Pesticides et effets sur la santé
II. Pathologies cancéreuses
2021
12-
Cancer de la prostate
La prostate est une glande de l’appareil uro-génital masculin dont la
sécrétion, qui représente 20 à 40 % du volume de l’éjaculat, contient
des protéases qui servent à la liquéfaction de l’éjaculat et de la
spermine qui stimule la motilité et la poursuite de la maturation des
spermatozoïdes. Située sous la vessie elle entoure l’urètre et les
canaux éjaculateurs. Cette glande est sujette, comme de nombreux autres
organes, à une transformation tumorale qui se révèle être, dans plus de
90 % des cas, un adénocarcinome résultant de la multiplication de
cellules cancéreuses dérivées de l’épithélium glandulaire (Mitchell et
coll., 2015
;
Packer et coll., 2016
).
Cancer de la prostate : de l’épidémiologie à la
biologie
Incidence et mortalité
Le cancer de la prostate est encore de nos jours la pathologie
tumorale non-cutanée la plus fréquente dans les pays développés
chez l’homme. Son taux d’incidence
1
Le taux d’incidence correspond au nombre de
nouveaux cas d’une pathologie pendant une période donnée
et pour une population déterminée pendant cette même
période – population cible. L’incidence s’exprime
habituellement en nombre de cas rapporté pour
100 000 personnes et par année. Afin de permettre des
comparaisons entre des populations de structure d’âge
différentes, ce taux est standardisé sur l’âge d’une
population de référence, habituellement la population
mondiale.
a augmenté de manière régulière au cours des
décennies précédentes dans l’ensemble de ces pays. Une telle
progression s’expliquerait, en grande partie, par le
développement du diagnostic précoce individuel basé sur le
dosage du PSA (
Prostate-Specific Antigen). Depuis
quelques années, dans certains pays et régions où l’incidence
avait le plus augmenté, on assiste à une moindre progression,
voire à une stabilisation ou à une diminution de l’incidence
(- 3,5 % par an entre 2010 et 2015 en France) (Defossez et
coll., 2019
). Cela pourrait correspondre à la
conjonction de deux phénomènes : la plus grande partie des
cancers avancés ont déjà été diagnostiqués après plusieurs
années de dépistage, et des stratégies plus attentistes de la
part des soignants et de la population vis-à-vis du dépistage
avec la prise de conscience d’un risque de « sur-diagnostic »
(Schröder et coll., 2014
). En France, avec un taux
d’incidence de 81,5 pour 100 000 personnes-années soit environ
50 000 nouveaux cas par an en 2015, le cancer de la prostate est
le plus fréquent, à la fois chez l’homme et dans l’ensemble de
la population (Defossez et coll.,
2019
). Il est très rare avant 50 ans et son incidence augmente
progressivement avec l’âge.
Concernant la mortalité
2
La mortalité s’exprime habituellement en
nombre de décès pour 100 000 personnes-année. Afin de
permettre des comparaisons entre les populations, ce
taux est standardisé sur l’âge d’une population de
référence, habituellement la population
mondiale.
, on observe, dans la plupart des pays
développés, une diminution assez régulière, ce qui pourrait être
expliqué par les avancées significatives sur le plan
thérapeutique mais aussi, selon certains auteurs, par le
dépistage individuel. En France, le taux de mortalité est de 7,9
pour 100 000 personnes-années, soit environ 8 000 décès par an
(Jéhannin-Ligier et coll., 2017
; Defossez et coll.,
2019
).
Si, dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, le taux
d’incidence du cancer de la prostate est aujourd’hui inférieur à
celui observé dans les pays à forts revenus, une augmentation
est attendue dans les décennies à venir à cause des
modifications démographiques (croissance de la population et
allongement de l’espérance de vie) mais aussi de l’amélioration
de l’accès au diagnostic dans ces pays (Adeloye et coll.,
2016
).
Étiologie et facteurs de
risque
L’étiologie du cancer de la prostate est en grande partie
inconnue. Néanmoins, un certain nombre de facteurs de risque
sont bien identifiés. Il s’agit de l’âge – l’incidence
augmentant de manière notoire entre la 5e et
6e décade de vie –, de la présence d’antécédents
familiaux de cancer de la prostate et des origines
ethno-géographiques.
Les formes familiales
3
Les formes familiales de cancer de la
prostate sont habituellement définies par l’existence
d’au moins 2 cas chez des apparentés du premier
degré.
sont observées dans environ 20 % des cas, et
une transmission héréditaire compatible avec une transmission
mendélienne est retrouvée dans 5 % des cas. Dans certaines
formes familiales, l’association d’un cancer de la prostate avec
un autre type de cancer suggère l’existence de gènes de
prédisposition communs. Les autres formes familiales et
sporadiques impliqueraient un mode d’hérédité polygénique ou
multifactoriel (Cussenot et Cancel-Tassin,
2004
).
Le taux d’incidence du cancer de la prostate est très variable en
fonction des origines ethno-géographiques des populations
(Center et coll., 2012
). Il est particulièrement élevé chez
les hommes ayant des ascendants africains subsahariens (quels
que soient les lieux de naissance), et particulièrement faibles
chez les populations asiatiques. Ainsi, aux États-Unis, le taux
d’incidence du cancer de la prostate dans la population
afro-américaine est 1,6 fois plus élevée que dans les autres
populations (respectivement 178,3 et 105,7 pour
100 000 personnes-années dans la population afro-américaine et
caucasienne (Noone et coll.,
2018
). Chez les Caucasiens, le taux d’incidence est intermédiaire
avec néanmoins des variations selon les pays. Ainsi, dans les
pays du Nord de l’Europe, les taux d’incidence sont plus élevés
que dans les pays du Sud de l’Europe. Les populations d’origine
latine du continent américain présentent des taux d’incidence
similaires à ceux observés dans les pays dits latins en Europe.
Si de telles variations peuvent être expliquées en partie par
des différences dans l’accès aux soins, les pratiques médicales
et les politiques publiques en matière de dépistage, il est
maintenant admis que des facteurs génétiques jouent un rôle
déterminant. Ainsi, certains polymorphismes génétiques ont été
associés à un risque individuel accru de cancer de la prostate
et puisque leur fréquence varie selon les origines
ethno-géographiques des populations ils pourraient contribuer à
expliquer les importantes variations d’incidence (Chokkalingam
et coll., 2007
; Rebbeck,
2018
). Certains polymorphismes sont spécifiques des populations
d’ascendance africaine confirmant le rôle de la variation de la
lignée germinale spécifiquement liée à l’ascendance, dans la
contribution aux différences de population dans le risque de
cancer de la prostate (Conti et coll.,
2017
).
Le développement de la glande prostatique est particulièrement
influencé par les hormones stéroïdiennes dites sexuelles. Le
cancer de la prostate est lui-même une pathologie tumorale
hormono-dépendante. La maladie survient à partir de la
5
e décennie de la vie avec une augmentation
progressive au cours de la 6
e et
7
e décennie pour ensuite s’infléchir. Les
5
e et 6
e décennies coïncident avec ce
qu’on appelle le climatère masculin, c’est-à-dire un déclin des
concentrations circulantes de certains androgènes et une
augmentation de certains œstrogènes modifiant ainsi le ratio
œstradiol/testostérone. De nombreuses autres observations
expérimentales soutiennent le rôle hautement vraisemblable des
hormones sexuelles dans la survenue du cancer de la prostate.
Cependant, on ignore avec précision les processus hormonaux
sous-jacents, ainsi que le rôle des différentes hormones
stéroïdiennes. Si les androgènes ont toujours été considérés
comme des déterminants des fonctions et des pathologies
tumorales prostatiques, depuis plusieurs années, le rôle des
œstrogènes est également mis en avant (Bonkhoff et Berges,
2009
; Bonkhoff, 2018
).
Il existe à ce jour peu de facteurs de risque modifiables
clairement établis de survenue du cancer de la prostate et donc
accessibles à la prévention. Parmi les facteurs nutritionnels,
il est admis, comme cela est observé pour de nombreux autres
cancers, que l’alimentation dite occidentalisée (
Western
diet), riche en graisses saturées et pauvre en fruits et
légumes serait associée à une augmentation du risque de cancer
de la prostate par rapport à celle de type méditerranéen
(Capurso et Vendemiale, 2017
). Le rôle de divers facteurs
nutritionnels, associés négativement (lycopènes, vitamine D,
vitamine E, sélénium) ou positivement (calcium alimentaire) au
risque de survenue de cancer de la prostate est encore très
controversé (Pernar et coll.,
2018
). L’exposition à des xénobiotiques environnementaux, dont les
pesticides, a été également évoquée. Une attention a été portée
sur les xénobiotiques possédant des propriétés hormonales
(perturbateurs endocriniens) et divers travaux expérimentaux
soutiennent l’hypothèse d’une influence délétère en favorisant
le développement tumoral au sein du tissu prostatique (Prins,
2008
; Diamanti-Kandarakis et coll.,
2009
).
Histoire naturelle, agressivité et hétérogénéité
du cancer de la prostate
La présence de foyers tumoraux microscopiques au sein de la
prostate adulte est extrêmement fréquente, atteignant la
majorité des individus à un âge avancé. Cependant, la
progression de ces lésions au sein de la prostate et leur
extension au-delà de la capsule prostatique ne se produit que
chez un nombre plus limité d’individus. L’adénocarcinome de la
prostate correspond à la transformation maligne et à la
progression des cellules acineuses de la prostate (c’est-à-dire
à une plus grande agressivité conduisant potentiellement à une
extension extra-prostatique). Bien que ce phénomène soit encore
très débattu, certaines lésions avec conservation de l’intégrité
de la membrane basale, notamment l’atrophie inflammatoire
proliférative (
proliferative inflammatory atrophy, PIA),
la petite prolifération acinaire atypique (
atypical small
acinar proliferation, ASAP) et la néoplasie prostatique
intraépithéliale (
prostatic intraepithelial neoplasia,
PIN) seraient des lésions initiales ou précurseurs (Srirangam et
coll., 2017
) (figure 12.1
).
Les cellules transformées prolifèrent en envahissant les
structures adjacentes (invasion du stroma avec disparition des
cellules basales des acini, et/ou des filets nerveux au
voisinage des acini) et peuvent migrer en dehors de la prostate
en empruntant la circulation lymphatique ou veineuse pour donner
lieu à des métastases. Les métastases, affectent principalement
la moelle osseuse, induisent une perturbation des lignées
hématopoïétiques et sont retrouvées dans plus de 80 % des cas de
décès attribuables au cancer de la prostate (Ibrahim et coll.,
2010
).
Il est admis que le cancer de la prostate peut présenter divers
profils d’agressivité, depuis des formes indolentes, avec peu ou
pas de répercussions somatiques jusqu’à des formes très
évolutives. Certaines formes, dites hormono-sensibles répondent
favorablement aux traitements, en particulier hormonaux (par
exemple aux anti-androgènes), d’autres hormono-résistantes
répondent défavorablement, évoluant rapidement vers une issue
fatale (Berman et Epstein, 2014
).
Les principaux déterminants d’agressivité pouvant être estimés au
moment du diagnostic sont le stade clinique et, surtout, le
score histopathologique de Gleason. Un des enjeux majeurs est de
mieux comprendre les raisons de survenue des formes agressives
et en particulier d’identifier si elles sont associées à des
facteurs de risque génétiques ou environnementaux, accessibles à
la prévention ou non, ou pouvant orienter des thérapeutiques
ciblées (Witte et coll., 2000
; Figiel et coll.,
2017
). Cela explique l’intérêt croissant qui est porté aux formes
agressives dans les études épidémiologiques visant à identifier
des facteurs de risque, modifiables et non modifiables. Dans le
cadre des études mécanistiques, le rôle particulier du
microenvironnement tumoral (par exemple fibroblastes ou
adipocytes sécrétant à la fois des cytokines pro-inflammatoires,
pro-migratoires ou des exosomes modifiant l’expression génique
des tumeurs) est de plus en plus souvent évoqué (Nawaz et coll.,
2014
; Shiao et coll., 2016
; Nassar et coll.,
2018
).
L’hétérogénéité intra-tumorale et inter-métastases est documentée
pour de nombreux cancers. Une explication de cette hétérogénéité
repose sur l’existence de cellules souches cancéreuses (CSC)
capables de donner naissance à différents types cellulaires,
lesquels contribueraient à la diversité génotypique et
phénotypique d’une même tumeur. Selon ce concept, seules les CSC
seraient responsables de la progression de la tumeur (Gerlinger
et Swanton, 2010
; Marusyk et coll.,
2012
; Meacham et Morrison, 2013
). La connaissance de cette
hétérogénéité intra-tumorale et inter-métastases a ouvert la
voie à la médecine personnalisée ou médecine de précision, en
relation avec les thérapeutiques ciblées qui sont développées
depuis une vingtaine d’années. Récemment, cette hétérogénéité
tumorale a été retrouvée sur des biopsies de tumeurs de la
prostate (Boutros et coll.,
2015
).
Mécanismes biologiques à l’origine du
développement du cancer
de la prostate
Le développement du cancer est favorisé par l’accumulation
d’altérations génétiques et épigénétiques et des voies
moléculaires et circuits cellulaires, qui contrôlent la
croissance cellulaire et leur potentiel de réplication, de
progression et de survie.
La survenue d’un cancer de la prostate a été reliée aux
altérations des mécanismes moléculaires et cellulaires qui
gouvernent physiologiquement le développement de l’organe. La
croissance, la différenciation et la fonction de la prostate
sont principalement contrôlées par les androgènes et leurs
récepteurs qui activent notamment la prolifération des cellules
épithéliales prostatiques (Cunha et coll.,
1986
; Banerjee et coll., 2000
; Taplin et Ho,
2001
). Il a été donc tout à fait légitime d’associer l’activation
du récepteur aux androgènes (AR) à la survenue et à la
progression du cancer de la prostate. Cette activation est
intimement liée à la concentration locale d’androgènes et donc à
leur métabolisme et notamment à leur conversion en œstrogènes
par l’aromatase ou CYP19 (figure 12.2
).
Il a ainsi été montré que l’expression de cette enzyme est
modifiée dans les tumeurs prostatiques et notamment dans les
cellules métastatiques (Ellem et coll.,
2004
; Nelles et coll., 2011
). Une étude a aussi montré des
associations entre certains polymorphismes fonctionnels de gènes
codant l’aromatase et le CYP1B1 (enzyme du métabolisme des
xénobiotiques qui catalyse l’hydroxylation de l’œstradiol,
inactivant ce dernier mais produisant un dérivé génotoxique
appelé catéchol) et le risque de survenue de cancer de la
prostate (Cussenot et coll.,
2007
).
Le rôle direct des œstrogènes (produit de l’aromatase) dans le
développement du cancer de la prostate a aussi été posé
(Härkönen et Mäkelä, 2004
). Ainsi, ceux-ci interfèrent avec la
production d’androgènes
i) par la répression de l’axe
hypothalamo-hypophyso-gonadique ;
ii) par action directe
sur les testicules. Un rôle indirect est également évoqué pour
les œstrogènes dans la régulation de la prostate
via la
voie de la prolactine. Les œstrogènes ont aussi des effets
directs sur la prostate, qui peuvent être provoqués par une
hormone externe ou par l’œstradiol produit par une aromatisation
locale de la testostérone.
Il semble donc important de considérer la balance
œstrogènes/testostérone au cours du développement du cancer de
la prostate comme le montrent des travaux au cours du
vieillissement, avec une augmentation du ratio
œstrogènes/testostérone dans le compartiment intra-prostatique
avec l’âge (Gooren et Toorians,
2003
; Prezioso et coll., 2007
).
Le principal mode d’action de ces deux hormones stéroïdes passe
par l’activation de récepteurs nucléaires (AR et ER) dont la
voie de signalisation est présentée sur la figure suivante
(figure 12.3
).
Il est donc plausible que ces récepteurs nucléaires jouent un
rôle dans la survenue d’un cancer de la prostate ; ainsi, une
augmentation de l’expression des récepteurs aux œstrogènes (ER)
α et β, est observée au cours de la transformation néoplasique
de la prostate. De plus, le rat Noble exposé à de faibles doses
de testostérone développe un cancer de la prostate dans 40 % des
cas, mais ce chiffre augmente aux environs de 100 % en cas de
co-exposition avec de faibles doses d’œstradiol (Bosland,
2005
). Le rôle du récepteur ERα est démontré chez des souris
knock out4
Il s’agit de souris qui ont été
génétiquement modifiées pour inactiver un ou plusieurs
gènes dans les cellules souches embryonnaires dont elles
sont issues.
invalidées pour ce récepteur dans le processus
de cancérogénèse induite par une exposition testostérone +
œstradiol (Ricke et coll., 2008
). En revanche, ERβ, qui fixe
préférentiellement les phyto-œstrogènes, jouerait un rôle de
protection de l’épithélium prostatique dans le processus de
transformation maligne (Bonkhoff et Berges,
2009
).
D’autres mécanismes de cancérogénèse non exclusifs ont été
proposés, comme une augmentation du stress oxydant, car un
déséquilibre en superoxyde dismutase 2 (SOD2), enzyme qui
dégrade l’anion superoxyde en peroxyde d’hydrogène (lequel en
présence d’ions métalliques tel que Fe
2+ est
générateur du radical OHsuorn), a été suggéré comme pouvant
jouer un rôle dans la survenue et dans la progression du cancer
de la prostate (Berto et coll.,
2015
).
La surexpression de c-FLIP (
cellular FAS-associated death
domain-like interleukin 1β-converting enzyme inhibitory
protein), une protéine anti-apoptotique, est fréquemment
observée dans de nombreuses lignées cancéreuses, y compris
prostatiques (Wilkie-Grantham et coll.,
2013
). Une surexpression de c-FLIP est retrouvée par exemple, dans
des tissus tumoraux humains issus de prostatectomie (Gao et
coll., 2005
).
Enfin, les processus inflammatoires semblent jouer un rôle
important : des cellules pro-inflammatoires ont été retrouvées
dans le microenvironnement prostatique (De Marzo et coll.,
2007
) suggérant l’implication de cytokines ; ainsi,
l’interleukine 6 (IL-6) favorise à la fois l’activation de STAT3
(
Signal transducer and activator of transcription 3),
un facteur de transcription intervenant dans l’inflammation et
bloquant l’apoptose, et l’interaction entre le AR et ses
co-activateurs (SRC-1 et SMRT), et ainsi la transcription de
gènes AR-dépendants (comme celui du PSA), à l’origine de la
division des cellules prostatiques (Wang et coll.,
2016a
).
L’inflammation peut être consécutive à un stress oxydant
responsable d’évènements mutagènes, mais aussi à une infection
bactérienne, virale ou par d’autres microorganismes. En lien
avec une infection bactérienne, la participation du microbiote
vésical dans le processus de cancérogenèse a été récemment
suggérée (Sfanos et coll., 2018
).
Modèles d’étude
expérimentaux
La grande hétérogénéité cellulaire des tumeurs prostatiques et de
leur vitesse de progression vers la maladie métastatique rend
difficile le choix d’un modèle expérimental pertinent. En
cancérogenèse expérimentale, les rongeurs représentent le modèle
le plus utilisé. Le rat est l’espèce la plus fréquemment
utilisée dans les études d’exposition aux toxiques, ainsi que
dans les études réglementaires visant à étudier la
cancérogénicité de substances chimiques
5
. La tumeur spontanée la plus fréquente chez le
rat mâle est celle de l’hypophyse (adénome et adénosarcome avec
une fréquence d’environ 46 % à l’âge de 24 mois pour la souche
Sprague-Dawley). En revanche, les tumeurs de la prostate ne
s’observent qu’à une très faible fréquence (environ 1 %), et
cette espèce ne représente pas un modèle expérimental pertinent
pour évaluer le processus tumoral prostatique. La fréquence de
tumeurs de la prostate est aussi très faible chez la souris,
mais des modèles, réalisés par invalidation de gènes
suppresseurs de tumeurs tels que
Pten (
Phosphatase and
tensin homolog) ou
Nkx3.1 (
Homeobox protein
Nkx 3.1), ou par transgénèse telle que PB-SV40 T ou
PB-Tag (souris TRAMP), LBT-large T (souris LADY), sont utiles
(Hensley et Kyprianou, 2012
). Ces modèles sont particulièrement
résistants au développement métastatique et la maladie est donc
différente de celle observée chez l’homme. Cependant, les
modèles murins fournissent des informations sur la progression
tumorale lors d’implantation
in situ de xénogreffes
humaines (Grabowska et coll.,
2014
). L’alternative à l’utilisation de la souris est représentée
par les lignées cellulaires cancéreuses prostatiques humaines
(par exemple DU-145, PC-3, LNCaP, VCaP). Cependant, ces modèles
cellulaires ne sont pas soumis au contrôle paracrine complexe du
microenvironnement tumoral. Le développement de modèles en
3 dimensions (3D) permet d’obtenir des informations plus proches
de la physiologie tissulaire et les effets des toxiques sont
généralement plus prédictifs en comparaison des cellules
cultivées en 2 dimensions (2D). Le modèle 3D peut aussi faire
intervenir des cellules d’origines différentes, par exemple
cellules tumorales et pré-adipocytes (modèles mixtes 3D). Enfin,
il est possible de produire, pour certains tissus, des
organoïdes à partir de cellules souches cultivées en condition
de différenciation (par exemple pour l’intestin normal et
pathologique) ou bien à partir de cellules tumorales. La
production d’organoïdes construits à partir des lignées LNCaP et
C4-2B a été récemment rapportée (Ma et coll.,
2017
) et ils constituent des perspectives d’avenir pour étudier le
dialogue complexe tumeur-microenvironnement.
Pesticides et cancer de la prostate : données
épidémiologiques
Résumé de l’expertise collective Inserm de
2013
Au cours des dernières décennies, de nombreuses études
épidémiologiques et méta-analyses ont souligné la présence d’un
excès de risque de survenue du cancer de la prostate, estimé
entre 7 et 12 %, chez les populations rurales ou agricoles.
D’autres études ont également montré un excès de risque de
cancer de la prostate, compris entre 12 et 28 %, chez les
applicateurs de pesticides ou chez les employés d’usines de
production de pesticides. La cohorte prospective
Agricultural
Health Study (AHS)
6
, réalisée aux États-Unis composée de
89 000 agriculteurs et leurs conjoints dans les États de l’Iowa
et de Caroline du Nord, a montré la présence d’un risque accru
de survenue de cancer de la prostate chez les exploitants
agricoles applicateurs de pesticides (de l’ordre de 19 %) ainsi
que chez les applicateurs professionnels de pesticides (de
l’ordre de 28 %).
C’est ainsi qu’à partir des données disponibles en 2013,
l’expertise collective Inserm de 2013 (Inserm, 2013) avait
conclu à la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux
pesticides, sans distinction de familles chimiques ou de
substances actives, chez les agriculteurs, chez les applicateurs
de pesticides et chez les ouvriers de l’industrie de production
de pesticides, et le risque de survenue du cancer de la
prostate.
D’autres travaux se sont intéressés à des catégories de
pesticides en fonction de leur utilisation (herbicides,
insecticides...), ainsi qu’aux familles chimiques susceptibles
de concourir aux excès de risque de cancer de la prostate
observés en milieu agricole et parmi les utilisateurs de
pesticides. D’une manière générale, ces travaux n’ont pas permis
de dégager une catégorie particulière de pesticides en matière
d’utilisation ou de famille chimique.
L’expertise collective Inserm de 2013 ne s’est donc pas prononcée
sur les liens de présomption éventuels entre l’exposition à une
catégorie d’usage ou à une famille chimique particulière de
pesticides et le risque de survenue du cancer de la
prostate.
Finalement, certains travaux se sont penchés de manière plus
spécifique sur les différentes substances actives. Dans ces
études, deux grandes approches ont été employées pour estimer
l’exposition : d’une part, des approches indirectes par
questionnaire et/ou l’emploi de matrices emploi-exposition, avec
parfois la construction d’indicateurs intégrés d’exposition
tenant compte, par exemple, de la durée, de la fréquence ou
encore de l’intensité d’exposition ; d’autre part, des mesures
directes de l’imprégnation des sujets dans une matrice
biologique (par exemple, sang, urines...). Dans ce dernier cas,
une plus grande confiance a été attribuée aux mesures portant
sur des substances dites persistantes, à longue durée de vie
dans l’organisme, car l’exposition – telle qu’estimée – présente
moins d’erreurs de mesure.
Tenant compte des données disponibles, l’expertise collective
Inserm de 2013 avait conclu au regard du risque de survenue du
cancer de la prostate et sur la base des données
existantes :
• en population professionnellement exposée dans le secteur
de l’agriculture, à une présomption moyenne de lien
concernant les insecticides organophosphorés coumaphos
et fonofos, l’insecticide carbamate carbofuran,
l’herbicide carbamate butilate ainsi qu’avec
l’insecticide pyréthrinoïde perméthrine. À noter que
pour ces substances actives, le risque de survenue de la
maladie était soit plus élevé (butilate) soit
exclusivement présent (coumaphos, fonofos, carbofuran,
perméthrine) chez les sujets présentant des antécédents
familiaux de cancer de la prostate parmi les apparentés
au premier degré ;
• en population générale, à une forte présomption de lien
concernant l’exposition à un insecticide organochloré,
le chlordécone, et à une présomption faible pour trois
autres insecticides organochlorés, la dieldrine,
l’isomère β du hexachlorocyclohexane (β HCH) et le
chlordane (notamment son composé le plus persistant, le
trans- nonachlore). À noter que pour le
chlordécone, le risque de survenue de la maladie était
également plus élevé chez les sujets déclarant des
antécédents familiaux de cancer de la prostate parmi les
apparentés au premier degré et plus élevé chez les
patients présentant une forme agressive de la maladie au
moment du diagnostic.
Nouvelles données
épidémiologiques
Méta-analyses et cohortes en exposition
professionnelle agricole aux pesticides
Une première méta-analyse publiée en 2013 a regroupé
10 études publiées dont la dernière en 2012 et 2 études non
publiées de type cas (prévalents ou incidents) – témoins
portant sur les activités professionnelles dans le secteur
agricole (Ragin et coll.,
2013
). Ces études comprenaient au
total 3 978 cas (incidents ou prévalents) et 7 393 témoins
chez lesquels les expositions ont été estimées de manière
indirecte, principalement par des questionnaires. Cette
méta-analyse ne rassemble pas cependant toutes les études
existant aujourd’hui et les critères de sélection des études
ne sont pas clairement explicités. L’activité
professionnelle en milieu agricole était associée à un
risque augmenté de cancer de la prostate (méta OR = 3,83 ;
IC 95 % [1,96-7,48]) dans les études où les témoins étaient
porteurs d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Un excès
de risque a également été retrouvé dans les études où les
témoins ne présentaient aucune pathologie prostatique (méta
OR = 1,38 ; IC 95 % [1,16-1,64]). La différence dans
l’intensité de risque en fonction du choix des témoins
pourrait être due au fait que les sujets témoins avec
hypertrophie bénigne de la prostate ont fait l’objet d’une
attention particulière pour exclure un cancer de la prostate
(par exemple, examen histologique de la pièce de résection).
Une analyse portant sur l’utilisation de pesticides dans le
secteur agricole, incluant 5 des 12 études initiales et
restreinte à 269 cas et 535 témoins, ne précisant ni la
durée d’emploi ni la nature des matières actives, a montré
une association inverse entre l’utilisation de pesticides et
le risque de cancer de la prostate (méta OR = 0,68 ;
IC 95 % [0,49-0,96]). Les auteurs suggèrent que les témoins
inclus dans cette analyse pourraient avoir été également
exposés aux pesticides. Ils s’appuient sur les observations
d’une étude antérieure (Sharpe et coll.,
2001
), où l’usage de pesticides dans
des activités de loisirs (bricolage, jardinage...) a été
associé à un risque augmenté de survenue de cancer de la
prostate.
Une deuxième méta-analyse (Lewis-Mikhael et coll.,
2016
) a analysé, suite à une
recherche exhaustive de la littérature et une procédure de
sélection bien argumentée, 25 études de type cas-témoins et
4 cohortes publiées entre 1985 et 2014. L’exposition aux
pesticides (en population générale ou professionnelle) a été
retrouvée associée à un excès de risque de cancer de la
prostate (méta OR = 1,33 ; IC 95 % [1,02-1,63]).
La cohorte AGRICAN
7
La cohorte prospective française
AGRICAN est une cohorte de 181 842 personnes de
18 ans et plus, affiliées pendant 3 années ou plus
au cours de leur carrière professionnelle à la
Mutualité sociale agricole, et résidant dans l’un
des 11 départements français disposant en 2005 d’un
registre de cancers (à savoir le Doubs, le Bas-Rhin,
la Côte d’Or, la Gironde, le Haut Rhin, l’Isère, la
Loire-Atlantique, la Manche, la Somme, le Tarn, la
Vendée). L’étude inclut à la fois des hommes et des
femmes, des exploitants et des salariés, des actifs
et des retraités, dans l’ensemble des secteurs
agricoles français. Elle relève l’activité dans
13 cultures différentes (céréales, maïs, vignes,
arboriculture, pommes de terre, tournesol, colza,
betteraves, pois fourragers, tabac, légumes,
cultures sous serres, prairies) et 5 élevages
(bovins, ovins/caprins, porcs, volailles, chevaux),
et les principales tâches reliées à ces cultures et
élevages, en incluant l’utilisation de pesticides.
Elle estime l’exposition à des familles et des
matières actives spécifiques par croisement avec la
matrice emploi-exposition PESTIMAT (Baldi et coll.,
2017
).
, composée de plus de 180 000 participants
inclus sur la période 2005 à 2007 dans 11 départements
français, a permis d’apporter de nouvelles informations
concernant le risque de survenue de cancer de la prostate en
milieu agricole. Cette cohorte réalise régulièrement des
croisements avec les données des registres de cancers des
départements concernés afin d’identifier les cas de cancers
incidents, et avec les données du CépiDc pour recueillir les
causes de décès. Un premier type d’analyse consiste à
calculer des rapports standardisés de taux d’incidence (SIR)
et de mortalité (SMR) afin de comparer la survenue de
cancers dans cette population agricole à celle de la
population générale. Lors d’une première analyse du suivi au
31 décembre 2011 et portant sur 2 538 cas de cancer de la
prostate, l’incidence était plus élevée de l’ordre de 7 %
(SIR = 1,07 ; IC 95 % [1,03-1,11]) (Lemarchand et coll.,
2017
). Ce SIR élevé était présent
chez ceux qui exerçaient une activité professionnelle dans
une exploitation agricole (1,07 ; [1,03-1,12]) et non chez
ceux qui exerçaient une activité professionnelle hors
exploitation agricole (0,97 ; [0,84-1,11]). Parmi les
travailleurs dans les exploitations agricoles, un SIR élevé
a été observé chez les salariés (1,17 ; [1,09-1,26]) et non
chez les exploitants (1,02 ; [0,97-1,08]). Toujours parmi
les travailleurs des exploitations agricoles, un SIR élevé a
été constaté autant chez les utilisateurs (1,09 ;
[1,03-1,15]) que chez les non-utilisateurs de pesticides
(1,27 ; [1,06-1,50]). Parmi les différentes formes
d’utilisation de pesticides, certaines ne présentaient pas
de SIR élevé (0,85 ; [0,71-1,02]), notamment lorsqu’il
s’agissait d’usage d’insecticides dans les élevages ou des
herbicides pour le nettoyage des cours, allées, talus de
l’exploitation.
Un deuxième type d’analyses, basées sur des comparaisons
internes à la cohorte, consiste à identifier les facteurs de
risque professionnels intervenant dans la survenue du cancer
de la prostate (Lemarchand et coll.,
2016a
). Au total, 1 672 cas incidents
de cancer de la prostate sont survenus jusqu’au
31 décembre 2009. Les risques ont été calculés par des
analyses de survie (modèle de Cox) permettant d’estimer le
rapport des risques instantanés (HR,
Hazard Ratio).
L’activité sur une ferme, sans préjuger de l’exposition aux
pesticides (n = 71 388) n’était pas associée de manière
globale à un excès de risque de survenue de cancer de la
prostate par comparaison avec les participants n’ayant pas
travaillé sur une ferme (groupe de référence, n = 10 573)
(HR = 1,05 ; IC 95 % [0,89-1,24]). Ce groupe de comparaison
comportait des personnes affiliées à la Mutualité sociale
agricole pour des activités telles que les métiers du
paysage et des espaces verts, du bois et de la forêt, de la
pêche et de l’ostréiculture, les coopératives agricoles, les
métiers tertiaires agricoles de l’enseignement, de
l’administration ou de la banque...
Les analyses principales de cette publication ont été
restreintes aux hommes ayant travaillé sur une ferme, en
prenant chaque fois comme groupe de référence les personnes
non exposées à la culture, à l’élevage ou à la tâche
analysée. Des associations positives ont été retrouvées chez
les hommes ayant cultivé des prairies (1,16 ; [1,01-1,33]),
chez ceux ayant élevé des bovins, à la limite de la
signification statistique (1,16 ; [0,99-1,36]) et chez les
cultivateurs de tabac (1,17 ; [0,99-1,38]). L’utilisation
d’insecticides sur les animaux d’élevage et l’usage de
pesticides sur les cultures (de manière globale) n’étaient
pas associés au risque de survenue du cancer de la prostate.
En revanche, ceux ayant employé des insecticides pour le
bétail (groupe de référence : ceux travaillant dans
l’élevage de bétail mais sans avoir utilisé d’insecticides)
présentaient un excès de risque (1,20 ; [1,01-1,42]),
essentiellement dans les élevages comportant plus de
150 animaux (1,59 ; [1,02-2,48]). Une élévation
significative du risque était observée lors de l’emploi de
pesticides sur les cultures de blé ou d’orge (1,17 ;
[1,03-1,34]) ainsi que dans des cultures fruitières sur des
superficies supérieures à 25 ha (2,28 ; [1,08-4,80]). Le
traitement des semences d’orge et de blé par des pesticides
sur la ferme a été également associé à un risque plus élevé
de cancer de la prostate (1,17 ; [1,03-1,34]). À noter,
l’absence d’usage de gants de protection lors de l’emploi de
pesticides a été retrouvée associée à un risque accru de
cancer de la prostate dans les cultures céréalières (orge,
blé) et fruitières (1,26 ; [1,08-1,47] et 1,44 ;
[1,10-1,88], respectivement).
Les auteurs décrivent également d’autres activités ou tâches
professionnelles pouvant exposer de manière indirecte aux
pesticides (groupe de référence : ceux travaillant dans le
secteur agricole mais n’ayant jamais été impliqués dans
l’activité ou tâche correspondante) comme étant associées à
un excès de risque : la récolte des foins (1,18 ;
[1,0-1,36]), le traitement des semences de blé ou d’orge
(1,16 ; [1,01-1,34]), l’emploi de pesticides dans les
cultures de blé ou d’orge (1,17 ; [1,03-1,34]), le semis
(1,26 ; [1,06-1,51]) et la récolte de plants de tabac
(1,29 ; [1,08-1,54]) ainsi que l’usage de pesticides dans
des cultures fruitières sur des superficies supérieures à
25 ha (2,28 ; [1,08-4,80]). À l’inverse, le travail en
viticulture dans des chais a été associée à une inversion du
risque (0,86 ; [0,74-1,00]), avec des risques qui diminuent
lorsque la durée d’emploi augmente et en particulier quand
elle était supérieure à 40 ans (0,68 ; [0,47-0,98] ; p de
tendance = 0,01). Finalement, l’absence d’usage de gants de
protection lors de l’emploi de pesticides était associée à
un risque accru de cancer de la prostate dans le cas des
cultures céréalières (orge, blé) et fruitières (1,26 ;
[1,08-1,47] et 1,44 ; [1,10-1,88], respectivement).
Une étude de cohorte canadienne CanCHEC
8
a rapporté un excès de risque de survenue
de cancer de la prostate chez les agriculteurs comparé à
ceux qui exerçaient dans des secteurs d’activité non
agricoles (HR = 1,11 ; IC 95 % [1,06-1,16]) (Kachuri et
coll., 2017
). Cet excès de risque a été
également constaté parmi les exploitants agricoles (1,12 ;
[1,07-1,17]) et à la limite de la significativité
statistique chez les ouvriers agricoles (1,08 ;
[0,99-1,17]). Quant aux secteurs professionnels, les hommes
travaillant dans l’élevage présentaient un excès de risque
(1,26 ; [1,03-1,55]) mais pas ceux travaillant dans les
cultures. Aucune information n’a été apportée concernant
l’emploi de pesticides.
Sharma et coll. (2016
), ont publié une analyse cas
prévalents (n = 114) – témoins (n = 2 824) nichée dans la
cohorte canadienne
Saskatchewan Rural Health Study
menée parmi des populations vivant en milieu rural. La
résidence sur une exploitation agricole et l’usage combiné
d’insecticides et de fongicides dans une activité agricole
étaient associés à un excès de risque de cancer de la
prostate (OR = 1,86 ; IC 95 % [1,07-3,25] et 2,06 ;
IC 95 % [1,15-3,69] avec le modèle statistique employé pour
la résidence sur une exploitation agricole, et 2,23 ;
[1,15-4,33] et 2,37 ; [1,19-4,71] avec le modèle statistique
pour l’usage combiné d’insecticides et fongicides). Aucune
information n’était apportée concernant les familles
chimiques ou les matières actives employées.
Études spécifiques de familles de substances
ou de substances actives
Organochlorés
De nouvelles études se sont intéressées aux substances
actives, dont les pesticides organochlorés, pour la
plupart retirés du marché de longue date mais dont leur
faible capacité à se dégrader dans des milieux biotiques
ou abiotiques conduit à leur persistance dans des
matériaux (par exemple les bois traités) et dans
l’environnement (par exemple les sols) ainsi que leur
accumulation tout le long de la chaîne trophique. De ce
fait, les populations y sont toujours exposées, par
voies aérienne et alimentaire. Une étude de type
cas-témoins en population générale réalisée en
Guadeloupe (Karuprostate, 576 cas et 655 témoins)
(Emeville et coll.,
2015
) a montré que la présence de
DDE (dichlorodiphényldichloroéthylène) dans le sang
(métabolite persistant du DDT –
dichlorodiphényltrichloroéthane) était positivement
associée à un risque accru de survenue du cancer de la
prostate (OR = 1,53 ; IC 95 % [1,02,-2,30] pour le
5
e quintile d’exposition comparé au
premier quintile d’exposition avec une relation
dose-effet linéaire significative, p de
tendance = 0,01). Ces résultats ont tenu compte de
l’exposition au chlordécone et aux PCB. En Corée du Sud,
une analyse cas-cohorte au sein de la
Korean Cancer
Prevention Study-II conduite en population
générale et sur un suivi compris entre 7,6 et
18,6 années, a comparé 110 cas de cancer de la prostate
identifiés en interrogeant le registre national des
cancers à 256 témoins (Lim et coll.,
2017
). Pour tous, un prélèvement
de sang a été obtenu à l’inclusion dans la cohorte
permettant le dosage de 19 pesticides organochlorés,
molécules mères, isomères ou métabolites (oxychlordane,
nonachlore chlordane, heptachlore, heptachlore époxyde,
hexachlorobenzène, hexachlorocyclohexanes, DDT, DDD –
dichlorodiphényldichloroéthane – et DDE). Seul le
trans-nonachlore était positivement associé,
à la limite de la signification statistique, au risque
de survenue de cancer de la prostate (HR = 1,60 ;
[0,99-2,58] ; exposition transformée en logarithme de
base 10). Dans une étude cas incidents (n = 60) –
témoins hospitaliers (n = 60) à Singapour, des
pesticides organochlorés ont été dosés dans le sang
(isomères de l’hexachlorocyclohexane, heptachlor
époxyde, α-endosulfan, DDT, DDD, DDE, hexachlorobenzène,
chlordécone) (Pi et coll.,
2016
). Les auteurs rapportent des
associations positives avec le DDT et ses métabolites
pour le 3
e tercile d’exposition mais avec
parfois des associations négatives pour d’autres
terciles. Les résultats de cette étude sont
difficilement interprétables compte tenu des faibles
effectifs. Au cours d’une communication dans un congrès
et n’ayant pas encore fait l’objet de publication dans
une revue à comité de lecture (Lemarchand et coll.,
2016b
), une analyse portant sur
1 672 cas de cancer de la prostate de la cohorte
AGRICAN, en utilisant la matrice emploi-exposition
PESTIMAT (Baldi et coll.,
2017
), a rapporté une augmentation
du risque de survenue de cancer de la prostate, à la
limite de la signification statistique, chez les sujets
exposés à la famille des pesticides organochlorés
(HR = 1,15 ; IC 95 % [0,99-1,32]). En individualisant
les matières actives organochlorées (18 au total), des
associations positives ont été observées, y compris avec
leur durée d’utilisation, pour 6 d’entre elles :
aldrine, chlordane, dieldrine, DDD, toxaphène et
hexachlorocyclohexane technique (mélange d’isomères,
principalement α, β et γ). Dans un modèle statistique
prenant en compte simultanément ces 6 matières actives,
les associations se maintenaient pour le DDD et
l’hexachlorocyclohexane.
Enfin, la cohorte AHS
9
La cohorte prospective américaine
Agricultural Health Study (AHS) est une
cohorte d’agriculteurs et d’applicateurs de
pesticides (plus de 50 000 personnes) et de leurs
conjoints (30 000). Mise en place dans l’Iowa et
la Caroline du Nord depuis 1993, l’AHS documente
l’impact de pesticides spécifiques (sur
50 pesticides principaux analysés) essentiellement
des insecticides ou des herbicides reflétant les
spécificités agricoles des deux États dévolus
largement aux grandes cultures et aux
élevages.
, dans son analyse portant sur les
formes agressives de cancer de la prostate (Koutros et
coll., 2013
), rapporte une association
positive chez les agriculteurs qui présentaient une
forme agressive au diagnostic pour l’aldrine,
RR = 1,49 ; IC 95 % [1,03-2,18]) pour le
4
e quartile d’exposition comparé au groupe
non exposé de référence, avec une relation dose-effet
croissante, p de tendance = 0,02 (voir discussion sur
les limites de l’étude dans le paragraphe sur les
organophosphorés ci-dessous).
Organophosphorés
La cohorte AHS a apporté de nouvelles observations sur le
rôle de pesticides autres que les organochlorés. Lors
d’un suivi de la cohorte jusqu’en 2007 portant sur
985 cas incidents de cancer de la prostate, aucune
association n’avait été observée avec l’exposition
professionnelle au diazinon, un insecticide
organophosphoré (Koutros et coll.,
2013a
). Lors d’un suivi ultérieur
de la cohorte, jusqu’en 2010 ou 2011, selon l’État de
résidence des participants, portant sur 995 cas
incidents, les auteurs n’observent toujours pas
d’association significative (Jones et coll.,
2015
). Néanmoins, ils
rapportaient un risque élevé mais non significatif de
survenue de formes agressives de cancer de la prostate
(n = 505, 50,7 % de l’ensemble des cancers de la
prostate) pour le 3
e tercile d’exposition
(estimée par un indicateur composite comprenant la durée
et l’intensité d’exposition) comparé au groupe non
exposé (RR = 1,39 ; IC 95 % [0,97-2,01]). L’analyse
portant sur les formes agressives a utilisé comme groupe
de référence les témoins n’ayant pas de cancer
diagnostiqué. Le pourcentage de formes agressives au
diagnostic est très élevé par rapport à l’ensemble des
cas. Les auteurs n’apportent pas d’interprétation à ce
pourcentage élevé si ce n’est la diversité de critères
employés pour définir l’agressivité (explicités par
Koutros et coll., 2013a
).
Lors d’un suivi jusqu’en 2005 et portant sur 1 131 cas
incidents de cancer de la prostate, l’exposition à
l’insecticide organophosphoré terbufos était associé à
un risque accru de survenue globale de la maladie à la
limite du seuil de significativité statistique
(HR = 1,21 ; IC 95 % [0,99-1,47]) (Bonner et coll.,
2005
). Lors d’un suivi ultérieur
jusqu’en 2007 portant sur 1 681 cas, cette association
n’a pu être confirmée. Cependant, une association a été
observée chez les sujets porteurs d’une forme agressive
au diagnostic avec comme groupe de référence les sujets
sans cancer de la prostate (n = 787, 47,3 % de
l’ensemble des cancers de la prostate) (RR = 1,29 ;
IC 95 % [1,02-1,64] pour le 4
e quartile
d’exposition comparé au groupe non exposé de référence,
avec une relation dose-effet croissante, p = 0,03)
(Koutros et coll.,
2013a
). Mais en absence d’analyses
de l’hétérogénéité, il n’est pas possible d’affirmer que
ces associations sont spécifiques des formes agressives.
Ici encore, l’analyse portant sur les formes agressives
a utilisé comme groupe de référence les témoins sans
cancer. Pour d’autres insecticides organophosphorés
(fonofos et malathion), ces mêmes auteurs ont également
montré, en utilisant comme groupe de comparaison les
sujets sans cancer, une absence d’association avec la
survenue globale du cancer de la prostate mais des
associations positives chez ceux qui présentaient une
forme agressive au diagnostic (pour le fonofos,
RR = 1,63 ; IC 95 % [1,22-2,17] pour le
4
e quartile d’exposition comparé au groupe
non exposé de référence, avec une relation dose-effet
croissante, p < 0,001 et pour le malathion,
RR = 1,43 ; IC 95 % [1,08-1,88] pour le
4
e quartile d’exposition comparé au groupe
non exposé de référence, avec une relation dose-effet
croissante, p = 0,02). Notons que pour le fonofos, une
étude antérieure au sein de la cohorte avait rapporté
une association positive avec le risque de survenue de
la maladie chez les sujets déclarant un antécédent
familial au 1
er degré de cancer de la
prostate (Mahajan et coll.,
2006a
).
Herbicides
L’exposition au glyphosate avait fait l’objet d’une
analyse lors d’un premier suivi de la cohorte AHS
jusqu’en 2001 portant sur 2088 cas incidents de cancer
de la prostate et aucune association n’avait été
observée (De Roos et coll.,
2005
). Lors d’un suivi ultérieur
de la cohorte, jusqu’en 2012 ou 2013, selon l’État de
résidence des participants, portant sur 2 844 cas
incidents, aucune association n’a été observée avec le
risque de survenue de la maladie (Andreotti et coll.,
2018
). Finalement, au sein de la
cohorte AHS, aucune association avec la survenue du
cancer de la prostate n’a été observée concernant
l’exposition à des herbicides appartenant à la famille
de chloroacétamides tels que l’acétochlore (Lerro et
coll., 2015
), le métolachlore (Silver et
coll., 2015
) et l’alachlore (Lerro et
coll., 2018
). Les auteurs de ces
différents travaux n’ont pas étudié le rôle des
antécédents familiaux de cancer de la prostate ni celui
des caractéristiques d’agressivité de la maladie, sauf
dans le cas de l’alachlore pour lequel aucune
association n’a été retrouvée.
Autres
La warfarine (ou coumaphène) est une substance active
anticoagulante employée comme rodenticide et comme
médicament en médecine humaine. Dans une grande cohorte
portant sur 1 256 725 personnes en Norvège, l’usage
thérapeutique de la warfarine (pour des maladies
cardiovasculaires) a été associé à une diminution de
risque de cancer de la prostate (utilisateurs
versus non-utilisateurs de warfarine avec un
diagnostic de cancer de la prostate,
Incident rate
ratio : 0,69 [IC 95 %, 0,65-0,72], Haaland et
coll., 2017
). Une méta-analyse récente
portant sur 8 études n’a pas pu confirmer une telle
association (Kristensen et coll.,
2018
). Aucune étude
épidémiologique n’a porté sur cette substance dans le
cadre de son usage rodenticide et la survenue du cancer
de la prostate.
Pesticides et cancer de la prostate : données
mécanistiques
Insecticides
organochlorés
Parmi les pesticides, ceux appartenant à la famille des
insecticides organochlorés ont donné lieu à un grand nombre
d’études mécanistiques, non seulement parce que certains ont été
associés à un risque augmenté de survenue de divers cancers,
dont celui de la prostate, ou classés comme agents cancérogènes
par diverses institutions d’évaluation, mais aussi parce que
plusieurs d’entre eux possèdent des propriétés hormonales
(perturbateurs endocriniens), focalisant ainsi leur intérêt
vis-à-vis des pathologies tumorales hormono-dépendantes, dont le
cancer de la prostate. Toutefois, d’autres mécanismes pouvant
intervenir dans le processus de cancérogénèses ont également été
évoqués.
De nombreuses études mécanistiques se sont appuyées sur des
modèles cellulaires, en particulier ceux issus de tumeurs
prostatiques. Rubini et coll.
(2018
) ont ainsi montré que le β-hexachlorocyclohexane (β-HCH, l’un
des isomères du HCH technique) intervient dans l’activation de
STAT3 (relais de la voie de l’interleukine 6, voir plus haut)
sur la lignée humaine cancéreuse prostatique LNCaP (pour rappel,
sensible aux androgènes). Le β-HCH, l’heptachlor époxyde et le
DDT stimulent le récepteur tyrosine kinase membranaire aux
facteurs de croissance EGF (
epidermal growth factor),
HER2/Erb-B2 sur les lignées LNCaP et PC3 (pour rappel, pour
cette dernière, résistante aux androgènes) (Tessier et
Matsumara, 2001
) ; l’activité tyrosine kinase de
HER2/Erb-B2 phosphoryle et active les kinases p42/44 (MAPK)
impliquées dans la prolifération androgéno-indépendante des
cellules tumorales prostatiques. Par ailleurs, le γ-HCH (un
isomère du HCH technique appelé également lindane) est inducteur
de micronoyaux à très faible dose sur les cellules tumorales
prostatiques PC-3 (Kalantzi et coll.,
2004
).
In vivo, l’hexachlorobenzène interfère aussi avec la
signalisation androgénique chez la souris (Ralph et coll.,
2003
).
Hormis le HCH, la majorité des études portant sur le DDT, ou son
principal métabolite le DDE, étaient focalisées sur leurs
propriétés anti-androgéniques (c’est-à-dire d’antagonisme
vis-à-vis du récepteur aux androgènes – AR). Le DDE présente des
propriétés anti-androgéniques
in vivo (Owens et coll.,
2007
). Ces effets sont expliqués par la liaison antagoniste du DDE
sur le AR et donc à sa capacité à inhiber l’expression de gènes
AR-dépendants (Kelce et coll.,
1995
et 1997
). Certains auteurs relèvent que le
DDT et le DDE inhibent l’expression du PSA sur des lignées
tumorales prostatiques humaines LNCaP et VCaP (Wong et coll.,
2015
). Cette observation est d’importance car une diminution des
concentrations circulantes en PSA pourrait conduire à de faux
négatifs au moment du diagnostic (Wong et coll.,
2015
). Si cela est exact, un tel effet tendrait à favoriser
l’hypothèse nulle des études épidémiologiques conduites sur le
DDT ou le DDE, renforçant ainsi celles qui ont montré une
association positive entre les concentrations circulantes de ces
substances et le risque de survenue de cancer de la prostate
(Koumar et coll., 2010 ; Emeville et coll.,
2015
). Par ailleurs, il a été suggéré que cette inhibition du PSA
pourrait accélérer la conversion des cellules vers un phénotype
pré-métastatique (Wong et coll.,
2015
; Di Donato et coll., 2017
).
L’effet de la liaison du DDT et DDE au AR doit toutefois être
nuancé car celui-ci pourrait être différent en fonction des
isoformes du récepteur. Ainsi, Shah et coll.
(2008
) ont montré que le DDE pouvait activer certains variants
tumoraux du AR (T877A, H874Y, L701H, V715M) et ainsi favoriser
la transcription de certains gènes cibles (dont celui du PSA).
Cet effet n’est pas observé pour des cellules n’exprimant que le
AR « normal », peut-être du fait d’un faible niveau d’expression
du PSA (et l’impossibilité d’observer une action antagoniste
pour le variant normal) (Shah et coll.,
2008
). On peut donc soulever l’hypothèse d’un rôle distinct du DDT
et du DDE vis-à-vis du AR et de ses variants. Il est donc
tentant de poser la question des interrelations entre les
différents variants du AR et de poser l’hypothèse que le niveau
d’expression de chacun d’entre eux pourrait être
particulièrement important pour considérer l’action de
pesticides comme le DDE. Il est aussi possible d’imaginer qu’il
existerait une compétition au niveau des promoteurs de gènes
cibles du AR en cas d’expression de plusieurs variants. La
question de l’effet des pesticides organochlorés et peut-être
d’autres substances actives sur le cancer de la prostate
pourrait donc être examinée au regard des différences
d’expression des différents variants du AR. Le DDE pourrait
aussi activer certaines voies de signalisation de type MAPK.
Cette diversité des voies activées (MAPK, variants AR) pourrait
favoriser la prolifération des cellules cancéreuses prostatiques
(Shah et coll., 2008
). De plus, comme de nombreux
perturbateurs endocriniens, le DDE est susceptible d’influencer
le mode d’action d’autres récepteurs aux stéroïdes ; en effet,
il présente également des propriétés agonistes vis-à-vis du
récepteur ERα (Li et coll.,
2008
). Comme indiqué précédemment, ce récepteur est susceptible
d’être impliqué dans les effets néfastes des œstrogènes sur la
prostate, en particulier la prolifération tumorale et
l’inflammation (Ellem et coll.,
2009
). Par ailleurs, un troisième effet de perturbation
endocrinienne du DDE (le premier étant sa liaison au AR, le
deuxième son action agoniste sur le ERα) peut être suspecté :
chez des hommes adultes en bonne santé et sans pathologie
tumorale, les concentrations plasmatiques en DDE ont été
retrouvées inversement associées aux concentrations circulantes
en dihydrotestostérone, suggérant ainsi que le DDE pourrait
aussi agir sur la production d’androgènes et donc indirectement
sur leur signalisation (Emeville et coll.,
2013
).
Autres pesticides
Des études mécanistiques au regard de la cancérogenèse
prostatique ont été également réalisées sur des pesticides
appartenant à d’autres familles chimiques que les organochlorés.
Cependant, on remarquera que la plupart de ces travaux ont porté
sur des substances qui à ce jour n’ont pas été impliquées ou
n’ont été que très peu étudiées dans le cadre d’études
épidémiologiques visant à estimer le risque de survenue de
cancer de la prostate (paraquat, glyphosate, cyperméthrine,
2,4-D (2,4-dichlorophenoxyacetic acide), atrazine, bénomyl,
vinclozoline, prochloraz, chlorpyrifos-méthyl et les fongicides
cyprodinil, fenhexamide, fludioxonil).
L’insecticide chlorpyrifos-méthyl et les fongicides cyprodinil,
fenhexamide, fludioxonil peuvent lier avec une faible affinité,
le AR (Medjakovic et coll.,
2014
). D’autres, comme par exemple l’herbicide phénoxy 2,4-D et
son métabolite le DCP (2,4-dichlorophénol) n’ont pas d’activité
androgénique sur des lignées tumorales humaines prostatiques
22rV1 et PC3 (exprimant toutes deux le AR) (Kim et coll.,
2005
). Cependant le 2,4-D et le DCP en mélange présentent une
activité androgénique lors d’une co-exposition avec la
5α-dihydrotestostérone. Cette action synergique pourrait en
partie reposer sur une augmentation de la translocation
nucléaire du complexe AR.
D’autres pesticides herbicides (atrazine) et fongicides (bénomyl,
vinclozoline, prochloraz) ont fait l’objet d’études quant à
leurs effets pro et anti-androgénique sur deux lignées : les
effets concernant la prolifération, la sécrétion de l’antigène
PSA, l’expression et la phosphorylation de AR sur la lignée
prostatique humaine LNCaP ; les effets concernant l’expression
et l’activité du CYP17 (17α-hydroxylase/17,20 lyase, enzyme clé
dans la formation des androgènes) sur la lignée H295R (carcinome
de la surrénale). À de faibles concentrations, toutes ces
molécules (1-30 µM), à l’exception de l’atrazine, diminuent la
prolifération cellulaire, la sécrétion de PSA et l’activation de
la voie AR (translocation nucléaire du récepteur et sa
phosphorylation). Sur les enzymes de la stéroïdogenèse, le
bénomyl et le prochloraz diminuent l’expression et l’activité du
CYP17 dans les cellules H295R (Robitaille et coll.,
2015
). Bien qu’aucun effet de l’atrazine n’ait été observé sur
l’activité ou l’expression du AR, ce pesticide induit la liaison
de SF-1 (
steroidogenic factor 1) à la chromatine (Fan et
coll., 2007
) et possède par ailleurs la propriété
d’activer la signalisation STAT3 (voir plus haut, signalisation
IL-6) au sein de la lignée prostatique murine RM1, stimulant
ainsi la prolifération cellulaire (Hu et coll.,
2016
).
Parmi les mécanismes indirects de régulation du récepteur AR, une
étude réalisée sur la base d’une expérimentation
in vitro
par la technique du double hybride montre que l’insecticide
cyperméthrine augmente l’interaction entre AR et ses
corépresseurs (SMRT et NCoR
10
SMRT : Silencing mediator for retinoid
or thyroid-hormone receptors ; NcoR2 :
Nuclear receptor
co-repressor 2.
) (Pan et coll.,
2013
). Par ailleurs, l’IL-6 favorise l’interaction entre le AR et
ses co-activateurs (SRC-1
11
SRC-1 : Steroid receptor
coactivator-1.
et SMRT) et donc l’activité transcriptionnelle
de la voie de signalisation des androgènes. Cette interaction
est aussi bloquée par la cyperméthrine (Wang et coll.,
2016b
).
D’autres travaux ont montré des effets de certaines substances
actives sur l’apoptose de cellules tumorales prostatiques.
L’herbicide paraquat, par l’augmentation des niveaux d’anion
superoxyde diminue l’expression de la protéine anti-apoptotique
c-FLIP, ce qui laisse présumer un rôle pro-apoptotique de ce
pesticide (Wilkie-Grantham et coll.,
2013
). Rappelons, comme évoqué plus haut, que la surexpression de
c-FLIP a été fréquemment observée au cours du développement du
cancer de la prostate. De même, le glyphosate et son produit de
dégradation, l’AMPA, sont des analogues de la glycine qui est
synthétisée par la sérine hydroxyméthyltransférase (SHMT). Une
étude, menée sur 8 lignées tumorales et 2 lignées de cellules
normales mais immortalisées, montre que le glyphosate et l’AMPA
favorisent l’apoptose et inhibent la prolifération des cellules
cancéreuses, dont les cellules PC3, et n’ont aucun effet sur les
cellules normales (Li et coll.,
2013
). Dans ces études, les doses de substances actives employées
sont toutefois élevées, de l’ordre du mM.
La warfarine (ou coumaphène), anticoagulant employé comme
rodenticide, qui a été associée dans certaines études
épidémiologiques à une diminution du risque de cancer de la
prostate, inhibe indirectement l’activité transcriptionnelle du
AR (Tew et coll., 2017
). Le mécanisme décrit est une
inhibition de l’époxyde réductase VKOR (
Vitamin K epoxide
reductase), une enzyme clé du cycle de la vitamine K.
Cette inhibition est responsable du blocage de la voie de
signalisation PPARγ qui régule positivement l’activité
transcriptionnelle du AR ; ceci a été démontré à la fois par
l’utilisation
i)
in vitro, de lignées tumorales de
la prostate humaines (LNCaP, BPH-1) pour lesquelles VKOR est
inhibé par des ARN interférents (siRNA) ;
ii)
in
vivo, de tissu prostatique provenant de souris Nude
traitées à la warfarine. On peut donc poser l’hypothèse d’un
ciblage favorisé de la voie PPARγ et indirectement de la voie AR
(Tew et coll., 2017
).
Interactions gènes – environnement et cancer de
la prostate
S’appuyant sur les données de la cohorte AHS, plusieurs analyses
réalisées à partir de 776 cas de cancer de la prostate et
1 444 hommes sans cancer (groupe témoin), tous caucasiens, ont
identifié des interactions statistiquement significatives après
correction pour comparaisons multiples, entre l’exposition à des
pesticides et différents variants (polymorphismes de type
single nucleotide polymorphism, SNP) portés sur
plusieurs types de gènes
12
324 SNP parmi 27 gènes impliqués dans la
réparation de nucléotides (NER,nucleotide excision
repair) ; 394 SNP parmi 31 gènes impliqués dans
la réparation des bases intervenant dans les lésions
oxydatives (BER, base excision repair) ; 211 SNP
situés sur la région 8q24 connue pour être une région
contenant des loci à risque pour le cancer de la
prostate ; 32 SNP parmi ceux décrits dans la littérature
comme des locus de susceptibilité associés au cancer de
la prostate dans des études GWAS ; 220 SNP parmi
59 gènes impliqués dans le métabolisme des lipides ;
152 SNP parmi 9 gènes impliqués dans les fonctions
biologiques de la vitamine D.
au regard du risque de survenue du cancer de la
prostate.
Gènes de réparation
Des interactions associées à une augmentation du risque de
survenue du cancer de la prostate ont été observées chez les
porteurs de l’allèle variant A du
ERCC1 (rs2298881)
chez les sujets les plus exposés au fonofos ainsi que chez
les porteurs du génotype TT présent dans deux SNP corrélés
du gène
CDK7 (rs11744596 et rs2932778)
(r
2 = 1,0) et exposés au carbofuran (Barry et
coll., 2011
). Ces deux gènes sont connus pour
intervenir dans la réparation de l’ADN par excision de
nucléotides (NER) et on peut donc supposer que ces variants
soient associés à une plus faible activité de réparation.
Des interactions similaires ont été identifiées chez les
porteurs des génotypes CT/TT du variant rs1983132 du gène
NEIL3 (
nei endonuclease VIII-like3)
impliqué dans la réparation par excision de bases de l’ADN
(BER) et exposés au fonofos (Barry et coll.,
2012
).
Loci associés au risque de survenue du
cancer de la prostate dans des études d’association pangénomique
(GWAS)
Koutros et coll. (2010
) ont étudié les interactions
potentielles entre des SNP situés sur la région 8q24 (région
contenant de nombreux loci à risque pour le cancer de la
prostate et l’exposition à des pesticides). Des
interactions, se traduisant par une augmentation du risque
de survenue de cancer de la prostate, ont été observées
entre certains variants (rs4242382, rs7837328) et
l’exposition au fonofos, terbufos, coumaphos et perméthrine.
Cependant, on ignore si ces loci et variants dans la région
8q24 peuvent influencer le métabolisme de ces pesticides.
S’agissant de variants situés sur des loci présents dans
d’autres régions chromosomiques, parmi les porteurs du
génotype TT du rs2710647 du
EHBP1 (
EH domain
binding protein 1) le risque de survenue du cancer
de la prostate est augmenté chez les plus exposés au
malathion (Koutros et coll.,
2013b
). EHBP1 est connu pour
intervenir dans la régulation du trafic cellulaire,
notamment l’endocytose clathrine-dépendante. Par ailleurs,
les hommes présentant le génotype AA du rs7679673 du
TET2
(Ten-eleven-translocation 2) et exposés à l’aldrine,
présentent un risque augmenté de survenue de cancer de la
prostate (Koutros et coll.,
2013b
). Le gène
TET2 code pour
une méthylcytosine dioxygénase qui forme, à partir de la
méthylcytosine, le métabolite 5-hydroxyméthylcytosine dans
l’ADN. Ces modifications participent à l’inhibition de la
transcription lorsqu’elles se retrouvent au niveau des
promoteurs (un des trois processus de régulation
épigénétique). Les modifications observées au niveau
chromatinien ont notamment été associées à une répression de
l’interleukine 6, et donc à une action anti-inflammatoire.
Il serait donc intéressant d’analyser si les variants de
TET2 identifiés sont moins actifs, favorisant
ainsi, avec l’action conjointe de l’aldrine, un phénotype
inflammatoire pro-cancérigène.
Gènes associés au métabolisme des
lipides
Les hommes porteurs des génotypes TT/CT du rs3027208 du gène
ALOXE3 (
Epidermis-type lipoxygenase 3) et
exposés au terbufos ont un risque élevé de survenue du
cancer de la prostate (Andreotti et coll.,
2012
).
ALOXE3 code une
lipo-oxygénase dont l’activité est impliquée, entre autres,
dans le métabolisme des acides gras polyinsaturés. Ce
résultat associant un risque élevé de cancer de la prostate
au métabolisme des lipides est intéressant dans la mesure où
le tissu adipeux péri-prostatique et sa composition en
acides gras ont été démontrés comme étant impliqués dans la
survenue et l’agressivité du cancer de la prostate (Finley
et coll., 2009
; Laurent et coll.,
2016
; Figiel et coll.,
2018
).
Gènes associés aux fonctions biologiques de
la vitamine D
La vitamine D possède des propriétés pro-apoptotiques,
antiprolifératives, anti-inflammatoires et
anti-angiogéniques sur des cellules prostatiques humaines
normales et tumorales (Chen et Holick
2003
; Adorini et coll.,
2007
). Les hommes porteurs des
génotypes GG/GC du rs1547387 du gène
RXRB
(
retinoid-x-receptor β) ou du génotype CC des
rs7041 et rs222040 du gène
GC (
Group-specific
component vitamin D binding protein) et exposés à
l’insecticide organophosphoré parathion ont un risque élevé
de survenue du cancer de la prostate (Karami et coll.,
2013
). Un risque élevé de survenue de
la maladie est également observé chez les hommes présentant
le génotype TT du rs12512631 du
GC ou les génotypes
GT/TT du rs4328262 du gène
VDR (
Vitamin D
receptor) et exposés au terbufos (Karami et coll.,
2013
).
Autres mécanismes mis en
jeu
Les télomères sont des régions hautement répétitives, et non
codantes, d’ADN à l’extrémité des chromosomes. La taille des
télomères diminue au fur et à mesure des divisions cellulaires
et à terme ce raccourcissement provoque un arrêt du cycle
cellulaire, et l’entrée en sénescence des cellules. Plusieurs
études ont suggéré la présence de liens entre les longueurs des
télomères et les processus biologiques qui déterminent leur
longueur et la survenue de divers cancers dont celui de la
prostate (Karamis et coll., 2016 ; Renner et coll.,
2018
). Un raccourcissement de la longueur des télomères des
cellules du stroma de la prostate humaine a été associé à un
risque augmenté de survenue du cancer de la prostate (Heaphy et
coll., 2015
). Une étude réalisée parmi
1 372 hommes caucasiens sans cancer et participant à la cohorte
AHS a montré que les sujets exposés à certains pesticides
(alachlore, 2,4-D, métolachlore, trifluraline, perméthrine,
toxaphène, DDT) présentaient à partir de cellules buccales des
longueurs de télomères réduites comparés aux hommes non exposés
(Hou et coll., 2013
). Au sein de cette même cohorte et
parmi 568 hommes sans cancer, la longueur des télomères a été
estimée dans des leucocytes (Andreotti et coll.,
2015
). L’exposition à certains pesticides (2,4-D, butilate,
diazinon, malathion) a été associée à des longueurs de télomères
plus courtes. En revanche, l’exposition à l’alachlore a été
associée à des télomères plus longs. Cette observation, en
contradiction avec l’étude de Hou (Hou et coll.,
2013
), pourrait selon les auteurs être expliquée par la différence
de cellules employées (cellules buccales
versus
leucocytes) ou par la durée d’exposition des sujets à cette
substance active. Une étude réalisée parmi des sujets sains en
Corée a montré des corrélations positives entre les
concentrations plasmatiques d’insecticides (DDT, DDE,
oxychlordane,
trans-nonachlore, heptachlore époxyde,
β-HCH, HCB et mirex) et un allongement des télomères (Shin et
coll., 2010
). Aucun lien causal n’a été établi
jusqu’à présent par le biais d’études mécanistiques.
L’interprétation de ces résultats, raccourcissement ou
allongement des télomères, doit donc être considérée avec
précaution dans la mesure où ces processus pourraient avoir des
rôles fonctionnellement opposés selon qu’il s’agisse de la
sénescence des cellules, de l’initiation ou de la progression
tumorale (où la télomérase est activée, contribuant au maintien
de la longueur des télomères).
Une analyse de la méthylation de l’ADN sur des cellules sanguines
a été entreprise parmi 596 hommes participant à la cohorte AHS
(Rusiecki et coll., 2017
). Les hommes ayant été fortement
exposés à des pesticides présentaient un taux plus élevé de
méthylations du promoteur (région CpG7) du gène codant la GSTp1
(
Glutathion-S-transferase p1) et dans certains
sous-groupes (en fonction de leurs concentrations plasmatiques
en folates) des taux réduits de méthylation sur le promoteur
(régions CpG2 et CpG3) du gène
MGMT
(
O-6-Methylguanine-DNA Methyltransferase) ainsi que
sur l’un des promoteurs contenus dans l’élément transposable
LINE-1 (
Long Interspersed Element-1). La méthylation des
promoteurs de gènes est classiquement associée à une répression
de l’expression du gène correspondant. Dans le cas de la
prostate, la diminution de l’expression de la GSTp1 a été
associée à une augmentation de la survie des cellules tumorales
(Mian et coll., 2016
). La GSTp1 en tant qu’enzyme du
métabolisme des xénobiotiques de phase II, contribue à conjuguer
des métabolites activés par les enzymes de phase I et
potentiellement toxiques. Un équilibre entre ces deux activités
semble essentiel pour limiter le risque de cancer (Morel et
Barouki, 1999
).
Chlordécone et cancer de la
prostate
Caractéristiques du cancer de la prostate aux
Antilles
Incidence des cancers aux
Antilles
La situation épidémiologique du cancer aux Antilles est
renseignée depuis 1983, avec la mise en place du Registre
général des cancers en Martinique et avec les données de
mortalité fournies par le Centre d’épidémiologie sur les
causes médicales de décès de l’Inserm (Inserm-CépiDc). Le
Registre général des cancers de la Guadeloupe (incluant les
Îles du Nord : Saint-Martin et Saint-Barthélemy) a commencé
sa collecte en 2008. Aux Antilles, les taux d’incidence des
cancers, toutes localisations confondues, autant chez
l’homme que chez la femme, sont globalement inférieurs à
ceux estimés en France métropolitaine (sous-incidence de
13 % chez les hommes et 47 % chez les femmes en Guadeloupe
et de 15 et 34 % respectivement en Martinique) (Deloumeaux
et coll., 2019
; Joachim-Contaret et coll.,
2019
). Ces taux d’incidence plus
faibles sont observés pour la plupart des localisations, en
particulier le poumon, le côlon-rectum et le sein. À
l’inverse, certaines localisations de cancers ont un taux
d’incidence plus élevé qu’en France métropolitaine comme le
cancer du col de l’utérus, de l’estomac, les myélomes
multiples ou le cancer de la prostate.
Au cours des dernières décennies, d’après les données du
registre des cancers de la Martinique, le taux d’incidence
des cancers, toutes localisations confondues, a augmenté
régulièrement (Dieye et coll.,
2014
). Parmi les explications
possibles figurent l’accroissement et le vieillissement de
la population, l’amélioration des procédures de diagnostic,
l’occidentalisation des modes de vie et d’alimentation et
l’augmentation de la prévalence du tabagisme. Cependant, les
tendances évolutives sont hétérogènes selon les
localisations de cancer, avec une augmentation notable de
l’incidence du cancer de la prostate, du sein et du
colon-rectum, alors qu’une tendance à la baisse est observée
pour les cancers de l’estomac et du col de l’utérus.
La mortalité par cancer, toutes localisations confondues, est
également inférieure à celle estimée en France
métropolitaine chez l’homme et la femme (sous-mortalité de
19 % chez les hommes et 14 % chez les femmes en Guadeloupe
et de 18 % et 8 % respectivement en Martinique) (Deloumeaux
et coll., 2019
; Joachim-Contaret et coll.,
2019
).
Le cancer de la prostate aux
Antilles
Incidence et
mortalité
En Guadeloupe et en Martinique, le taux d’incidence du
cancer de la prostate (standardisé sur l’âge de la
population mondiale) est respectivement de 173 et de 164
pour 100 000 personnes-années sur la période 2007-2014
Deloumeaux et coll.,
2019
; Joachim-Contaret et coll.,
2019
). Ce taux d’incidence aux
Antilles est près de deux fois supérieur au taux
d’incidence estimé en France métropolitaine sur la même
période (88,8 pour 100 000 personnes-années). Le rapport
d’incidence standardisé (SIR) est de 1,91 [1,85-1,97] en
Guadeloupe et de 1,79 [1,73-1,84] en Martinique. Cette
sur-incidence n’est pas surprenante car il est connu que
les populations dont les origines remontent à l’Afrique
subsaharienne présentent, plus que tout autre groupe
ethno-géographique, un risque élevé de développer la
maladie. De fait, l’incidence du cancer de la prostate
aux Antilles est du même ordre que celle observée chez
les populations afro-américaines aux États-Unis et
afro-caribéennes et africaines résidant au Royaume-Uni
(Ben-Shlomo et coll.,
2008
; Forman et coll.,
2013
).
Aux Antilles, l’âge médian au diagnostic (68 ans) du
cancer de la prostate est légèrement inférieur à celui
observé en France métropolitaine (70 ans). On note une
proportion plus élevée de cas chez les moins de 50 ans
aux Antilles. Ils représentent 2,2 % des cas en
Guadeloupe
versus 0,9 % en France métropolitaine.
La courbe transversale par âge montre un taux
d’incidence qui augmente à partir de 50-55 ans pour
atteindre un maximum entre 75 et 79 ans en Guadeloupe et
entre 70 et 75 ans en Martinique (Multigner et coll.,
2016
).
La mortalité par cancer de la prostate aux Antilles sur
la période 2007-2014 est également plus élevée que celle
de la métropole (23 en Guadeloupe et Martinique,
versus 10 pour 100 000 personnes-années en
France métropolitaine) (Deloumeaux et coll.,
2019
; Joachim-Contaret et coll.,
2019
).
Les tendances évolutives de l’incidence du cancer de la
prostate aux Antilles ont été estimées initialement par
le registre des cancers de la Martinique (Dieye et
coll., 2014
). En Martinique, entre 1981
et 2005, l’incidence a augmenté de manière assez
régulière et en moyenne de 5 % par an. En Guadeloupe, la
création récente du registre des cancers ne permet pas
de disposer d’un recul suffisant. Néanmoins, une étude
basée sur un recueil exhaustif de données, provenant de
l’ensemble des laboratoires d’anatomopathologie de la
Guadeloupe, a permis d’estimer l’incidence et son
évolution entre 1995 et 2003 (Mallick et coll.,
2005
). De 1995 à 2001, le taux
d’incidence, standardisé sur la population mondiale, se
situait en moyenne aux alentours de 93 pour
100 000 personnes-années (ce qui correspond en moyenne à
235 nouveaux cas annuels). Puis, de 2001 à 2003, le taux
d’incidence a brusquement augmenté pour atteindre 168,7
pour 100 000 personnes-années en 2013 (correspondant à
427 nouveaux cas), puis se stabiliser aux valeurs
actuelles. Cette évolution sur une période de 3 ans,
coïncide avec la création en Guadeloupe d’un poste
hospitalo-universitaire en urologie. La promotion du
dépistage précoce individuel et l’amélioration de la
prise en charge du cancer de la prostate dans ce
territoire sont susceptibles d’expliquer en grande
partie cette progression soudaine (Mallick et coll.,
2005
).
Caractéristiques
clinico-pathologiques
Comme en France métropolitaine, l’adénocarcinome
représente le type histologique prépondérant des tumeurs
de la prostate aux Antilles. Des études ont suggéré que
le cancer de la prostate chez les populations
afro-américaines aux États-Unis, serait plus agressif,
de moins bon pronostic et avec une moins bonne réponse
aux traitements que chez les Caucasiens. Toutefois, les
inégalités sociales et économiques, y compris d’accès
aux soins et au diagnostic précoce individuel du cancer
de la prostate, qui frappent cette minorité, rendent
encore incertaines de telles conclusions. Par analogie
avec les Afro-Américains, on suspecte que le cancer de
la prostate chez les Antillais soit également plus
agressif que chez les Caucasiens. Cependant, les
caractéristiques clinico-pathologiques au diagnostic et
celles observées lors de la récidive biologique de la
maladie, après traitement des formes localisées par
prostatectomie radicale, sont comparables à celles
observées dans d’autres populations (Brureau et coll.,
2009
; Brureau et coll.,
2018
). Une étude récente montre
que les tumeurs prostatiques, à un stade localisé de la
maladie, mais considérées comme localement
agressives
13
Score ISUP (International
Society of Urological Pathology) > 3 déterminé
sur pièce de prostatectomie.
, se caractérisent par une délétion plus
fréquente dans la région 1q41-43 englobant le gène de
réparation de l’ADN
PARP1 (poly(ADP-ribose)
polymérase 1), ainsi qu’une proportion plus élevée de
réarrangements intrachromosomiques, y compris des
duplications associées aux mutations de troncature des
CDK12 (
cyclin-dependant kinase 12) dans des
populations antillaises (et résidentes aux Antilles)
comparées à celles provenant de patients d’origine
caucasienne (résidents en France métropolitaine) (Tonon
et coll., 2019
).
Données
épidémiologiques
Le chlordécone est un insecticide organochloré utilisé
intensivement aux Antilles françaises de 1973 à 1993 pour lutter
contre le charançon du bananier. Du fait de la pollution
rémanente des sols, de la contamination des eaux (de surface et
profondes), du littoral et de la chaîne alimentaire, la
population est actuellement toujours exposée au chlordécone. Le
chlordécone est reconnu comme une substance neurotoxique,
toxique pour la reproduction et cancérogène (ATSDR,
1995
; Faroon et coll., 1995
; EPA,
2009
). De par ses propriétés hormonales œstrogéniques bien
établies, il est également considéré comme un perturbateur
endocrinien. Des études épidémiologiques ont été entreprises ces
dernières années aux Antilles pour identifier les risques
sanitaires que cette pollution pourrait entraîner.
Tenant compte de la contamination de la population au chlordécone
et des données toxicologiques existantes sur le potentiel
cancérigène de la molécule, la question des effets sanitaires
s’est naturellement posée concernant les cancers. En raison de
la fréquence de certaines localisations tumorales aux Antilles
et des propriétés hormonales bien établies du chlordécone, un
programme de recherche (Karuprostate) a été mis en place en 2003
en Guadeloupe afin d’identifier les facteurs de risque
génétiques et environnementaux du cancer de la prostate aux
Antilles. Au sein de ce programme conduit par des chercheurs de
l’Inserm et des cliniciens du CHU de la Guadeloupe, deux études
ont été réalisées. L’une de type cas-témoins en population
générale a été réalisée avec comme objectif spécifique de tester
l’hypothèse d’une association entre l’exposition au chlordécone
et le risque de survenue du cancer de la prostate (Multigner et
coll., 2010
). Tenant compte de l’âge médian
avancé de survenue du cancer de la prostate et de la période de
latence prévisible entre le début de l’exposition et
l’apparition de la maladie, ce type d’étude a été retenu pour
apporter des éléments de réponse dans un délai raisonnable,
contrairement à une étude de cohorte prospective qui aurait
nécessité un suivi sur de très nombreuses années avant de
pouvoir aboutir à des résultats. L’autre étude était une étude
de cohorte avec un suivi prospectif longitudinal et avait comme
objectif spécifique d’étudier l’hypothèse d’une association
entre l’exposition au chlordécone et le risque de récidive
biologique de cancer de la prostate chez des patients ayant eu
comme traitement initial curatif une prostatectomie radicale
(Brureau et coll., 2019).
Étude cas-témoins
Karuprostate
Méthodes
Sept cent neuf patients (cas incidents) atteints de
cancer de la prostate ont été comparés à 723 hommes
exempts de la maladie (groupe témoin). Les cas, dont le
diagnostic d’adénocarcinome a été confirmé par examen
histopathologique, ont été inclus successivement au
cours de la période 2004-2007, au cours des 3 mois
suivant le diagnostic et avant tout début de traitement.
Les patients provenaient des établissements de santé
publics (CHU de la Guadeloupe) et privés (Clinique
Saint-Pierre à Basse-Terre) de la Guadeloupe, couvrant
80 % des cas incidents. Seul un établissement privé
situé à Pointe-à-Pitre n’a pas participé. Les témoins
ont été recrutés au cours de la même période, parmi un
échantillon représentatif de l’ensemble des assurés
sociaux du département, en tenant compte de la
population des communes de résidence et sans distinction
de catégorie sociale, convoqués annuellement au Centre
d’examens de santé de la Guadeloupe.
L’étude n’a pas été proposée à ceux qui ne résidaient pas
en Guadeloupe ou qui prenaient ou avaient pris des
médications hormonales (y compris les traitements à base
d’inhibiteurs de la 5α-réductase). Le taux de
participation chez les cas a été de 98 % et chez les
témoins de 90 %. Seuls les sujets présentant un toucher
rectal strictement normal, une concentration plasmatique
en PSA en dessous d’un seuil de référence défini en
fonction de l’âge (75
e percentile de la
distribution de la concentration plasmatique en PSA,
observé chez une population d’ascendance africaine sans
cancer de la prostate) (Morgan et coll.,
1996
), et ayant au moins un
parent (père ou mère) né aux Antilles françaises ou dans
une île de la Caraïbe – dont les populations sont
majoritairement d’ascendance africaine (notamment Haïti
et Dominique) – ont été retenus dans l’analyse des
données.
Pour tous les participants, des informations ont été
recueillies, à l’aide d’un questionnaire structuré et
standardisé, sur leurs caractéristiques
sociodémographiques, anthropométriques et
professionnelles, leur parcours résidentiel depuis la
naissance, leur style de vie et leurs antécédents
médicaux personnels et familiaux. Un prélèvement à jeun
de sang veineux périphérique a permis de réaliser le
dosage du PSA chez les témoins, ainsi que ceux du
chlordécone et autres polluants persistants et des
lipides plasmatiques (cholestérol et triglycérides) chez
les cas et témoins.
L’exposition au chlordécone a été estimée par son dosage
dans le sang (plasma) avec une limite de détection
analytique (LD) de 0,25 µg/l. Les prélèvements de sang
ont été obtenus avant tout début de traitement pour les
cas et le jour où a été réalisé le dosage du PSA chez
les témoins. Les sujets ont été classés en fonction de
la répartition de la concentration plasmatique en
chlordécone chez les témoins. Le groupe de référence a
été constitué par ceux ayant des valeurs égales ou en
dessous de la LD. Les individus ayant des valeurs
supérieures à la LD ont été classés en terciles. Sous
l’hypothèse d’une exposition constante au cours du
temps, un indicateur d’exposition cumulé a été construit
en multipliant la concentration plasmatique en
chlordécone par le nombre d’années de résidence aux
Antilles depuis 1973 (date de l’introduction du
chlordécone), jusqu’à la date du prélèvement sanguin.
Cet indicateur n’a été appliqué qu’aux sujets ayant une
concentration plasmatique en chlordécone supérieure à la
LD. Les sujets ont été classés en quartiles en fonction
de la répartition de cet indicateur chez les témoins, le
premier quartile constituant le groupe de référence. Des
polymorphismes fonctionnels de type SNP (rs3829125 et
rs17134592) fortement corrélés (D’ = 1 ;
r
2 = 1) du gène de la chlordécone réductase
(
AKR1C4) (Kume et coll.,
1999
), enzyme hépatique
intervenant dans la réduction de la fonction cétone et
de ce fait dans l’élimination du chlordécone après
glucuro-conjugaison, ont été typés. Tenant compte de la
faible fréquence des allèles variants dans la population
d’étude (< 4 %), le risque a été calculé pour les
sujets présentant des concentrations en chlordécone
au-dessus de la LD, en comparant aux sujets présentant
des concentrations en chlordécone en dessous de la LD.
La mesure de l’association entre l’exposition au
chlordécone et la probabilité de survenue de la maladie
a été réalisée par le calcul de l’
odds ratio (OR)
et de son intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) à
l’aide d’une régression logistique. Cette procédure a
permis la prise en compte de facteurs potentiels de
confusion ou d’interaction, notamment : âge, lieu de
naissance, lieux de naissance des parents, lieux de
résidence, caractéristiques anthropométriques dont
l’indice de masse corporelle et le rapport tour de
taille sur tour de hanche, niveau de scolarité, métiers
exercés, usage professionnel ou non professionnel de
pesticides, antécédents familiaux de cancer de la
prostate, antécédents médicaux (notamment diabète,
infections virales et infections uro-génitales), taux de
lipides plasmatiques, consommation de tabac et
d’alcool.
Principaux
résultats
Le chlordécone a été dosé chez 623 patients atteints de
cancer de la prostate et 671 témoins pour lesquels un
prélèvement de sang a été obtenu et le dosage du
chlordécone réalisé avec succès. Le chlordécone a été
détecté chez 69 % des cas et 67 % des témoins. Dans le
modèle ajusté, un risque augmenté de survenue de la
maladie a été observé lorsque les concentrations
plasmatiques en chlordécone dépassaient ~ 1 µg/l (soit
2 mM) (3
e tercile pour les valeurs
supérieures à la LD comparé au groupe de référence en
dessous de la LD ; OR = 1,77 ; IC 95 % [1,21-2,58])
(tableau 12.I
). En utilisant les valeurs du chlordécone comme
variable continue (valeurs en dessous de la LD
remplacées par la LD/2), une relation dose-effet
positive a été retrouvée (p de tendance
linéaire < 0,002). En employant l’indicateur cumulé
d’exposition, un risque augmenté de survenue de la
maladie a été observé pour les sujets situés dans le
quatrième quartile de l’indicateur (le plus élevé) par
rapport au premier quartile (OR = 1,73,
IC 95 % [1,04-2,88]). En utilisant les valeurs du
chlordécone comme variable continue et restreintes aux
sujets présentant une concentration plasmatique en
chlordécone au-dessus de la LD, une relation dose-effet
positive a été trouvée entre cet indicateur cumulé et le
risque de survenue d’un cancer de la prostate (p de
tendance linéaire < 0,004).
Le risque n’était pas distribué de manière homogène selon
certaines caractéristiques individuelles. Il était
augmenté pour la classe la plus élevée
(4
e quartile) d’exposition (chlordécone
mesuré dans le plasma), parmi ceux ayant déclaré des
antécédents familiaux au premier degré (père, frères) de
cancer de la prostate (p d’interaction < 0,001) ou
parmi ceux ayant résidé temporairement (plus d’un an)
dans un pays occidental/industrialisé (majoritairement
France métropolitaine) avant la survenue de la maladie
(p d’interaction < 0,001). En stratifiant
simultanément sur les deux facteurs précités et en
dichotomisant l’exposition (< LD comme groupe de
référence
versus > LD), les sujets déclarant une
histoire positive d’antécédents familiaux au premier
degré de cancer de la prostate et une résidence
temporaire dans un pays occidental présentaient un
risque augmenté de développer la maladie (OR = 4,94 ;
IC 95 % [1,15-21,23]) (tableaux 12.II
et III
). Par ailleurs, en
dichotomisant l’exposition (< LD comme groupe de
référence
versus > LD), le risque de survenue du
cancer de la prostate, bien que non statistiquement
significatif, était augmenté chez les sujets porteurs
d’allèles variants G des polymorphismes fonctionnels de
la chlordécone réductase (OR = 5,2 ;
IC 95 % [0,8-33,3]), le risque chez les porteurs des
variants sauvages C étant de 1,30
(IC 95 % [0,91-1,85]).
En utilisant un indicateur composite
d’agressivité
14
Fort potentiel d’agressivité :
PSA < 30 ng/ml ou stade clinique T3 ou T4 ou
score de Gleason sur biopsie 4+3 ou supérieur ;
Faible potentiel d’agressivité : PSA > 30 ng/ml et
stade clinique T1c ou T2 et score de Gleason 3+4
ou inférieur.
(Cussenot et coll.,
2007
) et un modèle de régression
polytomique à plusieurs modalités (témoins comme groupe
de référence, cas peu agressifs, cas agressifs), le
risque de survenue a été retrouvé augmenté de manière
significative chez les cas présentant une forme
agressive de la maladie (OR = 2,16 ; IC 95 % [1,33-3,51]
pour le 3
e tercile des valeurs supérieures à
la LD comparé au groupe de référence en dessous de la
LD) avec une relation dose-effet en utilisant
l’exposition comme variable continue (p de tendance
linéaire = 0,004). Pour les formes moins agressives, le
risque associé au 3
e tercile était augmenté,
mais à la limite de la signification statistique
(OR = 1,45 ; IC 95 % [0,96-2,19]) et en utilisant
l’exposition comme continue le p de tendance linéaire
était de 0,04.
Sur la base de cette première publication (Multigner et
coll., 2010
) et en considérant les
données toxicologiques et mécanistiques disponibles à ce
moment-là, l’expertise collective de l’Inserm en 2013
avait conclu à une présomption forte d’un lien entre
l’exposition au chlordécone et la survenue du cancer de
la prostate.
Les données acquises lors de cette étude ont fait
ultérieurement l’objet d’analyses complémentaires
(Emeville et coll.,
2015
)
(tableau 12.IV
) où :
i) la LD du
chlordécone a été améliorée, après validation des cartes
de contrôles, à 0,06 µg/l ;
ii) l’amélioration de
la LD a permis le classement des expositions en
quintiles en fonction de la répartition du chlordécone
plasmatique chez les témoins ;
iii) 31 autres
polluants organochlorés persistants, notamment des PCB
et le DDE, ont été dosés et pris en compte dans les
modèles d’ajustement ;
iv) les covariables
manquantes ont été remplacées par des procédures
d’imputation multiples ;
v) les valeurs des
divers polluants en dessous de la LD ont été estimées
par imputation simple. Dans le modèle ajusté, un risque
augmenté de survenue de la maladie était observé lorsque
les concentrations en chlordécone dépassaient ~1 µg/l
(5
e quintile) comparé au groupe de
référence (1
er quintile) (OR = 1,65 ;
IC 95 % [1,09-2,48], p de tendance = 0,01 ; ajusté sur
DDE, OR = 1,64 ; IC 95 % [1,09-2,47], p de
tendance = 0,01 ; ajusté sur PCB-153, OR = 1,70 ;
IC 95 % [1,12-2,56], p de tendance = 0,008). Une
relation dose-effet positive a été trouvée entre
l’exposition au chlordécone (continue) et le risque de
survenue d’un cancer de la prostate (p = 0,01 ; ajusté
sur DDE, p = 0,01 ; ajusté sur PCB-153, p = 0,008).
Tableau 12.I Exposition au chlordécone et risque de
cancer de la prostate (d’après Multigner et coll.,
2010)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté
*
[IC 95 %]
|
Indicateur cumulé d’exposition
(quartiles)
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté
*
[IC 95 %]
|
< 0,25
|
195/223
|
1,00
|
1er
|
88/112
|
1,00
|
> 0,25-0,47
|
128/150
|
1,11 [0,75-1,65]
|
2e
|
101/112
|
1,06 [0,62-1,82]
|
> 0,47-0,96
|
139/149
|
1,22 [0,82-1,83]
|
3e
|
101/112
|
1,23 [0,72-2,11]
|
> 0,96
|
161/149
|
1,77 [1,21-2,58]
|
4e
|
134/112
|
1,73 [1,04-2,88]
|
| |
pde
tendance = 0,002
| | |
pde
tendance = 0,004
|
* Ajusté à l’âge, rapport tour de
taille/tour de hanche, antécédents de diagnostic
individuel et précoce de cancer de la prostate,
concentration plasmatique en
lipides
Tableau 12.II Exposition au chlordécone, risque de
cancer de la prostate et interactions avec les
antécédents familiaux de cancer de la prostate
(d’après Multigner et coll.,
2010)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Sans antécédents familiaux de cancer de
la prostate
|
Avec antécédents familiaux de cancer de
la prostate
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
Cas/ Témoins (n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
Pteraction
|
< 0,25
|
116/161
|
1,00
|
45/26
|
1,00
| |
> 0,25-0,47
|
78/111
|
1,35 [0,80-2,26]
|
26/19
|
0,97 [0,33-2,83]
| |
> 0,47-0,96
|
81/115
|
1,13 [0,66-1,95]
|
34/8
|
3,22 [1,03-10,1]
| |
> 0,96
|
68/123
|
1,27 [0,76-2,13]
|
45/14
|
3,00 [1,12-8,07]
|
< 0,01
|
| |
pde
tendance > 0,05
| |
pde
tendance = 0,03
| |
* Ajusté à l’âge, rapport tour de
taille/tour de hanche, antécédents de diagnostic
individuel et précoce de cancer de la prostate,
concentration plasmatique en lipides
Tableau 12.III Exposition au chlordécone, risque de
cancer de la prostate et interactions avec un séjour
dans un pays occidental (d’après Multigner et coll.,
2010)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Sans séjour antérieur dans un pays
occidental
|
Avec séjour antérieur dans un pays
occidental
|
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
Pteraction
|
< 0,25
|
137/165
|
1,00
|
58/56
|
1,00
| |
> 0,25-0,47
|
87/116
|
1,09 [0,68-1,74]
|
41/34
|
1,15 [0,53-2,48]
| |
> 0,47-0,96
|
103/110
|
1,12 [0,69-1,82]
|
36/39
|
1,33 [0,62-2,86]
| |
> 0,96
|
110/118
|
1,53 [0,98-2,39]
|
51/31
|
2,71 [1,26-5,83]
|
< 0,01
|
| |
pde
tendance > 0,05
| |
pde
tendance < 0,01
| |
* Ajusté à l’âge, rapport tour de
taille/tour de hanche, antécédents de diagnostic
individuel et précoce de cancer de la prostate,
concentration plasmatique en lipides
Tableau 12.IV Exposition au chlordécone et risque de
cancer de la prostate (d’après Emeville et coll.,
2015)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Cas/Témoins (n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
ORajusté * + DDE
[IC 95 %]
|
ORajusté * +
PCB153
|
< 0,13
|
132/113
|
1,00
|
1,00
|
1,00
|
> 0,13-0,30
|
128/85
|
1,00 [0,65-1,54]
|
1,01 [0,66-1,56]
|
0,98 [0,64-1,52]
|
> 0,30-0,51
|
131/127
|
1,47 [0,98-2,21]
|
1,48 [0,99-2,22]
|
1,51 [1,01-2,27]
|
> 0,51-1,02
|
134/121
|
1,41 [0,93-2,13]
|
1,41 [0,93-2,12]
|
1,45 [0,96-2,27]
|
> 1,02
|
130/130
|
1,65 [1,09-2,48]
|
1,64 [1,09-2,47]
|
1,67 [1,12-2,56]
|
| |
pde
tendance = 0,01
|
pde tendance =
0,01
|
pde
tendance < 0,01
|
* Ajusté à l’âge, rapport tour de
taille/tour de hanche, antécédents de diagnostic
individuel et précoce de cancer de la prostate,
concentration plasmatique en lipides. Remplacement
des données manquantes par imputation multiple
(équations chaînées, MICE)
Limites
Les études de type cas-témoins sont de nature
rétrospective. Elles peuvent être affectées par des
biais, difficiles à supprimer totalement même en prenant
de multiples précautions. Cependant, les procédures
employées pour la sélection des cas incidents et des
témoins, couplées au taux élevé de participation autant
chez les cas que chez les témoins, tout comme celles
utilisées pour classer les sujets en fonction de la
présence ou absence de la maladie, devraient avoir
réduit considérablement les biais éventuels de sélection
et de classement sur la maladie.
S’agissant de l’évaluation de l’exposition, la
concentration plasmatique en chlordécone est connue pour
être un bon reflet de la charge corporelle à un instant
donné (Cohn et coll.,
1978
). Mais cette mesure
reflète-t-elle correctement l’exposition passée ? Le
chlordécone est un polluant persistant dans l’organisme
avec des durées de demi-vie variables en fonction de
l’organe ou tissu considéré. Dans le sang, cette
demi-vie a été estimée à environ 6 mois lorsque
l’exposition externe cesse totalement. La mise en
évidence, dès 1975, de sols contaminés destinés à des
cultures alimentaires susceptibles d’accumuler la
molécule (Snegaroff,
1977
), suggère que la population
générale a pu être contaminée depuis cette période.
L’utilisation légale du chlordécone a été interrompue
définitivement en 1993, mais la pollution de sols – site
primaire de stockage de la molécule à l’origine de la
contamination de la chaîne trophique – s’est maintenue
jusqu’à nos jours. Les premières mesures visant à
réduire l’exposition de la population ont été prises en
2000 et ne concernaient que l’installation de filtres à
charbon pour les eaux de consommation au robinet. Ces
mesures, bien qu’indispensables, sont de portée limitée
dans la mesure où les niveaux de contamination des eaux
de consommation par le chlordécone sont bien plus
faibles que ceux présents dans les denrées alimentaires,
et contribuent donc faiblement à la charge corporelle.
Les arrêtés préfectoraux, mis en place en 2003 mais
appliqués efficacement qu’au cours des années suivantes
(Beaugendre, 2005
), visant à limiter la
production de certaines denrées alimentaires (légumes
racines) cultivées sur des sols pollués, ont sûrement eu
des effets plus conséquents. Mais compte tenu de la
période d’inclusion des participants à l’étude
(2004-2007), les effets de ces mesures n’ont pu être que
relativement modestes. Il est donc vraisemblable, sous
l’hypothèse d’un apport constant de denrées alimentaires
locales au cours des dernières décennies, que les
concentrations plasmatiques en chlordécone mesurées chez
les participants reflètent, en moyenne, leur exposition
au cours des années précédentes quelles que soient la
voie ou les circonstances d’exposition.
Un très grand nombre de pesticides organochlorés ont
commencé à être employés vers le milieu du
xxe siècle. La plupart des
études épidémiologiques portant sur ces pesticides et le
risque de survenue de pathologies tumorales se trouvent
confrontés à la difficulté de pouvoir différencier le
rôle des expositions au cours de la vie postnatale de
celles qui auraient pu se produire lors de la période
prénatale. Tenant compte de l’âge des sujets inclus dans
l’étude cas-témoins Karuprostate, en 1973, date de
première utilisation du chlordécone aux Antilles, le
plus jeune avait 14 ans et 95 % des participants plus de
19 ans. Cela permet de relier les associations observées
à une exposition postnatale à l’âge adulte et d’écarter
toute influence d’une exposition prénatale au cours de
la grossesse.
De nombreux organochlorés s’accumulent préférentiellement
dans les compartiments graisseux. Toutefois, le
chlordécone, étant donnée son hydrophobicité élevée
(estimée par le coefficient de partage eau-octanol,
Kow ;
log Kow = 4,51), s’accumule
moins dans les graisses périphériques comparé à d’autres
polluants de
Kow similaire (voir addenda en fin
de chapitre : paragraphe « Toxicocinétique et
métabolisme »). L’homme est moins concerné que la femme
par les grands processus mobilisateurs des graisses de
stockage, tels que la grossesse ou l’allaitement. Par
ailleurs, dans une population où, pour les tranches
d’âge considérées dans l’étude, la prévalence de
l’obésité est faible aux Antilles (de l’ordre de 11 %),
les variations éventuelles de la masse graisseuse (et de
ce fait de la répartition du chlordécone dans les
tissus) ne devraient pas avoir eu un impact important
sur les concentrations plasmatiques observées. Il faut
noter également que le cancer de la prostate n’est pas
une pathologie qui se caractérise par une perte de poids
(seuls les cas très avancés de la maladie, voire
métastatiques, sont potentiellement concernés par des
pertes significatives de poids). Néanmoins, les lipides
plasmatiques ont été pris en considération dans les
ajustements des modèles statistiques et non pas en les
exprimant par rapport à la concentration de lipides dans
le sang, cette approche pouvant entraîner des biais
(Porta et coll., 2009
). L’ensemble de ces
caractéristiques réduisent les biais de classement de
l’exposition estimée par la mesure de sa concentration
dans le sang.
De nombreux facteurs potentiels de confusion ont été
considérés (voir méthodes ci-dessus) limitant ainsi les
erreurs dans l’estimation des mesures des associations.
Une attention particulière a été portée par les auteurs
à certains aspects critiques, notamment le biais de
confusion représenté par les dépistages précoces
individuels du cancer de la
prostate
15
Combinaison du dosage du PSA et du
toucher rectal et suivi, le cas échéant par des
biopsies prostatiques.
antérieurs à celui qui a permis de
diagnostiquer un adénocarcinome. Cet aspect a été bien
argumenté dans la littérature, en particulier dans les
situations où le nombre de cas inclus dans l’étude
aurait été moindre sans la présence d’un dépistage
(Joffe, 2003
; Weiss,
2003a
et
b
; Adolfsson,
2007
). Les études réalisées sur des
autopsies ont confirmé l’existence de lésions tumorales
prostatiques croissantes avec l’âge, affectant 5 % des
hommes avant 30 ans et augmentant avec l’âge pour
atteindre 60 % à partir de 80 ans (Rich,
1935
; Zlotta et coll.,
2013
; Bell et coll.,
2015
). Ces lésions, dont les
pourcentages dépassent largement le risque cumulé de
cancer de la prostate (IARC, 2014), sont considérées
dans leur grande majorité comme indolentes et propres à
l’histoire naturelle de la prostate. C’est ainsi que les
hommes qui se font pratiquer régulièrement un dosage de
PSA sont plus à même d’avoir un diagnostic
d’adénocarcinome sur de telles lésions et qui peuvent ne
pas toujours être liées à l’exposition d’intérêt. Un
autre aspect important pris en considération est celui
de l’obésité. L’obésité estimée par l’indice de masse
corporelle n’était pas associée ni avec l’exposition au
chlordécone ni au risque de survenue de la maladie. En
revanche, l’obésité dite centrale ou abdominale, estimée
par le rapport tour de taille/tour de hanche, était
inversement associée aux concentrations plasmatiques en
chlordécone et positivement associée au risque de
survenue de la maladie, et de ce fait prise en compte
dans les ajustements.
L’hétérogénéité du risque en fonction des antécédents
familiaux de cancer de la prostate pourrait être
expliquée par la présence de facteurs de susceptibilité
génétiques communs à la maladie et à la sensibilité à
l’exposition au chlordécone, mais aussi par des facteurs
de risque environnementaux de la maladie partagés par
les membres d’une même famille. Une telle interaction
avec certains pesticides et le risque de survenue du
cancer de la prostate a déjà été rapportée dans la
littérature (Alavanja et coll.,
2003
; Mahajan et coll.,
2006b
; Lynch et coll.,
2009
; Christensen et coll.,
2010
).
L’influence d’une période temporaire de résidence dans un
pays occidental n’est pas surprenante. Il a été montré
que les populations migrantes, notamment asiatiques,
vers des pays occidentaux (États-Unis, Australie,
Europe), présentent à la génération suivante une
incidence du cancer de la prostate fortement augmentée
par rapport à celles constatées dans leurs régions
d’origine (Hsing et Devesa,
2001
). Si l’amélioration de
l’accès aux soins et aux procédures de diagnostic peut
expliquer de telles variations, l’influence de facteurs
environnementaux liés aux modes de vie des pays
occidentaux a été également avancée. À partir des années
1960, une forte immigration d’Antillais vers la
métropole s’est produite, et certains d’entre eux sont
retournés aux Antilles des années plus tard. Dans la
population d’étude, près de 27 % des participants
(23,9 % chez les témoins et 29,9 % chez les cas) ont
déclaré avoir séjourné temporairement en métropole
pendant une période supérieure à un an (en moyenne
14 années). Si l’on tient compte de l’âge médian des
participants au départ (20 ans) et au retour (34 ans),
la majorité des individus est retournée aux Antilles
avant la fin des années 1970. Autrement dit, la période
de résidence dans un pays occidental de la population
d’étude a précédé, pour la grande majorité d’entre eux,
le début de l’exposition au chlordécone (à partir de
1973). Dans l’étude cas-témoins Karuprostate, le fait
d’avoir résidé temporairement dans un pays occidental a
été retrouvé associé à un risque augmenté de survenue du
cancer de la prostate en Guadeloupe (OR = 1,4 ;
IC 95 % [1,2-2,0] ; modèle ajusté sur l’âge, le niveau
d’éducation, le lieu de naissance du sujet et des
parents et le nombre de dosage de PSA antérieurs)
(Multigner et coll.,
2009
). L’interprétation d’un
risque accru chez ceux qui ont résidé dans un pays
occidental et ont été exposés au chlordécone est
délicate et on ne peut à ce stade que soulever des
hypothèses. Parmi ces dernières, on peut évoquer
l’influence d’expositions environnementales acquises
lors de la période de migration, telles que la
co-exposition à d’autres polluants chimiques
susceptibles de favoriser la survenue de la maladie et
qui agiraient en synergie avec le chlordécone. Cela ne
semble pas être le cas pour de nombreuses molécules
organochlorées telles que le DDE et les PCB (Emeville et
coll., 2015
). Une autre hypothèse
concernerait les modifications des comportements
alimentaires des populations antillaises à l’occasion de
leur séjour dans un pays à mode de vie occidental. D’une
alimentation traditionnelle antillaise, riche en
poissons, fruits et légumes racines à faible index
glycémique, les populations migrantes se sont vues
confrontées à une alimentation dite occidentalisée
(
Western diet). Certains aspects de cette
alimentation, à forte teneur en graisses animales et en
laitages, ont été associés à un risque accru de survenue
de cancer de la prostate (Chan et coll.,
2005
). L’adoption d’un tel régime
à risque, au cours d’une période de migration moyenne de
14 ans, peut avoir perduré au retour aux Antilles et
ainsi contribuer à un risque supplémentaire.
D’autre part, le rôle des polymorphismes fonctionnels de
la chlordécone réductase pourrait être expliqué par une
différence dans la capacité de métabolisation du
chlordécone. Les allèles variants expriment une enzyme
caractérisée par une plus faible activité catalytique et
une plus lente élimination de la molécule de
l’organisme, comparé à l’enzyme exprimée par les allèles
sauvages (Molowa et coll.,
1986a
et
b
; Kume et coll.,
1999
). Il est également
intéressant de souligner que la fonction physiologique
de la chlordécone réductase est celle de catalyser la
transformation de la dihydrotestostérone (la forme
biologiquement active de la testostérone) en un
androgène bien plus actif, le 5α-androstane-3α-17β diol
(Khanna et coll., 1995
; Penning et coll.,
2000
). De ce fait, la présence de
variants exprimant une enzyme de plus faible activité
catalytique pourrait également jouer un rôle dans le
métabolisme des androgènes, et de ce fait dans le cancer
de la prostate.
Étude de cohorte
Karuprostate
Méthodes
Cette étude a été réalisée parmi les cas incidents de
cancer de la prostate ayant participé à l’étude
cas-témoins Karuprostate (décrite ci-dessus) et qui ont
fait l’objet d’un traitement initial à visée curative
par prostatectomie radicale au CHU de la Guadeloupe
(n = 392). Chez 340 patients, un dosage plasmatique de
chlordécone a pu être réalisé à la suite du diagnostic
et avant tout début de traitement, celui-ci ayant eu
lieu de 1 à 3 mois après le diagnostic. Après
l’intervention chirurgicale, la pièce opératoire a fait
l’objet d’un examen anatomopathologique portant sur le
score de Gleason, les marges chirurgicales et le
pourcentage de masse tumorale au sein de la prostate. Le
bilan d’extension a permis d’établir le stade
clinico-pathologique. Tous les patients ont fait l’objet
d’un suivi moyennant des visites cliniques couplées à
des déterminations de la concentration circulante en
PSA : la première dans les six semaines suivant
l’intervention, puis tous les 6 mois au cours des
3 premières années et annuellement par la suite. La
récidive biologique de cancer de la prostate a été
estimée par deux mesures consécutives (généralement à
4 semaines d’intervalle) du PSA dépassant 0,2 ng/ml. Les
concentrations plasmatiques en chlordécone ont été
classées en quartiles, en fonction de leur distribution
parmi les patients. Le temps de l’évènement (récidive
biologique) a été déterminé comme étant la durée entre
la date de la chirurgie et la date du dosage du PSA qui
a défini l’évènement. Les patients qui n’ont pas
récidivé, ou perdus de vue, au cours de la période de
suivi ont été censurés à la date de leur dernière
consultation. La probabilité de récidive biologique de
cancer de la prostate en fonction de l’exposition au
chlordécone a été étudiée par la méthode de Kaplan-Meier
couplée au test du Log-Rank pour la comparaison des
courbes de survie ainsi que par un modèle de Cox
permettant le calcul du Hazard ratio (HR) et de
son intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) et la prise
en compte de facteurs de confusion. Ont été considérés
comme facteurs potentiels de confusion l’âge, les
origines géographiques, le niveau de scolarité, l’indice
de masse corporelle, la consommation de tabac et
d’alcool, le diabète de type 2, les antécédents
familiaux de cancer de la prostate, les lipides
plasmatiques, le taux de PSA préopératoire, le stade
clinico-pathologique, le score de Gleason sur pièce
opératoire, les marges chirurgicales et la densité
tumorale. Les variables retenues dans les modèles finaux
sont celles qui prédisaient la récidive biologique au
seuil α inférieur à 0,05 puis qui ont été retenues suite
à une sélection backward au seuil α de 0,1. Les
données manquantes : 2 (0,6 %) pour le niveau de
scolarité, 2 (0,6 %) pour la consommation d’alcool, 2
(0,6 %) pour les antécédents familiaux de cancer de la
prostate, 3 (0,9 %) pour la consommation de tabac et 8
(2,5 %) pour le diabète de type 2, ont été remplacées
par un indicateur de données manquantes.
Principaux
résultats
Parmi les 340 patients initialement inclus, 14 ont été
ensuite exclus des analyses du fait d’un traitement
néo-adjuvant (hormonothérapie ou radiothérapie) ou parce
que la valeur du PSA, six semaines après l’intervention,
n’est pas revenue en dessous de 0,2 ng/ml. Le
chlordécone a été détecté chez 80,1 % des patients
(LD = 0,02 µg/l). Chez les 326 patients pour qui il y a
eu rémission temporaire (PSA < à 0,2 ng/ml à six
semaines après l’intervention chirurgicale), 93 (28,5 %)
ont présenté une récidive biologique au cours de la
période de suivi (durée médiane de suivi de 6,1 années
dont 7,3 années pour ceux n’ayant pas récidivé). À
5 ans, le taux de survie sans récidive biologique était
de 83,8, 79,8, 86,6 et de 65 % pour les 1
er,
2
e, 3
e et
4
e quartiles d’exposition croissante au
chlordécone respectivement (Log-Rank test, p de
tendance = 0,01). Dans un modèle ajusté, un risque
augmenté de récidive biologique de la maladie a été
observé pour le 4
e quartile d’exposition au
chlordécone comparé au 1
er quartile
(HR = 2,51 ; IC 95 % [1,39-4,56])
(tableau 12.V
). En utilisant les valeurs du chlordécone comme
variable continue (avec les valeurs en dessous de la LD
estimées par imputation simple), une relation dose-effet
positive a été retrouvée (p de tendance
linéaire = 0,002). Des résultats similaires ont été
obtenus après ajustement supplémentaire à deux autres
polluants persistants (DDE et PCB153) : HR = 2,32 ;
IC 95 % [1,40-4,90] pour le 4
e quartile
d’exposition au chlordécone comparé au
1
er quartile (p de tendance linéaire = 0,002)
(tableau 12.V
). À noter que le DDE tout comme le PCB153 n’ont pas
été retrouvés associés, ajustés ou pas aux autres
polluants persistants, à une modification de risque de
survenue de récidive biologique de la maladie. Des
résultats similaires ont été observés suite à une
analyse de sensibilité excluant les patients présentant
un stade clinico-pathologique avancé ou un score de
Gleason ISUP de grade 3 ou supérieur ou des marges
chirurgicales positives : HR = 2,98 ;
IC 95 % [1,06-8,38] pour le 4
e quartile
d’exposition au chlordécone comparé au
1
er quartile dans un modèle ajusté et
comprenant le DDE et le PCB153 (p de tendance
linéaire = 0,003) (tableau 12.VI
).
Tableau 12.V Exposition au chlordécone et risque de
récidive biologique de cancer de la prostate
(d’après Brureau et coll., 2019)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Sans/Avec récidive biologique
(n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
ORajusté **
[IC 95 %]
|
< 0,16
|
62/18
|
1,00
|
1,00
|
0,16-0,37
|
57/27
|
1,63 [0,89-2,98]
|
1,55 [0,81-2,93]
|
0,38-0,68
|
64/18
|
1,03 [0,53-2,00]
|
0,94 [0,46-1,90]
|
≥ 0,69
|
50/30
|
2,51 [1,39-4,56]
|
2,62 [1,40-4,90]
|
| |
pde
tendance =0,002
|
pde
tendance =0,002
|
* Ajusté au stade pathologique, au
score de Gleason sur pièce opératoire, aux marges
chirurgicales, à l’indice de masse corporelle et aux
antécédents familiaux de cancer de la
prostate
** Ajusté au stade pathologique, au
score de Gleason sur pièce opératoire, aux marges
chirurgicales, à l’indice de masse corporelle et aux
antécédents familiaux de cancer de la prostate, au
DDE et au PCB153
Tableau 12.VI Exposition au chlordécone et risque de
récidive biologique de cancer de la prostate.
Analyse de sensibilité parmi les patients ayant des
marges chirurgicales négatives, un stade
clinico-pathologique localisé et un score de Gleason
de grade 2 ISUP ou inférieur (d’après Brureau et
coll., 2019)
Concentration plasmatique
(µg/l)
|
Sans/Avec récidive biologique
(n)
|
ORajusté *
[IC 95 %]
|
< 0,16
|
35/6
|
1,00
|
0,16-0,37
|
43/6
|
0,61 [0,18-2,09]
|
0,38-0,68
|
42/3
|
0,42 [0,10-1,79]
|
≥ 0,69
|
34/15
|
2,98 [1,06-8,38]
|
| |
pde
tendance =0,003
|
* Ajusté à l’indice de masse
corporelle, aux antécédents familiaux de cancer de
la prostate, au DDE et au PCB153
Limites
Suite à un diagnostic de cancer de la prostate, divers
traitements peuvent être proposés en fonction des
caractéristiques de la maladie et des caractéristiques
individuelles de chaque patient. Pour ceux chez qui la
maladie est estimée à l’occasion du diagnostic comme
étant confinée à la prostate, l’un des traitements
fréquemment proposés est l’ablation totale de la glande
prostatique. Cette intervention, à visée curatrice,
reçoit le nom de prostatectomie totale. Si la tumeur est
effectivement confinée à la prostate et qu’il n’y a pas
de tissu prostatique résiduel après l’intervention
chirurgicale, la sécrétion de PSA deviendra indétectable
ou extrêmement réduite dans les jours ou semaines
suivant l’opération. Néanmoins, chez un certain
pourcentage de patients (de 20 à 40 %) on observe, en
absence de toute autre symptomatologie, une augmentation
de la sécrétion de PSA dans le sang au cours des mois ou
des années qui suivent. Cette augmentation du PSA, qui
témoigne de la présence et de la croissance de cellules
tumorales dans l’organisme, est dénommée récidive
biologique de la maladie. Cette constatation biologique
incite dans la plupart des cas à une nouvelle ligne de
traitement car il est reconnu qu’elle précède
fréquemment la survenue de métastases.
Les études de cohorte prospective sont moins affectées
par des biais que les études de type cas-témoins
rétrospectives. Dans le cadre de cette étude de cohorte,
les mesures d’exposition ont été obtenues avant la
survenue des évènements de santé analysés (récidive
biologique) et peu de temps avant l’intervention
chirurgicale. S’agissant d’un polluant persistant, la
mesure du chlordécone dans le sang est un bon indicateur
de la charge corporelle à l’équilibre et sur une longue
période. Toutefois, tenant compte que la contamination
au chlordécone provient de la consommation de certaines
denrées alimentaires (principalement légumes racines,
poissons et viandes d’origines locales), une
modification importante des comportements alimentaires
(tant sur le plan quantitatif que qualitatif) après
l’intervention chirurgicale pourrait modifier les
concentrations plasmatiques en chlordécone. Cependant,
aucune recommandation diététique spécifique
(quantitative ou qualitative) n’est habituellement faite
auprès des patients opérés par prostatectomie radicale.
Pour de nombreux polluants persistants, il est admis que
des modifications importantes du poids corporel peuvent,
par redistribution dans les divers compartiments de
l’organisme – notamment le compartiment graisseux –,
modifier la concentration plasmatique et donc la charge
corporelle biologiquement active. Dans le cas présent,
de tels évènements sont peu probables et pour deux
raisons : d’une part le traitement du cancer de la
prostate par prostatectomie radicale tout comme la
maladie au stade localisé ne sont pas connus pour
entraîner des modifications significatives du poids ;
d’autre part, en dépit de son hydrophobicité élevée, le
chlordécone est peu lipophile et les changements de
poids n’entraînent pas de modifications notables des
concentrations plasmatiques (voir addenda en fin de
chapitre : paragraphe « Toxicocinétique et
métabolisme »).
Comme précédemment évoqué, les patients de la présente
cohorte provenaient des cas inclus initialement dans
l’étude cas-témoins Karuprostate et qui représentaient à
leur tour près de 80 % des cas incidents de cancer de la
prostate en Guadeloupe sur la période d’inclusion. Parmi
les cas ayant fait l’objet d’un choix thérapeutique par
prostatectomie radicale, près de 90 % ont été opérés au
CHU de la Guadeloupe. La récidive biologique a été
estimée selon des procédures standardisées (Heidenreich
et coll., 2011). De nombreux facteurs potentiels de
confusion ont été considérés limitant ainsi les erreurs
dans l’estimation des mesures des associations.
Données toxicologiques et
mécanistiques
Études de cancérogenèse chez
l’animal
En 1958, la Faculté de Médecine de Virginie réalisa, à la
demande de la
Allied Chemical Corporation, des études
de toxicité du chlordécone chez diverses espèces animales.
Les résultats de ces études, datés du
1
er juillet 1961, ont figuré dans le dossier
d’autorisation et d’enregistrement du chlordécone comme
pesticide aux États-Unis. Suite aux actions judiciaires
entamées dans le cadre de l’exposition des travailleurs de
l’usine de Hopewell (voir addenda en fin de chapitre), ce
dossier fut rendu public et les données publiées (EPA,
1975 ; Jaeger, 1976
; Larson et coll.,
1979
). Il a été ainsi rapporté que
l’exposition chronique (de 1 à 2 ans) au chlordécone par
voie orale (de 0 à 80 ppm dans l’alimentation) chez des rats
albinos (40 mâles et 40 femelles) induisait des lésions
hépatiques de type carcinome hépatocellulaire, autant chez
les mâles (seuls les animaux exposés à la dose de 25 ppm ont
été examinés) que chez les femelles (seuls les animaux
exposés aux doses de 10 et 25 ppm ont été examinés), alors
qu’aucun des animaux témoins ne présentait de lésions
tumorales hépatiques, les différences étant statistiquement
significatives. Les animaux exposés présentaient d’autres
localisations tumorales, mais leur faible nombre ne
permettait pas d’établir une différence statistiquement
significative par rapport aux animaux témoins. Tenant compte
du taux de mortalité élevé parmi les animaux exposés, nombre
d’entre eux n’ont pu être correctement examinés. Dans un
deuxième essai où les rats ont été exposés par voie orale à
la dose unique de 1 ppm, 2 des 10 mâles et 2 des 13 femelles
exposés ont développé des lésions tumorales hépatiques
(carcinomes) alors qu’aucun des témoins (14 mâles et
17 femelles) ne développa de quelconque lésion tumorale ;
cependant le seuil de signification statistique (α < 5 %)
n’était pas atteint.
Le
National Cancer Institute (
Carcinogenesis
Program, Division of Cancer Cause and Prevention)
(NTP, 1976
) entreprit par la suite une
étude détaillée de cancérogenèse chez le rat Osborn-Mendel
(50 mâles et 50 femelles) et la souris B6C3F1 (50 mâles et
50 femelles), menée sur une période de 80 semaines, à deux
doses dans l’alimentation (à 8 et 24 ppm pour les rats
mâles, 18 et 26 ppm pour les rats femelles, 20 et 23 ppm
pour les souris mâles et 20 et 40 ppm pour les souris
femelles) (NTP, 1976
; Reuber,
1978
et
1979
). La survenue de carcinomes
hépatocellulaires a été retrouvée plus élevée, de manière
statistiquement significative, chez les rats aux doses les
plus élevées et chez les souris à l’ensemble des doses et
quel que soit le sexe de l’animal. Cependant, la fréquence
d’hépatocarcinomes a été retrouvée plus élevée chez les rats
femelles que les mâles et l’inverse chez la souris. D’autres
tumeurs ont été signalées chez les animaux traités, mais
leur faible nombre n’a pas permis d’établir une différence
significative avec les animaux témoins, lesquels par
ailleurs n’ont développé aucune tumeur.
Malgré des imprécisions sur les expérimentations dont les
protocoles à l’époque ne correspondaient pas aux
recommandations actuelles, ces travaux réalisés chez des
rongeurs ont servi en grande partie de support à
l’évaluation et aux propositions de classement de la
cancérogénicité par diverses institutions.
Génotoxicité et
mutagenèse
Les études
in vivo et
in vitro suggèrent que le
chlordécone n’est ni mutagène ni génotoxique. Les essais
in vitro à court terme (mutations géniques) chez
Salmonella typhimurium ou
Escherichia coli
(Schoeny et coll., 1979
; Probst et coll.,
1981
; Mortelmans et coll.,
1986
) se sont avérés négatifs. Le
chlordécone alcool, principal métabolite du chlordécone chez
certaines espèces dont l’être humain, n’est pas mutagène
chez
S. typhimurium (Mortelmans et coll.,
1986
). Le chlordécone a également
donné des résultats négatifs lorsqu’il a été testé sur la
synthèse d’ADN non programmée dans des cultures primaires
d’hépatocytes de rats adultes (Williams,
1980
; Probst et coll.,
1981
). L’activité clastogène
(aberration de la structure chromosomique) du chlordécone a
été étudiée sur des cellules d’ovaire de hamster chinois
aboutissant à des observations contradictoires. Bale
(1983
) a signalé que le traitement à
des doses de 2, 4 ou 6 µg/ml produisait des ruptures de
chromosomes, des ruptures de chromatides, des chromosomes
dicentriques et des échanges chromosomiques. À l’inverse,
Galloway et coll. (1987
), en utilisant des doses plus
élevées (10 à 20 µg/l sans activation métabolique ; 5 à
15 µg/l après activation métabolique [fraction S9 provenant
de foie de rat induit par l’Arochlor 1254]) n’ont observé
aucune augmentation de morphologie chromosomique anormale.
L’effet clastogène potentiel du chlordécone n’a pas été
retrouvé sur les cellules germinales mâles de rat dans un
essai létal dominant à des doses de 3,6 ou 11,4 mg/kg pc/j
par voie orale pendant 5 jours consécutifs (Simon et coll.,
1986
et
1978
).
Le National Toxicology
Program (NTP, 1976
) mentionne cependant que des
tests cytogénétiques basés sur des échanges entre
chromatides sœurs et de mutation génique
in vitro sur
cellules de lymphomes de souris se sont avérés positifs. En
conclusion, malgré des résultats contradictoires, un effet
clastogène est suggéré.
Mécanismes de
cancérogenèse
Maslansky et Williams (1981
) ont suggéré que le potentiel
tumoral des pesticides organochlorés, en absence de
génotoxicité, reflète un mécanisme épigénétique, impliquant
probablement un effet promotionnel résultant d’une
perturbation des communications intercellulaires. Des études
in vivo ont montré que le chlordécone agit
principalement comme promoteur tumoral plutôt que comme
initiateur (Sirica et coll.,
1989
). De la diéthylnitrosamine a été
administrée par voie orale à des rats Sprague-Dawley
partiellement hépatectomisés, suivie de deux doses
sous-cutanées de 0,86 ou 2,6 mg/kg pc/j de chlordécone
pendant 27 semaines. La dose plus élevée a entraîné des
nodules hépatiques hyperplasiques chez sept des huit mâles
initiés et des carcinomes hépatocellulaires chez cinq des
six femelles initiées. Aucune activité d’initiation tumorale
n’a été observée avec une dose orale unique de 30 mg/kg pc
de chlordécone après hépatectomie et suivie d’une promotion
par du phénobarbital, qui est un promoteur de cancérogenèse
bien connu. Cette capacité du chlordécone à agir comme
promoteur tumoral, tout comme à favoriser la progression et
l’invasion tumorale est confortée par un ensemble d’autres
observations décrites ci-après.
Inhibition des communications
intercellulaires
Le chlordécone inhibe les jonctions lacunaires des
cellules CHO (V79 d’ovaires de hamsters chinois)
(Tsushimoto et coll., 1982
) mais aussi des cellules
mésenchymateuses palatines embryonnaires (Caldwell et
Loch-Caruso, 1992
). La perte de leur fonction
est fréquemment induite par des promoteurs tumoraux.
Inhibition des jonctions
adhérentes
Le chlordécone perturbe les jonctions adhérentes de
cellules épithéliales mammaires humaines en diminuant
les taux de protéines transmembranaire de E-cadhérine et
sous-membranaire de β-caténine impliquées dans
l’adhésion cellulaire (Starcevic et coll.,
2001
), un phénomène observé dans
différents types de cancer, notamment les formes
agressives (et précisément pour la prostate) (De Marzo
et coll., 1999
).
Induction enzymatique de
cytochromes
Il a été observé une induction enzymatique des
cytochromes P450, CYP3 (A4) et 2B (1,2,6) hépatocytaires
(Mehendale et coll.,
1977
, Kocarek et coll.,
1991
et
1994
), tout en transactivant le
récepteur nucléaire PXR (Lemaire et coll.,
2004
; Lee et coll.,
2008
). L’induction des CYP2B et
CYP3A est une propriété du phénobarbital. Les effets du
phénobarbital sont pléiotropiques et les mécanismes de
promotion sont complexes, mais conduisent à la
prolifération du réticulum endoplasmique aboutissant à
une hyperplasie et une hépatomégalie comme cela est le
cas également du chlordécone suggérant que ces deux
composés partagent des modes d’action communs.
Augmentation de l’activité de
l’ornithine décarboxylase (ODC)
Une augmentation de l’activité de l’ornithine
décarboxylase (ODC) a été observée dans le foie de rats
exposés au chlordécone par voie orale (Kitchin et Brown,
1989
). L’ODC catalyse la
conversion d’ornithine en putrescine, première étape
limitante dans la synthèse des polyamines (spermine et
spermidine). Les polyamines sont requises pour la
croissance et la multiplication des cellules. Elles
interviennent dans le contrôle et la fidélité de
l’expression génétique (car chargées positivement et
interagissant avec l’ADN) et jouent donc un rôle clé
pendant la cancérogenèse prostatique (Shukla-Dave et
coll., 2016
). L’augmentation de sa
production ou de son activité est donc parfaitement
cohérente avec la promotion tumorale, d’autant que le
génome des tumeurs est fréquemment instable.
Inhibition de plusieurs activités
ATPases
Il a été décrit une inhibition de plusieurs activités
ATPases, notamment Na
+/K
+,
Mg
2+ et Ca
2+, mitochondriales
et membranaires (plasmiques) dans de multiples tissus,
notamment hépatiques, cérébraux (synaptosomes) et
cardiaques (Desaiah et coll.,
1977
; Folmar,
1978
; Desaiah,
1980
; Desaiah et coll.,
1980
; Curtis et Mehendale,
1981
; Curtis,
1988
; Jinna et coll.,
1989
). L’inhibition des ATPases
mitochondriales par le chlordécone serait susceptible de
promouvoir la glycolyse anaérobique et la production
d’espèces réactives de l’oxygène (ERO), ce qui
favoriserait à son tour la prolifération et la survie
cellulaire (Sanchez-Arago et coll.,
2013
).
Perturbation de la distribution de
Ca2+ intracellulaire
Une perturbation de la distribution de Ca
2+
intracellulaire participant à l’effet neurotoxique du
chlordécone a été décrite (Hoskins et Ho,
1982
; Komulainen et Bondy,
1987
; Inoue et coll.,
1990
). Les auteurs mentionnent
que les niveaux de calcium peuvent augmenter dans
certains organites comme la mitochondrie ou le noyau,
tout en diminuant dans le cytoplasme. Ils relèvent
également des modifications de la distribution entre
compartiments intra- et extracellulaires. Par extension,
il est donc possible que la distribution de
Ca
2+ dans d’autres tissus soit aussi
perturbée par le chlordécone, favorisant certaines voies
de signalisation impliquées dans la prolifération
cellulaire comme celles des protéines kinases C
(PKC).
Perturbation du métabolisme
mitochondrial
L’exposition au chlordécone de cellules tumorales
lymphoïdes découple la phosphorylation oxydative
mitochondriale et diminue la taille du pool de calcium
échangeable mitochondrial, tout en augmentant la
constante de vitesse d’efflux de cet organite (Carmines
et coll., 1979
). Le transport du calcium
dans des mitochondries isolées de cerveau de rat est
inhibé,
in vivo et
in vitro, par le
chlordécone (End et coll.,
1979
). Le métabolisme
mitochondrial est primordial pour les cellules
tumorales. Cependant, les différentes altérations
énergétiques, glycolytiques ou oxydatives, dépendront en
partie du stade de développement des cellules subissant
une transformation tumorale (Wallace,
2012
).
Stimulation de l’activité des protéines
kinases C (PKC)
Les travaux de Rotenberg et coll. (1991) montrent que le
chlordécone stimule l’activité PKC en l’absence de
Ca
2+. L’une des conséquences de cette
stimulation est l’augmentation d’expression de
l’ornithine décarboxylase (voir plus haut). La
stimulation de la PKC intervient également dans la
signalisation favorisant la progression tumorale de la
prostate (Shiota et coll., 2014 ; Garg et coll.,
2017
; Shiota et coll.,
2017
).
Propriétés
hormonales
Le chlordécone présente des propriétés
œstrogéno-mimétiques : agonistes vis-à-vis de l’ERα, et
antagonistes vis-à-vis de l’ERβ (ER : récepteur des
œstrogènes) (Palmiter et Mulvihill,
1978
; Hammond et coll.,
1979
; Kocarek et coll.,
1994
; Lemaire et coll.,
2006b
). L’ERα est connu pour être
impliqué dans les effets indésirables des œstrogènes,
tels que la prolifération cellulaire et l’inflammation,
tandis que l’ERβ exerce des actions opposées et
bénéfiques telles que des effets antiprolifératifs,
pro-apoptotiques, anti-inflammatoires et donc
potentiellement anticancérigènes (Ellem et Risdbridger,
2009
). La prostate humaine exprime
ces deux récepteurs, l’ERα s’exprimant
préférentiellement dans les cellules du stroma et l’ERβ,
dans les cellules épithéliales (Schulze et Claus,
1990
; Enmark et coll.,
1997
). L’action combinée des
effets agonistes du chlordécone sur les ERα et des
effets antagonistes sur les ERβ pourrait entraîner un
déséquilibre, favorisant la prolifération cellulaire
(Bonkhoff et Berges,
2009
; Bonkhoff,
2018
). Une étude réalisée chez un
poisson cyprinidé de Chine (
Gobiocypris rarus)
indique une induction par le chlordécone de l’ARNm de
ERα mais aucune action sur ERβ et sur le récepteur aux
androgènes (AR) pour les gonades mâles (Yang et coll.,
2016
). L’augmentation du ratio
E2/T est observée avec toutes les conséquences
potentielles évoquées plus haut (cancérogenèse,
agressivité des cellules tumorales...) et pourrait être
reliée à l’activité agoniste du chlordécone sur le
CYP19A (aromatase, une enzyme qui convertit les
androgènes en œstrogènes), une interaction retrouvée en
analyse de «
docking » ligand-récepteur.
De plus, chez la souris, le chlordécone interagit de
manière indirecte avec les voies de signalisation
œstrogéniques. Il induit l’expression dans le tissu
utérin murin de Bip, une protéine induite de manière
spécifique par l’œstradiol (Ray et coll.,
2007
). Cette induction facilite
la liaison de Bip à l’ERα, permettant de contrôler
l’expression de gènes ERα-dépendants. Cela suggère que
des protéines comme Bip pourraient agir comme
amplificateurs des propriétés œstrogéniques de molécules
ayant une faible affinité pour ER. Le chlordécone active
également l’expression du gène œstrogéno-sensible de la
lactoferrine chez une souris pour laquelle ERα a été
inactivé (Das et coll.,
1997
et
1998
), un effet qui n’est pas
inhibé par les antagonistes habituels de ERα. Il se lie
et active également le récepteur membranaire aux
œstrogènes GPR-30 (Thomas et Dong,
2006
). Une étude
in vitro
a par ailleurs montré que le chlordécone inhibe
l’activité de l’aromatase de cellules embryonnaires en
culture et de fractions microsomiales d’extraits
placentaires ou de l’enzyme purifiée (Benachour et
coll., 2007
).
Concernant les activités hormonales autres que celle des
œstrogènes, le chlordécone présente une faible affinité
in vitro pour le récepteur aux androgènes
(Okubo et coll., 2004
). Sur des extraits
cytosoliques de prostate ventrale de rat, le chlordécone
présente également une très faible capacité à déplacer
la liaison de l’androgène synthétique IR1881 au
récepteur aux androgènes (Kelce et coll.,
1995
). Le chlordécone présente
une activité androgénique sur des cellules PC-3
transfectées exprimant le récepteur humain aux
androgènes ; le chlordécone seul n’a aucun effet, mais
il inhibe partiellement l’activation générée par la
liaison de la dihydrotestostérone (Schrader et Cooke,
2000
). Le chlordécone présente
également des propriétés de type progestagène (Das et
coll., 1998
et
1999
) en interagissant avec le
récepteur à la progestérone (récepteur humain
recombinant) (Scippo et coll., 2009) et en inhibant la
liaison de la progestine R5020 (agoniste du récepteur A
de la progestérone) (Vonier et coll.,
1996
). Finalement, comme
mentionné précédemment, le chlordécone active également
le «
Pregnane X Receptor » (PXR) (Lee et coll.,
2008
) ce qui pourrait avoir des
conséquences indirectes sur les concentrations
circulantes de certaines hormones métabolisées par les
cibles géniques de ce récepteur (CYP2 et 3).
Propriétés
pro-angiogéniques
Le chlordécone,
in vivo et
in vitro,
augmente la prolifération de cellules endothéliales
(Clere et coll., 2012
). Cet effet est aboli en
éteignant l’expression de ERα et implique la voie
ERα/Nox2/O2 mitochondriale. Récemment, Alabed Alibrahim
et coll. (2019
) ont montré que l’exposition
au chlordécone par voie orale (1,7 µg/kg pc/j pendant
8 semaines) chez des souris nude xénogreffées avec des
cellules tumorales humaines de la prostate (PC3), induit
une augmentation de la taille des tumeurs prostatiques.
L’immunomarquage à l’aide du marqueur endothélial CD31 a
révélé une augmentation de la néovascularisation
tumorale. Il est à noter que la concentration
plasmatique après 8 semaines d’exposition était en
moyenne de 26,3 µg/l et que l’effet pro-angiogénique
était fortement diminué en cas d’exposition à des
dérivés déchlorés du chlordécone.
Augmentation de l’expression du
récepteur CXCR4 et de la protéine d’adhésion VCAM-1 (Wang et
coll., 2007)
Ces protéines interviennent dans la signalisation du
microenvironnement cellulaire impliqué dans la
progression tumorale et métastatique (Sun et coll.,
2010
; Schlesinger et Bendas,
2015
) y compris des tumeurs
prostatiques (Taichman et coll.,
2002
; Tai et coll.,
2014
).
Effets épigénétiques
transgénérationnels
Une publication récente rapporte des effets épigénétiques
transgénérationnels observés sur la prostate murine
après exposition gestationnelle au chlordécone (Legoff
et coll., 2021
). Des souris gestantes ont
été exposées par voie orale au chlordécone à une dose de
100 µg/kg pc/j, presque trois fois en dessous de la
LOAEL dans cette espèce. Les auteurs ont observé une
augmentation du nombre d’animaux porteurs de néoplasies
intraépithéliales prostatiques chez les générations F1
et F3. Chez l’homme, ces lésions lorsqu’elles sont de
haut grade, sont fortement suspectées de constituer des
précurseurs du cancer de la prostate. Une analyse
transcriptomique a montré une expression différentielle
de 970 gènes chez la génération F1 et de 218 gènes chez
génération F3, comprenant des gènes du développement
(
Hoxa7, Hoxa9, Hoxb13...) et des gènes
impliqués dans la voie de synthèse des androgènes
(
Cyp17a1, Cyp19a1, Srd5a1...). Une analyse
épigénomique réalisée sur des prostates et le sperme des
générations F1 et F3 a identifié des changements
d’intensité de certaines marques (H3K4me3, H3K27me3) à
proximité de gènes intervenant dans la différenciation
des cellules souches et du développement de la
prostate.
En conclusion, plusieurs mécanismes d’action du
chlordécone au niveau intracellulaire sont à souligner,
notamment dans un contexte de promotion ou de
progression tumorale. Parmi ces mécanismes d’action, le
blocage de nombreuses ATPases (dont celles impliquées
dans la production d’ATP au niveau de la chaîne
respiratoire) pourrait favoriser l’agressivité des
tumeurs en favorisant une glycolyse anaérobie ainsi que
la production d’ERO stimulant des voies de signalisation
prolifératives. Il apparaît par ailleurs que les
perturbations de la distribution du Ca2+
pourraient jouer un rôle significatif. En effet, la
mitochondrie est un réservoir important de
Ca2+ intracellulaire et il apparaît là
encore que le blocage des ATPases calciques par le
chlordécone pourrait perturber sa distribution
intracellulaire, favorisant l’activation de la protéine
kinase C. Le Ca2+ se concentre aussi dans le
noyau, ce qui pourrait contribuer à l’activité de cette
famille de kinases dans cet organite. Une des
conséquences de cette activation pourrait être la
stimulation de l’expression/activité de l’ornithine
décarboxylase, une enzyme stabilisant l’ADN par la
production de polyamines notamment au cours de sa
synthèse, au moment de la division cellulaire. Outre les
effets du chlordécone sur la promotion ou progression
tumorale, nombre des évènements rapportés interviennent
dans la communication et la jonction intercellulaires,
tout comme dans la signalisation, notamment hormonale,
du microenvironnement impliqué dans la progression
tumorale et métastatique, y compris des tumeurs
prostatiques.
Classements du chlordécone dans les
substances cancérogènes
Sur la base des études existantes, plusieurs organismes se
sont prononcés sur le potentiel cancérogène du
chlordécone.
Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a
établi en 1979 qu’« il existe des preuves suffisantes pour
considérer que le chlordécone est cancérogène chez la souris
et le rat. En l’absence de données adéquates chez l’humain,
il est raisonnable, à des fins pratiques, de considérer le
chlordécone comme s’il présentait un risque cancérogène pour
l’être humain »
16
There is sufficient evidence that
chlordecone is carcinogenic in mice and rats. In
the absence of adequate data in humans, it is
reasonable, for practical purposes, to regard
chlordecone as if it presented a carcinogenic risk
to humans.
(IARC,
1979
). Son classement dans la
catégorie 2B (peut-être cancérogène pour l’humain) est
intervenu en 1987
17
Possibly carcinogenic to
humans.
sur des critères qui ne correspondent plus
à ceux actuellement en vigueur. Depuis, aucune actualisation
n’a été faite par le Circ.
Aux États-Unis et dès 1981, le
National Toxicology
Program, qui dépend du Département de la Santé et
des Services Sociaux des États-Unis (US-HHS) (deuxième
rapport annuel n
o PB8222980) a considéré le
chlordécone, comme « pouvant être raisonnablement anticipé
cancérogène pour l’humain »
18
Reasonably anticipated to be a human
carcinogen.
puis l’US-EPA comme « susceptible d’être
cancérogène pour l’humain »
19
Likely to be carcinogenic to
humans.
. L’ATSDR (
Agency for Toxic Substances
and Disease Registry), qui dépend également de
l’US-HHS, a récemment procédé à l’actualisation du profil
toxicologique du chlordécone
20
.
Le chlordécone est considéré comme agent cancérigène et
classé en catégorie 2 (cancérogène possible) de la
classification CMR de l’Union européenne relative aux
substances préoccupantes.
Discussion
Le cancer est une maladie plurifactorielle et particulièrement
complexe. Il ne fait aucun doute qu’elle résulte de la
combinaison de facteurs génétiques de prédisposition et de
facteurs environnementaux conduisant à la transformation maligne
des cellules, sans pour autant écarter le rôle éventuel (et très
débattu) de mutations aléatoires (Tomasetti et coll.,
2017
). Dans ces conditions, il est difficile d’attribuer une ou
plusieurs causes à un cancer dans une relation univoque, le
terme de causalité étant par ailleurs soumis à de multiples
interprétations, y compris philosophiques et sociologiques.
S’agissant des approches épidémiologiques, notamment dans le
domaine du cancer, on parle de manière plus pragmatique de
facteurs de risque. La validité interne et la validité externe
des études leur confèrent du sens. La plausibilité biologique
des facteurs de risque identifiés par les études
épidémiologiques permet, lorsqu’elle est bien documentée,
d’apporter des arguments en faveur d’une interprétation causale
des associations.
L’Expertise collective de 2013 n’a pu signaler qu’une seule
matière active pour laquelle elle a estimé qu’un lien de
causalité était établi entre une exposition aux pesticides et un
effet sur la santé. Il s’agit du dibromochloropropane, un
fumigant nématocide employé dans des cultures tropicales,
notamment banane et ananas, et la survenue d’infertilité
masculine en portant atteinte, de manière irréversible, à la
production de spermatozoïdes. Cette même expertise, sur la base
des connaissances scientifiques disponibles, n’a pas pu
constater de relation de causalité entre l’exposition à un
pesticide donné et la survenue d’une quelconque autre
pathologie, notamment tumorale.
Dans le cas de l’étude cas-témoins Karuprostate, l’exposition au
chlordécone a été proposée comme étant un facteur de risque, car
elle est associée à une probabilité plus élevée de survenue d’un
cancer de la prostate en Guadeloupe. Cette notion d’association,
strictement statistique, n’établit pas d’office une relation
causale. Pour autant, il est légitime, dans le cadre des études
épidémiologiques, d’organiser les faits empiriques et de leur
donner du sens. Une telle approche relève davantage du jugement
que de la démonstration. C’est ainsi que Bradford Hill a proposé
divers arguments pouvant servir de base à ce jugement (Hill,
1965
; voir également l’expertise collective Inserm, « Approche
méthodologique du lien avec l’environnement », 2005
).
Tout en tenant compte des limites évoquées précédemment sur
l’étude cas-témoins Karuprostate, quels arguments plaident en
faveur d’une relation causale ?
• Les associations retrouvées sont statistiquement
significatives, mais leur amplitude reste relativement modeste,
de l’ordre du doublement de risque, comme cela est souvent
attendu pour des expositions environnementales.
• La présence d’un gradient biologique (dose-réponse) entre
l’intensité de l’exposition, quels que soient l’indicateur
d’exposition utilisé ou les facteurs d’interaction explorés,
confère une cohérence interne à l’étude.
• Le Circ, dans le préambule de ses monographies d’évaluation du
risque cancérogène chez l’être humain, considère qu’une durée
d’exposition de 20 ans est fréquemment nécessaire avant
l’apparition clinique d’un cancer. Ce critère est rempli dans le
cas présent, où la durée d’exposition médiane au chlordécone de
la population d’étude a été estimée à 30 ans.
• L’augmentation de risque retrouvée chez les porteurs d’allèles
variants de la chlordécone réductase est, bien que non
statistiquement significative, cohérente avec la réduction de la
capacité de métabolisation et d’élimination de la molécule
entraînée par ces variants.
• Des études portant sur au moins deux espèces animales (rats et
souris) ont montré que l’exposition au chlordécone peut induire
des hépatocarcinomes.
• Des études relatives aux mécanismes de cancérogénèse et aux
modes d’actions moléculaire et cellulaires du chlordécone
soutiennent son rôle comme promoteur tumoral, mais aussi sa
capacité à intervenir dans la signalisation du
microenvironnement tumoral, y compris celui de la prostate.
• La reproductibilité des observations est un élément majeur.
L’étude cas-témoins Karuprostate est la seule étude publiée à ce
jour ayant investigué l’association éventuelle entre
l’exposition au chlordécone et le risque de survenue du cancer
de la prostate. Cela n’est guère surprenant car son utilisation
a été restreinte à certains territoires (Porto Rico, Antilles
françaises, certains pays d’Amérique centrale, du Sud-Ouest
asiatique et des anciennes colonies françaises), pendant un
nombre limité d’années et avant 1975 (date d’arrêt de la
production du chlordécone sous la formulation
Kepone
®). Même aux États-Unis, où l’État de Virginie
a été confronté aux conséquences de l’accident industriel de
l’usine de production du chlordécone de Hopewell en 1975,
entraînant l’exposition des travailleurs et la contamination
environnementale des milieux aquatiques, aucune étude n’a été
réalisée à ce jour concernant la survenue de pathologies
tumorales. Toutefois, on peut faire l’analogie suivante : on
constate que parmi la famille des insecticides organochlorés
(famille à laquelle le chlordécone appartient), plusieurs
matières actives ont fait l’objet d’évaluations
institutionnelles
21
Circ, NTP, US-EPA, UE
(CMR).
et ont été considérées comme cancérogènes
probables ou possibles pour l’être humain (aldrine, DDT,
dieldrine, hexachlorocyclohexane (mélanges d’isomères ; isomère
γ/lindane), pentachlorophénol, heptachlore, mirex,
toxaphène).
Conclusion
Pesticides et cancer de la
prostate
L’expertise collective Inserm de 2013 avait conclu à la
présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides
dans des circonstances d’usage professionnel, sans distinction
de familles chimiques ou de substances actives, chez les
agriculteurs, les applicateurs de pesticides et les ouvriers de
l’industrie de production de pesticides, et un risque accru de
survenue du cancer de la prostate.
De nouveaux travaux publiés depuis 2013 confirment que les
populations résidant en milieu rural ou exerçant une activité
professionnelle dans le secteur agricole sont plus à risque de
développer un cancer de la prostate que la population
générale.
Ces travaux récents en épidémiologie confortent donc les
conclusions de 2013 sans qu’aucune conclusion supplémentaire ne
puisse être avancée concernant les catégories de pesticides
impliqués selon leurs cibles d’emploi (insecticides, fongicides,
herbicides...) ou leurs familles chimiques d’appartenance.
S’agissant des activités ou des tâches potentiellement exposantes
aux pesticides et de leur association au cancer de la prostate,
les conclusions ne sont toujours pas homogènes. Les résultats
divergent selon les études et cette hétérogénéité pourrait
correspondre à des différences en fonction des pays et régions
du monde, des moyens de protection, et des pratiques et
modalités d’emploi en fonction des cultures ou des élevages
considérés. Finalement, il n’est pas possible d’exclure que
d’autres facteurs, par exemple des facteurs présents dans
l’environnement agricole, autres que les pesticides, puissent
également contribuer à expliquer l’excès de risque de cancer de
la prostate régulièrement constaté en milieu rural et dans le
secteur agricole.
Pour ce qui concerne les organophosphorés, les nouvelles études
portant sur les substances actives renforcent le rôle, déjà
suggéré lors de l’expertise collective Inserm de 2013, de
l’insecticide fonofos dans la survenue du cancer de la prostate
chez les agriculteurs (associations positives uniquement chez
les sujets déclarant des antécédents familiaux de cancer de la
prostate ainsi que chez les sujets porteurs d’une forme
agressive de la maladie au diagnostic). D’autres insecticides,
terbufos et malathion, ont été récemment associés chez les
agriculteurs à un risque augmenté de survenue du cancer de la
prostate, mais uniquement chez les sujets porteurs d’une forme
agressive de la maladie au moment du diagnostic. Aucune nouvelle
publication n’a concerné les autres substances actives
potentiellement impliquées en 2013 dans la survenue du cancer de
la prostate chez les agriculteurs ou en population générale.
Pour ce qui concerne les organochlorés, en 2013, les études sur
l’exposition à l’insecticide DDT (ou le DDE, son principal
métabolite) et le risque de survenue du cancer de la prostate
étaient contradictoires. Une nouvelle étude cas-témoins en
population générale réalisée à la Guadeloupe, portant sur les
effectifs issus de Karuprostate et avec une mesure de
l’exposition par le dosage de la molécule dans le sang, a montré
qu’il était associé positivement au risque de survenue de cancer
de la prostate. Une autre étude suggère également le rôle de
l’insecticide trans- nonachlore en population générale.
Notons finalement que de nombreuses substances actives n’ont
toujours pas fait l’objet d’études épidémiologiques au regard du
risque de survenue du cancer de la prostate, c’est le cas
notamment des fongicides.
D’un point de vue mécanistique, la grande majorité des études ont
été réalisées sur des insecticides organochlorés, la plupart
retirés du marché en France mais qui sont toujours persistants
dans l’environnement. Ces études montrent que le β-HCH et le
DDT/DDE présentent notamment des capacités à interagir sur la
régulation hormonale de la prostate, ce qui rend biologiquement
plausible les associations observées dans les études
épidémiologiques en lien avec la survenue du cancer de la
prostate.
Pour quelques substances actives moins persistantes (paraquat,
glyphosate, cyperméthrine, 2,4-D, atrazine bénomyl,
vinclozoline, prochloraz, chlorpyrifos-méthyl et les fongicides
cyprodinil, fenhexamide, fludioxonil), pour lesquelles les
études épidémiologiques n’ont pas montré d’association avec le
cancer de la prostate ou n’ont pas fait encore l’objet d’études
épidémiologiques, on dispose de données mécanistiques
compatibles avec ou suggérant une implication dans le
développement du cancer de la prostate.
Chlordécone et cancer de la
prostate
L’expertise collective de 2013 avait estimé qu’il existait une
présomption forte d’un lien entre l’exposition au chlordécone et
le risque de survenue du cancer de la prostate. Cette évaluation
était basée sur l’étude cas-témoins Karuprostate réalisée en
Guadeloupe au cours de la période 2004 à 2007 montrant un excès
de risque de cancer de la prostate avec une relation
dose-réponse, mais également sur les principales études portant
sur les modes d’action biologiques de la molécule. Depuis la
publication de cette étude en 2010, aucune critique de la
méthodologie (procédures de sélection, critères d’identification
des cas et des témoins, mesure et classement des expositions,
identification et contrôle des biais potentiels de confusion,
traitements statistiques employés...) n’a été publiée qui
remettrait en cause les associations rapportées. En toute
rigueur, pour disposer d’une reproductibilité, une étude
similaire supplémentaire sur d’autres populations exposées au
même environnement, réalisée par un autre groupe de recherche,
serait nécessaire pour conforter ces résultats. Toutefois, une
nouvelle étude publiée en 2019, issue de la même population de
cas présente dans l’étude cas-témoins Karuprostate et
s’adressant de manière prospective à un évènement de santé autre
que celui de la survenue de cancer de la prostate, a montré que
l’exposition au chlordécone était associée à un excès de risque,
avec une relation dose-réponse, de récidive biologique de la
maladie après traitement par prostatectomie radicale.
Une analyse détaillée a été réalisée sur l’ensemble des données
toxicologiques et mécanistiques existantes sur le chlordécone
ainsi que ses relations avec les mécanismes de la cancérogenèse,
notamment prostatique. Elle soutient le rôle du chlordécone
comme promoteur tumoral et sa capacité à intervenir dans les
processus qui favorisent la progression tumorale. Cela rend
biologiquement plausible les associations observées entre le
chlordécone et le cancer de la prostate, ce qui est cohérent
avec les résultats pour les organochlorés mentionnés
ci-dessus.
En accord avec les conclusions de l’expertise collective de 2013,
et à la lumière des données scientifiques existantes à ce jour,
il apparaît que la relation causale entre l’exposition au
chlordécone et le risque de survenue du cancer de la prostate
est vraisemblable. Établir scientifiquement une relation de
causalité entre l’exposition à un xénobiotique et un évènement
indésirable pour la santé humaine est un exercice difficile,
surtout si cet évènement se produit longtemps après le début de
l’exposition. L’évaluation d’une relation de causalité ne
procède pas de la démonstration mais d’un jugement et c’est la
convergence des conclusions issues d’études épidémiologiques et
des données toxicologiques et mécanistiques qui permet
d’apprécier la vraisemblance d’une relation causale.
Addenda : Le chlordécone
Caractéristiques
physico-chimiques
Le chlordécone (C
10Cl
10O,
n
o CAS : 143-50-0) est un composé organochloré de
synthèse de masse molaire 490,63 g/mol (IPCS,
1984
; Faroon et coll., 1995
; EPA,
2009
). Il possède une structure chimique en cage avec dix atomes
de carbone, dix de chlore et une fonction cétone. Cette
structure et l’arrangement spatial de ses atomes lui confèrent
des propriétés qui détermineront en grande partie son devenir
environnemental. Les principales propriétés physico-chimiques du
chlordécone sont :
i) un coefficient de partage avec le
carbone organique élevé (Log Koc ~ 3,4) expliquant sa grande
capacité de rétention par les sols organiques ;
ii) un
coefficient de partage octanol – eau élevé (log Kow de 5,41) se
traduisant par une forte affinité pour les composés
hydrophobes ;
iii) une faible pression de vapeur
(2,25x10
-7 mmHg à 25 °C) résultant en une faible
volatilité ;
iv) une faible solubilité dans l’eau
(inférieure à 3 mg/l) ;
v) une résistance exceptionnelle
à la dégradation biotique et abiotique.
Production et usages
La production et commercialisation du chlordécone sous la
formulation Kepone
® a débuté aux États-Unis en 1958
et il a été enregistré comme insecticide et autorisé pour lutter
principalement contre les ravageurs des productions agricoles
non alimentaires (taupin du tabac), des pelouses, arbustes
d’ornement et la protection des bâtiments (contre les fourmis
rouges par exemple). Le seul usage enregistré sur cultures
alimentaires concernait la culture de la banane pour lutter
contre le charançon à Porto Rico. Sa production a été
définitivement interrompue en 1975, suite aux effets sanitaires
constatés chez les employés fabriquant la molécule à l’usine de
Hopewell (Virginie), et sa commercialisation en 1976. Aux
Antilles françaises, le Kepone
® (formulation
contenant 5 % de chlordécone) a été employé pour lutter contre
le charançon du bananier de 1973 à 1976 puis jusqu’à la fin de
la décennie par épuisement des stocks. L’arrêt de la production
du Kepone
® aux États-Unis a conduit à l’arrêt
définitif de l’utilisation du chlordécone dans le monde, à
quelques exceptions près. En effet, en 1981, le chlordécone est
réapparu dans le circuit commercial sous la formulation
Curlone
® contenant 5 % de chlordécone, à
l’initiative d’une société française. Employé principalement aux
Antilles françaises (des usages ont été rapportés au Cameroun et
en Côte d’Ivoire : Gimou et coll.,
2008
; Le Déaut et Procaccia,
2009
), toujours pour lutter contre le charançon du bananier, son
utilisation s’est poursuivie jusqu’en 1993. On estime à près de
6 000 tonnes de formulation commerciale (à 300 tonnes de
substance active) la quantité employée et épandue aux Antilles
(Beaugendre et coll., 2005
).
Toxicité non
cancérigène
La toxicité du chlordécone chez l’être humain a été mise en
évidence pour la première fois en 1975 à la suite d’un épisode
d’empoisonnement des employés de l’usine de fabrication du
Kepone
® à Hopewell aux États-Unis (Cannon et
coll., 1978
). Dans des circonstances déplorables
d’hygiène industrielle, une trentaine d’employés du secteur de
la production ont été exposés à la molécule par voie orale et
respiratoire (ingestion et aspiration de poussières de
chlordécone) mais aussi par contact cutané. Majoritairement de
sexe masculin, les employés ont montré des signes de toxicité
prolongée impliquant le système nerveux (principalement :
tremblements intentionnels appendiculaires, ataxie,
dysfonctionnements oculomoteurs, troubles de l’élocution,
irritabilité, troubles de l’humeur et perte de la mémoire
récente), une hépatomégalie et des atteintes testiculaires
(faible nombre de spermatozoïdes et pourcentage réduit de
spermatozoïdes mobiles (Cannon et coll.,
1978
; Cohn et coll., 1978
; Taylor et coll.,
1978
; Guzelian et coll., 1980
; Taylor,
1982
; Taylor, 1985
). Ces symptômes et signes cliniques
ont été regroupés sous le terme de syndrome du
Kepone
Shake. Ces troubles ont été observés chez les sujets
présentant des concentrations de chlordécone dans le sang
supérieures ou égales à 1 mg/ml, l’intensité des troubles étant
proportionnel à leur degré de contamination. Après arrêt de
l’exposition, la plupart des symptômes et signes cliniques ont
régressé au fil des années et de manière parallèle avec la
diminution des concentrations de la molécule dans le sang. Ces
personnes ont fait l’objet d’un suivi sur une dizaine d’années
et aucune pathologie tumorale n’a été observée (Cohn et coll.,
1978
; Taylor, 1982
; Guzelian et coll.,
1992
).
Aucune étude n’a été réalisée ni aucune information rapportée
concernant le risque de survenue de pathologies tumorales parmi
les employés de l’usine de fabrication du chlordécone de
Hopewell ou parmi la population générale de Hopewell ou de la
région entourant cette ville.
De nombreuses études expérimentales réalisées chez des espèces
aviaires et des mammifères ont confirmé que l’exposition au
chlordécone par voie orale et à des doses élevées induit des
tremblements des membres, une hépatomégalie fonctionnelle et une
oligospermie (Larson et coll.,
1979
; Faroon et coll., 1995
), dans un cadre syndromique similaire
à celui observé chez l’être humain (Guzelian,
1982
). L’exposition gestationnelle et post-natale précoce au
chlordécone chez des rongeurs porte atteinte au bon
développement embryonnaire ainsi qu’au développement
neurologique, comportemental et moteur, après la naissance
(Mactutus et coll., 1982
et
1984
; Mactutus et Tilson, 1984
et
1985
).
Toxicocinétique et
métabolisme
Chez les travailleurs exposés professionnellement à Hopewell, la
demi-vie plasmatique du chlordécone dans le sang, après arrêt
complet de l’exposition, a été estimée en moyenne à 165 jours
avec une certaine variabilité selon les individus (Adir et
coll., 1978
; Cohn et coll., 1978
). La demi-vie dans le tissu adipeux a
été estimée en moyenne à 120 jours (Cohn et coll.,
1978
). L’analyse détaillée des tissus et fluides biologiques
humains a montré que la plus forte concentration de chlordécone
se situait dans le foie. Les ratios des concentrations en
chlordécone de divers tissus par rapport au sang étaient pour le
foie, les graisses, les muscles et la bile respectivement de 15,
6,7, 2,9 et 2,5 (Cohn et coll.,
1978
). Ces coefficients de partage, en particulier celui
concernant les graisses, sont très inférieurs à ceux attendus
pour une substance apparemment très lipophile, compte tenu de
son Kow élevé. Cela s’explique par le fait que le chlordécone se
lie spécifiquement à certaines protéines hépatiques, mais aussi
au fait que son transport plasmatique est assuré
préférentiellement par l’albumine et par les lipoprotéines de
haute densité (HDL), contrairement aux autres organochlorés qui
se lient préférentiellement aux lipoprotéines VLDL et LDL
(Skalsky et coll., 1979
; Soine et coll.,
1982
et 1984
). Le chlordécone est excrété dans la
bile sous la forme d’un métabolite (chlordécone alcool) et
conjugué à un glucuronide (Cohn et coll.,
1978
). La réduction (transformation de la fonction cétone en
alcool) est catalysée par une enzyme hépatique cytosolique de
type aldo-keto réductase et dénommée chlordécone réductase
(Molowa et coll., 1986a
et
b
)
22
La chlordécone réductase (AKR1C4) est une
3-α-hydrostéroïde déshydrogénase de type 1 qui catalyse
la transformation de la dihydrotestostérone en
5-α-androstane-3-α, 17-β-diol
(3-α-diol).
. Néanmoins, à peine 5 % du chlordécone présent
dans la bile se retrouve dans les selles, la molécule subissant
à nouveau un cycle entéro-hépatique après oxydation et
dé-glucuroconjugaison dans la lumière intestinale (Blanke et
coll., 1978
; Fariss et coll.,
1980
).
Ce profil toxicocinétique et métabolique a été retrouvé de
manière similaire chez les mammifères étudiés (rongeurs,
porcins, bovins, caprins...), avec parfois des différences
concernant le temps de demi-vie plasmatique (souvent plus court
que chez l’être humain) (Egle et coll.,
1978
; Houston et coll., 1981
; Soine et coll.,
1983
). La chlordécone réductase a été mise en évidence chez le
cochon, la gerbille et le lapin (Soine et coll.,
1983
; Molowa et coll., 1986b
), mais pas chez le rat, la souris,
le cochon d’inde ou le hamster. Chez la gerbille, l’exposition
au chlordécone induit l’expression et la synthèse de la
chlordécone réductase. Le foie est dans tous les cas l’organe où
s’accumule préférentiellement le chlordécone. Chez ces espèces,
le chlordécone traverse également la barrière placentaire et est
présent dans le lait (Kavlock et coll.,
1980
).
Mécanismes de toxicité
générale
Les mécanismes biologiques conduisant aux manifestations toxiques
du chlordécone décrits ci-dessus sont multiples et encore mal
compris pour certains. Le chlordécone présente une capacité
indéniable à inhiber de nombreuses ATPases, cérébrales et
cardiaques, tout comme celle d’interagir avec de multiples
neurotransmetteurs (noradrénaline, dopamine, GABA...), ce qui
pourrait expliquer en partie la survenue des troubles
neurologiques (revue dans Desaiah,
1982
; Faroon et coll., 1995
). De même, ses propriétés hormonales
de type œstrogénique et progestagénique, clairement établies dès
la fin des années 1970
in vivo et
in vitro
(Palmiter et coll., 1978
; Bulger et coll.,
1979
; Hammond et coll., 1979
; Eroschenko et coll.,
1981
; Huang et coll., 1986
; Williams et coll.,
1989
; Brown et coll., 1991
; Vonier et coll.,
1996
; Bolger et coll., 1998
; Kuiper et coll.,
1998
; Das et coll., 1997
,
1998
et 1999
; Gellert, 2004 ; Lemaire et coll.,
2006a
et b
; Ray et coll., 2007
), pourraient être impliquées dans la
survenue d’atteintes de la reproduction et du développement. De
ce fait, depuis la diffusion de l’expression « perturbateur
endocrinien », le chlordécone a été logiquement inclus dans
cette catégorie de substances.
Devenir environnemental
L’emploi du chlordécone aux Antilles, de 1973 à 1993 sous la
formulation Kepone
® puis Curlone
®, par
application aux soles bananières a entraîné une pollution
persistante des sols. La première observation de la persistance
environnementale du chlordécone a été rapportée par Snegaroff
(1977
). Sa présence a été constatée deux ans après son application
sur des soles bananières reconverties à d’autres activités
agricoles (aubergine), ainsi que dans les eaux de rivières à des
concentrations pouvant dépasser 200 µg/l. D’autres travaux de
l’Inra dresseront rapidement un tableau détaillé de la
contamination de la faune sauvage au cours de la période
1979-1980 (Cavelier, 1980
). Des mammifères, oiseaux, poissons,
crustacés et mollusques (praires, huîtres de mangrove) furent
prélevés à différents points de la Guadeloupe. Les résultats ont
montré, pour toutes les espèces animales étudiées, une
contamination particulièrement élevée en chlordécone (atteignant
jusqu’à plusieurs dizaines de mg par kg de poids corporel).
Cependant, il faudra attendre la fin des années 1990 pour que la
pollution des milieux naturels antillais (Guadeloupe et
Martinique) soit publiquement communiquée, suite à la mise en
évidence du chlordécone dans les eaux de consommation en 1999,
puis successivement dans les sols, les eaux de surface et
profondes, le littoral marin et dans de nombreuses denrées
alimentaires, végétales et animales, terrestres et aquatiques
(d’eau douce ou de mer) (Bonan et Prime,
2001
). On estime qu’au moins un tiers des surfaces agricoles
(20 000 hectares) et près de la moitié des ressources en eau
douce et du littoral marin sont pollués par le chlordécone. Les
surfaces agricoles polluées correspondent pour l’essentiel à des
soles bananières existantes sur la période 1973-1993. Récemment
des sols où aucune culture bananière n’a été enregistrée dans le
passé ont été retrouvés contaminés, suite à des usages détournés
sur cultures maraîchères et d’agrumes pour lutter contre les
charançons qui les affectent
23
.
Exposition des
populations
Confirmant la forte capacité du chlordécone à se bioaccumuler
tout le long de la chaîne trophique, la contamination des
populations résidentes aux Antilles (hommes et femmes adultes,
femmes enceintes, nourrissons) a été documentée à partir de
1999. Le dosage du chlordécone a permis de détecter la molécule
dans divers tissus (sang, graisses, lait). Dans le sang, les
taux de détection pouvaient atteindre 90 % avec des
concentrations jusqu’à plusieurs dizaines de µg/l (maximum
observé de 100 µg/l) (Multigner et coll.,
2006
; Multigner et Kadhel, 2008
; Guldner et coll.,
2010
; Multigner et coll., 2010
; Guldner et coll.,
2011
; Dallaire et coll., 2012
; Boucher et coll.,
2013
; Kadhel et coll., 2014
; Hervé et coll.,
2016
; Dereumeaux et Saoudi, 2018
). L’exposition a été principalement
reliée à la consommation d’aliments d’origine locale eux-mêmes
contaminés (principalement légumes racines, viandes, poissons)
(Multigner et Kadhel, 2008
; Guldner et coll.,
2010
; Dereumeaux et Saoudi, 2018
).
Le chlordécone a été autorisé aux Antilles pour lutter contre le
charançon du bananier. Au cours de la période d’emploi, de 1973
à 1993, il est hautement vraisemblable que les travailleurs du
secteur bananier ont été exposés à la molécule, du fait de
l’épandage manuel, à des niveaux plus élevés que le reste de la
population (Gentil et coll.,
2018
). Cependant, on ne dispose d’aucune information directe
permettant d’estimer l’intensité d’exposition de ces
travailleurs à cette époque. À ce jour, la présence du syndrome
du Kepone (
Kepone Shake) aux Antilles n’a jamais été
observée ou rapportée. Sans exclure totalement la possibilité de
sa présence aux Antilles, cela suggère que le seuil à partir
duquel les symptômes et signes de ce syndrome se manifestent
(1 mg de chlordécone/l de sang) n’a peut-être que rarement ou
jamais été atteint. Une étude sur la période 1999 à 2001,
réalisée chez des travailleurs de même âge et résidant dans les
mêmes communes de Basse-Terre (principal secteur géographique
bananier en Guadeloupe), a montré que les concentrations
plasmatiques en chlordécone étaient plus élevées chez les
salariés du secteur agricole bananier (médiane : 6,5 µg/l,
percentile 75 : 17,1 µg/l, maximum : 100 µg/l) comparé à des
salariés du secteur non-agricole (médiane : 5,5 µg/l,
percentile 75 : 9,0 µg/l, maximum : 24,3 µg/l) (Multigner et
coll., 2006
et
2008
). Parmi les travailleurs du secteur bananier, les hommes qui
avaient exercé leur métier pendant plus de 14 années (médiane de
la durée d’emploi) présentaient également les concentrations les
plus élevées (médiane : 6,5 µg/l, percentile 75 : 22,8 µg/l,
maximum : 104 µg/l) par rapport à ceux ayant exercé pendant
moins de 14 années (médiane : 5,9 µg/l, percentile 75 :
12,3 µg/l, maximum : 104 µg/l) (Multigner et Kadhel,
2008
). Une étude, réalisée sur la période 2004 à 2007 en
population générale, sur des hommes âgés entre 45 et 80 ans, a
montré que les hommes exerçant ou ayant exercé une activité
professionnelle dans le secteur bananier présentaient des
concentrations plus élevées (médiane : 1,0 µg/l, percentile 75 :
2,3 µg/l, maximum : 49 µg/l) en comparaison des hommes ne
travaillant pas et n’ayant jamais travaillé dans ce secteur
(médiane : 0,5 µg/l, percentile 75 : 1,3 µg/l, maximum :
44 µg/l) (Multigner et coll.,
2010
). Bien que les travailleurs du secteur bananier sur les deux
périodes citées aient présenté des niveaux d’exposition interne
plus élevés que ceux n’ayant pas travaillé dans ce secteur, la
différence reste modeste. Il faut bien garder à l’esprit que,
tenant compte de la demi-vie plasmatique du chlordécone (moyenne
de 165 jours), il n’est pas impossible que la fraction
d’exposition interne liée à une exposition professionnelle ait
diminué depuis 1993 et que les niveaux d’exposition rejoignent
progressivement ceux du reste de la population, qui a été
continuellement exposée
via l’alimentation depuis le
milieu des années 1970. On ne peut exclure, vu l’utilisation
détournée du chlordécone vers d’autres cultures, que d’autres
populations que celles du secteur bananier puissent avoir
également été exposées professionnellement.
Risques sanitaires
La pollution environnementale des Antilles au chlordécone, ainsi
que la contamination de la chaîne alimentaire, constituent une
situation assez unique de par son étendue sur un territoire
couvrant 2 756 km
2 (Guadeloupe et Martinique) et de
par la population concernée, estimée à 800 000 habitants. Compte
tenu de la dangerosité de la molécule et de la contamination
avérée de la population, de nombreuses questions portant sur les
risques sanitaires se posent. Cependant, on ignorait il y a
encore peu de temps les conséquences éventuelles sur la santé
d’une exposition au chlordécone à des doses dites
environnementales, en particulier sur des périodes sensibles de
la vie (grossesse, développement des jeunes enfants) ou à long
terme. Pour faire face à ces incertitudes, des études
épidémiologiques à visée étiologique ont été mises en place aux
Antilles. Certaines d’entre elles ont été finalisées et leurs
conclusions publiées, d’autres sont actuellement en
cours
24
.
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