’à leurs conjoints afin de déterminer le risque pour ces couples d’avoir un enfant atteint.

Pathologies liées au chromosome X

Une pathologie liée à l’X est due à une anomalie sur un gène localisé sur le chromosome X. Le phénotype dépend du sexe chromosomique : masculin (formule chromosomique XY) ou féminin (formule chromosomique XX). Classiquement, on distingue les pathologies récessives liées à l’X, pour lesquelles les hommes porteurs sont atteints et les femmes porteuses asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, des pathologies dominantes liées à l’X pour lesquelles les femmes sont atteintes et le phénotype masculin est très sévère, le plus souvent lié à une létalité périnatale.
Ainsi, le syndrome de Rett, dû à une anomalie du gène MECP2 localisé sur le chromosome X, est de transmission dominante liée à l’X. Ce syndrome touche presque exclusivement des filles, qui présentent un trouble neurodéveloppemental progressif évoluant souvent vers un polyhandicap (Kaur et Christodoulou, 2019renvoi vers). Le phénotype masculin est exceptionnel, pouvant être lié à une formule chromosomique XXY ou à une mosaïque somatique (Clayton-Smith et coll., 2000renvoi vers).
Les pathologies récessives liées à l’X touchent les garçons et les femmes porteuses sont asymptomatiques ou pauci-symptomatiques. Dans ce mode de transmission, le variant génétique pathogène dans un gène localisé sur le chromosome X est soit transmis par la mère, soit survenu de novo. Le syndrome de Coffin-Lowry ou le syndrome de déficience intellectuelle avec alpha-thalassémie (variant pathogène du gène ATRX) sont transmis sur ce mode. La variabilité du phénotype clinique chez les filles porteuses peut être expliquée en partie par le mécanisme d’inactivation du chromosome X, processus physiologique à partir duquel un des deux chromosomes X de la femelle mammifère est inactivé, le chromosome X inactivé étant normalement aléatoire selon les tissus.
Certains syndromes récemment décrits peuvent être plus difficiles à catégoriser entre « récessif » ou « dominant » lié à l’X. Ainsi, les variants pathogènes du gène WDR45 ont initialement été rapportés sur un mode de transmission dominant lié à l’X puisque décrit initialement uniquement chez des filles (Haack et coll., 2012renvoi vers). Cependant, des hommes atteints ont depuis été rapportés, avec des variants parfois hérités d’une mère moins atteinte, menant à revoir le mode de transmission initialement rapporté (Nakashima et coll., 2016renvoi vers). Ainsi, certains auteurs préfèreront évoquer un mode de transmission « lié à l’X » sans distinction entre récessif ou dominant.

Pathologies mitochondriales

L’ADN mitochondrial est une molécule d’ADN circulaire localisée dans les mitochondries, organites cellulaires dédiées à la production d’énergie. Cet ADN contient une dizaine de gènes et certaines pathologies sont liées à des variations localisées sur cet ADN mitochondrial. Parmi ces pathologies mitochondriales, le syndrome MELAS (Mitochondrial Encephalomyopathy, Lactic Acidosis, Stroke-like episodes) ou le syndrome MERRF (épilepsie myoclonique avec ragged red fibers) sont associés à un spectre clinique très large impliquant chez certains patients un polyhandicap.
L’ADN mitochondrial de chaque individu est d’origine maternelle puisque les mitochondries du zygote proviennent en totalité de l’ovocyte. Ainsi la transmission de ces pathologies est exclusivement maternelle. Une cellule peut contenir à la fois des mitochondries porteuses et non porteuses de la variation pathogène selon le phénomène d’hétéroplasmie. Le taux d’hétéroplasmie peut varier d’un tissu à l’autre, entraînant une variabilité de la gravité des manifestations chez les individus atteints. Une femme atteinte transmettra à tous ses enfants la maladie de transmission mitochondriale avec une sévérité clinique difficile à prédire, pouvant varier d’un enfant à l’autre.
Il est important de noter que la plupart des pathologies dites « mitochondriales » (pathologies liées à un dysfonctionnement de la mitochondrie) sont liées à des variations dans les gènes nucléaires (et non à une variation dans un gène localisé sur l’ADN mitochondrial), et sont donc de transmission mendélienne classique (automosomique dominante, récessive, liée à l’X).

Stratégie diagnostique étiologique dans le polyhandicap

En l’absence d’étude génétique spécifique au polyhandicap, il est difficile d’établir la part précise des pathologies génétiques dans le polyhandicap et des recommandations précises quant à une démarche étiologique génétique dans le polyhandicap. Néanmoins, des recommandations peuvent être émises en extrapolant au polyhandicap les études portant sur la population de patients avec paralysie cérébrale (Srivastava et coll., 2022renvoi vers).
En premier lieu, la démarche étiologique génétique inclut l’enfant polyhandicapé mais également ses parents. Une évaluation clinique de l’enfant polyhandicapé est nécessaire avant toute analyse génétique. Cette évaluation comprendra un arbre généalogique à la recherche d’antécédents familiaux de troubles du neurodéveloppement, d’épilepsie ou d’anomalies du développement. Ces données permettront dans certains cas d’orienter d’emblée sur un mode de transmission particulier (lié à l’X en cas d’antécédents dans la branche maternelle, touchant des garçons).
À l’interrogatoire, le déroulement de la grossesse et les antécédents périnataux seront notés, afin de rechercher une cause non génétique ou un facteur confondant. Les antécédents périnataux (terme, mensurations de naissance, score d’Apgar, etc.) et l’histoire néonatale seront précisés, ainsi que la trajectoire développementale (notion de régression psychomotrice en particulier). Les antécédents malformatifs, les antécédents convulsifs, l’évolution de la croissance staturo-pondérale et du périmètre crânien seront également notés.
Un examen clinique de l’enfant est indispensable comprenant les mensurations (en ayant noté les mensurations des parents), un examen morphologique axé sur la recherche de particularités morphologiques même mineures, susceptibles d’orienter la recherche étiologique (morphologie faciale, examen des extrémités), un examen cutané, un examen orthopédique et un examen neurologique.
Les données du bilan paraclinique seront notées (résultat de l’imagerie par résonance magnétique [IRM] cérébrale), et le bilan malformatif pourra être complété si nécessaire.
En l’absence d’étiologie acquise évidente après investigation clinique rigoureuse, des analyses génétiques seront prescrites. La présence d’un des facteurs suivants indiquera de façon formelle l’analyse génétique :
• absence de facteur de risque périnatal (prématurité sévère, encéphalopathie ischémique hypoxique étayée, infection materno-fœtale avérée, accident périnatal comme procidence du cordon, rupture utérine ou hématome rétroplacentaire) ;
• plus d’un membre atteint dans la famille ;
• évolution progressive ou régression ;
• anomalies congénitales, dysmorphie faciale ;
• IRM cérébrale normale ;
• anomalies biochimiques/métaboliques ;
• inadéquation entre l’histoire périnatale, l’IRM cérébrale et le phénotype moteur/sévérité.
L’intérêt de porter un diagnostic génétique et le risque d’erreur diagnostique du fait des facteurs confondants justifient de réaliser des investigations génétiques en l’absence de cause acquise évidente, après investigation clinique étayée et rigoureuse, en particulier dans les situations d’hypoxie anoxo-ischémique.
L’analyse génétique pourra être prescrite par le neuropédiatre (en lien étroit avec une équipe de génétique clinique) ou le généticien. Selon la législation française, le prescripteur d’un examen génétique doit être soit médecin généticien, soit médecin non-généticien mais connaissant bien la situation clinique du patient et capable d’interpréter le résultat et de le rendre au patient et ses parents. Dans leurs recommandations, l’Agence de la biomédecine et la Haute Autorité de santé précisent que le praticien non-généticien doit travailler en lien avec une équipe de génétique clinique, qui pourra assurer ensuite le conseil génétique, et l’aide à l’information à la parentèle si nécessaire.
Si le clinicien reconnaît chez l’enfant un syndrome génétique précis avec un niveau de conviction élevé, un examen génétique ciblé sur un gène ou une région chromosomique pourra être prescrit. Cependant, la baisse des coûts et l’amélioration de l’accessibilité des techniques de séquençage pangénomique limitent aujourd’hui l’intérêt de ces examens ciblés, à l’exception de certains panels de gènes (comme le panel de gènes d’encéphalopathies épileptiques), qui ont des rendements diagnostiques élevés (31 % pour le panel de gènes d’encéphalopathie épileptique ; Arnaud et coll., 2022renvoi vers) et permettent de bénéficier d’une interprétation des variants par des biologistes experts de ces gènes.
Ainsi, une analyse chromosomique sur puce à ADN couplée à un séquençage d’exome ou un séquençage de génome complet pourront être proposés dorénavant en première intention.
Dans le cadre du Plan France Médecine Génomique (PFMG 2025) permettant de rendre accessible le séquençage de génome sur l’ensemble du territoire français, il n’y a pas de pré-indication spécifique au polyhandicap mais plusieurs pré-indications dans lesquelles peuvent s’intégrer le tableau clinique des patients polyhandicapés pour lesquels des investigations génétiques sont recommandées telles que la déficience intellectuelle, les malformations cérébrales, les épilepsies pharmaco-résistantes à début précoce, les malformations congénitales du cervelet, l’ataxie héréditaire du sujet jeune, les dystonies ou mouvements anormaux rares du sujet jeune, les maladies mitochondriales ou encore les maladies héréditaires du métabolisme.
Il est important de rappeler les difficultés rencontrées dans l’interprétation des analyses génétiques, l’interprétation des variants reposant sur un faisceau d’arguments (fréquence allélique dans la population générale, présence dans les bases de données, fonction du gène, validation fonctionnelle du variant, etc.). La mise en évidence de variants de signification indéterminée n’est pas rare (variant génétique dont il n’est pas possible d’affirmer dans l’état actuel des connaissances s’il s’agit d’une variation causale ou d’une variation bénigne) et une étroite collaboration clinico-biologique est fondamentale pour aider à l’interprétation de ces variants.
L’absence de diagnostic génétique identifié ne permet pas d’exclure une cause génétique non connue dans l’état actuel des connaissances ou non décelable par la technique utilisée.
Ainsi, le syndrome d’Aicardi correspond à une entité clinique caractérisée par la triade regroupant anomalie du corps calleux, lacunes chorio-rétiniennes caractéristiques et spasmes infantiles, s’associant à une déficience intellectuelle souvent sévère voire un polyhandicap. Ce syndrome touche presque exclusivement des filles, suggérant une hérédité dominante liée à l’X avec léthalité chez le garçon porteur. Le gène responsable du syndrome d’Aicardi n’a pas encore été identifié, malgré plusieurs études pangénomiques menées chez ces patients (Sutton et Van den Veyver, 2020renvoi vers).

Perspectives de recherche thérapeutique :
la thérapie génique ?

Lorsque le tableau de polyhandicap est lié à une pathologie génétique dont on connaît le gène « défaillant », l’envie de proposer une thérapie génique est grande pour réparer le génome. Il existe alors 2 types de possibilités (Maeder et Gersbach, 2016renvoi vers) : la thérapie génique (gene therapy) qui consiste en l’insertion d’une copie correcte du gène dans le génome des cellules de l’organe ou du tissu où s’exprime le gène, ou l’édition du gène (gene editing) qui consiste à corriger ou altérer directement la séquence génétique. La thérapie génique n’est pas sans risque potentiel de prolifération cellulaire (oncogéenèse). De plus, la thérapie génique et l’édition de gènes conviennent parfaitement pour les troubles monogéniques dans lesquels des mutations dans un seul gène unique sont responsables de la maladie, ce qui n’est pas le cas de la majorité des tableaux de polyhandicap. Néanmoins, cela peut constituer une voie thérapeutique d’avenir pour le traitement de certaines étiologies au polyhandicap (Copping et coll., 2021renvoi vers), mais des études précliniques et cliniques de sécurité/toxicité (safety), testant la réponse immunitaire, et l’efficience sont nécessaires. Il faut accompagner et définir une méthodologie (Ilieva et coll., 2020renvoi vers) de recherche clinique spécifique aux thérapies géniques et au fait que le polyhandicap peut être lié à certaines maladies rares comportant donc un faible échantillon de sujets, ce qui complique les études cliniques.

Conclusion

Ainsi, la part des causes génétiques dans le polyhandicap est grandissante bien que celle-ci reste probablement sous-évaluée. Les récents progrès en matière de techniques et connaissances génomiques ont permis de considérablement augmenter le rendement diagnostique dans les maladies rares, même si celui-ci reste à affiner de façon plus précise dans le polyhandicap. Le diagnostic génétique a un impact sur la prise en charge de la personne polyhandicapée, mais également pour sa famille, en permettant de donner un conseil génétique. L’amélioration des connaissances des causes génétiques de polyhandicap et la description fine des phénotypes associés sont des étapes fondamentales dans une perspective de médecine personnalisée, avant d’envisager des thérapeutiques ciblées.

Références

[1] Abidi A, Mignon-Ravix C, Cacciagli P, et coll . Early-onset epileptic encephalopathy as the initial clinical presentation of WDR45 deletion in a male patient. Eur J Hum Genet. 2016; 24:615-8Retour vers
[2] Arnaud L, Abi Warde M-T, Barcia G, et coll . The EPIGENE network: A French initiative to harmonize and improve the nationwide diagnosis of monogenic epilepsies. Eur J Med Genet. 2022; 65: 104445p. Retour vers
[3] Bahi-Buisson N, Maillard C. Tubulinopathies Overview. 2016 Mar 24 [Updated 2021 Sep 16]. In: In: Adam MP, Feldman J, Mirzaa GM, et coll., eds, editors. GeneReviews® [Internet]. Seattle (WA):University of Washington, Seattle; 1993-2023; 2023; Retour vers
[4] Clayton-Smith J, Watson P, Ramsden S, et coll . Somatic mutation in MECP2 as a non-fatal neurodevelopmental disorder in males. Lancet. 2000; 356:830-2Retour vers
[5] Copping NA, McTighe SM, Fink KD, et coll . Emerging gene and small molecule therapies for the neurodevelopmental disorder Angelman syndrome. Neurotherapeutics. 2021; 18:1535-47Retour vers
[6] Ebrahimi-Fakhari D, Teinert J, Behne R, et coll . Defining the clinical, molecular and imaging spectrum of adaptor protein complex 4-associated hereditary spastic paraplegia. Brain. 2020; 143:2929-44Retour vers
[7] Fusilli C, Migliore S, Mazza T, et coll . Biological and clinical manifestations of juvenile Huntington’s disease: a retrospective analysis. The Lancet Neurology. 2018; 17:986-93Retour vers
[8] Gilissen C, Hehir-Kwa JY, Thung DT, et coll . Genome sequencing identifies major causes of severe intellectual disability. Nature. 2014; 511:344-7Retour vers
[9] Haack TB, Hogarth P, Kruer MC, et coll . Exome sequencing reveals de novo WDR45 mutations causing a phenotypically distinct, X-linked dominant form of NBIA. Am J Hum Genet. 2012; 91:1144-9Retour vers
[10] Heide S, Jacquemont M-L, Cheillan D, et coll . GM3 synthase deficiency in non-Amish patients. Genet Med. 2022; 24:492-8Retour vers
[11] Ilieva K, Borissov B, Toumi M. Gene therapy randomised clinical trials in Europe – a review paper of methodology and design. J Mark Access Health Policy. 2020; 8: 1847808p. Retour vers
[12] Kaur S, Christodoulou J. MECP2 Disorders. 2001 Oct 3 [updated 2019 Sep 19]. In: In: Adam MP, Feldman J, Mirzaa GM, et coll., eds, editors. GeneReviews® [Internet]. Seattle (WA):University of Washington, Seattle; 1993-2023; 2023; Retour vers
[13] Leach EL, Shevell M, Bowden K, et coll . Treatable inborn errors of metabolism presenting as cerebral palsy mimics: systematic literature review. Orphanet Journal of Rare Diseases. 2014; 9: 197p. Retour vers
[14] Maeder ML, Gersbach CA. Genome-editing technologies for gene and cell therapy. Mol Ther. 2016; 24:430-46Retour vers
[15] McTague A, Howell KB, Cross JH, et coll . The genetic landscape of the epileptic encephalopathies of infancy and childhood. Lancet Neurol. 2016; 15:304-16Retour vers
[16] Meuwissen MEC, Halley DJJ, Smit LS, et coll . The expanding phenotype of COL4A1 and COL4A2 mutations: clinical data on 13 newly identified families and a review of the literature. Genet Med. 2015; 17:843-53Retour vers
[17] Minardi R, Licchetta L, Baroni MC, et coll . Whole-exome sequencing in adult patients with developmental and epileptic encephalopathy: It is never too late. Clin Genet. 2020; 98:477-85Retour vers
[18] Moreno-De-Luca A, Millan F, Pesacreta DR, et coll . Molecular Diagnostic Yield of Exome Sequencing in Patients With Cerebral Palsy. JAMA. 2021; 325:467-75Retour vers
[19] Nakashima M, Takano K, Tsuyusaki Y, et coll . WDR45 mutations in three male patients with West syndrome. J Hum Genet (Journal of Human Genetics). 2016; 61:653-61Retour vers
[20] Northrup H, Koenig MK, Pearson DA, et coll . Tuberous Sclerosis Complex : 1999 Jul 13 [updated 2021 Dec 9]. In: In: Adam MP, Feldman J, Mirzaa GM, et coll., eds, editors. GeneReviews® [Internet]. Seattle (WA):University of Washington, Seattle; 1993-2023; 2023; Retour vers
[21] Rousseau M-C, Baumstarck K, Khaldi-Cherif N, et coll . Health issues in polyhandicapped patients according to age: Results of a large French cross-sectional study. Rev Neurol (Paris). 2020; 176:370-9Retour vers
[22] Srivastava S, Lewis SA, Cohen JS, et coll . Molecular Diagnostic Yield of Exome Sequencing and Chromosomal Microarray in Cerebral Palsy: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Neurol. 2022; 79:1287-95Retour vers
[23] Srivastava S, Love-Nichols JA, Dies KA, et coll . Meta-analysis and multidisciplinary consensus statement: exome sequencing is a first-tier clinical diagnostic test for individuals with neurodevelopmental disorders. Genet Med. 2019; 21:2413-21Retour vers
[24] Srivastava S, Cohen JS, Vernon H, et coll . Clinical whole exome sequencing in child neurology practice. Ann Neurol. 2014; 76:473-83Retour vers
[25] Sutton V, Van den Veyver I. Aicardi Syndrome : 2006 Jun 30 [Updated 2020 Nov 12]. In: In: Adam MP, Feldman J, Mirzaa GM, et coll., eds, editors. GeneReviews® [Internet]. Seattle (WA):University of Washington, Seattle; 1993-2023; 2023; Retour vers
[26] Wright CF, McRae JF, Clayton S, et coll . Making new genetic diagnoses with old data: iterative reanalysis and reporting from genome-wide data in 1,133 families with developmental disorders. Genet Med. 2018; 20:1216-23Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2024 Inserm