Polyhandicap

2024


ANALYSE

IV-

La personne polyhandicapée, ses aidants, la société


25-

Vie affective et sexuelle

« Affectivité et sexualité, les deux pôles qui demandent le plus grand respect avec tout ce que cela comporte de richesse acquise et à acquérir lorsque l’on se décide enfin à s’en occuper », comme l’écrit Vacola en 1987 (Vacola, 1987renvoi vers).
La vie affective et la sexualité, en particulier en institution, sont des thèmes d’actualité dans le champ du handicap. Mais des revendications concernant l’intimité et l’autodétermination de personnes ayant un handicap physique ou un handicap intellectuel peuvent-elles être transposées dans le champ du polyhandicap compte tenu de sa spécificité et de l’importance des atteintes ?
La sexualité génitale partagée (la sexualité au sens courant) a peu de chances d’être une réalité pour une personne polyhandicapée ; pourtant le champ de la sexualité ne doit pas être laissé de côté, puisqu’il ne se confond pas avec la génitalité. Il peut exister d’autres formes de sexualité partagée, de l’auto-érotisme, et quantité d’autres plaisirs corporels que l’on peut rattacher au champ de la sexualité en général, celle-ci pouvant être sensuelle, érotique ou génitale. Suivant une telle acception générale de la sexualité comme recouvrant tout plaisir corporel, elle doit être envisagée pour les personnes polyhandicapées. Certaines actions de la vie quotidienne comme le bain, la toilette voire l’alimentation et la défécation peuvent être vues comme des moments de plaisirs corporels et être ainsi rattachées aux plaisirs sensoriel et sensuel qui entrent dans la sphère de la sexualité au sens large.
Cette importance de la sexualité ne doit pas pour autant conduire à négliger la question de la vie affective. En effet, la vie affective peut être liée à la vie sexuelle ou être indépendante par rapport à elle. Elle ne se limite pas à la vie amoureuse : elle désigne toute relation avec autrui suscitant des affects, généralement plaisants. La vie affective concerne aussi la famille et les proches. Même si l’on ne peut toujours affirmer qu’il y ait conscience de l’autre comme personne, ce qui suppose la conscience de son identité propre, à tout le moins l’altérité peut se donner en tant que présence d’une qualité particulière, une présence agréable qui va être souhaitée par la personne polyhandicapée.
Enfin se pose la question de la vie intime : on peut être intime avec autrui (ou avec une altérité précise, même non individualisée) et désirer avoir des rapports privilégiés de contact ou de tendresse dans un espace caché aux regards (y compris dans des actes de soins intimes). Cette intimité partagée n’est donc pas nécessairement en lien avec ce que l’on nomme un accompagnement sexuel : toute forme d’accompagnement peut l’autoriser. Ce registre de l’intime existe également dans le rapport à soi : on peut désirer disposer d’un espace intime qui n’appartient qu’à soi, notamment lorsqu’il est question de plaisir auto-érotique, mais pas exclusivement.
Les relations intimes et affectives, qui ne sont pas sexuelles au sens courant ni même toujours au sens large du plaisir corporel, se développent d’abord avec les parents mais aussi avec la fratrie, avec des professionnels, ou avec d’autres résidents ou pairs…
Il y a donc plusieurs écueils à éviter lorsque l’on aborde la question de vie affective, intime et sexuelle, en particulier à propos du thème de la sexualité. En voici quelques exemples.
Un premier exemple d’écueil est de considérer que l’on sait définir la sexualité, alors que le champ de la sexualité au sens psychologique est en fait très large, allant du plaisir corporel produit par un massage bien-être, pouvant devenir sensuel c’est-à-dire si agréable qu’il éveille une pulsion, un désir de réitération, et peut aller vers l’érotisation (ou stimulation des organes génitaux par l’action sur d’autres parties du corps) voire la génitalité (avec l’usage des organes génitaux).
Mais la génitalité elle-même n’est pas le coït : elle peut exister de manière solitaire, par la masturbation ; de même l’érotisation n’est pas toujours liée à ce qui semble érotique à un parent ou un soignant : un contact sur le visage peut l’être sans que l’intention de celui ou celle qui procure ce contact le soit ; une pulsion scopique (liée au plaisir de regarder) peut être déclenchée par le corps d’autrui (par exemple voir une partie sensuelle du corps de la personne prodiguant des soins), d’autres pulsions peuvent être suscitées seulement par une certaine qualité de contact. Il est néanmoins très difficile de juger de la manière dont un soin ou un contact peut être reçu, sans même évoquer les tendances sadomasochistes où le plaisir est trouvé dans la douleur.
On se trouve donc bien loin d’une conception bien-pensante de la sexualité comme relation génitale partagée avec un partenaire régulier pour lequel ou laquelle on éprouve des sentiments. Mais quand bien même cela serait, il ne faut pas oublier que la sexualité n’est pas seulement hétérosexuelle, que l’on peut être en situation de handicap mais aussi homosexuel ou bisexuel… L’asexuation que l’on impose souvent aux personnes concernées est une projection sur leur corps, comme si un corps qui n’est pas jugé désirable ne pouvait être désirant.
L’erreur que l’on peut commettre au sujet de la sexualité serait de la considérer comme de l’ordre de l’évidence, ce qui revient à projeter en matière de sexualité ses propres préférences, ses propres valeurs morales, ses propres besoins sur des personnes qui en ont une représentation très différente, en particulier lorsque leur vie psychique et leur développement psycho-affectif se situent très loin de la norme, ce qui est évidemment le cas pour des personnes polyhandicapées.
Un deuxième exemple est de supposer que la loi interdit la sexualité pour certaines personnes incapables de consentir. Légalement, il n’existe aucune disposition de loi particulière concernant les personnes vulnérables dans le champ de la sexualité : la limite du consentement supposé est l’âge de 15 ans, les droits sont les mêmes que pour toute autre personne (on ne peut interdire une forme de sexualité en établissement au motif d’un règlement intérieur plus restrictif que la loi par exemple). Mais bien évidemment les crimes et délits sont plus fermement condamnés lorsqu’ils sont perpétrés par celui ou celle qui détient une autorité sur des personnes particulièrement vulnérables comme le sont les personnes polyhandicapées (par exemple un parent, un soignant ou un accompagnant).
La loi n’indique en matière de sexualité que ce qui est interdit : un acte de pénétration sexuelle commis par « violence, contrainte, menace ou surprise » (définissant le viol), un acte commis par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans…, mais elle ne dit pas ce qui est possible au sein de la liberté qu’elle autorise. La question de ce que l’on peut accepter ou ne pas accepter, autoriser ou interdire, est donc une question éthique plus qu’une question légale.
Nous verrons les problèmes éthiques posés par le rapport à une personne qui ne peut consentir de manière manifeste. Mais soulignons d’emblée que la vulnérabilité et le non-discernement ne doivent pas devenir, par excès de précautions, des obstacles à la reconnaissance d’une sexualité possible pour certaines catégories de personnes.
Un troisième exemple est de savoir ce qui relève de la sexualité et ce qui n’en relève pas. Avec une personne polyhandicapée, comme avec des personnes ayant un handicap intellectuel, il est possible qu’une situation paraissant de l’extérieur liée à la sexualité n’ait pas un sens sexuel. On peut par exemple prendre pour sexuel le fait d’exhiber son sexe alors que cela peut n’être qu’une volonté d’apparaître et d’exister (par exemple en tant qu’être adulte) (Durif-Varembont, 2010renvoi vers) ; inversement, on peut sous-estimer l’existence d’une sexualité parce qu’elle ne se manifeste pas sous la forme que l’on attend, ou parce que l’on va immédiatement passer sous silence ses manifestations pourtant évidentes comme la masturbation (Vaginay 2008brenvoi vers), ou des manifestations jugées repoussantes et hors sexualité qui peuvent aller jusqu’au jeu avec ses excréments (Vacola, 1987renvoi vers).
Un quatrième exemple est de dénier involontairement l’existence d’une sexualité. La non-reconnaissance de l’importance de la sexualité existe également dans la recherche sur le polyhandicap : elle peut être liée aux préjugés du chercheur, à sa gêne par rapport à certaines manifestations visibles, mais aussi à ses partis pris théoriques. C’est le cas des disability studies, études théoriques et militantes plus centrées sur les mécanismes d’exclusion à l’origine de la situation sociale de handicap, moins concernées par les formes d’atteintes ou déficiences majeures : « comme le polyhandicap [PIMD dans le texte] est un phénomène virtuellement absent des disability studies, il n’est pas surprenant que les expériences sexuelles des personnes vivant avec une telle condition n’aient pas été prises en considération » (Vehmas, 2019renvoi vers). Simo Vehmas ajoute que les questions habituelles concernant le consentement, l’autonomie sexuelle, le planning familial, qui sont étudiées à propos de personnes ayant un handicap intellectuel plus modéré et des capacités de déplacement indépendant, semblent ne pas pouvoir s’appliquer aux personnes polyhandicapées. Les outils pédagogiques et les réflexions éthiques et pratiques utilisés généralement pour éviter les rapports sexuels non consentis ne sont pas ici opérants, créant un vide dans la littérature éthique et pratique à propos du polyhandicap.
Le même chercheur souligne son propre aveuglement lié à ses préjugés inconscients : à l’issue d’une longue étude ethnographique qu’il a supervisée, comprenant environ 100 h d’observation pour chacune des six personnes polyhandicapées suivies, il prend conscience que la question de la sexualité, pourtant manifeste, a été laissée de côté, alors que son étude visait à déterminer ce qui leur permettrait de vivre une vie meilleure. « Pendant mes précédentes rencontres avec des personnes polyhandicapées, j’avais été conscient de leurs manières d’exprimer la sexualité, mais j’avais apparemment repoussé cette connaissance quelque part dans mon subconscient. C’était peut-être dû au côté inapproprié de certaines de ces expressions (par exemple la masturbation publique). La sexualité dans les vies de personnes polyhandicapées ne m’est apparemment pas apparue comme quelque chose de positif, une source de plaisir et d’affirmation » (Vehmas, 2019renvoi vers).
Le chercheur prend pour base de son analyse son propre aveuglement, montrant par là même que toute personne, si bien intentionnée soit-elle, peut passer à côté d’éléments essentiels concernant la sexualité en raison de ses propres préjugés : si l’expression de la sexualité ne correspond pas à ce qu’elle-même considère comme souhaitable, à une source de plaisir qu’elle reconnaît elle-même, il y a de grandes chances pour que cette personne passe à côté des formes de sexualité souhaitables pour celles et ceux dont elle prend soin (Vehmas, 2019renvoi vers). Plus encore, un intervenant peut nier cette sexualité afin de se protéger lui-même de l’angoisse ou de la gêne qu’elle suscite en lui, sa préoccupation principale n’étant plus dès lors de travailler pour favoriser l’éclosion d’un plaisir chez les personnes accompagnées, mais de se protéger des sentiments désagréables que leurs manifestations sexuelles occasionnaient (Vaginay, 2008brenvoi vers).
Enfin, un cinquième et dernier exemple d’écueil est d’oublier la place de l’intimité et de l’affectivité. Il doit être rappelé que l’intimité et l’affectivité hors du champ de la sexualité sont probablement plus essentielles encore que pour tout un chacun lorsque l’on se trouve en dépendance physique complète et que l’on ne possède pas une perception unifiée de son corps : face à des angoisses majeures liées au fait que le monde dans lequel on se trouve n’est pas toujours compréhensible, face à des réactions liées à une sur-stimulation sensorielle pour un cerveau hyper-excitable, l’affection, l’attention dans le soin ont une place déterminante.
Mais quand bien même la vie courante serait-elle constamment traversée par des soins jugés « intimes », le fait d’être lavé, habillé et mobilisé ne suffit pas à parler d’affectivité dans le soin : celui-ci peut se révéler très « automatique » et distancié. On ne peut affirmer comme le fait Vehmas (Vehmas, 2019renvoi vers) que l’intimité et l’affection sont continuellement présentes en raison du besoin constant d’être pris en soin (au sens du care). Tout soin physique n’est pas, loin de là, affectueux et intime, mais peut au contraire consister en la rupture d’une intimité, être intrusif voire créer un sentiment d’effraction psychique (Parisot, 2010renvoi vers ; Ancet, 2014renvoi vers). L’objectivation d’autrui est la menace qui pèse constamment sur le soin, en particulier lorsqu’il est question de polyhandicap (Casagrande, 2013renvoi vers).
Les manifestations d’affection pourtant si humainement essentielles peuvent être très rares. On peut être continuellement touché d’un toucher technique, mais ne jamais être aidé sur le plan affectif et corporel par un toucher rassurant (sans même parler d’un toucher sensuel ou érotique qu’il ne faut pas confondre avec ce contact affectif). La tendresse a sa place en institution, sans être débordante : elle interroge ce que l’on nomme la « juste distance » professionnelle : lorsque le besoin d’attachement est vital (mais bien distinct de l’attachement amoureux), il se nourrit de la « juste proximité » (Agthe Diserens, 2021renvoi vers). Cet accordage affectif, qui a aussi de la valeur sur le plan des apprentissages, désigne une expérience intime partagée hors de toute intention sexuelle, l’expérience d’une proximité physique et psychique de sécurité, l’expérience de la confiance, avec une tonalité de bien-être qui se vit à travers des contacts agréables et rassurants.
Parler de vie affective, intime et sexuelle en institution en oubliant cette dimension de l’affectivité et de la qualité du contact rassurant qui lui est associée serait une erreur grossière.
Mais se concentrer sur la vie affective n’empêche pas là encore de se poser des questions éthiques : jusqu’où aller dans ces démonstrations d’affection ? Que donner à l’autre ? Il ne s’agit pas d’imposer un contact dont il n’a pas besoin, ni de l’infantiliser, ni de provoquer une excitation sexuelle. Une « tendresse contenante » suffit (Agthe Diserens, 2021renvoi vers), comme pour cet adolescent dont les parents étaient heureux de savoir qu’il recevait une bise le soir avant de dormir, ici ou là une caresse sur la joue, des mains touchant les siennes avec chaleur et bienveillance, ce qui est une marque d’affection « nourrissante » pour un être humain. L’excès de mesures pour prévenir les abus (à la fois les abus sexuels et les débordements affectifs) possède aussi ses travers en distanciant inutilement les individus les uns des autres, comme si le plaisir du contact ou l’attachement des professionnels n’était précisément pas professionnel, alors que le soin peut être donné avec le recul nécessaire, combiné avec la technicité des actes au lieu de leur être opposé.
La limite de ces manifestations d’affection possibles est souvent marquée pour les professionnels par la puberté de la personne polyhandicapée. L’apparition de ces marques de puberté (parfois retardée) est vécue comme incongrue, inutile pour un corps qui ne vivra jamais la sexualité génitale, et venant rompre une relation affective engagée avec une personne que l’on pouvait jusque-là considérer comme un enfant, ou plus exactement avec laquelle on pouvait réutiliser les codes sociaux de la relation avec un enfant, ce qui met le professionnel plus à l’aise dans ses propres interactions (Vacola, 1987renvoi vers). Or la puberté vient rappeler que le registre de l’affectivité n’est désormais plus le seul susceptible d’être vécu par la personne dont on prend soin, et cela impose un ajustement de l’attitude et de l’accompagnement.
Tous ces éléments introductifs nous montrent la difficulté d’une thématique pouvant de prime abord paraître simple, en supposant que les personnes polyhandicapées n’ont pas de sexualité et seulement des besoins affectifs plutôt infantiles. La pauvreté de la littérature scientifique au sujet du polyhandicap et de la sexualité est sans doute le reflet de cet écueil. En effet si la littérature sur la thématique handicap et sexualité est abondante, en particulier en sciences humaines, la plupart des textes rendent compte des spécificités liées au handicap mental ou au handicap physique. Or le polyhandicap présente un tableau complexe permettant difficilement la transposition de préconisations ou observations faites à propos d’autres formes de handicap, même si la stigmatisation ou l’infantilisation peuvent exister dans tous les cas.

La vie sexuelle

Le double écueil : le déni du corps sexué et l’hypersexualisation

La sexualité n’est pas l’affectivité

Les éléments de réflexion présentés en introduction nous ont montré à quel point les risques de mésinterprétation sont grands, y compris dans le champ de la sexualité qui peut paraître assez transparent en raison de son caractère non-verbal, pulsionnel, voire « animal » selon certains préjugés courants, oscillant entre une représentation asexuée bestiale des personnes vivant avec un handicap et l’idée d’une désexuation, ces deux figures de « la bête » et de « l’ange » (asexué) ayant été mises en exergue dans un texte classique (Giami et coll., 1983renvoi vers).
Considérons dans un premier temps la sexualité indépendamment de la vie affective, pour bien distinguer ces deux aspects, et cela même si l’expression consacrée « vie affective et sexuelle » sert le plus souvent à désigner la vie sexuelle en institution (HAS, 2022renvoi vers) : il s’agit là d’un abus de langage, supposant que toute vie sexuelle est aussi affective et relationnelle. Si cela représente sans doute la meilleure des configurations pour un être humain, ce n’est certainement pas la seule : la sexualité peut être déliée de toute relation affective (simple plaisir partagé) et surtout la vie sexuelle doit être distinguée de la vie affective pour être considérée sous toutes ses formes : par exemple l’auto-érotisme n’entre pas dans le champ de la vie affective et relationnelle. Nous distinguerons donc nettement l’une et l’autre.

Le déni et l’hypersexualisation

Mais une fois cette distinction posée, le problème de définition et d’appréciation des comportements se déplace : il concerne dès lors l’interprétation de la sexualité ou de ce qui apparaît comme sexuel à un regard extérieur. On peut dénier la sexualité en raison de ses manifestations non habituelles, mais aussi en raison de l’apparence encore juvénile du corps : « La puberté marque souvent un accroissement des malformations apparentes. Dans ce contexte, l’apparition de signes sexuels secondaires, la formation de la pilosité, des règles et les transformations pubertaires des organes génitaux paraissent à bien des parents une dérision de la nature : l’évocation d’une finalité du fonctionnement sexuel qui ne pourra jamais s’exercer, dans la perspective du couple et de l’autonomie » (Vacola, 1987renvoi vers). Cette désorientation engendrée par l’apparition des signes pubertaires chez les personnes polyhandicapées de petite taille, qui semblent réagir comme de petits enfants, est tout aussi déstabilisante que les potentielles manifestations de la sexualité : « qui n’a pas été frappé par l’apparition des règles et de la formation chez une fillette de 15 ans présentant une morphologie de 5 ans, et un univers mental proche de l’âge du nourrisson ? Ou par une activité masturbatoire indifférente à l’environnement d’un adolescent de morphologie adulte, muré dans son monde intérieur ? » (Vacola, 1987renvoi vers). Même s’il est difficile de souscrire sans réserve à l’idée d’un « univers mental proche de l’âge du nourrisson » puisque l’on ne connaît que très peu l’intériorité d’une personne polyhandicapée, il n’en reste pas moins que sa représentation courante est de ce type : la plupart des professionnels et des parents voient la puberté atteindre ce corps comme par effraction, sans qu’elle ait de sens puisqu’il n’y aura dans leur esprit ni sexualité ni procréation. Que l’on considère que ce corps n’offre pas de prise à la génitalité ou que l’on considère que la masturbation apparente est toujours seulement une exploration sensorielle (et non pas sensuelle ou sexuelle), on se trouve dans un déni de sexualité pubère.
À l’inverse, on peut sur-interpréter l’activité de manipulation des organes génitaux en la percevant comme sexuelle, ce qu’elle n’est pas nécessairement : les organes sexuels sont aussi des sources de sensorialité et de plaisir sans qu’ils se rapportent nécessairement à du sexuel et à de l’auto-érotisme. Il convient de ne pas prendre toute manifestation de désir ou d’un plaisir rapporté au corps comme érotique. Il peut être simplement agréable de toucher ses organes génitaux sans que s’y mêlent des fantasmes ou des composantes pulsionnelles marquées. L’exploration des zones érogènes du corps n’est pas toujours érotique.
Comment agir lorsque l’on se trouve ainsi dans l’expectative ? La moins bonne solution consisterait à nier l’observation d’une manipulation génitale ou d’une demande paraissant sexuelle, faute d’être en capacité de bien l’interpréter.
Par exemple, comment réagir lorsqu’une jeune femme polyhandicapée s’agite durant sa douche pour qu’on laisse la douchette sur son pubis en dirigeant le jet d’eau sur son entrejambe (Agthe Diserens, 2021renvoi vers) ? Est-ce une demande de plaisir sensoriel ou de plaisir sexuel ? Malgré leur gêne face à cette situation et leurs discussions, aucun des professionnels interrogés n’a été en mesure de répondre à cette question. Certains ont préféré ne pas agir au motif que le temps pressait ou que ce type d’acte n’entrait pas dans leurs attributions. La solution la plus efficace trouvée a consisté à travailler avec l’ergothérapeute pour permettre à la douchette de rester en place en l’absence d’un intervenant extérieur pendant un petit moment. Mais parler ici de jouissance érotique est délicat : le plaisir semble être avant tout sensoriel, mais néanmoins très intime (Agthe Diserens, 2021renvoi vers). Ce sont les réactions d’apaisement (disparition des cris et des mouvements durant la douche, yeux brillants lorsque la douche prend fin) qui vont légitimer cet aménagement sans que l’on puisse décider s’il est à l’origine d’un plaisir proprement sexuel.
Distinguer plaisir sensoriel et plaisir sexuel n’est donc pas simple, même si dans cet exemple le plus important est le constat d’un plaisir. Aller plus loin dans l’interprétation dépend des définitions que l’on choisit d’adopter : si l’on considère comme purement sensorielles les sensations agréables du corps, comme le massage, la détente dans l’eau tiède, les stimulations sensorielles douces et dosées, soulignées par les musiques, les senteurs, les lumières, il ne faut pas oublier que certaines personnes polyhandicapées « érotisent toute une gamme de stimuli plus ou moins sélectifs d’un plaisir (au sens large du terme) apaisant » (Agthe Diserens, 2021renvoi vers).
On peut donc ne pas noter l’érotisation d’une immersion dans l’eau (l’érection est-elle toujours une marque de sexualité ou bien seulement de plaisir sensoriel, voire une simple réaction réflexe ?) ou au contraire sexualiser abusivement un contact répété avec ses parties génitales (qui sont aussi des points hautement sensoriels du corps avant d’être des points érogènes, par exemple chez les jeunes enfants).

Faut-il présupposer le plaisir sexuel ou présupposer son absence ?

Éthiquement, plutôt que présupposer une absence de sexualité, en se demandant : « existe-t-il une raison pour supposer que cette personne a du désir ou du plaisir sexuel ? », mieux vaut se demander : « y a-t-il une raison pour supposer que cette personne n’a pas de désir sexuel ou de plaisir sexuel ? ». Si on ne peut l’affirmer, il faut alors s’interroger sur ce que peuvent être ses préférences sexuelles et les modalités de cette sexualité (Vehmas, 2019renvoi vers).
Répondre trop rapidement à propos de ce qui existe pour cette personne, à propos de ce qu’elle est en capacité ou non de sentir, empêche de réfléchir à une solution adaptée, qui ne soit ni un déni de sexualité ni une hypersexualisation. À tout le moins peut-on considérer qu’une frustration exprimée ou une satisfaction bien visible (qui sont loin d’être toujours aussi nettes) peuvent être liées à la recherche d’un plaisir sensoriel, ou d’un plaisir sensuel, voire érotique ?
La prudence impose ne pas projeter du plaisir sexuel génital là où il n’est pas réellement présent : le sourire de plaisir doit être net, ou l’assentiment sans ambiguïté (ce qu’il n’est pas toujours). Mais même ainsi, postuler qu’il existe du plaisir sexuel est excessif, cela ne signifie pas qu’il en existe, mais qu’il peut en exister.
Évoquer la sexualité est important, voire nécessaire, mais avec une prudence épistémologique quant à l’identification ce qui est désiré et à ce qui est ressenti (Kittay, 2010renvoi vers). Si une personne ne manifeste aucun intérêt pour la sexualité quelle que soit sa forme, il n’y a aucune justification d’essayer de l’y intéresser en raison de la valeur que les autres lui accordent (Vehmas, 2019renvoi vers) : la sexualité n’a pas à être une obligation au motif que la santé sexuelle fait partie de la santé en général.

L’expression de la vie sexuelle en institution

Que peut-on tolérer en institution ?

Outre le déni et l’hypersexualisation, les erreurs d’interprétation peuvent être liées à des manifestations de sensorialité ou de sexualité (largement indiscernables) qui se donnent sous un mode inattendu et déconcertant : la masturbation, certains attouchements, le jeu avec les matières fécales… En effet, les jeux excrétoires existent, ainsi que la richesse des sensations qui y sont associées lorsqu’il existe un contrôle sphinctérien (ce qui est assez rare). Le peu de mobilité et de liberté de choix tourne les sujets vers des manifestations associées à ce qu’ils contrôlent : « la gamme de manifestation d’enfants très lourdement déficients, fort réduite, privilégie les pôles de l’alimentation et de l’excrétion » comme moyens d’agir sur l’entourage (Vacola, 1987renvoi vers). Tout cela peut entraîner des réactions de gêne, de dégoût (sans compter le travail supplémentaire occasionné par le nettoyage). On comprend qu’il existe de fortes réticences institutionnelles à ce sujet.
Ces réticences peuvent exister à propos de la manipulation sexuelle, qui n’a peut-être pas la même fonction auto-érotique que pour tout un chacun. Elle peut se produire sans que l’on en connaisse la raison et se poursuivre en public. Il est important de la tolérer, lorsqu’elle intervient en institution, et de permettre à chacun de pouvoir explorer son corps, ce qui est une forme de connaissance de soi, tout en fixant toutefois les limites publiques d’une telle activité, tout cela s’inscrivant dans le cadre d’un apprentissage du rapport aux autres et de la limite entre le public et le privé.
Dans l’espace privé de la chambre, la manipulation sexuelle doit donner lieu au respect de l’intimité des personnes : il convient de ne pas empêcher ces manifestations et de les laisser se dérouler de manière la plus agréable possible pour les résidents, en fermant les portes, en respectant leur intimité, quitte à revenir plus tard pour l’acte de soin ou la séquence d’activité que l’on avait envisagés.
Reconnaître et tolérer certains actes intimes n’est pas semble-t-il très compliqué, mais la pratique montre que cela n’est pas simple dans un contexte institutionnel avec des horaires de soins et d’activités, l’habitude de rentrer sans prendre le temps de prévenir dans l’espace de la chambre pour y dispenser des soins.

La question de l’accompagnement sexuel

Que signifie accompagner dans le champ du polyhandicap ?

Quand bien même considèrerait-on comme évident de respecter l’intimité et de laisser faire une auto-stimulation sexuelle, doit-on aller plus loin et aider ces actes ?
En effet, si on les envisage comme masturbation, celle-ci est l’une des seules manières d’atteindre le plaisir sexuel génital pour la très grande majorité des adultes et adolescents polyhandicapés. Si ces derniers ne peuvent pas avoir aisément accès à leur sexe, faut-il apporter une aide à la masturbation lorsque les difficultés motrices l’empêchent ou la rendent difficile ?
La découverte de leurs organes génitaux leur appartient, comme pour toute personne en développement : mais faute de mobilité, peut-on les accompagner pour leur permettre d’avoir accès à ces parties de leurs corps ? Certains mouvements sont empêchés par la spasticité, et même si cet empêchement n’est pas total, passer sa main dans des protections urinaires n’est pas toujours possible.
Cependant cette aide ne doit jamais être directe en l’absence de demande claire et explicite : l’acte intime d’auto-stimulation doit rester celui de la personne polyhandicapée, et cela d’autant plus que, nous l’avons dit, toute auto-stimulation génitale n’est pas forcément toujours de l’ordre de la masturbation : mettre trop de zèle à aider autrui fait retomber vers l’hypersexualisation de son comportement.
Dans la mesure où le caractère sexuel de la demande devient plus net, aider à canaliser l’auto-érotisme est important pour le développement psycho-affectif : c’est une manière d’investir l’extérieur davantage, de sortir peu à peu de soi. En trouvant la manière adéquate de désigner la sexualité, celle-ci peut s’intégrer pleinement dans le projet éducatif de l’établissement, ce qui ne signifie pas qu’un tel accompagnement soit nécessairement du ressort des personnels de l’établissement. Nous touchons ici la délicate question de l’accompagnement sexuel, de sa pertinence, de la nature de cet accompagnement et des personnes habilitées à le réaliser.
Actuellement la loi française assimile cet accompagnement à de la prostitution. Celle-ci est légale, mais le « client » (ici la personne polyhandicapée) peut être verbalisé et la mise en relation est considérée comme un délit (un chef d’établissement peut être légalement considéré comme proxénète). Si un tel accompagnement était autorisé, il faudrait bien préciser sa nature (Nuss, 2011renvoi vers), d’autant qu’un simple soutien à une action impossible à réaliser physiquement, comme dans l’exemple précédent, consiste en un accompagnement sexuel de faible ampleur. Dans ce qui est le plus souvent nommé accompagnement sexuel, il y a contact entre deux personnes mettant en jeu le corps de l’accompagnant et notamment des parties intimes de son corps ordinairement masquées au regard.
L’accompagnement sexuel suppose une capacité de discernement et de compréhension de ce qui est en train de se jouer dans la relation entre deux personnes afin de réguler l’action de son corps sur celui de l’autre en fonction de son désir. Sans expression claire du désir et sans retour de la personne concernée, on peut très vite tomber en agissant à ce niveau dans la maltraitance involontaire et entrer sans même toujours s’en rendre compte dans l’abus sexuel ou le viol.
Étant donné qu’un accompagnement sexuel sans risque de mécompréhension est inenvisageable pour la grande majorité de personnes polyhandicapées adultes, en raison de leurs difficultés de communication et d’expression, le risque de maltraitance est bien réel, surtout si les accompagnants sont mal formés, connaissent mal ou très mal le polyhandicap.

Les risques associés à l’accompagnement sexuel sont-ils pires que de ne rien faire du tout ?

C’est une question éthique que posent certains des auteurs consultés (Vehmas, 2019renvoi vers). En effet, le modèle habituel d’une contractualisation entre l’accompagnant et l’accompagné stipulant la nature de l’accompagnement souhaité est ici inopérant. La réponse habituelle concernant les individus avec des capacités cognitives très limitées, une motricité très faible et des moyens de communication très peu développés dans leur entourage est d’ignorer purement et simplement leurs potentiels désirs érotiques (Kulick et Rydström, 2015renvoi vers).
Bien sûr que la prudence dans ce domaine est importante, surtout lorsque l’on sait que les abus dans le domaine de la sexualité en institution sont généralement commis par des professionnels (Mansell et coll., 2009renvoi vers) : il existe des risques d’abus conscients, mais aussi inconscients, comme lorsque la « satisfaction donnée à autrui » n’est autre qu’une maltraitance involontaire, faute de comprendre son désir.
Mais il est tout aussi certain qu’écarter les questions posées par l’accompagnement courant (par exemple l’aide à la masturbation) peut renforcer le déni de la sexualité des personnes concernées. La transparence à ce sujet au sein des équipes est essentielle, même si elle est délicate à manier (Vehmas, 2019renvoi vers).

Qu’arrive-t-il sans accompagnement sexuel organisé et réfléchi ?

Le risque, malheureusement bien réel, est celui d’un geste masturbatoire, réalisé à des fins hygiéniques pour évacuer une tension corporelle, de la part d’accompagnants ou de parents lors de la toilette. Comme le dit un père en rapportant avec malaise un tel geste de sa part à propos de son fils polyhandicapé : « il faut bien que quelqu’un le fasse ! » (Vaginay, 2008arenvoi vers). Or ce geste masturbatoire est un véritable glissement incestueux (Salbreux, 1997renvoi vers), qui n’épanouit pas les personnes polyhandicapées ainsi « purgées » mais les inquiète ou les déstructure (Vaginay, 2008arenvoi vers) et est mal vécu par les parents qui se rendent compte de leurs propres limites. L’intervention du professionnel habituellement chargé des soins n’est pas meilleure, elle ne donnera pas sens à ce qui se produit à ce moment privilégié. C’est la raison pour laquelle les auteurs cités préconisent plutôt, quand le besoin de sexualité est explicite, l’intervention d’un professionnel extérieur à la structure, qui rétablisse le moment de la sexualité dans une dimension de contact et de partage.

Existe-t-il des différences entre hommes et femmes ?

Concernant l’accompagnement et plus généralement les pulsions sexuelles, peut-on transposer dans le champ des adultes polyhandicapés la tendance des hommes à manifester davantage leur sexualité que les femmes ? On peut le supposer compte tenu des fortes différences de genre relevées dans les demandes d’accompagnement sexuel adressées à une association le promouvant en France : celles-ci étaient à 95 % masculines tous âges et tous handicaps confondus (Rimbourg et Boudahoud, 2017renvoi vers). Mais cette extrapolation peut être abusive, et demande un certain nombre de précautions par rapport aux représentations des hommes et des femmes.
Quand il est question de personnes avec des déficits intellectuels, il semble que la position de référence soit celle de l’homme : l’homme est perçu comme un individu capable d’agir, et cet agent peut légitimement rechercher de l’intimité et du plaisir sexuel ; en revanche, lorsqu’il s’agit de femmes avec des déficiences intellectuelles, elles sont perçues comme sexuellement naïves, plus vulnérables aux abus sexuels que les hommes et devant être davantage protégées qu’aidées à trouver du plaisir (Young et coll., 2012renvoi vers). Ces représentations dépendent vraisemblablement du fait que les femmes identifiées comme déficientes intellectuelles sont plus sujettes aux abus sexuels que les hommes (Gil-Llario et coll., 2018renvoi vers), ce qui vaut a fortiori pour des femmes polyhandicapées : il faut être attentif aux questions de genre compte tenu de la longue histoire des abus sexuels commis sur des femmes jugées déficientes intellectuelles (McCarthy, 2002renvoi vers).
Dans le champ des représentations genrées du polyhandicap, on peut supposer que les représentations des femmes demeurent en raison de la crainte associée aux abus sexuels, mais que les représentations des hommes varient quant à elles en raison de l’immobilité dans laquelle les personnes sont plongées : la position d’agent sera moins nettement représentée concernant les hommes, si tant est bien sûr que l’on reconnaisse à ces personnes le statut majeur d’hommes et de femmes alors même que leur apparence physique et leur dépendance semblent contredire les effets biologiques de la puberté : la majorité sexuelle est donc différemment perçue et l’infantilisation beaucoup plus marquée que pour d’autres populations. Mais l’immobilité ne signifie pas l’absence de désir ou des pulsions : les différences de genre sont donc à considérer, mais sans que les différences puissent être prouvées dans le polyhandicap.

La demande de sexualité

Les contacts avec les professionnels

Même en dehors de tout contexte d’accompagnement sexuel, il arrive que certains adolescents ou adultes touchent volontairement des parties du corps des professionnels comme la poitrine, ou exhibent leur sexe en érection durant la toilette, esquissent des mouvements de hanches en cherchant l’autre du regard. À qui d’autre d’ailleurs que leurs parents ou les professionnels pourraient-ils adresser cette demande, alors que leur seul contact intime se déroule durant la toilette ? Ici encore les réactions de l’entourage doivent être proportionnées : il n’est pas évident qu’une exhibition de soi nu et en érection manifeste comme d’ordinaire une envie sexuelle. Il est compréhensible que cela puisse mettre mal à l’aise des professionnels, en particulier de jeunes femmes encore peu habituées à ces situations. Mais il reste nécessaire de pouvoir répondre à ces manifestations sans les négliger.
Quant aux comportements qui consistent à toucher le corps d’autrui, il est important de leur mettre une limite, limite qui signifiera les limites du corps propre et du corps d’autrui, de même que la possibilité d’agir en public ou en privé lorsque cette distinction fait sens pour les personnes. L’interdit s’inscrira de ce fait dans une séquence possible d’apprentissage et de repérage de l’altérité.
Le besoin de contact peut prendre des formes déconcertantes pour les professionnels : on ne peut négliger le moteur puissant de l’affectivité, qui s’extériorise par les recherches sensorielles multiples, par le contact cutané, la sensibilité de la bouche, des sphincters, les possibilités sensitives des organes génitaux, par exemple dans le plaisir sensuel d’être changé qui se maintient au fil des années (Vacola, 1987renvoi vers). La recherche du contact cutané est une modalité d’échange, elle existe notamment avec les parents. Le désir de contact s’exprime par le regard, ou par des tendances à l’agrippement, quand celui-ci est possible. Mais pourquoi faudrait-il faire de ce désir de contact bien réel un désir sensuel ou érotique ? Ce n’est pas parce que ce type de contact est ordinairement vécu comme érotique (ou peut être érotisé par le professionnel dans son ressenti initial) qu’il faut y répondre sur un plan qui y fait référence, ou interdire des manifestations que l’on juge dégradantes ou indignes.
En ce qui concerne le regard porté sur les parties du corps des professionnels, ceux-ci sont plus difficiles encore à interpréter et donc à limiter. La pulsion scopique fait bien partie des pulsions sexuelles, tout particulièrement lorsque l’on se trouve paralysé. Mais est-il condamnable de regarder le corps de l’autre et peut-on empêcher ces regards ? Doit-on le faire au sein de l’établissement ? Cela semble difficilement défendable. La réflexion pouvant déboucher sur la position d’un interdit se portera surtout sur les gestes et les manifestations publiques de sexualité, en l’inscrivant dans un enseignement que l’on pourra appliquer dans de nombreuses situations de la vie courante.

Les contacts entre résidents

On peut être surpris de découvrir chez deux garçons avec une paralysie presque complète et une déficience intellectuelle majeure, des activités partagées de masturbation et une attirance mutuelle spécifique. Celles-ci peuvent révéler un intérêt pour le monde extérieur et pour autrui qui n’était pas bien apparu dans les diverses autres activités. Il apparaît important de conserver cette force vive chez un individu qui ne manifestait pas d’intérêt palpable pour l’extérieur (Vacola, 1987renvoi vers) : c’est là une manière de rétablir le sujet polyhandicapé dans sa place de sujet désirant, quelles que puissent être les apparences et surtout quels que puissent être pour lui la nature de ce désir, sa forme, ses objets (par exemple ici un contact masturbatoire homosexuel partagé) : ne pas en tenir compte serait oublier une partie essentielle de sa vie.
Le contact est souvent très limité et certains rapprochements ne pourraient avoir lieu que par l’intermédiaire de personnes valides. Mais à la différence de l’accompagnement sexuel pour les couples qui existe pour des personnes sans déficience intellectuelle ou avec une déficience limitée, il devient très difficile de savoir ici s’il y a bien une attirance de nature sexuelle et s’il y a consentement réciproque. Les paroles sont absentes et les gestes sont souvent trop ténus ou trop peu éloquents pour qu’il soit question de répondre à de telles manifestations.
Cependant, ce serait une erreur de considérer que les relations entre personnes polyhandicapées ne sont jamais sexualisées. À la rigueur, comme dans le champ de la déficience intellectuelle, on reconnaîtra la possibilité d’un lien affectif, voire amoureux, mais sans portée sexuelle. Par sécurité, et surtout pour éviter de se poser davantage de questions, on écartera parfois les fauteuils de résidents chez lesquels on détecte une affinité élective, là où au contraire, l’interprétation des regards, des contacts hésitants pourraient être la meilleure manière de répondre à la possibilité d’une relation, si ce n’est sexuelle au moins sensuelle.
Les abus sexuels entre résidents ne sont pas rares (et très souvent mal gérés), surtout lorsque des personnes polyhandicapées côtoient des personnes déficientes intellectuelles dans leur établissement. Mais comment éviter d’interdire de manière trop drastique toute forme de relation affective et sexuelle ? Le problème posé par ces relations est celui du consentement : est-il certain que l’un et l’autre partagent le même type d’intention ?

La question du consentement

Point de vue légal concernant la sexualité des personnes handicapées

Le problème du consentement est toujours délicat dans le champ de la sexualité. Il n’existe pas en France de disposition légale particulière comme nous l’avons vu en introduction quant à la vie sexuelle de personnes vivant avec un handicap : les personnes polyhandicapées, quelle que puisse être leur apparence, quelles que puissent être leurs capacités motrices et intellectuelles, sont légalement capables de consentir après 15 ans (c’est ce que l’on nomme improprement la « majorité sexuelle » à l’âge de 15 ans) et possèdent les mêmes droits que les autres personnes.
Cela ne signifie pas qu’en pratique des précautions éthiques ne doivent pas s’imposer. Mais aucune règle, par exemple interne à l’établissement, ne peut se substituer à la loi. Comme il est illégal d’obliger à l’usage de la contraception, de demander qu’une stérilisation ait été effectuée avant l’entrée en établissement, il est illégal d’interdire les manifestations amoureuses ou les relations sexuelles en son sein (Vialla, 2017renvoi vers). Éviter la procréation a longtemps été le souci principal des institutions dans le champ du handicap, comme si les questions du consentement ou du plaisir sexuel n’avaient pas à être posées ou étaient annexes par rapport au risque de procréation. Ajoutons qu’exiger une contraception ou autrefois une stérilisation (Diederich, 1998renvoi vers) pour une femme polyhandicapée serait implicitement reconnaître qu’elle n’est pas en sécurité dans l’établissement, qu’elle peut subir des abus ou des viols de la part d’autres personnes.
Le débat contemporain s’oriente davantage sur la capacité de consentir. En effet, il ne saurait être question de sexualité, d’intimité et d’affectivité sans consentement.

Le consentement dans le champ du handicap intellectuel

Dans le champ du handicap intellectuel en général, on imagine généralement « qu’une personne handicapée ne peut pas consentir du fait de son état ou de son statut (les deux étant trop souvent confondus) » (Vaginay, 2008brenvoi vers) ce qui revient à occulter sa subjectivité si l’on entend par consentement la manifestation d’une volonté adressée à autrui (Commission nationale consultative des droits de l’Homme, 2015renvoi vers).
Distinguer la capacité juridique et la capacité ou l’aptitude au sens courant est donc essentiel, c’est d’ailleurs ce qui a conduit le droit à ne plus utiliser le terme d’« incapable majeur » mais de « majeur protégé » : celui-ci reste incapable au sens juridique, c’est-à-dire incapable d’engager sa responsabilité sur la durée, mais reste potentiellement capable en revanche de discerner ce qu’il veut ou non dans un champ comme celui de la sexualité.
Le droit de disposer de son corps reste strictement personnel, que l’on soit sous tutelle ou curatelle. Mais il est évident qu’un statut de majeur protégé ou de « personne vulnérable » (expression que le droit préfère à la catégorie de « personne en situation de handicap ») a des conséquences sur les relations qu’ont les autres avec soi et la manière de se représenter soi-même comme libre de vivre sa vie sexuelle, de se sentir homme ou femme, et sur la possibilité d’être reconnu comme tel, y compris dans le champ du désir et de la sexualité.
Or, en l’absence de critères cliniques jugés fiables permettant l’évaluation du consentement dans le champ de la déficience intellectuelle, l’évaluation d’une capacité à consentir reste souvent elle-même tributaire d’examens psychométriques comme la mesure du quotient intellectuel (QI), qui contribuent à la dévalorisation des personnes concernées, voire à la négation de leurs droits d’avoir une vie affective et sexuelle (Gougeon, 2009renvoi vers).
Quand bien même la capacité à consentir (et à consentir durablement) serait-elle reconnue, la définition légale du consentement reste essentiellement négative (s’il n’y a pas eu « violence, contrainte, menace ou surprise », il y a eu consentement), ce qui nie la réalité du consentement dans son sens positif lié au désir, à l’envie ou au plaisir, au profit des conditions minimales rendant une pratique sexuelle légale (pour une personne de plus de 15 ans et ce quand bien même son expression verbale ressemblerait à celle d’un enfant).
Le consentement masque tout le champ de la liberté qu’offre le droit en matière de sexualité : tout ce qui n’est pas interdit est permis, et dès lors qu’un acte est légal, c’est à l’éthique de prendre le relais du droit si l’on souhaite porter un jugement sur cet acte (Py, 2017renvoi vers). La question de la sexualité en établissement est donc autant, voire davantage, une question d’éthique qu’une question légale. Dans « l’océan de liberté » laissé par le droit en matière sexuelle, que juge-t-on appréciable ou préjudiciable pour une personne polyhandicapée ? Doit-on refuser toute forme de sexualité en raison des risques qu’elle encoure ?
La surestimation de la capacité à consentir peut bien sûr entraîner des risques réels comme l’a montré le débat durant l’année 2020 sur la capacité à consentir d’un mineur (faut-il l’estimer impossible en-dessous de 13 ans ou de 15 ans ?), mais la sous-estimation de cette capacité pour les personnes identifiées comme porteuses d’une déficience intellectuelle peut également nuire en leur déniant la capacité d’avoir une sexualité (Eastgate, 2008renvoi vers) : ainsi les dispositions légales visant la protection des personnes vulnérables peuvent potentiellement conduire à une prohibition générale de l’activité sexuelle (Eastgate et coll., 2012renvoi vers).
Tout se passe comme si l’usage du terme de consentement, juridiquement destiné à éviter les abus, devenait à travers l’examen de la capacité à consentir, l’élément autorisant ou interdisant l’accès à une sexualité, ce qui lui confère une portée répressive : celui ou celle qui ne peut consentir ne peut avoir l’autorisation de vivre une sexualité.

Le consentement dans le champ du polyhandicap et l’absence de communication

La question de l’interprétation d’un souhait ou d’un désir

Revenons à présent plus spécifiquement à la question du polyhandicap, où la capacité à consentir en général est hautement contestable pour les profils de polyhandicap 1 et 2 selon la classification de Georges Saulus, et reste contestée même pour les profils de type 3 où l’expression d’un oui ou d’un non est plus claire et durable.
On se demandera dans quelle mesure le consentement peut être explicite et spécifique, c’est-à-dire portant bel et bien sur la proposition faite par autrui (dont nous avons vu toute l’ambiguïté entre sensorialité, sensualité, érotisation et génitalité).
Pouvoir identifier un souhait (celui de boire ou de manger, de s’adresser à tel ou tel) n’est pas du tout à situer sur le même plan que l’identification d’un désir à portée potentiellement sexuelle. On peut clairement repérer une affinité pour une autre personne, la volonté que tel soin intime se poursuive, mais comment interpréter plus avant ce qui est désiré ? À tout le moins un consentement peut-il être considéré comme libre et continu, c’est-à-dire qu’il peut être retiré, comme pour toute personne, à n’importe quel moment, lorsque ce qui est éprouvé n’est pas ce qui était attendu. Mais pour repérer la constance d’un assentiment, encore faut-il pouvoir le déceler facilement dans les expressions faciales et corporelles, dans les vocalises ou les gestes. Or il est déjà difficile, le plus souvent, d’apprécier si ces personnes souhaitent davantage de contact affectif ou davantage de distance.
Même avec des moyens de communication adaptés, qui soutiennent l’interaction, il est très délicat de juger avec certitude que l’on est compris et plus encore ce que l’autre personne souhaite exprimer. Ne peut-on pas se fourvoyer en croyant bien la connaître ?

L’exemple du procès d’Anna Stubblefield

L’un des exemples les plus marquants à ce sujet est le procès d’Anna Stubblefield : en 2010, âgée de 40 ans, cette professeure de philosophie à l’Université de Rutgers aux États-Unis rencontre un homme de 30 ans atteint de paralysie cérébrale sévère (porteur de « profound physical and mental disabilities »), dont le profil se rapproche au moins en apparence de certaines personnes jugées polyhandicapées. Elle lui enseigne une technique dite de « communication facilitée » révélant selon elle ses capacités intellectuelles. Elle entre dans une relation affective et sexuelle avec lui qui lui vaudra en première instance 12 ans de prison pour viol sur personne vulnérable (elle sera finalement libérée avant son procès en appel au terme de 22 mois de prison après avoir plaidé coupable).
Elle-même était convaincue de la réciprocité de leurs sentiments, mais le fait qu’elle était semble-t-il la seule à pouvoir utiliser avec l’homme concerné la technique de communication facilitée (consistant à soutenir son bras lorsqu’il tapait à l’ordinateur, et peut-être involontairement à l’orienter) a conduit la cour à rejeter la possibilité de consentir de cet homme, considérant qu’elle était involontairement l’auteure des textes qu’elle lui attribuait, guidée par son affectivité personnelle et son passé d’activiste pour la lutte contre le racisme et le validisme1 . Elle-même aurait été abusée par l’approche capacitaire du handicap qu’elle a défendue en tant qu’activiste et durant toute sa carrière universitaire.
Il ne nous appartient pas ici de rentrer dans la controverse visant à savoir qui de la famille de cet homme ou d’Anna Stubblefield disait vrai concernant ses aptitudes et son consentement effectif, mais de constater les conséquences d’une situation où l’arbitrage devient impossible quand un homme ne peut communiquer sans intermédiaire et que les personnes qui ont ce rôle d’intermédiaire sont en conflit (Le Goff et Velpry, 2018renvoi vers).
Les proches de l’homme (sa mère et son frère) utilisaient, pour établir qu’il y avait bien eu abus, l’argument de son incapacité à éprouver des sentiments et du désir sexuel. Mais un tel argument lui déniait son droit à une vie affective et sexuelle : afin de le protéger, on lui retirait sa liberté de choix. Autrement dit, le traiter comme une personne, pour sa mère et son frère, consistait uniquement à assurer sa protection et à prendre soin de lui (Le Goff et Velpry, 2018renvoi vers).
Anna Stubblefield, à l’inverse, récusait toute logique de protection et toute attitude compassionnelle : respecter cet homme comme une personne impliquait de présupposer l’égalité des capacités entre elle et lui, à l’exception de la capacité à manier le langage parlé. Mais sa posture reste elle aussi paradoxale quand elle se présente comme la seule interlocutrice valable (du moins est-ce la version, contestable, que la cour a retenue), plaçant cet homme dans une relation de dépendance, voire d’emprise à son égard.
Il est intéressant de remarquer que jamais la famille n’a contesté la possibilité de la communication facilitée tant que celle-ci donnait des résultats valorisants pour leur frère et fils. Par exemple, quand Anna Stubblefield a proposé de co-signer un article universitaire avec lui, chacun était d’accord pour lui reconnaître des capacités intellectuelles ; mais lorsqu’il s’est agi d’envisager une vie sentimentale et sexuelle, ses proches ont affirmé qu’il n’avait pas la capacité d’y consentir. Lorsque l’on touche à la sphère intime et sexuelle, apparaissent des réflexes de protection souvent très normatifs, quitte à nier des capacités décisionnelles que l’on avait antérieurement reconnues.
Quant à Anna Stubblefield, comment être sûr que, mue par la conviction que cet homme avait des capacités, elle n’en soit pas venue à se substituer à lui pour écrire ; comment être sûr qu’elle n’ait pas projeté sur lui ses propres fantasmes ? Mue par un désir de justice sociale et de reconnaissance des facultés de tout homme, elle aurait pu se substituer à lui pour exprimer ses propres choix, ce qui constitue une autre forme de négation de ses capacités.
Ce genre d’ambivalence, qu’il s’agisse de la position de la famille ou de celle d’Anna Stubblefield, peut se retrouver chez les professionnels, les premiers défendant une forme d’asexuation et d’immaturité affective incompatible avec une relation intime avec autrui, les seconds exacerbant les capacités des personnes en matière de vie affective et sexuelle au risque de les mettre face à des événements corporels qu’ils ne pourraient pas en réalité tolérer.
Les philosophes Peter Singer et Jeff McMahan (McMahan et Singer, 2017renvoi vers), en prenant la défense d’Anna Stubblefield, ont ajouté un autre argument pour le moins surprenant : si comme le disent les proches, cet homme a des capacités cognitives réduites, mais qu’il n’a pas manifesté son désaccord, c’est qu’il en a retiré plus de bien-être ou de plaisir que de souffrance (ce qui dans une logique utilitariste est éthiquement justifié). On ne peut donc condamner un acte sexuel que l’on aurait avec lui, justement parce qu’il est dans l’incapacité d’en mesurer la portée.
C’est oublier ici l’importance de la sidération qui peut s’abattre sur tout être humain lorsqu’il est confronté à une situation qu’il ne connaît pas, c’est aussi oublier l’apprentissage d’une certaine soumission à la volonté des valides lorsque l’on est en situation de handicap avec des difficultés intellectuelles, et par conséquent cela revient à évacuer la position de domination qu’un valide peut exercer, parfois même sans s’en rendre compte. De plus, Anna Stubblefield se trouvait dans une relation d’assistance et d’interprète en permettant à cet homme de communiquer avec l’extérieur. Elle a par sa conduite transgressé une norme professionnelle majeure en exerçant sur lui une séduction et une emprise. Or elle-même a toujours minimisé les rapports de pouvoir qui existaient entre elle et cet homme plus jeune, handicapé, issu d’une famille noire moins aisée financièrement et nettement moins socialement considérée qu’elle-même.
On le constate : quelles que puissent être les bonnes intentions d’un individu, sa relation à autrui s’inscrit dans un contexte de rapport de pouvoirs (or qu’on le veuille ou non, la position de dépendance et le contexte de soin instaurent bel et bien un contexte de pouvoir), et il n’est pas éthiquement possible d’y envisager une relation affective et sexuelle. Dans une relation avec une aussi importante asymétrie, il existe un voile d’incertitude (Le Goff et Velpry, 2018renvoi vers) recouvrant tout ce qui s’y joue. Nous allons retrouver cette question délicate en insistant cette fois sur la question de l’affectivité, qui peut être mêlée à la sexualité, mais aussi envisagée de manière distincte.

La vie affective

L’affectivité, une composante essentielle d’une vie humaine

L’affectivité est le propre d’un sujet désirant

Nous avons vu que la sexualité est une manière de rétablir la personne polyhandicapée dans un statut de sujet désirant potentiel (potentiel car il convient de se méfier de l’hypersexualisation et les interprétations erronées de sa conduite). Mais il faut à présent rappeler que l’on peut être un sujet désirant dans des champs tout autres que celui de la sexualité (en tout cas autres que celui de la sexualité génitale). On peut désirer le contact rassurant du toucher peau à peau, on peut désirer le contact du regard, qui est comme un toucher à distance, en particulier lorsque l’on ne peut pas se mouvoir pour tendre la main vers l’autre ; on peut désirer enfin le contact de la parole, même si elle n’est pas comprise dans son sens, mais dans ses inflexions et même si elle est impossible en retour.
Le besoin d’affection physique est parfois manifesté, ce qui montre le lien avec la sexualité au sens large : le plaisir d’être pris dans les bras, qui n’a rien de génital ni d’érotique, est un moyen de réassurance pour la quasi-totalité des humains (excepté dans l’autisme où l’hypersensorialité le rend trop intense ou dans certaines pathologies psychiatriques où le corps d’autrui est ressenti comme une agression). Certaines personnes polyhandicapées ont des besoins d’affection physique qu’elles expriment clairement. Elles souhaitent de l’intimité avec certains accompagnants et non avec d’autres. Leurs attentes sont clairement électives.
Le désir de relation est palpable, les appels par le regard sont insistants et souvent éloquents. Mais la réalité est souvent de l’ordre de l’isolement au quotidien en dehors des temps de repas et de soin (Vehmas, 2019renvoi vers), sans doute pour des raisons de disponibilité du personnel, mais surtout parce que ce type de contact pose des problèmes déontologiques : jusqu’où s’autorise-t-on à aller dans un tel contact ? Avec quel degré de proximité ? Pour éviter le surinvestissement, pour contrer l’infantilisation, une demande de réassurance corporelle doit être prise avec un recul professionnel. Ce recul n’est pas toujours synonyme de distance physique : on peut s’autoriser une certaine quantité de contacts en conservant le recul nécessaire pour savoir jusqu’où l’on peut individuellement et collectivement le dispenser.
Une analyse de la pratique est ici tout à fait importante, de même que lorsqu’il est question de sexualité, car les conceptions individuelles comme l’histoire personnelle de chacun, ses désirs comme ses appréhensions peuvent biaiser une réponse à une demande (réelle ou apparente) qui ne prête que relativement à conséquence.
Faut-il habituer un résident en institution à bénéficier de contact physique quand celui-ci peut potentiellement être érotisé ? Faut-il ne le permettre que pour celles et ceux dont on connaît à l’évidence le besoin d’être rassuré physiquement ? N’est-ce pas aller trop loin que d’instituer une certaine intimité corporelle, un certain maternage ? On parlera bien ici de maternage et non de « paternage », car on se méfiera plus des professionnels masculins que des professionnelles féminines lorsqu’il y a contact physique affectif, mais sans mesurer l’infantilisation qui peut résulter du maternage. Or chacun des actes que l’on se permet doit être réfléchi lorsque l’on s’adresse à une personne très dépendante.
Catherine Agthe considère que dans le domaine de l’affection « tout est certainement possible dans des nuances subtiles, telle voix ou telle manière de toucher le corps, tel regard sera apprécié, préféré, aimé. Toute interaction humaine comporte ces éléments le plus souvent irrationnels (…) Les réponses se travaillent en amont, afin de savoir donner une tendresse bénéfique et nourrissante mais maîtrisée en demeurant professionnelle, ou en pouvant garder la distance ou la proximité intrafamiliale nécessaire » (Agthe Diserens, 2021renvoi vers).
En effet, le lieu privilégié de la proximité affective est la famille, avec des relations parfois très fusionnelles qu’il ne faut sans doute pas juger au même titre que toute relation intrafamiliale (qui sait ce qu’il en est de la proximité désirée par une personne polyhandicapée ?), tout en rappelant le risque accru d’infantilisation, que l’on retrouve entre parents et enfant dans pratiquement toutes les situations de handicap. Un adulte ou un adolescent, même sans en avoir l’apparence, ni les compétences, doit sans doute être reconnu comme tel dans sa famille, ne serait-ce que pour modifier le regard que l’on porte sur lui dans son environnement. Mais ses besoins affectifs peuvent être beaucoup plus importants à l’égard de sa famille, ne serait-ce que pour éviter l’isolement et les carences affectives qui pourraient sans cela se faire jour.

L’intimité avec autrui

Il y a plusieurs manières d’être intime : on peut être dans l’intimité avec soi-même (comme dans le cas cité plus haut de la manipulation sexuelle), ou dans une intimité avec autrui, lorsque l’on ne souhaite pas être dérangé dans une relation dyadique privilégiée. L’apparition d’un tiers devient une forme d’intrusion, on préfère conserver la relation à deux, sans regard extérieur. L’intimité avec quelqu’un d’autre peut être ressentie sans être conceptualisée : il est inutile d’avoir des capacités intellectuelles développées pour se sentir intime avec autrui.
L’intimité au sens d’une proximité physique et émotionnelle est une sensation agréable. Par rapport à d’autres formes de proximités imposées par la nécessité de la toilette, des mobilisations et manipulations corporelles ou des soins médicaux, elle n’est pas une proximité qui expose ou rend plus vulnérable, mais une proximité qui repose sur la confiance, sur le sentiment de continuité entre son propre corps et celui d’autrui, une continuité qui n’existe pas seulement dans le champ du sexuel en général. Les humains peuvent profiter du plaisir d’être proches, de se sentir rassurés et enveloppés par la présence de l’autre, sans qu’autrui apparaisse comme trop protecteur, voire exagérément enveloppant dans son contact.
L’intimité peut être considérée comme un élément essentiel de sa propre sécurité, voire de sa propre subjectivité (Jamieson, 2011renvoi vers), à condition que soient considérées les réactions de la personne polyhandicapée dont l’assentiment au contact peut n’être que difficilement repéré. Or le même contact apparemment intime peut être source de plaisir et de réassurance ou source d’angoisse, par exemple lorsque l’on se sent envahi par la présence de l’autre au lieu de la trouver rassurante (pensons par exemple aux débordements émotionnels dans le cas de l’autisme ou au sentiment d’effraction dans le handicap psychique : tout contact proche n’est pas systématiquement vécu comme rassurant quelle que soit l’intention de celui ou celle qui le procure). Si le plaisir du contact et de la proximité peut être bien réel, il ne doit jamais être supposé et postulé, mais constaté.

Les affects des professionnels

On agit souvent envers les personnes polyhandicapées comme s’il était acquis qu’elles ne ressentent pas les émotions de celles et ceux qui les prennent en soin, à l’exception des émotions positives que l’on tente de faire passer. Mais si l’immobilité physique conduit généralement à une plus grande sensibilité envers ce qui émane du corps d’autrui (Nuss, 2016renvoi vers), et si la déficience intellectuelle des personnes polyhandicapées n’est aucunement un obstacle à la saisie affective d’autrui, pour quelle raison seraient-elles dans l’incapacité d’être affectées par les émotions qui émanent involontairement d’autrui, quelle que puisse être leur volonté de bien agir à leur égard ? Ne sont-elles pas en capacité de ressentir la tristesse ou le deuil d’une personne qu’elles côtoient quotidiennement depuis des mois ou des années ? Pourquoi l’empathie n’existerait-elle que dans un seul sens ? Il semble en effet que la lecture des émotions de l’autre ne soit pas seulement le fait des professionnels.
Le professionnel peut être en état de donner et il peut dès lors s’autoriser à une plus grande proximité, toujours dans les limites qu’il s’est imparti. Dans le cas où il n’est lui-même pas en état de donner autre chose que son propre mal de vivre, la technicité professionnelle vient prendre le pas sur l’affectivité (puisqu’il n’est pas question d’utiliser les personnes dépendantes pour se rassurer soi-même et combler sa propre détresse) : ce sont des circonstances dans lesquelles on travaille plus avec des automatismes, où l’on se fera davantage aider par une équipe pour bénéficier soi-même de soutien. Mais il est illusoire de penser que l’on ne risque jamais de transmettre ses émotions négatives aux personnes que l’on soigne (sans même préjuger du risque d’erreur ou de faute professionnelle lorsque l’on est soi-même en position de fragilité). La présence à soi fait donc partie intégrante de la présence à l’autre dans le soin (Nuss, 2005renvoi vers), composante essentielle de l’accompagnement affectif.
Au-delà du contact et du rapport affectif, peut-on se poser la question de l’affection et de l’amitié que l’on peut porter à une personne polyhandicapée lorsque l’on est soi-même valide, mais sans être un membre de la famille ? Ou bien cette question est-elle hors de propos, risquant de conduire à une pure et simple projection de ses intentions sur la personne polyhandicapée, comme dans l’exemple du procès d’Anna Stubblefield ?

Peut-on parler d’amitié dans le champ du polyhandicap ?

Peut-on parler d’amitié entre valides et personnes polyhandicapées ?

Bien que certains auteurs en aient proposé la possibilité (Hughes et coll., 2011renvoi vers), il est difficile de parler d’« amitié » entre personnes ordinaires et personnes polyhandicapées avec lesquelles l’échange est compliqué, incertain au point qu’il est difficile de savoir ce qui vient vraiment d’elles et ce que l’on projette sur elles. Cela ne signifie pas que l’échange soit pauvre parce que la communication objectivable est pauvre : beaucoup de professionnels soulignent la qualité particulière des regards et des échanges non verbaux avec les personnes polyhandicapées (Blondel et Delzescaux, 2018renvoi vers), mais cela empêche de pouvoir nettement interpréter ce qui vient de soi et ce qui vient d’autrui.
Plutôt que d’amitié, on pourrait davantage parler d’une « proximité affective » avec les plus vulnérables d’entre nous. Le cœur de l’argumentation éthique à ce sujet (il est ici question d’éthique du care) est que les adultes polyhandicapés ont quelque chose à nous apprendre à propos de l’importance de la vulnérabilité, de la dépendance et de l’humanité. Elles nous sont proches en touchant en nous une fibre universelle de fragilité humaine, elles peuvent manifester une proximité par le regard et une affinité avec tel ou tel professionnel, mais il est difficile de parler de relations amicales.
En effet, les définitions classiques de l’amitié font appel à la volonté d’apporter à autrui, de pouvoir dialoguer, de pouvoir se reconnaître en l’autre (ce qui suppose une conscience de soi), de sentir une réciprocité. C’est précisément ce que décrivent les personnes valides se sentant proches de personnes polyhandicapées interrogées (Hughes et coll., 2011renvoi vers). Elles évoquent une certaine réciprocité malgré le polyhandicap, par exemple en référence à des techniques permettant de développer une communication réciproque. « Nous nous sommes aperçus que les personnes qui se définissaient elles-mêmes comme des amis d’adultes polyhandicapés parlaient elles aussi de réciprocité dans la forme de l’interaction corporelle qu’elles menaient, une réciprocité comme un élément significatif de leurs relations » (Hughes et coll., 2011renvoi vers).
Cette possibilité peut donc être envisagée, même si elle est sans doute à exclure déontologiquement d’un rapport d’accompagné à accompagnant ou de soigné à soignant qui induisent une position de domination involontaire. D’autre part, les risques d’erreurs à ce sujet sont si importants qu’ils peuvent conduire à des formes de maltraitance passive en supposant une proximité que l’on projette peut-être plus qu’on ne la vit. Aussi nous faut-il davantage insister sur la possibilité de relations amicales réciproques entre personnes polyhandicapées qu’entre elles et des professionnels.

Peut-on parler d’amitié entre personnes polyhandicapées ?

Les références précédemment citées ne disent rien des relations amicales qui peuvent se lier entre des personnes polyhandicapées, mais pourquoi en nier la possibilité dès lors qu’on l’envisage avec des personnes valides ?
Il est cependant difficile de distinguer en extériorité l’amitié, le sentiment amoureux, l’affinité élective ou la simple camaraderie. À tout le moins peut-on constater une grande proximité avec parfois des gestes qui laissent entendre l’un ou l’autre de ces sentiments, l’une ou l’autre de ces relations. Mais toujours se pose la question de la sur-interprétation d’un comportement.
Cette question permet d’insister sur le désir de communiquer et d’avoir certaines relations privilégiées. Ce désir est manifesté par une bonne part de ces personnes, lors d’échanges qui peuvent être interprétés comme une forme de réciprocité non-verbale, peut-être insuffisante pour parler d’amitié, mais en tout cas suffisamment présente pour que l’on ne puisse nier son existence : le désir d’aller vers l’autre se manifeste par le regard, par les vocalises, par des mouvements corporels, même difficiles à interpréter de prime abord. Ce sera parfois les manifestations de tristesse qui permettront d’identifier a posteriori l’importance que l’un avait pour l’autre.
Or il faut rappeler ici l’importance pour chacun de pouvoir disposer de relations amicales ou de simples relations agréables et durables, électives, choisies par l’un et l’autre. Cette relation peut d’ailleurs s’apprendre, comme on apprendra à moins dépendre affectivement de ses parents ou de ses accompagnants. C’est ce qu’indique Elisabeth Zucman : « Leurs désirs doivent être exprimés et éventuellement favorisés à l’égard de leurs pairs. Dès l’enfance, il faut faciliter les liens de camaraderie qui permettent l’attachement à l’adolescence, l’amour ensuite. Lors des promenades ou des siestes, par exemple, nous devons tenir compte des affinités des jeunes, favoriser les rapprochements afin qu’ils puissent se prendre par la main, se caresser la joue, s’ils le souhaitent » (Rouff et Zucman, 2007renvoi vers).

Peut-on parler de relations amicales et affectives entre pairs ?

La question des relations amicales et affectives entre pairs nécessite dans un premier temps de définir la notion de pair, souvent ambiguë dans la littérature.
Lorsque les pairs sont définis comme les autres enfants du même âge (Dayan, 2021renvoi vers), cela pose problème, puisque le pair désigne aussi celui ou celle en qui l’on peut se reconnaître ou partager une expérience de vie. Or ici les enfants ordinaires ont de la peine à comprendre les expressions des enfants polyhandicapés, ne perçoivent pas les retours qu’ils leur proposent, la plupart des jeunes enfants s’appuyant sur l’imitation ou le jeu moteur ; enfin leur vivacité de mouvement ne s’accorde pas avec la lenteur et la temporalité propres aux enfants polyhandicapés.
Quant à ces derniers, ils supportent mal la sur-stimulation sensorielle imposée par les autres enfants (Dayan, 2021renvoi vers) et comme ils ne peuvent se déplacer d’eux-mêmes pour s’écarter ou choisir d’autres groupes, ils ont souvent tendance à se replier et se rendre indisponibles pour la relation.
Les interactions nécessitent souvent un tiers, ne serait-ce que pour se positionner en face des autres ou suivre leurs mouvements, mais ce tiers peut aussi involontairement absorber la relation : les enfants polyhandicapés dirigent moins leur regard vers les pairs en présence d’un professionnel qui les étaye, qu’en son absence (Nijs et coll., 2016renvoi vers).
Si les pairs sont définis comme des enfants du même âge et de la même famille, ils désignent les frères et sœurs. Avec ceux-ci, les relations sont parfois distantes, parfois très privilégiées. Il peut se jouer de fortes proximités par des regards, des interactions particulières que ne savent pas reconnaître les autres enfants ni parfois les autres membres de la famille. Mais ici encore le terme de pair est peut-être utilisé abusivement, car le fait d’avoir le même foyer et les mêmes parents ne signifie pas que l’on vive de la même manière ou que l’on se reconnaisse dans les expériences de vie de l’autre. Cette différence est particulièrement évidente avec une sœur ou un frère polyhandicapé qui ne se développera ni physiquement ni intellectuellement de la même manière (ce qui autorise parfois une grande affection pour ce frère ou cette sœur, mais sans que l’on puisse toujours parler de réciprocité, du moins selon des formes ordinaires objectivables).
Enfin, il existe des pairs du même âge eux aussi en situation de handicap : « en écho avec la revue de la littérature, nous avons constaté dans la recherche Enfants à besoin particulier, Processus Inclusif et Liens aux pairs (EPIL) que les enfants avaient tendance à privilégier le contact avec d’autres enfants en situation de handicap. La réciprocité, l’identification à l’autre, le fait d’être au même rythme, sont sans doute des ingrédients importants du développement des relations aux pairs » (Dayan, 2021renvoi vers). Ce type de relations semble possible pour certains enfants polyhandicapés, même si l’auteur précise d’emblée : « il ressort de cette revue de littérature qu’aucun auteur n’évoque clairement le polyhandicap ; en revanche, il apparaît que la déficience motrice sévère tout comme la déficience intellectuelle profonde sont des facteurs susceptibles d’entraver les relations avec les pairs, et que les enfants dans cette situation semblent avoir davantage besoin de l’adulte pour médiatiser les relations avec leurs pairs » (Dayan, 2021renvoi vers).
Quant aux relations amoureuses, il est encore plus difficile de se prononcer : si celles-ci sont pensables en théorie, aucun des articles consultés ne s’engage dans cette voie. La littérature sur le sujet ne va pas jusqu’à évoquer des relations amicales ou amoureuses qui peuvent se lier entre des personnes polyhandicapées, mais rapporte des observations d’affinités électives.
Les auteurs consultés dans le cadre du présent chapitre rappellent cependant l’importance pour chacun de pouvoir disposer de relations amicales (ou de simples relations agréables et durables), de pouvoir éprouver des relations de confiance et d’affection en dehors du strict milieu familial (les figures de référence sont évidemment les parents dans le champ de la vie affective). Tous soulignent enfin le désir d’aller vers l’autre, qui se manifeste par le regard, les vocalises, les mouvements corporels, même difficiles à interpréter de prime abord.

Conclusion

Au terme de ce chapitre concernant la vie affective, intime et sexuelle, nous ne pouvons qu’insister à la fois sur l’importance de cette vie pour les personnes polyhandicapées et sur la méconnaissance que nous en avons collectivement. Nous ne pouvons rien présupposer concernant les manifestations de sexualité (qui passent par l’auto-stimulation essentiellement) : ni les hypersexualiser (sauf cas explicites), ni les dénier. Le déni est certainement la tendance la plus facile à manier, estimant que le polyhandicap expose à de trop grandes différences pour pouvoir envisager une action de facilitation sexuelle (ou un accompagnement sexuel dans l’hypothèse où celui-ci deviendrait légal en France).
Au-delà du déni pur et simple, il existe d’autres façons de refuser la possibilité d’une sexualité pour ces personnes, comme mettre en avant les risques d’abus associés à ces stimulations à portée sexuelle. Mais cela signifie-t-il qu’une aide ou un accompagnement dans ce champ serait pire que de ne rien faire du tout ? L’absence de vie affective et sexuelle, du fait des limitations motrices et de la frilosité institutionnelle à l’envisager par peur du risque, est-elle plus éthiquement justifiable que des efforts parfois maladroits et inadaptés pour la permettre ? Ne laisse-t-elle pas la place à des risques de « satisfaction hygiénique » de la tension sexuelle réalisée hors de tout contrôle, voire même par des parents, dans un acte tendanciellement incestueux ?
Compte tenu de la complexité de ces questions, il apparaît nécessaire que la formation professionnelle y insiste, afin de confronter chaque professionnel à ses propres aspirations et freins en matière de sexualité ainsi qu’aux problèmes posés par la situation bien particulière d’une personne polyhandicapée. L’analyse de la pratique en groupe peut également faciliter la mise en perspective de ses propres convictions initiales et refus éventuels.
Nous nous devons collectivement de ne pas sous-estimer ces questions en raison de leur difficulté et de la complexité liée à l’interprétation des demandes manifestées par les personnes polyhandicapées. Plus les personnes sont dépendantes et interrogent nos usages courants du corps, plus les hypothèses que nous formulons à leur égard doivent être nombreuses et étayées.
Cette préoccupation éthique dans le champ de la sexualité, dont on prendra soin de souligner l’étendue, se retrouve dans le champ de la vie affective. Celle-ci peut être liée à la vie sexuelle et peut se développer indépendamment de celle-ci, par exemple dans le besoin de contact et de réassurance, dans l’aspiration à la proximité et la manifestation d’une affinité élective avec telle ou telle personne (qu’elle soit elle-même en situation de handicap ou non). Il serait dramatique pour tout sujet de nier la place de la relation et du besoin de contact dans sa vie. Ce besoin peut d’ailleurs donner lieu à une forme de réciprocité malgré l’asymétrie de la relation, à un lien d’une qualité particulière, souvent soulignée par les proches et les accompagnants.
Ces relations préférentielles, parfois aisément repérables, parfois ténues, incertaines, font essentiellement partie de la vie psychique et de l’affirmation d’une personne en tant que sujet désirant, aimant et relationnel. Le nier serait oublier tout un pan de la vie des personnes polyhandicapées, peut-être le plus essentiel.

Références

[1] Agthe Diserens C. Entre affectivité, intimité et sexualité. In: In: Camberlein P, Ponsot G, eds, editors. La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. Guides Santé Social. Paris:Dunod; 2021; 495510Retour vers
[2] Ancet P. La violence de la quotidienneté : Itération et ritournelle négative. In: In: Ciccone A, Korff-Sausse S, Missonnier S, et coll., eds, editors. Handicap et violence. Connaissances de la diversité. Toulouse:Érès; 2014; 12336Retour vers
[3] Blondel F, Delzescaux S. Aux confins de la grande dépendance : Le polyhandicap, entre reconnaissance et déni d’altérité. Connaissances de la diversité. Toulouse. Érès éditions; 2018; 336 pp. Retour vers
[4] Casagrande A. Questions d’éthique au sujet du polyhandicap. In: Zribi G, Richard JT, eds; Polyhandicaps et handicaps graves à expression multiple. Rennes:Presses de l’EHESP; 2013; 17788Retour vers
[5]Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Avis sur le consentement des personnes vulnérables. Journal officiel; 2015 Jul 10; [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/jo/2015/07/10/0158]. Retour vers
[6] Dayan C. Relations entre pairs chez de jeunes enfants polyhandicapés : analyse croisée de deux études de cas menées dans le cadre de la recherche EPIL. In:. Handicap et relations entre pairs : la solitude n’est pas une fatalité. Connaissances de la diversité. Toulouse:Érès; 2021; 20522Retour vers
[7] Diederich N. Stériliser le handicap mental ?. Études, recherches, actions en santé mentale en Europe. Toulouse:Érès; 1998; 260 pp. Retour vers
[8] Durif-Varembont J-P. Handicap et sexualité : pour une éthique de l’accompagnement. In:. Handicap, identité sexuée et vie sexuelle. Toulouse:Érès; 2010; 12946Retour vers
[9] Eastgate G, Scheermeyer E, van Driel ML, et coll . Intellectual disability, sexuality and sexual abuse prevention – a study of family members and support workers. Aust Fam Physician. 2012; 41:135-9Retour vers
[10] Eastgate G. Salud sexual para personas con discapacidad intellectual. Salud Publica Mexicana. 2008; 50:255-9Retour vers
[11] Giami A, Humbert C, Laval D. L’ange et la bête : Représentations de la sexualité des handicapés mentaux par les parents et les éducateurs. Les publications du CTNERHI – Série Documents. Paris:CTNERHI; 1983; 113 pp. Retour vers
[12] Gil-Llario MD, Morell-Mengual V, Ballester-Arnal R, et coll . The experience of sexuality in adults with intellectual disability. J Intellect Disabil Res. 2018; 62:72-80Retour vers
[13] Gougeon NA. Sexuality education for students with intellectual disabilities, a critical pedagogical approach: outing the ignored curriculum. Sex Education. 2009; 9:277-91Retour vers
[14]HAS. Vie affective et sexuelle dans le cadre de l’accompagnement en ESSMS – Note de cadrage. 2022; 24 pp. Retour vers
[15] Hughes RP, Redley M, Ring H. Friendship and Adults With Profound Intellectual and Multiple Disabilities and English Disability Policy. J Policy Pract Intellect Disabil. 2011; 8:197-206Retour vers
[16] Jamieson L. Intimacy as a Concept: Explaining Social Change in the Context of Globalisation or Another Form of Ethnocentricism?. Sociological Research Online. 2011; 16p. Retour vers
[17] Kittay EF. The Personal Is Philosophical Is Political: A Philosopher and Mother of a Cognitively Disabled Person Sends Notes from the Battlefield. In: In: Kittay EF, Carlson L, eds, editors. Cognitive disability and its challenge to moral philosophy. Metaphilosophy series in philosophy. Chichester:Wiley-Blackwell; 2010; 393413Retour vers
[18] Kulick D, Rydström J. Loneliness and Its opposite: Sex, Disability, and the Ethics of Engagement. Duke University Press; 2015; 376 pp. Retour vers
[19] Le Goff A, Velpry L. Que valent les bonnes intentions ? L’affaire Anna Stubblefield. Esprit. 2018; 12:117-31Retour vers
[20] Mansell J, Beadle-Brown J, Cambridge P, et coll . Adult Protection: Incidence of Referrals, Nature and Risk Factors in Two English Local Authorities. Journal of Social Work. 2009; 9:23-38Retour vers
[21] McCarthy M. Sexuality. In: In: Noonan Walsh P, Heller T, eds, editors. Health of Women with Intellectual Disabilities. Oxford:Wiley; 2002; 90102Retour vers
[22] McMahan J, Singer P. Who is the victim in the Anna Stubblefield case?. The New York Times. 2017 Apr 3; Retour vers
[23] Nijs S, Vlaskamp C, Maes B. Children with PIMD in interaction with peers with PIMD or siblings. J Intellect Disabil Res. 2016; 60:28-42Retour vers
[24] Nuss M. Handicap, perte d’autonomie : Oser accompagner avec empathie. Santé Social. Paris:Dunod; 2016; 175 pp. Retour vers
[25] Nuss M. Accompagnement à la vie affective et sexuelle. In:. Sexualité, handicaps et vieillissement. . Toulouse:Érès; 2011; 18394Retour vers
[26] Nuss M. La présence à l’autre : Accompagner les personnes en situation de grande dépendance. Action sociale. Vieillesse, handicap. Paris:Dunod; 2005; 153 pp. Retour vers
[27] Parisot A-S. Le vécu du corps et l’intériorisation du regard. Une expérience personnelle. In: Ancet P, ed; Le corps vécu chez la personne âgée et la personne handicapée. Paris:Dunod; 2010; 13952Retour vers
[28] Py B. Liberté, égalité, sensualité : De l’assistance sexuelle à l’accompagnement érotique des personnes en situation de handicap. In: Nuss M, Ancet P, eds; Handicaps et accompagnement à la vie affective, sensuelle et sexuelle : Plaidoyer en faveur d’une liberté !. Comprendre les personnes : l’essentiel. Lyon:Chronique sociale; 2017; Retour vers
[29] Rimbourg N, Boudahoud A. Analyse des demandes d’accompagnement sexuel et/ou sensuel formulées auprès de l’APPAS. In: Nuss M, Ancet P, eds; Handicaps et accompagnement à la vie affective, sensuelle et sexuelle : Plaidoyer en faveur d’une liberté !. Comprendre les personnes : l’essentiel. Lyon:Chronique sociale; 2017; Retour vers
[30] Rouff K, Zucman E. Le point de vue d’Elisabeth Zucman. Entretien avec Katia Rouff. Lien Social. 2007; 7 juin; Retour vers
[31] Salbreux R. Handicap, climat incestueux et inceste. In: Delville J, Mercier M, eds; Sexualité, vie affective et déficience mentale. Paris:De Boeck Université; 1997; Retour vers
[32] Vacola G. À propos du jeune poly-handicapé ; sa vie affective et sexuelle. Psychol Med (Paris). 1987; 19:895-7Retour vers
[33] Vaginay D. Quelle éthique pour un accompagnement sexuel ?. Reliance. 2008a; 29:66-73Retour vers
[34] Vaginay D. Sexualité et handicap mental : sous quel regard éthique ?. In:. Handicap : l’éthique dans les pratiques cliniques. Connaissances de la diversité. Toulouse:2008b; 20522Retour vers
[35] Vehmas S. Persons with profound intellectual disability and their right to sex. Disability & Society. 2019; 34:519-39Retour vers
[36] Vialla F. Vie privée, vie affective, vie sexuelle en « institution ». In: In: Nuss M, Ancet P, eds, editors. Handicaps et accompagnement à la vie affective, sensuelle et sexuelle : Plaidoyer en faveur d’une liberté !. Comprendre les personnes : l’essentiel. Lyon:Chronique sociale; 2017; Retour vers
[37] Young R, Gore N, Mc Carthy M. Staff Attitudes towards Sexuality in Relation to Gender of People with Intellectual Disability: A Qualitative Study. J Intellect Dev Disabil. 2012; 37:343-7Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2024 Inserm