Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool

2021


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Recommandations
La synthèse des données de la littérature réalisée par le groupe d’experts couvre un champ large incluant les différents niveaux de consommation d’alcool, les dommages sanitaires et socio-économiques inhérents, les différents leviers qui existent autour de cette consommation (les facteurs de risque, le marketing, le lobbying, des programmes d’actions publiques) pouvant intervenir de la prévention primaire jusqu’à la prise en charge des personnes présentant une dépendance à l’alcool.
Comme il s’agit de répondre spécifiquement à la question de la réduction des dommages associés à la consommation d’alcool au regard d’un objectif de santé publique, les données de la consommation d’alcool ont été ici mises à jour. Dans un contexte où les autorités de santé ont revu à la baisse les repères de consommation et où de nouvelles études scientifiques internationales démontrent des risques et des dommages en termes de santé liés à la consommation d’alcool même à des niveaux de consommation faibles, il s’agit de prendre en compte ces nouvelles données afin d’améliorer la prévention et la prise en charge de ces dommages.
Afin de faciliter la lecture des recommandations émises dans cet ouvrage, il convient de rappeler la terminologie simple adoptée dans cette expertise concernant trois groupes distincts de consommation d’alcool associés aux niveaux de risques pour la santé :
• la consommation à faible risque ;
• la consommation à risque sans dépendance ;
• la consommation à risque avec une dépendance à l’alcool (le stade le plus sévère parmi les consommations à risque).
Il a été décidé dans cette expertise de ne pas aborder la question de la prise en charge médicamenteuse de la consommation d’alcool.
À l’issue de l’analyse et de la synthèse des données de la littérature concernant cette nouvelle expertise collective sur l’alcool, les experts proposent des recommandations d’action et de recherche en santé publique pour réduire les dommages associés à la consommation d’alcool. Le groupe d’experts souhaite rappeler qu’il existe des recommandations abordant la consommation d’alcool émises dans des expertises collectives de l’Inserm plus anciennes ou traitant de sujets connexes à cette expertise1 , auxquelles le groupe s’est référées.
Les recommandations énoncées dans le cadre de cette expertise collective s’insèrent dans un contexte plus large et sont complémentaires des recommandations émises par l’Organisation mondiale de la santé2 . De plus, plusieurs d’entre elles reprennent des éléments déjà présents dans les conclusions du rapport sur les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool remis par la Cour des comptes en 2016.

État des lieux du problème et recommandation générale

Le bilan des connaissances effectué permet de faire un résumé des principaux constats.
En France, il y a 42,8 millions de consommateurs d’alcool avec une consommation moyenne chez les adultes d’environ 27 grammes d’alcool pur par jour et par personne. Il existe une forte proportion de consommation à risque d’alcool chez les personnes de plus de 50 ans et c’est à l’adolescence (12-18 ans) que les jeunes expérimentent pour la première fois la consommation d’alcool.
Les conséquences de cette consommation représentent un coût important aux niveaux social et économique : il s’agit de la première cause d’hospitalisation en France. Estimé à 118 milliards d’euros en 2010, le coût social de l’alcool en France se compose principalement de coûts liés à la mortalité (66 milliards d’euros) et à la morbidité (39 milliards d’euros) attribuables. Ainsi, en France le plaisir monétarisé qui pourrait être retiré de la consommation d’alcool additionné au profit des producteurs ne parvient pas à surpondérer le coût des pathologies et de la mortalité. Les pays du modèle continental, ayant un système de protection sociale proche du nôtre, perdraient 1 % de PIB chaque année du fait de la consommation d’alcool (0,54 % à 1,49 %).
Concernant les politiques publiques actuelles, au regard du niveau de consommation des Français, de la dangerosité de l’alcool et de ses 118 milliards de coût social et face à un lobbying alcoolier puissant, il y a une réelle nécessité de définir un cadre politique afin de maintenir la cohérence des messages et des politiques publiques. De plus, il s’avère que certaines lois déjà en place ne sont pas assez respectées, entre autres, l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs et ont perdu de leur efficacité au fil du temps. C’est le cas de la loi Évin qui dans sa version actuelle, protège trop peu les mineurs, notamment de l’exposition à la publicité des marques d’alcool.
Une feuille de route aux niveaux national et international est nécessaire pour renforcer les programmes de lutte contre la consommation d’alcool et doit être appliquée dans sa totalité avec en corollaire une volonté politique et un minimum de moyens associés.
Afin d’élaborer des politiques publiques plus efficaces, la CCLAT (Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac) de l’Organisation mondiale de la santé devrait servir d’exemple : en effet, elle s’est révélée pertinente pour baisser la prévalence mondiale du tabagisme depuis son entrée en vigueur en 2005 (d’autant plus importante dans les pays où sa mise en œuvre était plus stricte). Les pays d’Europe du Nord ont mis en œuvre un nombre important de politiques de réduction de la demande du tabac et ont connu de fortes réductions de la fréquence du tabagisme (7,1 points) entre 2005 et 2015. La France compte ainsi aujourd’hui près de 2 millions de fumeurs en moins depuis 2016 suite à sa mise en œuvre.
Le groupe d’experts recommande donc de :
• mettre en place un cadre national identique à celui de la Convention Cadre de Lutte Anti-Tabac afin d’aider les pays à adopter des mesures efficaces pour réduire la consommation d’alcool ;
• inciter l’Union européenne à mettre en place des Directives s’inspirant de celles sur les produits du tabac mais adaptées aux boissons alcoolisées.
Il est donc indispensable de mettre au premier plan une politique fondée sur les preuves d’efficacité (evidence-based) en s’appuyant sur les mesures les plus coût-efficaces qui consistent à agir sur l’offre et la demande.
Ainsi, en matière de limitation de l’offre d’alcool, trois mesures phares ont été mises en œuvre et évaluées dans différents pays et pourraient être mises en place et/ou mieux respectées en France :
• la restriction du nombre de débits de boissons alcoolisées ;
• la régulation des heures d’ouverture et de fermeture des mêmes débits de boissons ;
• l’interdiction de vente aux mineurs (cf. l’expertise collective Inserm « Conduites addictives chez les adolescents. Usages, prévention et accompagnement », 2014).
En matière de limitation de la demande d’alcool, les mesures qui sont les plus largement mobilisées et évaluées à l’international, et en Europe en particulier sont les augmentations des prix via les mécanismes fiscaux :
• la régulation de la publicité ;
• les politiques de lutte contre l’alcool au volant (cf. l’expertise collective Inserm « Alcool. Dommages sociaux : abus et dépendance », 2003).

Recommandations d’action

Les recommandations d’action formulées par le groupe d’experts répondent à plusieurs logiques, non exclusives les unes des autres. En effet, ces recommandations sont fondées sur les preuves d’efficacité (evidence-based) des interventions rapportées dans la littérature scientifique ; elles s’appuient également sur des modèles théoriques (theory-based, c’est généralement le cas des campagnes de prévention) qui proposent une liste de déterminants de santé sur lesquels il est possible d’agir.
Pour promouvoir des comportements de santé plus sains, une approche globale est nécessaire, intégrant à la fois des informations sanitaires via les différents canaux de communication et des actions visant à offrir des environnements favorables et incitant à un changement de comportement. Il est nécessaire d’encourager le développement d’approches allant de la prévention adressée à la population générale à la prise en charge des consommateurs à risque jusqu’à celle de la dépendance.
Il s’agit d’une priorité qui doit faire l’objet, de manière urgente, d’un plan national intégrant des actions dont l’objectif est de réduire la consommation d’alcool dans la population française. Pour cela, le groupe d’experts recommande de :
• limiter l’accès à l’alcool et réduire son attractivité grâce à la législation et à son application ;
• rendre plus claire la communication des autorités publiques vis-à-vis du grand public, sur les risques liés à la consommation d’alcool ;
• prévenir les usages à risque de l’alcool en renforçant les connaissances et les compétences des usagers ;
• former les professionnels de premier recours aux méthodes d’intervention efficaces ;
• encourager le dépistage de la consommation d’alcool à risque et la mise en place de l’intervention brève ;
• améliorer l’efficacité de la prise en charge de la dépendance.

Limiter l’accès à l’alcool et réduire son attractivité
grâce à la législation et son application

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Différentes actions, détaillées ci-dessous, sont à la disposition des acteurs de la santé publique pour limiter l’accès et réduire l’attractivité de l’alcool.

Limiter l’accès à l’alcool

En augmentant les prix

Augmenter le prix des boissons alcoolisées grâce à un système de taxation adéquat (en fixant un prix minimum par unité ou gramme d’alcool) est une politique de contrôle de la consommation d’alcool par l’outil fiscal qui s’est révélée efficace en termes de diminution de la consommation d’alcool et de sécurité publiques notamment en Écosse (cette mesure vient d’être adoptée également au Pays de Galles).
Par conséquent, le groupe d’experts recommande de faire du système de taxation des boissons alcoolisées un outil de santé publique pour changer les comportements en instaurant un prix minimum des boissons contenant de l’alcool et/ou les taxant en fonction du grammage d’alcool pur contenu ; le niveau de taxation devant être assez élevé pour éviter les effets de reports sur d’autres boissons (moins alcoolisées mais consommées en plus grande quantité).
Cette recommandation rejoint la recommandation de recherche pour la mise en place d’un fond gouvernemental abondé par les producteurs d’alcool pour financer la recherche et les actions de prévention en France (à l’instar de ce qui se fait sur le tabac) et ceci à la hauteur des dommages associés à la consommation d’alcool (fardeau des morbidités, en anglais burden of disease).

En contrôlant l’accès aux mineurs

Concernant l’accès physique aux produits alcooliques, la loi d’interdiction de vente d’alcool aux mineurs et de vérification de leur âge n’est pas respectée en France. Il convient alors de mieux la faire respecter et de doter les personnels en contact avec les clients d’outils facilitant ce contrôle. La littérature établit que ces vérifications, lorsqu’elles sont faites à distance (via une machine à lecture optique de la pièce d’identité par exemple), sont les mieux à même de faire augmenter les taux de contrôle des ventes d’alcool et ainsi limiter l’accès des mineurs aux produits alcooliques (et donc faire respecter la loi). Par conséquent, le groupe d’experts recommande de :
• réaliser des contrôles réguliers et fréquents du respect de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs avec notamment des achats tests ;
• mettre en place un système de vérification d’âge automatisé et systématique du client afin d’améliorer le respect de la loi d’interdiction de vente d’alcool aux mineurs.
En lien avec la recommandation précédente, il convient de rendre plus effective la loi en augmentant la sanction encourue et la probabilité d’être contrôlé. La littérature en ce domaine montre qu’une application stricte de la loi est efficace.
Par conséquent, le groupe d’experts recommande de reconsidérer à la hausse les sanctions encourues par les vendeurs d’alcool en cas de non-respect de l’interdiction de vente aux mineurs.

En réduisant la disponibilité

La littérature établit un lien entre le nombre de débits de boissons alcoolisées, la disponibilité horaire de ces produits et l’incidence des dommages de court terme et de long terme de la consommation d’alcool. En France aujourd’hui, le marché des licences IV et les plages horaires de vente des boissons alcoolisées sont des prérogatives des seuls préfets et des maires. À l’instar de ce que montrent les expériences anglaises de gestion collégiale de ces questions, il faudrait élargir ces prises de décisions aux parties prenantes que sont les agences régionales de santé (ARS) et la société civile.
Le groupe d’experts recommande donc de restreindre les plages horaires de vente d’alcool que ce soit à emporter ou à consommer sur place ainsi que le nombre de vendeurs agréés (nombre de licences II et IV) dès lors qu’un diagnostic local a identifié des problèmes en termes de sécurité ou de santé publiques. Ceci en renforçant les compétences des préfets et des maires en ce domaine par la création de commissions décisionnaires élargies. Pour cela, il convient de faire apparaître la réduction des risques et des dommages de l’alcool au sein des contrats locaux de santé (CLS) qui participent à la construction des dynamiques territoriales de santé.

Réduire l’attractivité de l’alcool

Des travaux scientifiques ont analysé l’effet du marketing de l’alcool sur les jeunes, particulièrement l’impact de la publicité qui en est une composante. La très grande majorité des recherches révèlent un lien positif et significatif entre l’exposition au marketing et à la publicité pour des produits alcooliques et les attitudes puis les comportements d’alcoolisation des jeunes (l’initiation pour les non-buveurs, l’augmentation de la consommation pour les jeunes buveurs et de l’alcoolisation ponctuelle importante). Ainsi, au-delà de l’influence des pairs, des parents et de la culture, l’état actuel de la recherche souligne le fait que le marketing des industriels de l’alcool joue un rôle pour expliquer les comportements de consommation de cette population.
En France, le législateur a souhaité réglementer les modalités de publicité pour l’alcool. Ainsi la loi Évin du 10 janvier 1991 a posé le principe de la restriction de certains médias et de la régulation du contenu des publicités et des packagings des boissons alcoolisées dans le but de réduire l’attractivité de ce produit.
Toutefois, le lobbying de l’industrie de l’alcool a assoupli considérablement et réduit l’efficacité de la loi Évin (autorisation de promouvoir l’alcool sur les affichages dans les lieux publics et sur internet, etc.) et les modes de communication ont fortement évolué depuis 1991 (explosion de l’utilisation des réseaux sociaux).
Par ailleurs, des contournements de la loi Évin par les producteurs d’alcool sont constatés en France. Par conséquent, le groupe d’experts recommande de :
• modifier la loi Évin sur la régulation de la publicité dans un sens favorable à la santé publique afin de mieux protéger les mineurs et les jeunes ;
• renforcer les contrôles sur le respect de la loi Évin ;
• mieux comprendre, cerner et donc contrer les stratégies de marketing qui valorisent les conduites d’alcoolisation et les produits alcooliques auprès des jeunes ;
• mettre en place des actions pour contrer, réduire et dénoncer l’effet du marketing des producteurs d’alcool ;
• poser un principe de transparence des relations d’influence de l’industrie de l’alcool.
Ces recommandations sont développées ci-après.

Modifier la loi Évin sur la régulation de la publicité dans un sens favorable à la santé publique afin de mieux protéger les mineurs et les jeunes

Il faut ainsi revenir à une version proche de la loi Évin votée en 1991 en France, c’est-à-dire :
• interdire les publicités pour les marques d’alcool dans tous les lieux publics (affiches dans la rue, dans les transports en commun, etc.) ;
• sur internet (qui n’en était qu’à ses débuts en 1991) :
- autoriser seulement les sites institutionnels de marques qui présentent les produits de manière objective et informative, conformément à la loi ;
- interdire la publicité et les messages pro alcool sur les réseaux sociaux car ils sont très fréquentés par les jeunes et interdire les formes de marketing qui incitent les internautes à réagir (partager des contenus, participer à des concours, « liker » des contenus, laisser des commentaires, diffuser des photos, etc.).
• pour la presse et la radio, autoriser ces supports de diffusion publicitaire quand leurs audiences sont très majoritairement (au moins 80 %) composées de majeurs de plus de 18 ans (le producteur d’alcool devra en fournir la preuve) ;
• préciser que les publicités pour les marques d’alcool « alibi » (marque créée pour des occasions particulières qui reprennent les codes d’une marque d’alcool – couleur, style graphique, etc. – sans la mentionner explicitement et textuellement) utilisées par les producteurs d’alcool pour contourner la législation dans le contexte d’événements (sports, concerts, etc.) sont soumises à cette loi, à l’instar des marques d’alcool « classiques ».

Renforcer les contrôles sur le respect de la loi Évin

Il est recommandé de renforcer les contrôles sur le respect de la loi Évin afin qu’elle joue pleinement son rôle : mettre en place des mesures de suivi et de contrôle de son respect, en particulier sur internet, dans les points de vente, dans le cadre des événements sponsorisés et sur le contenu des publicités et des packagings des marques d’alcool.

Mieux comprendre, cerner et donc contrer les stratégies de marketing qui valorisent les conduites d’alcoolisation et les produits alcooliques auprès des jeunes, en mettant en place des observatoires réguliers

Il est recommandé de mettre en place des observatoires réguliers pour :
• estimer les budgets consacrés au marketing et à la publicité par les producteurs et distributeurs d’alcool en France (par des piges marketing4 ) et s’inspirer de leurs utilisations afin de développer les leviers de prévention ;
• analyser les formes et contenus du marketing et de la publicité déployés par les producteurs et distributeurs d’alcool en France.

Mettre en place des actions pour contrer, réduire et dénoncer l’effet du marketing des producteurs d’alcool

• Diffuser des campagnes de « contre-marketing » sur la manipulation publicitaire des producteurs d’alcool dans des programmes d’éducation au sein des établissements de l’enseignement (primaires, collèges et lycées) et dans des campagnes de prévention dans les médias pour renforcer les compétences psychosociales des jeunes ;
• améliorer la visibilité des avertissements sanitaires sur les publicités et les packagings des produits alcooliques pour contrer et réduire l’attractivité de ces deux supports marketing ;
• proposer des programmes de formation aux étudiants en santé pour mieux les sensibiliser au marketing et au lobbying de l’industrie de l’alcool.

Poser un principe de transparence des relations d’influence de l’industrie
de l’alcool

Il a été montré dans la littérature que les stratégies d’influence et de lobbying de l’industrie de l’alcool sont efficaces pour faire évoluer les lois dans un sens défavorable à la santé publique. En conséquence et à l’instar de l’article 26 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui a posé un principe de transparence des relations d’influence de l’industrie du tabac, il serait important de poser un principe identique pour l’industrie de l’alcool. Par conséquent, le groupe d’experts recommande de s’en inspirer et de :
• exiger une déclaration annuelle auprès du ministère des Solidarités et de la Santé de l’ensemble des dépenses liées aux activités directes d’influence et de lobbying (contacts formels et informels avec les membres du Parlement, Sénat ou du Gouvernement) de la filière alcool (producteurs, représentants de la filière) ;
• exiger des informations et la transparence des actions de lobbying « indirectes » identifiées dans la littérature (non directement liées aux contacts avec les membres du Parlement, Sénat ou du Gouvernement) notamment sur :
- le financement et les programmes de recherche et d’enseignement d’écoles et d’universités (chaires, projets académiques, doctorats, prix scientifiques) ;
- les actions de prévention mises en place par la filière alcool (producteurs, représentants de la filière) ;
- la présence et la participation de la filière alcool (producteurs et représentants de la filière) à des commissions et groupes de travail et d’experts publics.

Rendre plus claire la communication des autorités publiques vis-à-vis du grand public sur les risques liés à la consommation d’alcool

Il est crucial notamment de renforcer les connaissances de la population sur le lien entre la consommation d’alcool et la survenue des cancers, des maladies cardiovasculaires, etc. et sur le fait que l’alcool est la première cause d’hospitalisations (ce qui résulte de l’analyse des données du programme de médicalisation des systèmes d’information).
En premier lieu, concernant la communication sur les repères de consommation pour qu’ils soient le plus largement reconnus de tous, le groupe d’experts recommande de continuer à informer et sensibiliser autour des repères de consommation établis par Santé publique France et l’Institut national du cancer en 2017 :
• ne pas consommer plus de 10 verres standards par semaine (1 verre standard = 10 grammes d’alcool pur) ;
• pas plus de 2 verres standards par jour ;
• avoir des jours dans la semaine sans consommation.
En France, les repères de consommation ont été revus à la baisse pour les hommes. Pour les femmes, seul le repère hebdomadaire a diminué passant de 14 verres à 10 verres standards par semaine. Le niveau de 2 verres par jour est resté quant à lui inchangé pour les femmes. Les nouveaux repères ne font donc plus la distinction entre les sexes. Le groupe d’experts recommande de continuer à sensibiliser sur la plus grande vulnérabilité des femmes vis-à-vis de l’alcool comparativement aux hommes à consommation égale.
Le groupe d’experts recommande l’utilisation de messages de prévention, conçus en prenant en compte le niveau de littératie des différentes catégories de la population, destinés à l’ensemble de la population, compréhensibles, spécifiques et faciles à mettre en application. Ces messages doivent également être personnalisés et/ou segmentés pour les groupes les plus vulnérables. Le groupe d’experts recommande de redynamiser l’avertissement de ne pas consommer de boissons alcoolisées pour les femmes dès qu’elles envisagent une grossesse, et pour les futures mères jusqu’à la naissance et durant la période d’allaitement.
Au niveau international, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) recommande l’abstinence pour prévenir le développement des cancers. Toute consommation d’alcool même faible comporte un risque pour la santé. Les études récentes, celles analysant la méthodologie (c’est-à-dire les biais et facteurs de confusion) comme celles utilisant une méthodologie de randomisation mendélienne (les données ne sont pas affectées par les facteurs de confusion ou des biais), invalident l’existence d’effets « protecteurs » d’une consommation d’alcool faible. Par conséquent, le groupe d’experts recommande d’encourager la réduction de la consommation d’alcool même lorsque les niveaux sont déjà faibles.
En lien avec une réduction de la consommation d’alcool même quand elle est faible, lancer un défi pour rester abstinent pendant un mois a démontré une efficacité en termes d’améliorations physiologiques, de qualité de vie et de sentiment à être plus confiant dans sa capacité à refuser de consommer de l’alcool. Par conséquent, le groupe d’experts recommande de compléter la communication sur les campagnes de prévention existantes par de nouveaux dispositifs. Cela peut se faire notamment par des opérations invitant ponctuellement la population à expérimenter les bénéfices de l’arrêt de consommation d’alcool (Le Défi de Janvier) comme celles du type Dry January en Grande-Bretagne et « Tournée Minérale » en Belgique.
Concernant les avertissements sanitaires actuellement utilisés en France, message textuel apposé en bas des publicités pour les marques d’alcool et pictogramme ou texte inséré sur les contenants d’alcool, respectivement mis en place en France en 1991 et en 2007, la littérature montre qu’ils ont perdu de leur impact avec le temps et que leurs contenus et formats ne sont pas optimaux. Ces messages étant essentiels pour informer les consommateurs sur les risques et peu coûteux pour les gouvernements, le groupe d’experts recommande de :
• changer les messages actuellement utilisés en France car premièrement ils ne sont plus regardés, deuxièmement le contenu du message « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » n’est pas exact au vu de la littérature scientifique récente ; troisièmement, les termes « abus » et « modération » sont flous et ne sont pas compris, voire sont détournés par l’industrie alcoolière ;
• agrandir leurs format, taille et saillance sur les publicités et les contenants des boissons alcoolisées afin qu’ils soient plus visibles et se distinguent du contenu marketing dans lequel ils s’insèrent ;
• insérer sur les publicités et les packagings des messages variés sur les risques sanitaires et sociaux liés à la consommation d’alcool (pour toucher des personnes aux sensibilités différentes) ;
• prévoir un système de rotation de différents messages, tous les 6 mois par exemple, pour éviter la lassitude et la répétition ;
• insérer sur les contenants de nouvelles informations sur les calories, le grammage d’alcool pur contenu, les repères de consommation recommandés par les pouvoirs publics, le nombre de verres standards (unités) contenus dans une bouteille, les ingrédients, la qualité nutritionnelle, etc. du produit alcoolisé vendu ;
• utiliser des visuels et/ou des pictogrammes combinés aux textes pour augmenter l’impact des messages et toucher l’ensemble de la population.

Prévenir les usages à risque de l’alcool en renforçant les connaissances et les compétences des usagers

Un enjeu prioritaire pour la prévention est le renforcement des facteurs de protection dès le début du parcours de vie des individus. La littérature suggère de développer des interventions précoces visant le renforcement de facteurs génériques de protection telles que les compétences parentales (par exemple, interactions positives, communication, discipline efficace) et les compétences psychosociales des enfants et à travailler plus largement sur les environnements sociaux (notamment le milieu scolaire). Au-delà des effets positifs observés à long terme sur les consommations de substances psychoactives dont la consommation d’alcool, ces interventions participent à la réduction des inégalités sociales de santé et à la prévention d’une large gamme de comportements à risque.
Les compétences psychosociales sont des ressources cognitives (prise de décision, résolution de problème, pensée critique, etc.), émotionnelles (gestion du stress, des émotions, etc.), sociales (communication, affirmation de soi, capacité d’influence, de résistance, etc.) et fondamentales qui permettent de faire face aux exigences de la vie quotidienne, d’interagir de façon satisfaisante avec son environnement et d’exercer une influence positive pour soi-même et son entourage.

Renforcer les compétences pour prévenir l’entrée dans les consommations

Il est primordial de favoriser les facteurs permettant de prévenir l’entrée dans les consommations d’alcool problématiques (actions de soutien à la parentalité dès le plus jeune âge des enfants, soutien à la scolarité et à la réussite éducative des élèves, développement d’activités sociales, culturelles ou sportives positives, etc.).
Le groupe d’experts recommande donc, à partir de programmes validés ou adaptés de :
• aider la mise en place des interventions à destination des femmes enceintes présentant des facteurs de vulnérabilité (isolées, primipares, etc.) via des visites à domicile réalisées par des professionnels formés. L’objectif étant d’apporter un soutien psychologique et social et d’accompagner le développement d’un lien d’attachement sûr entre la mère et l’enfant ;
• encourager les interventions de développement des compétences parentales pour les parents exprimant un besoin d’accompagnement. L’objectif étant de renforcer leurs capacités et leur sentiment d’efficacité dans l’exercice de leurs fonctions parentales (soutien affectif et supervision) ;
• développer des interventions de développement des compétences psychosociales des élèves. Ces interventions doivent être accompagnées au début du collège par de l’information sur les risques de la consommation d’alcool à court terme et d’un travail sur la rectification des croyances normatives ;
• enfin, pour les professionnels de l’éducation mettre en place des formations pour développer leurs outils de gestion des groupes, de régulation des comportements et d’influences positives. L’objectif étant d’améliorer le bien-être au travail des professionnels, de valoriser les élèves, de favoriser les apprentissages et de leur permettre d’internaliser les règles de conduite en collectivité.

Les modalités de mise en place de cette prévention

Dans le domaine du développement des compétences psychosociales, les interventions évaluées comme efficaces sont structurées, ont une certaine intensité (un minimum de 6 à 8 séances par an), concernent les trois grandes catégories de compétences, utilisent des méthodes expérientielles (jeux de rôle) et sont conduites par des animateurs préalablement formés.
La diffusion de messages de prévention en utilisant les médias de masse associée à des interventions personnalisées utilisant des SMS a montré des résultats très positifs sur les opinions et les comportements. Si les médias de masse permettent de toucher un grand nombre de personnes, ils peuvent de surcroît être accompagnés d’actions personnalisées pour les personnes les plus concernées par les problématiques de consommation d’alcool et ayant donné leur accord pour recevoir des messages personnalisés. Le groupe d’experts recommande donc de :
• utiliser la communication digitale et la persuasion technologique (par exemple : plateformes d’informations, médias sociaux, textes et SMS, SMS combinés avec le web) afin de susciter de nouveaux comportements en termes de réduction de la consommation. La persuasion technologique est constituée de systèmes informatiques interactifs, de plateformes ou d’interfaces, conçus pour faire évoluer les opinions et les comportements des individus vis-à-vis de l’alcool ;
• mettre en place, développer, tester et évaluer la e-santé et les applications digitales (web, smartphone, SMS) dans la diffusion des informations relatives à l’alcool sur la base des théories du changement des comportements issues des sciences du comportement (par exemple : feedbacks, normes, etc.) (cf. les recommandations de recherche).
Les effets et les mécanismes d’influence pouvant être fortement différents selon les caractéristiques psychosociales et individuelles, il convient de bien connaître ces dernières pour mieux adapter les messages. Le groupe d’experts recommande donc de développer l’usage de messages modulés selon les publics visés, qu’il est possible de transmettre via les technologies de l’information et de la communication (TIC : web, mobile, objets connectés, etc.) ou des médias et/ou des supports permettant la segmentation.

Former les professionnels de premier recours aux méthodes d’intervention efficaces

L’objectif est donc de promouvoir une formation initiale et continue sur les consommations à risque d’alcool pour tous les professionnels impliqués dans les premiers recours des usagers. Cela est primordial afin d’améliorer le repérage de ces comportements.
La déclaration d’Alma-Ata a été établie à l’issue de la Conférence internationale organisée en 1978 par l’Organisation mondiale de la santé sur les soins de santé primaires. Dans l’article 6 de la déclaration : « Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels fondés sur des méthodes et des techniques pratiques, scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles à tous les individus et à toutes les familles de la communauté, etc. Ils sont le premier niveau de contacts des individus, de la famille et de la communauté avec le système national de santé, rapprochant le plus possible les soins de santé des lieux où les gens vivent et travaillent, et ils constituent le premier élément d’un processus ininterrompu de protection sanitaire ».
Le groupe d’experts recommande donc que les professionnels de premier recours, en particulier les médecins généralistes, les urgentistes, les pédiatres, les médecins du travail, les médecins et infirmiers scolaires, les pharmaciens, les services de médecine préventive dans les universités, puissent repérer les consommations à risque d’alcool. Dans ce sens, le groupe d’experts recommande a minima de former au repérage précoce et à l’intervention brève (RPIB) – qui comprend aussi l’orientation vers une structure/un acteur de soins adapté – les professionnels de santé impliqués dans les premiers recours des usagers.
Une vigilance toute particulière doit être portée aux futures mères, dès la période de la conception car la fréquence du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) et des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF) est préoccupante compte tenu de la gravité des atteintes pour l’enfant. La prévention primaire consiste à ne pas consommer de boissons alcoolisées pour les futures mères, dès qu’une grossesse est envisagée. Pour cela, le groupe d’experts recommande de :
• développer la formation de professionnels (sages-femmes, gynécologues, généralistes, etc.) sur comment informer et accompagner les femmes vers le « zéro alcool » pendant la grossesse et dès son projet ;
• favoriser la formation de professionnels en puériculture et pédiatrie pour repérer précocement les troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF). Cela exige une véritable volonté politique de la part des agences régionales de santé (ARS) et des équipes (réseaux, personnel hospitalier) pour maintenir un niveau de formation, de compétences et de vigilance sur le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) et les TCAF.

Encourager le dépistage de la consommation d’alcool
et la mise en place de l’intervention brève

Les patients qui ont une consommation d’alcool à risque sont insuffisamment identifiés par le système de santé et donc très peu pris en charge. La mise en œuvre à large échelle du dépistage et de l’intervention brève en médecine de premier recours figure parmi les mesures de santé publique les plus efficaces et les moins coûteuses pour réduire les dommages liés à l’alcool. En conséquence, le groupe d’experts recommande de :
• favoriser un repérage systématique des personnes présentant une consommation d’alcool à risque et proposer systématiquement une intervention brève à ces personnes ;
• encourager le dépistage de toute consommation chez les femmes enceintes.
La charge de travail induite par la mise en place du RPIB (repérage précoce – intervention brève) devrait être valorisée. Le groupe d’experts souhaite que les pouvoirs publics mettent en place une reconnaissance financière de cet acte technique (tarification d’un acte de « prévention »).
Le dépistage et les interventions brèves électroniques utilisant une tablette dans la collectivité (écoles, armée, etc.) ou par exemple dans les salles d’attente médicales constituent une opportunité de toucher une population plus importante et une alternative moins onéreuse qu’un entretien en face-à-face. Ceci peut également permettre de dépasser certaines barrières à l’implémentation fréquemment observées telles que les contraintes de temps pour le personnel soignant et de réduire les stigmas qui existent autour de la consommation d’alcool. Ce modèle intégratif, par étape, permettrait de combiner un dépistage et une intervention brève électroniques pour le plus grand nombre, dans les collectivités publiques, écoles, hôpitaux, salle d’attente, à des interventions en tête-à-tête pour les situations les plus préoccupantes ou lorsque l’usager le demande. Ainsi, une solution par étapes permettrait non seulement de réduire la consommation (et les dommages qui y sont associés) des consommateurs d’alcool à risque sans dépendance, mais aussi de repérer les personnes dépendantes à l’alcool et de les orienter vers un suivi spécialisé. En conséquence, le groupe d’experts recommande de mettre en place un modèle de dépistage et d’intervention brève en 3 étapes :
1) privilégier les interventions brèves électroniques (internet, applications mobiles) pour la population générale ;
2) proposer une intervention brève en médecine de premier recours aux personnes à risque le nécessitant ;
3) initier une discussion et orienter vers des services spécialisés en addictologie les personnes présentant des dépendances.
Si le dépistage est positif et qu’il s’agit d’une personne avec une consommation à risque, les professionnels de santé de premier recours doivent pouvoir orienter les patients. C’est pourquoi le groupe d’experts recommande pour la formation professionnelle de créer des modules spécifiques d’enseignement en addictologie (intégrés à la formation de base) dans les filières de santé et médico-sociales : étudiants en médecine, pharmacie, odontologie, soins infirmiers, kinésithérapie, ergothérapeutes, psychomotriciens, travailleurs sociaux, éducateurs, etc.
Par ailleurs, les professionnels de premier recours doivent connaître les différentes techniques de réduction des risques et des dommages (RDRD) (programme ALCOCHOIX, informations sur les équivalences du degré d’alcool et du volume des boissons, agenda des consommations, bases d’entretien motivationnel par exemple, etc.) liées à la consommation d’alcool afin d’être appliquées à l’ensemble de la population. Les outils existent mais ils sont peu connus et sous-utilisés. Le groupe d’experts recommande en s’appuyant sur une coordination des Équipes de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) et des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de :
• faciliter la rencontre entre des associations d’usagers et des professionnels en intégrant en formation continue un travail des médecins avec un groupe d’usagers ou d’ex-usagers ;
• mettre en place des interventions brèves par des professionnels de santé formés.
Il est nécessaire de former des personnels paramédicaux et non spécialistes de l’addictologie (notamment au sein des associations) aux nombreuses techniques de RDRD, accessibles aux non-médecins. Le groupe d’experts recommande de mettre des outils d’interventions brèves à disposition des personnes engagées dans des associations.

Améliorer l’efficacité de la prise en charge de la dépendance

La dépendance à l’alcool se caractérise par son évolution chronique, imposant une prise en charge au long cours visant à traiter les épisodes aigus et prévenir les rechutes. Sa prise en charge nécessite donc de renforcer la qualité de l’observance sur le long terme. C’est pourquoi le groupe d’experts recommande de :
• promouvoir une approche médicale de la dépendance à l’alcool à l’image de celle des autres maladies chroniques ;
• développer des stratégies de santé publique destinées à faciliter l’accès aux soins pour les personnes dépendantes à l’alcool, comprenant la coordination avec les soins primaires et l’accès aux soins destinés à prendre en charge les co-addictions et les troubles psychiatriques co-occurrents ;
• encourager le développement des approches multimodales dans la prise en charge de la dépendance à l’alcool ;
• encourager les approches visant un objectif thérapeutique initial basé sur une approche pragmatique en adéquation avec le stade motivationnel du patient, tout en considérant l’arrêt de l’usage comme l’objectif final à privilégier ;
• en amont de la mise en œuvre d’un sevrage thérapeutique de l’alcool, anticiper le projet de soins destiné à prévenir la rechute ;
• favoriser l’implémentation des stratégies thérapeutiques bénéficiant de données probantes d’efficacité telles que l’entretien motivationnel, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), la thérapie des contingences et la prévention de la rechute par la méditation de pleine conscience ;
• promouvoir le rôle de l’activité physique et des contacts sociaux positifs dans la prévention de la rechute. L’activité physique devrait faire partie de façon systématique des programmes de traitement pour les personnes dépendantes ;
• considérer la reprise d’un logement comme une urgence thérapeutique chez tous les patients sans domicile fixe présentant une dépendance à l’alcool sans que l’accès au logement ne soit assujetti à l’observance préalable aux soins addictologiques. En effet, il existe des liens réciproques entre la consommation d’alcool à risque et l’absence de domicile fixe.
La prise en charge intégrative des troubles co-occurrents est à privilégier, notamment s’agissant des co-addictions, des troubles psychiatriques, des troubles cognitifs, des troubles du sommeil et de la douleur chronique. À défaut, une coordination étroite entre les prises en charge complémentaires doit être assurée.
Les troubles cognitifs liés à l’alcool concerneraient au moins la moitié des patients présentant une consommation d’alcool à risque. Ces troubles peuvent altérer la motivation à changer de comportement ainsi que des difficultés d’apprentissage. En conséquence, ils peuvent diminuer l’efficacité des stratégies thérapeutiques utilisées en addictologie, notamment les entretiens motivationnels. Le groupe d’experts recommande donc d’encourager le repérage systématique des troubles cognitifs liés à l’alcool ainsi que leur prise en charge chez tous les patients présentant une dépendance à l’alcool.

Recommandations de recherche

Le financement de la recherche dans le domaine de l’alcool paraît insuffisant comparativement au coût sanitaire et social induit par la consommation d’alcool et au regard des besoins. Les recommandations de recherche nécessitent un financement public fort qui pourrait se traduire par l’attribution aux organismes de recherche d’une part fixe et non négligeable des taxes issues des boissons alcoolisées recouvrées par l’État. En complément de ce système de taxation, afin de financer la recherche sur l’alcool actuellement sous-dotée, le groupe d’experts recommande de rétablir ce qui était prévu initialement dans le cadre de la loi Évin (1991) : mettre en place un fonds gouvernemental abondé par les producteurs d’alcool pour financer la recherche et les actions de prévention en France (à l’instar de ce qui se fait sur le tabac) et ceci à la hauteur des dommages associés à la consommation d’alcool, le fardeau des morbidités (burden of disease) et le coût social.
Ce fonds permettrait la mise en place d’un plan national de recherche avec des axes de recherche ayant pour objectifs de :
• mieux connaître les usages, les facteurs de risque et les effets sanitaires et sociaux de la consommation d’alcool ;
• développer, évaluer et valider les outils de prévention et de dépistage ;
• développer, évaluer et valider les stratégies de prise en charge ;
• développer la recherche fondamentale, notamment sur les marqueurs indiquant l’exposition à l’alcool : cas particulier de l’épigénétique ;
• créer des consortia de recherche permettant d’être compétitifs au niveau mondial.

Mieux connaître les usages, les facteurs de risque
et les effets sanitaires et sociaux

Mieux recueillir et valoriser les données de consommations
et de pratiques

Les données concernant les consommations y compris les consommations à risque et les pratiques de consommation sont issues de sources multiples qui répondent à des objectifs différents. Le croisement et l’analyse de ces différentes données constituent un travail de recherche à part entière. On manque notamment de données fiables sur la proportion de personnes ayant en France une consommation à risque. Le groupe d’experts recommande donc de :
• mener des enquêtes régulières en population générale concernant les nouvelles modalités de consommation d’alcool chez les adolescents et les jeunes adultes (par exemple l’alcool mélangé à des sodas light) ;
• évaluer de manière fine et régulière les niveaux de consommation d’alcool et ses comorbidités au sein des populations âgées ;
• améliorer les données de surveillance épidémiologique des populations en matière de consommation d’alcool par les femmes pendant la grossesse et les futurs pères, dans les 3 mois qui précèdent le début de grossesse et après la naissance – en particulier pendant l’allaitement.

Améliorer la compréhension des trajectoires de consommations
et des pratiques

Une question clé est celle des trajectoires de consommations, c’est-à-dire du risque de développer une addiction à moyen ou long terme parmi les jeunes qui consomment de manière excessive. Malheureusement, peu d’études permettent de produire des estimations précises. C’est pourquoi, le groupe d’experts recommande de :
• soutenir sur le long terme le développement d’outils de surveillance solides à une échelle locale et nationale ;
• soutenir des recherches longitudinales permettant d’évaluer les trajectoires de consommation d’alcool dans le temps et les facteurs de risque et protecteurs individuels, familiaux et contextuels qui y sont associés.

Améliorer la compréhension des motivations et des représentations

Le rôle des motivations et des représentations sur les trajectoires de consommation est mal connu. Or, les conduites addictives sont aussi des pratiques sociales ; elles font sens pour les consommateurs, satisfont des besoins, et les représentations comme les attentes à l’égard d’une pratique sont en général socialement construites, en particulier au sein de la famille ou du groupe des pairs. Une meilleure compréhension des représentations et des motivations des consommations d’alcool permettrait une prévention plus adaptée et plus efficace.
Le groupe d’experts recommande de développer la recherche en sciences humaines et sociales sur la compréhension des usages dans le but de :
• mieux comprendre les motivations et le contexte (en particulier les facteurs psychologiques et sociaux individuels et collectifs) d’une consommation à risque d’alcool ;
• améliorer la connaissance des représentations sociales, des croyances, des attitudes, des stéréotypes liés à l’alcool selon les différentes populations et groupes concernés ;
• développer la recherche théorique et appliquée sur les processus et les techniques participant au changement de comportements dans le cadre de la consommation d’alcool.
L’objectif est de mieux connaître et comprendre les opinions et les conditions de changement de nos opinions, connaître et comprendre les liens entre ce que nous pensons et ce que nous faisons, les conditions du changement de comportement, la résistance au changement afin de mieux pouvoir la contourner.

Mieux évaluer l’impact du marketing et du lobbying des industriels
de l’alcool sur les attitudes, les représentations et les comportements

Des recherches sur l’impact du marketing et du lobbying des industriels sur les consommations d’alcool permettraient d’améliorer la portée des politiques de prévention mises en place pour changer les comportements dans un contexte culturel français.
Le groupe d’experts recommande de les développer :
• pour évaluer l’effet du marketing et de la publicité déployés par les producteurs d’alcool en France sur des cibles vulnérables en particulier sur les formes actuelles de marketing développé par ces industriels pour toucher les jeunes : internet, réseaux sociaux, marketing sur les points de vente, packaging et produits, sponsoring/mécénat d’événements, présence des marques et des produits alcoolisés dans les films, les séries et les clips musicaux, promotions sur les prix dans les magasins et sur internet ;
• pour analyser les stratégies et les arguments de lobbying développés par les producteurs d’alcool et leurs partenaires en France et comment ces stratégies influencent les politiques publiques.
L’une des stratégies de l’industrie de l’alcool est de se positionner comme un « acteur de prévention » auprès des pouvoirs publics afin de pouvoir diffuser ses propres messages de prévention, centrés essentiellement sur la responsabilité individuelle des consommateurs et le message de « modération » de la consommation d’alcool. Le groupe d’experts recommande donc d’étudier, documenter et expliciter ces stratégies de « responsabilité sociale des entreprises (RSE) » afin que leur contenu et leurs objectifs soient mieux connus et compris des pouvoirs publics, des acteurs de santé et des citoyens.
Pour s’assurer de l’efficacité des mesures de « contre-marketing » mises en place par les pouvoirs publics pour réduire la consommation d’alcool et changer les représentations positives des produits alcooliques, le groupe d’experts recommande de mettre en place des études sur :
• l’efficacité et l’impact, sur la population et sur des cibles spécifiques (jeunes, femmes, etc.) des avertissements sanitaires insérés sur les publicités et les contenants d’alcool ;
• l’intérêt d’insérer un logo informatif et/ou des messages de prévention spécifiques concernant la présence des marques et des produits alcoolisés dans les films, les séries et les clips musicaux ;
• l’efficacité des mesures protégeant les mineurs et les cibles vulnérables contre la publicité et le marketing des producteurs d’alcool.

Mieux connaître les dommages sanitaires et sociaux

Les travaux d’évaluation du coût social de l’alcool visent à informer sur l’ampleur du phénomène qu’ils considèrent mais aussi à souligner toutes les connaissances manquantes qui viennent altérer la qualité et l’amplitude de l’estimation.
Il existe un décalage entre les consommations rapportées et les ventes d’alcool amenant à un facteur de correction (de 2,4) et les chiffres de consommation sont anciens. Par conséquent, le groupe d’experts recommande de :
• améliorer la mesure de la consommation d’alcool notamment afin de mieux estimer la morbi/mortalité liée à l’alcool ;
• soutenir des recherches permettant un suivi longitudinal des données de l’assurance maladie pour quantifier l’évolution des hospitalisations liées à l’alcool et utiliser d’autres banques de données pour étudier le parcours de soins des patients (prise en charge et traitement).
Les incidences socio-sanitaires négatives des phénomènes d’ampleur s’apprécient de plus en plus souvent sous leur aspect économique. La critique la plus importante que l’on peut formuler à l’encontre des études de coût social de l’alcool concerne les omissions de comptabilisation de certains types de coûts. Le groupe d’experts recommande donc de :
• réévaluer les estimations de coûts directs et indirects de l’alcool pour la collectivité en tenant également compte de la peine et des souffrances des proches des individus décédés prématurément ;
• améliorer la connaissance de la réelle utilisation du système de santé imputable à la consommation d’alcool : au niveau des impacts de court terme (accidents, violence, etc.) et de ceux de long terme (pathologies attribuables).

Développer, évaluer et valider les outils de prévention
et de dépistage

Outils de prévention

Pour mieux prévenir la consommation d’alcool, il ne suffit pas de mener des recherches prenant la pratique elle-même pour objet, mais il faut également conduire des recherches sur les moyens de prévenir ces conduites. C’est pourquoi le groupe d’experts recommande de renforcer et rendre pérennes les financements publics de recherches sur les questions de santé liées à l’alcool et ses conséquences, ainsi que sur la recherche interventionnelle dans ce domaine.

Offre/demande

Les politiques de lutte contre l’offre et la demande d’alcool sont efficaces : il est ainsi possible de rendre le fardeau sanitaire et social incombant à la consommation d’alcool moins lourd pour la collectivité. Afin d’aller plus loin dans ce sens, le groupe d’experts recommande de :
• évaluer les impacts sur la santé de l’interdiction de vente aux mineurs, de la taxation des pré-mix ou encore de l’interdiction de vente d’alcool ;
• effectuer des mesures d’élasticité-prix de la demande d’alcool en France pour différentes populations en fonction de différents types de boissons mais aussi des mesures d’élasticités-prix croisées pour différents produits (tabac, médicaments, cannabis et autres substances psychoactives) ;
• étudier les stratégies d’évitement de l’augmentation des taxes et les éventuels effets de report mis en œuvre par le commerce d’alcool ;
• étudier le rapport bénéfice/risque des transferts régionaux de licence IV (autorisés en 2015) vers les zones considérées comme touristiques à court terme (via la mesure de l’utilisation des services d’urgence, la criminalité violente, la mobilisation des secours, etc.) comme à long terme (en termes de consommations d’alcool).

Information

Les recherches montrent que les campagnes de sensibilisation et d’information si elles sont nécessaires, ne sont pas suffisantes au changement de comportement. Afin de communiquer de manière plus efficace sur les risques avérés et passer à la construction de messages sanitaires efficaces débouchant sur des modifications comportementales, le groupe d’experts recommande de développer des recherches mobilisant différentes disciplines (sciences du comportement, psychologie, sociologie, neurosciences sociales, marketing social, etc.) pour identifier les stratégies et développer la prévention, et évaluer de manière systématique l’efficacité de ces stratégies de prévention (les pré-tester autant que possible à l’aide de groupes témoins).
Les travaux en psychologie et notamment certaines méta-analyses signalent un écart entre intention et comportement, surtout sur le moyen et le long terme. Ainsi, il est important d’effectuer des études contrôlées incluant des mesures comportementales. Le groupe d’experts recommande donc de :
• encourager la mise en place d’interventions utilisant des techniques de changement des comportements avec des mesures populationnelles :
- feedback normatif personnalisé sur sa consommation actuelle (ex. : affichage graphique, etc.) ;
- normes descriptives (correspond à ce que la majorité des gens font dans une situation donnée) associées aux normes injonctives (ce que les autres apprécient ou pas, elles renvoient à ce que les gens approuvent ou désapprouvent) ;
- implémentation d’intention (planification concrète de l’action) si possible accompagnée par un professionnel. Une implémentation d’intention est destinée à renforcer l’intention à l’origine du comportement, à renforcer le lien entre intention et comportement. Ce renforcement se fait notamment en posant trois questions : spécifier le moment, le lieu de sa réalisation, et la manière de le faire.
• assurer la participation du public visé à la conception et à la mise en œuvre des études peut également contribuer à la durabilité des résultats et à leur transfert dans des politiques et des pratiques de santé publique efficaces.

Recherche interventionnelle

Pour accompagner la mise en œuvre de programmes efficaces pour la prévention des consommations d’alcool, la recherche interventionnelle (dont les objectifs sont la conception, la mise en œuvre concrète et l’évaluation scientifique d’interventions en santé publique, parmi des populations données) doit être développée en France. De façon générale, trop peu d’études sont publiées qui renseignent l’efficacité des dispositifs de prévention déployés sur le territoire national.
Lorsque des évaluations sont mises en œuvre, les protocoles ne présentent pas toujours les conditions nécessaires pour conclure à l’efficacité des interventions évaluées ou renseigner les conditions d’efficacité de ces interventions.
C’est pourquoi, au-delà des aspects méthodologiques nécessaires à l’apport de la preuve (taille d’échantillon suffisante, disponibilité d’un groupe contrôle comparable au groupe intervention, mesures avant-après, application de plan d’analyses statistiques adapté au jeu de données), le groupe d’experts recommande d’introduire systématiquement dans les protocoles d’évaluation des interventions :
• des indicateurs d’impact (comportements de consommation ou dommages liés à ces comportements) pour renseigner le bénéfice de ces programmes en termes de santé publique ;
• des indicateurs intermédiaires, ceux sur lesquels les interventions cherchent à agir (par exemple : attitudes, motivations, etc.) afin de valider le modèle d’intervention (c’est bien en agissant sur les déterminants ciblés par l’intervention que l’on obtient in fine un impact sur les consommations) ;
• des indicateurs de mise en œuvre (fidélité, intensité, assiduité) afin de renseigner les conditions d’efficacité des programmes implantés.
Enfin, les interventions concernant la prévention de la consommation d’alcool chez les personnes âgées demeurent particulièrement hétérogènes (en contenu et en intensité) et mal décrites, le groupe d’experts recommande donc de développer la recherche sur les interventions de prévention de la consommation d’alcool chez les personnes âgées.
Concernant les interventions en milieu de travail, peu de données sont disponibles. L’analyse des interventions suggère cependant que les interventions les plus prometteuses agissent sur le climat de travail, la gestion du stress, les normes de consommations et limitent l’accès aux boissons alcoolisées au sein du milieu professionnel. Le groupe d’experts recommande donc de développer davantage de recherche pour identifier, expérimenter et évaluer des programmes de prévention des consommations d’alcool en milieu professionnel.
Par ailleurs, nous ne disposons pas en France de campagnes de prévention suffisamment longues (sur au moins un mois) pendant lesquelles la population recevrait des conseils personnalisés sur les dommages sanitaires associés à la consommation d’alcool. Par conséquent, le groupe d’experts recommande de :
• évaluer et renforcer les connaissances sur l’impact d’une campagne longue et répétée tous les ans du type Dry January (Le Défi de Janvier) dans le contexte français pour informer la population sur la morbi-mortalité liée à l’alcool ;
• développer dans ce cadre des outils de suivi de consommation pour les participants qui pourraient aussi recevoir des conseils personnalisés (les aidant à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés).

Dépistage et diagnostic

L’adaptation et l’évaluation des dispositifs de dépistage des problèmes de consommation d’alcool et d’addiction à l’alcool doivent pouvoir s’appuyer sur des recherches fondamentales portant sur les comportements et sur l’efficacité de différentes approches en relation avec les caractéristiques individuelles. Concernant les dispositifs de dépistage et de diagnostic, le groupe d’experts recommande de :
• pour les troubles liés à la consommation d’alcool durant la période périnatale :
- encourager le perfectionnement des méthodes d’analyse du méconium et du placenta à des fins de repérage des enfants exposés à l’alcool en fin de grossesse ;
- élaborer des stratégies de dépistage, tels que des entretiens approfondis avec les mères ou les futures mères sur la consommation d’alcool en cas d’indication clinique ou de biomarqueurs positifs ;
- réaliser une évaluation à large échelle de l’utilité de poser systématiquement des questions sur la consommation de boissons alcoolisées dès le début de la grossesse (ou à l’arrêt de la contraception). Cette évaluation devrait être réalisée en base populationnelle, locale, régionale ou nationale ;
- développer des programmes de rééducation/réadaptation spécifiques aux enfants atteints de SAF ou TCAF jusqu’à l’âge de consolidation des apprentissages. Travailler sur les contenus des programmes, leur mise en œuvre et l’évaluation de leur efficacité.
• pour le repérage précoce et intervention brève (RPIB) : mieux évaluer les composants actifs de cette intervention en particulier ceux intégrant la personnalité et la qualité de l’intervenant, mais aussi les questionnaires choisis, AUDIT et FACE, et définir les populations sur lesquelles cette intervention est le plus efficace ;
• pour les démarches de RDRD, qui doivent se développer avec une exigence d’évaluation et des critères d’efficacité :
- évaluer la relation entre la RDRD et le risque de suicide. Une intervention de réduction des consommations pourrait être associée à une baisse du risque suicidaire, mais les travaux établissant cette corrélation sont rares ;
- évaluer la relation entre la RDRD et les troubles cognitifs ;
- évaluer les interactions entre l’utilisation d’actions de RDRD pour une personne donnée, et le vécu de la collectivité et de l’entourage.

Développer, évaluer et valider les stratégies de prise
en charge

Les stratégies de prise en charge des consommateurs à risque et des personnes dépendantes sont nombreuses et certaines sont encore en développement. Il est important que ces différentes stratégies soient évaluées, tant en termes d’évolution de la consommation d’alcool que de retentissement sur la morbi-mortalité et la qualité de vie. De plus, le diagnostic précoce, l’amélioration de l’accès aux dispositifs de soins ainsi que la personnalisation des stratégies mises en œuvre constituent des enjeux majeurs.
Le groupe d’experts recommande donc de :
• développer de nouvelles stratégies de diagnostic précoce et d’interventions en les évaluant suivant leur efficacité, y compris sur le moyen et le long terme ;
• dans les études évaluant l’efficacité des stratégies non médicamenteuses, distinguer les stratégies utilisables pour les consommateurs à risque de celles adaptées aux personnes dépendantes. De plus, prioriser ces stratégies en fonction de leur efficacité, notamment en conduisant une actualisation des données anglo-saxonnes issue de NICE (National Institute for Health and Care Excellence) et MESA GRANDE5  ;
• définir des objectifs de recherche précis concernant l’efficacité des techniques de RDRD et portant notamment sur la réduction des consommations, l’amélioration de la qualité de vie et la durée des effets de ces techniques ;
• favoriser les recherches portant sur l’évolution de la morbi-mortalité des consommateurs à risque et des personnes dépendantes lors de l’utilisation de techniques de RDRD ;
• favoriser l’évaluation des dispositifs destinés à améliorer l’accès aux soins des patients dépendants à l’alcool ;
• standardiser les programmes d’activité physique pour améliorer l’analyse de leurs bénéfices chez les consommateurs à risque et les personnes dépendantes ;
• favoriser les recherches destinées à mieux comprendre les facteurs prédictifs de maintien de l’abstinence au décours d’un sevrage thérapeutique ;
• évaluer la technique de stimulation transcrânienne magnétique (rTMS) ou à courant continu direct (tDCS) en modélisant les techniques (positionnement des électrodes pour la tDCS, choix de la région cérébrale, fréquences des stimulus) sur des effectifs de patients dépendants suffisants permettant un suivi sur la durée. Mieux comprendre son mode d’action, direct ou indirect (action sur l’humeur) ;
• poursuivre l’évaluation de la prise en charge des personnes dépendantes par l’acupuncture en identifiant une technique et des points susceptibles d’être utilisés de façon standardisée.

Développer la recherche fondamentale, notamment
sur les marqueurs biologiques indiquant l’exposition
à l’alcool : le cas particulier de l’épigénétique

L’épigénétique est un domaine de recherche très récent dont les résultats ont mis en avant et évalué des mécanismes moléculaires déterminants pour notre compréhension de la façon dont les consommations d’alcool durant la grossesse endommageraient la formation du cerveau, son fonctionnement et son intégrité à l’âge adulte. Les recherches ont mis en évidence le dépôt de signatures épigénétiques aberrantes dans le cerveau qui pourraient constituer des biomarqueurs d’exposition, en combinaison avec d’autres biomarqueurs. De plus, la réversibilité des mécanismes épigénétiques nourrit l’espoir de pouvoir restaurer un paysage épigénétique non modifié chez les patients en rectifiant l’expression de gènes d’importance pour le neuro-développement ou les fonctions neuronales, grâce aux techniques très ciblées « d’édition » de l’épigénome.
Le groupe d’experts recommande donc de soutenir la recherche en épigénétique liée aux TCAF et plus généralement aux consommations à risque d’alcool à des fins d’identification de biomarqueurs robustes et de stratégies de remédiation médicamenteuses ou non.

Créer des consortia de recherche permettant
d’être compétitifs

Dans l’optique de la mise en place d’un plan national de recherche, il est important d’inscrire cet effort dans une démarche plus large de structuration de la recherche tendant à l’élaboration de principes et d’un savoir-faire collectifs.
C’est pourquoi le groupe d’experts recommande de :
• mettre en place au niveau national des projets d’envergure spécifiquement sur le thème de l’alcool et avec les technologies de pointe (données massives, cohortes, suivis longitudinaux translationnels, imagerie, phénomics et « omics » en général) ;
• créer des partenariats avec de grandes cohortes internationales dont le recrutement et la limitation des facteurs confondants sous-jacents seront maîtrisés (historique d’exposition à l’alcool, diagnostic, pronostic, stratégies de prise en charge).

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