Pesticides et effets sur la santé : Nouvelles données
2021
| ANALYSE |
2-
Exposition aux pesticides de la population française
).Mesurage biologique pour évaluer les expositions
aux pesticides
).
;
Appenzeller et Tsatsakis, 2012
). En effet, les processus qui conditionnent le
passage des contaminants organiques du sang vers la matrice pilaire et
l’efficacité de ce passage en fonction de leurs caractéristiques
physico-chimiques et structurales sont encore mal connus. Il est
également important de tenir compte de la structure et de la composition
des cheveux qui varient selon les origines ethno-géographiques des
populations (quantité de kératine, réseau vasculaire du follicule
pileux...), ainsi que de la dégradation possible des contaminants dans
la matrice pilaire (Kempson et Lombi,
2011
). Il en
résulte des interrogations sur la validité de ces mesures comme
indicatrices de la charge corporelle.
). Le méconium, premières selles du nouveau-né,
correspond à l’ensemble des sécrétions intestinales, des cellules
desquamées présentes dans le tube digestif et des substances provenant
du liquide amniotique ingéré pendant la vie fœtale. La production de
méconium s’initie vers le début du deuxième trimestre de grossesse et
s’accumule dans le côlon jusqu’à la naissance. Facile à obtenir, cette
matrice est confrontée aux mêmes difficultés que les cheveux, car on
ignore les processus pharmacocinétiques qui conditionnent l’accumulation
des pesticides ou de leurs métabolites dans le méconium.Données françaises de biomesurage de pesticides
) et
ont fait l’objet d’une revue systématique de la littérature récente
(Anses, 2016b
).
Elles ne seront pas abordées ici en détail. Les études analysées
visaient généralement à mesurer les contaminations cutanées et
respiratoires ou les concentrations urinaires pour certains pesticides
pour les mettre en lien avec des observations de terrain sur les
pratiques et le matériel. Ces enquêtes permettent de mieux comprendre
les déterminants professionnels de l’exposition aux pesticides et ainsi
de proposer des mesures de réduction de cette exposition à travers la
modification des pratiques, du matériel et des équipements. Alors qu’il
est logique que l’usage agricole d’un produit soit associé à une
exposition aux pesticides, d’autres tâches agricoles, hors manipulation
directe de pesticides, ont elles aussi été associées à des niveaux
d’exposition importants et parfois même plus élevés que ceux des
utilisateurs (Anses, 2016b
). C’est le cas par exemple de la ré-entrée dans
des parcelles traitées. La production de données dans ce domaine est
encore insuffisante et reste une nécessité.
).
L’étude comprenait un volet environnemental, dont l’objectif était de
décrire, pour la première fois, l’exposition de la population française
à certains pesticides par l’analyse de prélèvements sanguins et
urinaires. Les résultats montraient que les niveaux d’exposition aux
pesticides organochlorés sont comparables aux niveaux observés à
l’étranger, mais concernant d’autres pesticides plus contemporains, les
niveaux français sont notablement plus élevés que ceux observés aux
États-Unis ou en Allemagne : principalement les insecticides
pyréthrinoïdes (concentration urinaire médiane du métabolite 3-PBA :
0,63 µg/g créatinine) et dans une moindre mesure les pesticides
organophosphorés. Le volet périnatal de la stratégie nationale de
biosurveillance de la population française, s’appuyant sur la cohorte
nationale ELFE (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance) ayant
inclus en 2011 près de 18 000 femmes lors de l’accouchement sur toute la
France métropolitaine (Charles et coll.,
2020
), a
permis de contribuer à cette connaissance. Les études de la cohorte ELFE
ont confirmé la présence ubiquitaire des métabolites de pesticides
pyréthrinoïdes dans les urines de femmes françaises (concentration
médiane du métabolite 3-PBA : 0,36 µg/l ou 0,50 µg/g créatinine), ce qui
pourrait s’expliquer par leur usage domestique et leur usage accru en
substitution aux insecticides organophosphorés, sw5et ont montré
également une exposition peu fréquente ou absente aux pesticides
organophosphorés (cohérent avec la diminution des usages des
organophosphorés) et aux herbicides de la famille swdes triazines
(Dereumeaux et coll., 2016a
; Dereumeaux et coll.,
2016b
;
Dereumeaux et coll., 2018
). Enfin, l’étude ESTEBAN (étude de santé sur
l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la
nutrition)2
est une étude nationale mise en place en 2014-2016,
conduite sur un échantillon représentatif de la population générale
composée de 1 104 enfants et 2 503 adultes, et construite pour être
répétée tous les 7 ans environ, notamment pour mesurer l’exposition de
la population à certaines substances de l’environnement et suivre son
évolution à partir de divers prélèvements biologiques. Les premiers
résultats concerneront une liste de pesticides appartenant
principalement à des familles déjà étudiées et devraient être publiés au
cours de l’année 2021.
).
;
Glorennec et coll., 2017
). Cette étude a également montré la présence
chez environ 30 % des femmes enceintes de métabolites urinaires des
triazines, famille d’herbicides utilisés jusqu’au début des années 2000
mais qui sont rémanents en particulier dans les eaux (Chevrier et coll.,
2011
).
). Les
résultats ont permis d’observer des pesticides dans la majorité des
prélèvements des 58 nouveau-nés (groupe témoins). Les molécules les plus
présentes étaient les insecticides organophosphorés (métabolites
diéthylthiophosphates (DETP), chlorpyrifos, diazinon ; concentrations
médianes respectives : 82,4 ng/g, 6,6 ng/g et 1,6 ng/g), le propoxur
(concentration médiane : 12,1 ng/g) et l’isoproturon (concentration
médiane : 7,0 ng/g).
). Parmi
les 140 molécules recherchées, 122 (87 %) ont été détectées au moins une
fois dans les mèches de cheveux. Un minimum de 25 molécules a été
retrouvé dans chaque mèche de cheveux. Pour la moitié des femmes, plus
de 43 molécules pesticides ont été détectées dans les mèches de cheveux
(maximum : 65). L’ensemble des 18 familles chimiques étudiées est
retrouvé, objectivant la présence de mélanges complexes de pesticides.
Les molécules avec les concentrations médianes les plus élevées sont
d’origine à la fois agricole et non agricole. Par ordre décroissant, les
concentrations médianes observées sont égales à 37,9 ng/g de cheveu pour
la perméthrine, 10,0 ng/g pour le pentachlorophénol, 7,5 ng/g pour le
métabolite DEP (famille des pesticides organophosphorés), 3,5 ng/g pour
le métabolite Cl2CA (famille des pesticides pyréthrinoïdes),
2,7 ng/g pour le métabolite TCPγ (spécifique du chlorpyrifos, famille
des pesticides organophosphorés), 2,3 ng/g pour le métabolite fipronil
sulfone, 1,7 ng/g pour le métabolite 3-PBA (famille des pesticides
pyréthrinoïdes), 1,6 ng/g pour le lindane, et 1,1 ng/g pour la
cyperméthrine (famille des pesticides pyréthrinoïdes). Parmi les
20 molécules les plus fréquemment détectées, la moitié sont des
pesticides ou des métabolites de pesticides classés cancérogènes,
mutagènes ou toxiques pour la reproduction et 14 sont des perturbateurs
endocriniens, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la
Commission européenne. Enfin, les corrélations observées entre les
concentrations des pesticides ou des métabolites mesurées dans les
cheveux sont généralement modestes à faibles, en dehors des corrélations
observées entre la substance-mère et ses métabolites ou entre substances
d’une même famille chimique. Ces résultats suggèrent que la population
générale serait exposée à une grande diversité de mélanges de
pesticides, complexifiant l’étude des risques associés à ces
mélanges.Contamination environnementale par les pesticides
en France et sources possibles d’exposition de la population
générale
Bref aperçu de la contamination environnementale en France
).
Aux Antilles françaises, la présence du chlordécone dans le milieu
marin est régulièrement contrôlée et a poussé les autorités à
interdire certaines activités de pêche dans les zones les plus
contaminées.
). Le
nombre des pesticides recherchés chaque année par l’ensemble des
AASQA en France évolue entre 150 et 250 en fonction des usages
régionaux. Entre 40 et 90 substances actives (herbicides,
fongicides, insecticides) sont détectées annuellement dans les
prélèvements d’air, à des concentrations qui montrent une forte
variabilité spatiale et temporelle. Certains composés peu volatils
ou interdits sont également retrouvés. Les zones rurales et urbaines
sont concernées par une contamination de l’air par des pesticides,
suggérant une contribution possible des usages non agricoles ou bien
du transport à des distances importantes de molécules utilisées sur
les champs. La Campagne nationale exploratoire des pesticides (CNEP)
a été initiée en 2018 dans un partenariat entre l’Agence nationale
de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du
travail (Anses), l’Institut national de l’environnement industriel
et des risques (Ineris) et le réseau AASQA, promettant des résultats
harmonisés sur l’ensemble du territoire français (métropole et
outre-mer) pour 75 substances actives analysées sur 50 sites de
prélèvements. Ces substances entrent, selon le cas, dans la
composition de produits phytopharmaceutiques, de produits biocides,
de médicaments vétérinaires et antiparasitaires à usage humain. Les
résultats de cette campagne montrent que seulement 6 substances
n’ont jamais été détectées en métropole, contre 43 dans les DROM,
reflétant une moindre variété de substances utilisées. Les
prélèvements d’air réalisés en zones « urbaines », « périurbaines »
ou « rurales » rapportent des résultats similaires. Parmi l’ensemble
des substances recherchées, les molécules les plus détectées dans
les prélèvements d’air sont le chlorothalonil, le
chlorpyrifos-méthyl, le glyphosate, le lindane, le prosulfocarbe, le
S-métolachlore, le folpel, la pendiméthaline, et le triallate. Cette
campagne a permis dans un premier temps de prioriser la conduite
d’investigations plus approfondies sur le lindane (cancérogène et
reprotoxique avéré) car il est retrouvé dans près de 80 % des
échantillons d’air, et de nouvelles mesures plus systématiques dans
l’air pour une liste de 32 substances (dont 9 interdites) (Anses,
2020
). Il
n’existe pas actuellement de valeurs réglementaires concernant les
niveaux de pesticides présents dans l’air.
).
Plus récemment, à partir d’une zone atelier dans les Deux-Sèvres,
les échantillons de sol de prairies et de cultures de céréales
rapportent une présence fréquente (> 80 % des échantillons de sol)
de diflufénican, d’imidaclopride, de boscalide et d’époxiconazole,
qu’il s’agisse d’agriculture conventionnelle ou biologique, les
concentrations observées étant plus faibles dans le cas
d’agriculture biologique (Pelosi et coll.,
2021
).Contamination alimentaire en France
),
6 773 échantillons végétaux et animaux ont été analysés sur le
marché français : 6,4 % des échantillons étaient non conformes et
présentaient un dépassement de la LMR pour au moins un pesticide, et
près de la moitié (48,3 %) présentaient des résidus de pesticides
quantifiables. L’origine des échantillons était à 45,7 % française,
20,6 % étaient issus de l’EEE, 25,5 % de pays tiers et 8,2 %
d’origine inconnue. Au niveau européen, le taux de dépassement des
LMR s’élève à 4,5 % pour les légumes (7,7 % pour les légumineuses
fraîches ; 7,9 % pour les légumes feuilles-herbes fraîches), 4 %
pour les fruits et noix (4,6 % pour les agrumes ; 5,8 % pour les
fruits tropicaux et subtropicaux), 1,4 % pour les céréales, 8,1 %
pour les autres produits végétaux (11 % pour les épices ; 12,1 %
pour le houblon ; 16,2 % pour les thé-café-infusion-cacao), 1,9 %
pour les produits animaux (2,2 % pour le lait-produits laitiers et
12,6 % pour le foie) et 1,9 % pour les aliments pour nourrissons et
jeunes enfants. Sur les 84 657 échantillons analysés au niveau
européen, les pesticides les plus quantifiés (en nombre absolu
d’analyses égales ou supérieures à la limite de quantification) sont
le boscalide (6 815 dosages), le fludioxonil (4 255 dosages),
l’imazalil (4 061 dosages), le cyprodinil (3 721 dosages),
l’acétamipride (3 578 déterminations), l’azoxystrobine
(3 526 dosages) et le chlorpyrifos (3 371 dosages). Le rapport de
l’Efsa a conclu que, d’un point de vue d’une exposition aiguë aux
pesticides, la probabilité d’être exposé à des résidus de pesticides
dépassant des concentrations susceptibles d’entraîner des effets
négatifs sur la santé est faible. De même, l’Efsa a conclu que,
selon les connaissances scientifiques actuelles, l’exposition
alimentaire à long terme aux pesticides couverts était peu
susceptible de présenter un risque pour la santé des consommateurs.
Il faut cependant noter que ces études scientifiques sont peu
nombreuses et particulièrement complexes à réaliser.
)
présente en 2011 des résultats concernant les résidus de
283 pesticides recherchés. « Parmi les 1235 échantillons composites
alimentaires analysés (194 items distincts), 37 % présentent au
moins un résidu détecté et 30 % au moins un résidu
quantifié5
. Parmi les 463 échantillons présentant des
détections (100 items alimentaires distincts), 50 % contiennent une
seule substance, 41 % de 2 à 5 substances, 8 % de 6 à 10 substances
et 1 % plus de 10 substances. Au maximum, 16 substances ont été
détectées dans un même échantillon composite. Considérant l’ensemble
des substances, 73 (26 %) ont été détectées, dont 55 (19 %)
quantifiées à des teneurs variant de 0,003 mg/kg (chlorpyrifos-éthyl
dans un échantillon composite de merguez) à 8,7 mg/kg (soufre dans
un échantillon composite de salades) ». Rappelons que les limites de
détection et de quantification sont définies par les méthodes
chimiques analytiques mises en œuvre, et sont très supérieures aux
LMR, élaborées pour la protection de la santé humaine. D’après
l’analyse des risques pour la population, seul le diméthoate
présente une probabilité non nulle de dépassement de la dose
journalière admissible avec un risque chronique pour les grands
consommateurs de cerises qui ne peut être écarté. Le diméthoate sera
par la suite interdit en 2016 en France, en 2019 en Europe et la LMR
portée au minimum en 20206
.
) présente également en 2016 des mesures de
résidus de pesticides dans l’alimentation, avec un focus sur les
aliments destinés à l’alimentation des enfants de moins de trois
ans : il s’agit d’aliments courants ou alors de préparations
spéciales infantiles avec un plus grand nombre de pesticides et de
métabolites recherché (n = 469) et une amélioration importante des
limites analytiques. « Parmi les 309 échantillons composites
analysés, 208 (67 %) présentent au moins un résidu détecté. [...]
Parmi les échantillons présentant des détections, 17 % contiennent
une seule substance active, 61 % de 2 à 5 substances et 22 % plus de
5 substances. Au maximum, 20 substances ont été détectées dans un
même échantillon composite. Parmi les 469 substances et métabolites
recherchés, 78 (17 %) ont été détectés, dont 37 (8 %) quantifiés. »
L’analyse des risques pour la population suite à ces nouvelles
données n’identifie aucun pesticide en particulier.
). Depuis 2010 les chiffres ne montrent pas
d’amélioration, bien que les comparaisons doivent être faites avec
précaution en raison de la variabilité des conditions de mise en
œuvre. Il n’existe pas de liste de pesticides définie au niveau
national à rechercher dans le cadre du contrôle sanitaire, et le
choix des molécules recherchées relève donc de la responsabilité des
Agences régionales de santé qui priorisent les substances les plus
susceptibles d’être présentes en raison des spécificités locales et
notamment des usages agricoles connus. L’amélioration récente des
techniques d’analyse en laboratoire permet de rechercher de plus en
plus de molécules (entre 100 et 200 molécules dans chaque
échantillon d’eau, voire jusqu’à plus de 400 molécules). Pour
l’année 2018, la grande majorité des cas de dépassement des limites
de qualité de l’eau était causée par cinq molécules herbicides dont
l’atrazine et ses métabolites, dont les usages sont interdits au
niveau européen depuis 2003 mais qui, rémanents, persistent dans les
eaux.Contamination des environnements intérieurs français
Contaminations par l’air
). Cinq substances ont été systématiquement mesurées, il
s’agissait du chlorpyrifos, de l’α-endosulfan, du fenthion, du
lindane et du propoxur. Sur une période similaire, entre 2003 et
2005, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a
réalisé sa première campagne « logements » et a confirmé la
présence d’insecticides organochlorés tels que le DDT, son
métabolite DDE, et le lindane, dans plus de la moitié des
logements (phase particulaire de l’air, avec utilisation de
filtres PM10). Les deux insecticides organophosphorés
(chlorpyrifos, diazinon) étaient peu détectés, alors que la
perméthrine était très détectée (76 %) et la molécule-pesticide
avec la plus forte concentration parmi les
17 molécules-pesticides recherchées (Mandin et coll.,
2016
).Contamination par les poussières
; Mandin,
2015
). Enfin, plus récemment, l’OQAI fait état d’un profil
similaire de contamination par les pesticides dans les écoles du
territoire français entre 2013 et 2017 : avec dans l’air, le
lindane et son isomère (α-HCH), l’α-endosulfan, le diazinon, la
dieldrine, et le chlorpyrifos, et dans les poussières la
perméthrine, le lindane et son isomère, le DDT et son métabolite
DDE, et la dieldrine (Wei et coll.,
2021
). Enfin plus récemment, une équipe de recherche a conduit une
campagne de prélèvements de poussières en 2012 dans 239 foyers
de la région Auvergne-Rhône-Alpes et a permis de détecter au
moins une fois 125 pesticides distincts, parmi les 276
recherchés (Béranger et coll.,
2019
).Contaminations liées aux usages domestiques de produits pesticides
). L’enquête repose sur un échantillonnage stratifié parmi les
ménages de France métropolitaine (n = 1 507) interrogés en 2014
pour renseigner les caractéristiques de l’habitat et les
utilisations de pesticides au cours des 12 derniers mois. Un
inventaire des produits pesticides présents au domicile a permis
également de fournir des informations précises sur les produits
et les substances actives présentes dans les foyers français.
Dans les 12 derniers mois, 75 % des ménages interrogés
rapportent des usages domestiques de produits pesticides, pour
majorité des traitements à l’intérieur des logements. Les
utilisations sont différentes selon les régions et les
caractéristiques des logements, et certaines caractéristiques
individuelles des ménages. Le rapport conclut que les ménages
qui utilisent le plus fréquemment des produits pesticides sont
aussi souvent ceux qui en utilisent un nombre plus important,
notamment en traitement des jardins. L’étude montre que
10 familles chimiques différentes sont retrouvées dans les
produits stockés dans les foyers français. Les substances
actives les plus présentes et utilisées par la population sont :
trois insecticides pyréthrinoïdes (cyperméthrine, perméthrine,
et tétraméthrine), un herbicide (glyphosate) et un endectocide
ou insecticide (fipronil). Enfin, l’étude met en évidence que
plus d’un quart des ménages stocke au moins un produit interdit
au moment de l’enquête, soulignant un manquement d’information
concernant l’évolution rapide des réglementations de ces
produits domestiques. L’étude Pesti’home a également été mise en
place dans des DROM (Guadeloupe, Martinique, La Réunion) ; la
publication des résultats est prévue en 2021.
; Béranger et coll.,
2019
). Ces résultats sont également observés par les études
nord-américaines (Deziel et coll.,
2017
). D’autres travaux français montrent également que les
concentrations de métabolites urinaires d’insecticides
pyréthrinoïdes sont corrélées aux usages domestiques déclarés de
produits pesticides (Dereumeaux et coll.,
2018
), suggérant une contribution de ces usages domestiques à
l’exposition des populations.Contaminations liées à la proximité des lieux de vie aux zones agricoles
Études utilisant des mesures dans les
compartiments biologiques
et
environnementaux
). Ces études ont permis de détecter la présence de produits
correspondant à des pesticides agricoles dans les poussières
domestiques ou les urines de ces habitants ; elles ne permettent
cependant pas de conclure que l’activité agricole voisine
contribue fortement à cette exposition (Chevrier et coll.,
2014
; Glorennec et coll., 2017
; Béranger et coll.,
2019
). Ces études n’ont toutefois pas été conduites spécifiquement
pour cette question limitant la capacité méthodologique déployée
pour étudier la dérive des pesticides pendant/après application,
et ainsi la portée de ces résultats. Ces études s’appuient en
effet sur une approche spatiale précise, mais sans toutefois
bénéficier d’une précision temporelle pourtant nécessaire à ce
type d’étude. De la même façon, la CNEP (décrite ci-dessus),
réalisée à l’échelle nationale en 2018-2019, a permis de fournir
des mesures de pesticides dans l’air ambiant couvrant des zones
urbaines, péri-urbaines et rurales sur 12 mois (Anses,
2020
;
Ineris et coll., 2020
), et n’observe pas de différence
significative de fréquences de quantification et de
concentrations moyennes annuelles entre ces différentes
zones.
). Une revue de la littérature sur
l’exposition aux pesticides des femmes en zones agricoles,
recense en particulier 16 études qui s’intéressent au rôle de la
dérive des pesticides dans la contamination des habitations, par
la mesure de concentrations de pesticides dans les poussières
domestiques, en fonction de la proximité aux parcelles
agricoles. La moitié des études n’ont pas observé de corrélation
entre la distance aux cultures et les concentrations en
pesticides dans les poussières des habitations.
), les auteurs de la revue ont extrait 52 mesures de
pesticides (moyennes géométriques des mesures faites dans chaque
étude pour chaque type de pesticides), associées à des distances
allant de 10 à 3 690 pieds (soit 3 à 1 100 m environ), avec un
écart interquartile allant de 75 à 820 pieds (23 à 250 m). Ces
données ont permis de mettre en évidence une association
négative non linéaire entre les concentrations de pesticides
dans les poussières des habitations et la distance aux cultures,
qui correspondait à une diminution de 64 % de la concentration
de pesticides dans les habitations situées à 250 m des cultures
par rapport aux concentrations dans les habitations situées à
moins de 23 m. Cette diminution était estimée à 78 % pour les
concentrations en herbicides et fongicides, 51 % pour les
concentrations en insecticides. Par ailleurs, les concentrations
en pesticides étaient estimées à des niveaux 2,3 fois plus
élevés dans les habitations des agriculteurs utilisant des
pesticides de manière importante par rapport aux niveaux mesurés
dans les habitations des autres agriculteurs, et 1,3 fois plus
élevés dans les habitations avec une utilisation domestique de
pesticides par rapport aux autres habitations. Ces résultats
donnent des informations quantitatives sur les associations
entre les différents indicateurs d’exposition aux pesticides et
la concentration mesurée dans les poussières des habitations.
Cependant, ces résultats doivent être considérés avec prudence
pour plusieurs raisons, outre l’absence de prise en compte de
l’échelle temporelle : i) le biais de publication est
probablement important puisque plusieurs études ayant des
résultats non statistiquement significatifs n’ont pu être
incluses par manque d’information sur les concentrations de
pesticides mesurées ou sur les indicateurs de distances et
d’utilisation professionnelle ou domestique de pesticides ;
ii) la difficulté de prendre en compte simultanément
les différentes voies d’exposition ; iii) les
associations sont parfois estimées à partir d’un petit nombre de
mesures de pesticides ; iv) les études incluses ont été
réalisées principalement dans quelques États du Nord-Ouest des
États-Unis, les résultats ne sont donc peut-être pas
généralisables à d’autres régions/pays.
). Quatre substances pouvant être détectées dans les urines à
l’aide de biomarqueurs et qui ont pu être appliquées sur les
parcelles sélectionnées ont été retenues dans l’étude : captane,
cyperméthrine, chlorméquat et chlorpyrifos. Les prélèvements des
urines ont été réalisés jusqu’à 48 h après une application de
pesticides sur les parcelles et à d’autres moments pendant et en
dehors de la période habituelle d’application (de mars à août).
Au total, 156 habitations et 140 participants (non exposés
professionnellement aux pesticides) ont été inclus, et
1 518 échantillons d’urines analysés. Pour deux des quatre
pesticides d’intérêt, le captane et la cyperméthrine, plus de
80 % des concentrations urinaires étaient inférieures à la
limite de détection, quel que soit le moment du prélèvement. Les
concentrations urinaires en chlorméquat 48 h après une
application étaient comparables à celles mesurées plus tard dans
la période d’application de pesticides et un peu plus élevées
que celles mesurées en dehors de cette période. Les
concentrations en chlorpyrifos mesurées moins de 48 h après une
application étaient quant à elles un peu plus faibles que les
concentrations mesurées plus tardivement (pendant ou en dehors
des périodes d’application). Il n’y avait pas de différences
statistiquement significatives entre les concentrations
urinaires en pesticides des hommes et des femmes et entre celles
des enfants et des adultes. Dans l’ensemble, pour les pesticides
étudiés, cette étude ne montre donc pas d’augmentation des
concentrations urinaires chez les riverains de cultures dans les
deux jours qui suivent le traitement des parcelles. Par
ailleurs, les différences observées selon les périodes de
prélèvements ne semblaient pas être expliquées par des facteurs
tels que l’âge, le sexe, le statut tabagique, la consommation
d’aliments issus de l’agriculture biologique, l’utilisation
domestique de pesticides, ou le temps passé à l’intérieur et à
l’extérieur de l’habitation 48 h avant l’application de
pesticides sur les parcelles agricoles.
). La population « contrôle » était constituée de
28 participants résidant dans 16 habitations situées à plus de
500 m des parcelles agricoles et dans des zones non urbaines.
Des prélèvements d’air ont été testés pour 48 pesticides
d’intérêt appliqués sur les parcelles voisines, et
l’imprégnation des participants a été évaluée par l’analyse des
prélèvements d’urine pour 5 substances actives (asulame,
métabolites de chlorprophame, prochloraze, tébuconazole et
carbendazime). Les mesures ont été faites au moment des
applications de pesticides (pendant 7 jours, en commençant le
jour de l’application) et en dehors de ces périodes. La plupart
des pesticides ont été retrouvés avec des concentrations plus
importantes à moins de 250 m des champs de bulbes qu’à plus de
500 m, surtout à l’extérieur des habitations mais également à
l’intérieur, et de façon plus marquée pendant les périodes
d’application. Les niveaux de concentrations dans l’air étaient
globalement plus importants dans les habitations des
cultivateurs que dans celles d’autres riverains de champs de
bulbes, les habitations des cultivateurs étant généralement plus
proches des champs. Enfin, deux pesticides (chlorprophame et
tébuconazole) ont été retrouvés chez plus de la moitié des
participants (riverains des champs ou résidents des zones
témoins), sans qu’il y ait de lien linéaire entre la distance
aux champs et les concentrations urinaires.Études utilisant des indicateurs indirects de
l’exposition aux pesticides
pour caractériser le danger pour
les populations riveraines
), la maladie de Parkinson (Kab et coll.,
2017
)
ou les leucémies aiguës de l’enfant (Coste et coll.,
2020
).
)
sur le risque de tumeurs cérébrales chez l’adulte dans
4 départements français (Gironde, Calvados, Manche et Hérault),
dont les résultats sont détaillés dans le chapitre « Tumeurs du
système nerveux central » de la présente expertise collective.
Les données satellitaires de la base Corine Land Cover et
les données communales du recensement général agricole ont été
utilisées afin de définir plusieurs indicateurs de présence de
cultures à proximité des lieux de résidence des participants,
les adresses ayant été recueillies par questionnaire et
géolocalisées : i) la distance à la culture la plus
proche, ii) le pourcentage de surface en culture dans des
zones tampons de 500 m de rayon, centrées sur les adresses de
résidence, iii) la somme des surfaces en cultures dans
les communes de résidence à partir des historiques
résidentiels.
). L’apport de cette variable et l’impact de sa prise en
compte sur les résultats ne sont toutefois pas discutés. En
France, dans le cadre du projet POPEYE (Exposition aux
pesticides dans la cohorte mères-enfants ELFE et issues de
grossesse), une équipe de recherche Irset-Inserm s’intéresse à
l’exposition aux pesticides agricoles des femmes enceintes
incluses dans la cohorte nationale ELFE, en considérant en
particulier la proximité aux zones agricoles comme source
d’exposition (projet en cours).
). Des travaux méthodologiques similaires sont en cours de
développement dans plusieurs équipes de recherche
françaises.Précaution et limites de ces études
) et que, de manière générale, le
géocodage est plus précis en zone urbaine qu’en zone rurale.
Pour construire un indicateur d’exposition cumulée aux
pesticides, ou évaluer une exposition ancienne, il est important
également de disposer de l’historique complet des lieux de
résidence des participants, ce qui peut être très compliqué pour
les maladies avec une longue période de latence. Ces aspects ne
sont pas toujours pris en compte dans les études et sont peu
abordés dans les articles. De même, la précision de l’indicateur
d’exposition (présence de culture ou quantité de pesticides
utilisée) mérite d’être discutée (Chang et coll.,
2014
). En effet, dans les études de type géographique, les
informations sur l’exposition proviennent souvent de bases de
données qui ont été mises en place afin de répondre à des
objectifs différents et parfois à des échelles géographiques
différentes de celles considérées dans les études (par exemple,
caractérisation du territoire à l’échelle européenne pour
Corine Land Cover, déclaration des surfaces en
cultures afin d’obtenir une aide financière dans le cadre de la
politique agricole commune pour le registre parcellaire
graphique). Ces bases de données sont souvent incomplètes et/ou
peu précises. Elles sont réalisées avec des pas de temps parfois
longs (10 ans pour les recensements agricoles en France), et ne
remontent pour certaines qu’à quelques années (2007 pour le
registre parcellaire graphique) ne permettant pas des analyses à
la parcelle pour les expositions anciennes.
). Des données satellitaires historiques avaient également été
utilisées par cette équipe pour l’étude TESTIS sur les tumeurs
germinales du testicule (Béranger et coll.,
2014
).Conclusion
Addenda : Principales sources de données disponibles
en France
),
permettent d’associer à différents types de cultures des informations
sur les pesticides utilisés, en tenant compte de l’évolution temporelle
des pratiques sur plusieurs dizaines d’années et des différences
régionales. Comme cela été fait dans une étude récente en Caroline du
Nord (Rappazzo et coll., 2019
), ces matrices pourront être utilisées
également pour estimer les quantités de pesticides appliquées à
proximité des habitations.Références
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