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Communications

Le point de vue des associations
Dyspraxie France Dys
et Dyspraxique Mais Fantastique

Au cours du travail réalisé pour élaborer cette expertise collective, le groupe d’experts a souhaité recevoir les principales associations de familles agissant à un niveau national dans le champ de la dyspraxie afin de pouvoir prendre en compte au mieux les vécus des personnes dyspraxiques et de leur famille et entendre leurs principaux besoins/attentes vis-à-vis des pouvoirs publics et du monde de la recherche. Les auditions réalisées avec les présidents des associations Dyspraxie France Dys (DFD) et Dyspraxique Mais Fantastique (DMF) ont été particulièrement enrichissantes à cet égard. Elles ont notamment montré que les deux associations se retrouvent sur divers aspects tout en se complétant sur d’autres et peuvent travailler en synergie pour défendre leurs revendications. En témoigne notamment leur accord sur leurs principales doléances, à savoir l’harmonisation et la réduction des inégalités concernant les diagnostics et les traitements, la formation de l’ensemble des intervenants ainsi que la prise en charge financière des rééducations et des bilans. Les textes issus des auditions sont présentés ci-dessous.

Dyspraxie, les familles attendent des réponses

Paris, mai 2017
Vincent Marron : président de Dyspraxie France Dys

Présentation de l’association Dyspraxie France Dys

Notre association a été constituée en novembre 2011. Elle est membre de la Fédération française des dys (FFDys)1 , compte 160 bénévoles et 1 300 adhérents environ, répartis sur toute la France. Elle s’appuie sur des associations locales, des délégations départementales et des personnes-relais présentes sur 72 départements, dotées d’une grande autonomie pour entreprendre leurs propres actions.
Les objectifs de l’association visent à contribuer à une meilleure connaissance et reconnaissance de la dyspraxie. Notre rôle est d’écouter, conseiller et orienter les familles, d’améliorer le repérage et le diagnostic, de soutenir l’inclusion scolaire, de favoriser l’insertion professionnelle et l’accès à la vie sociale (permis de conduire, loisirs, etc.). Nous menons également diverses actions de communication (réalisation du film Dyspraxie, parcours du combattant, affiches, bande-dessinée, livre pour enfant, contribution à des documentaires télévisés en préparation, etc.) et bénéficions notamment du parrainage très actif de Renan Luce.
Notre action sur le terrain passe essentiellement par la sensibilisation et l’organisation de conférences et colloques. De même, nous prenons beaucoup de rendez-vous auprès des institutions dans les départements, auprès des inspections d’académie, des élus, dans les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), etc.
Auprès des familles, notre mission principale relève de l’écoute2 . Les familles sont toujours soulagées de trouver des interlocuteurs lorsqu’elles découvrent la dyspraxie de leur enfant et qu’elles sont en recherche de conseils. En 2016, nous avons aidé 1 270 familles, sachant que ce chiffre est manifestement sous-évalué. Nous favorisons également les rencontres entre les familles au sein des départements.

Le parcours de soin et la scolarité

La FFDys est constituée en trois pôles : santé, insertion professionnelle et scolarité. En tant que membre de la FFDys, nous avons des représentants de DFD dans ces trois pôles. Nous bénéficions ainsi d’informations ascendantes des familles et descendantes de la FFDys. Localement, nous rencontrons des membres de l’agence régionale de santé (ARS) ainsi que différents professionnels (médecins, rééducateurs). Lorsque les familles le souhaitent nous pouvons les adresser à des rééducateurs pour des bilans ou des rééducations. Il arrive que les familles se tournent vers nous lorsqu’elles se retrouvent désorientées devant des bilans divergents de la part de divers professionnels. En tant que bénévoles, nous nous refusons à poser un diagnostic mais nous pouvons les orienter en leur communiquant les coordonnées de plusieurs professionnels de disciplines différentes sans intervenir davantage dans leurs choix. Il est en effet toujours délicat de conseiller un professionnel en particulier.
Nous apportons aussi notre aide pour remplir les dossiers de la MDPH qui sont souvent lourds pour les familles. Nous insistons auprès des familles pour qu’elles mettent en avant, dans leur dossier, l’ensemble des difficultés subies, au niveau scolaire mais aussi concernant la vie quotidienne. Nous pratiquons une veille concernant les MDPH et diffusons ces informations sur le site internet de l’association et sur ceux des associations membres de la FFDys, concernant notamment la mise en place des projets personnalisés de scolarisation (PPS). L’association a également conclu un partenariat avec un avocat spécialisé dans le domaine du handicap, afin d’assister les familles dans des situations particulières ou conflictuelles avec les MDPH et l’administration en général. En la matière, l’avocat apporte de précieux conseils.
Nous aidons en matière d’établissement du plan d’accompagnement personnalisé (PAP), qui présente un intérêt pour un enfant en attente de son dossier MDPH (il faut parfois compter deux ans pour un diagnostic !) ou en cas de troubles légers. Les familles doivent pouvoir passer du PAP au PPS facilement, ou solliciter directement la MDPH pour la mise en place d’un PPS sans passer par le PAP. Le problème est double : les MDPH profitent du PAP pour exclure de nombreux élèves du PPS (économies, non compréhension du trouble), et la mise en place du PAP sur le terrain est très difficile (des académies refont leurs circulaires locales, il manque de médecins scolaires, les familles ne sont pas assez associées à la rédaction). Il est vrai cependant que certains parents, et particulièrement les pères, ont besoin d’un temps de maturation pour accepter la qualification de handicap et donc demander un PPS. Pour ma part, je tente le plus possible de dédramatiser le terme de « handicap » et d’insister sur le fait que le PAP n’est pas toujours adapté mais que si une aide humaine supplémentaire devient nécessaire, la demande à la MDPH sera alors indispensable.
S’agissant de la scolarité, nous nous efforçons de faire remonter nos préoccupations et nos propositions au pôle scolarité de la FFDys. Nous œuvrons en matière de sensibilisation des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire (AVS) ou accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH) au sein des départements via des formations (entre une heure trente et trois heures). La plupart du temps, ce sont les familles qui nous demandent d’intervenir, mais il arrive également que les chefs d’établissement nous contactent afin de recueillir des informations. L’entrée des rééducateurs dans l’école3 a également un effet bénéfique pour sensibiliser à la dyspraxie et favoriser la coordination entre l’école et les autres domaines de la prise en charge. Dans ce sens, les services d’éducation spéciale et d’éducation à domicile (Sessad) sont particulièrement intéressants.
Enfin, nous avons constitué un groupe de travail sur le Centre national d’enseignement à distance (Cned), afin que les jeunes puissent bénéficier de supports adaptables. DFD a conseillé le Cned et a testé sa nouvelle plateforme d’adaptation de textes AccessiDys.

Les loisirs et le sport

Nous considérons que la vie de l’enfant se déroule aussi en dehors de l’école, d’où l’importance des loisirs. C’est pourquoi nous travaillons à la sensibilisation des professionnels du secteur. À cette fin, nous avons élaboré une plaquette avec le soutien du ministère de la Jeunesse et des Sports ainsi que de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Nous entamons des partenariats au niveau national avec des mouvements d’éducation populaire, pour sensibiliser tous les animateurs en formation (BAFA, BAFD, brevets professionnels). Actuellement, nous sommes au stade de la rédaction de conventions. Nous projetons également de sensibiliser les fédérations sportives. En guise de test, nous commencerons par la Fédération française de natation. En outre, dans les jours prochains, je signerai une convention avec Fédération française handisport afin de permettre l’accès des enfants et adultes dyspraxiques aux clubs handisport. En particulier, la licence sera modifiée.

L’insertion professionnelle et le permis de conduire

Concernant les adultes, l’association intervient en matière de sensibilisation des employeurs et des organismes sociaux. Le pôle d’insertion professionnelle de la FFDys a notamment rédigé une brochure à destination des employeurs, « Histoire de comprendre les Dys en entreprise », ainsi qu’un ouvrage à destination des personnes Dys, Réussir son orientation et sa vie professionnelle quand on est Dys, qui a remporté le prix Handilivre à l’automne dernier. Il s’agit d’un recueil destiné à éclairer les personnes dyspraxiques dans le domaine de l’emploi. De plus, une avocate adhérente de l’association est spécialisée en droit du travail. À ce titre, nous lui adressons les jeunes rencontrant des difficultés professionnelles.
Nous sommes particulièrement sollicités concernant le permis de conduire. L’association est notamment un interlocuteur de la Direction de la sécurité et de la circulation routière (DSCR). À ce titre, elle est parvenue à faire étendre à la dyspraxie la convention sur le passage du code, portant à l’origine uniquement sur la dyslexie et la dysphasie. Un arrêté ministériel a officialisé la convention. Nous avons édité une plaquette labellisée par la DSCR consacrée à la dyspraxie et à la conduite automobile, et pratiquons également des sensibilisations. Depuis fin 2016, je forme les nouveaux inspecteurs et délégués au permis de conduire qui organisent les examens. Ces formations seront pérennisées au fil des années. À l’automne ou au printemps prochain, je participerai à un séminaire national réunissant tous les délégués de France. En découleront des formations dans les départements. Nous travaillons en partenariat avec le Centre de ressources et d’innovation mobilité handicap (CEREMH), organisme créé par la Sécurité routière et des associations, sur un projet de formation des moniteurs du permis de conduire.

Besoins et attentes des familles

Dans le domaine de la santé

Globalement, la notion de « parcours du combattant » revient constamment dans les retours des familles.
Bien souvent, les médecins généralistes ne connaissent pas la dyspraxie. De ce fait, les familles rencontrent des difficultés certaines pour accéder au diagnostic, notamment dans les zones rurales. Certains enfants ne bénéficient pas toujours de bilans pluridisciplinaires, faute de professionnels présents sur tous les territoires. Ces bilans pluridisciplinaires nécessitent d’être généralisés. En tout état de cause, les familles ne sont pas toujours bien informées et ne savent pas qu’elles doivent réaliser plusieurs bilans pour établir le diagnostic et éviter les erreurs. Les centres référents sont engorgés, avec des listes d’attente très longues. Dans certains départements, seuls sont accueillis les enfants habitant le département. De façon générale, des disparités sont constatées entre départements dans l’accès aux soins et à l’évaluation des MDPH. Il arrive souvent que les familles, après un déménagement, perdent les prestations qu’ils avaient obtenues dans leur département d’origine. L’ensemble de ces disparités constituent des difficultés parfois insurmontables pour les familles.
De plus, les bilans (en ergothérapie, psychomotricité, etc.) et les rééducations ne sont pas remboursés, de sorte que les familles les plus modestes sont lésées. En outre, l’emprise de la psychanalyse dans les centres médico-psychologiques (CMP) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) est encore très présente. De ce fait, nombre de familles estiment avoir perdu plusieurs années lorsque l’accent a uniquement été mis sur le côté psychologique, sans qu’une dyspraxie ait été évoquée.
En termes d’objectifs, un module de formation dans les études de médecine serait souhaitable. De même, le nombre de médecins scolaires nécessiterait d’être accru. Des aides à l’installation de rééducateurs et des équipes de diagnostic de proximité sur tout le territoire seraient appréciables. Sur ce point spécifique, Ségolène Neuville, alors secrétaire d’État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, s’était engagée à prendre des mesures, qui pour l’heure tardent encore à intervenir. Nous attendrons dès lors de connaître les propositions de son successeur. De façon générale, il est difficile de trouver les bons interlocuteurs au sein des cabinets ministériels, car la plupart d’entre eux ne sont pas au fait de la dyspraxie. De ce fait, la plupart des entretiens avec les cabinets sont consacrés à des phases informatives, ce qui retarde d’autant la prise de mesures concrètes.
En outre, une formation spécifique des personnels des CMP et CMPP serait indispensable, tout comme le seraient l’allocation de davantage de moyens aux centres référents et la formation du personnel des MDPH. Globalement, il conviendrait que l’ensemble des professions soient représentées dans les centres référents. Par exemple pendant de nombreuses années, le centre de Clermont-Ferrand ne comptait pas d’orthophoniste. De façon générale, il conviendrait que soit respectée la loi de 2005 en commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH)4 . En effet, les dérives sont de plus en plus nombreuses, notamment du fait de l’absence d’ouverture de dossiers. Enfin, la création de Sessad dans les départements s’impose.

Dans le domaine de l’éducation

Les familles constatent une formation disparate selon les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Pour la FFDys, j’avais coordonné une action visant à entrer en contact avec l’ensemble des ESPE. Avec certaines d’entre elles, les contacts avaient été fructueux alors que d’autres ne nous avaient même pas consenti de rendez-vous. De façon générale, nous tentons de favoriser les partenariats avec les ESPE.
Par ailleurs, la formation continue est insuffisante en raison du manque d’enseignants. En revanche, les chefs d’établissement sont très demandeurs d’interventions dans les écoles et les collèges. Parfois, les changements de comportements sont radicaux.
Nous souhaitons l’instauration d’un module « Troubles spécifiques du langage et des apprentissages » obligatoire dans les ESPE et en formation continue, ainsi que la formation continue de tous les personnels, y compris les chefs d’établissement. La professionnalisation des AVS et AESH est également souhaitable car on constate une formation très imparfaite, ou trop tardive. Enfin, l’application des PAP et des PPS dans l’enseignement supérieur et les écoles d’apprentissage constituerait un progrès. En effet, les PAP et PPS sont mal appliqués et disparates, ce qui occasionne des difficultés de mise en place. Les familles constatent en outre que des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE)5 sont de plus en plus souvent mis en place au détriment des PAP, ce qui ne correspond nullement aux besoins.
Par ailleurs, les familles ne sont pas assez associées à la rédaction du Guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-Sco), du PAP et du PPS. Il résulte ainsi d’une enquête réalisée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes que 40 % des familles déclaraient ne pas être associées. De plus, les modalités de scolarisation de l’Éducation nationale ne sont pas suffisamment appliquées dans les établissements d’enseignement agricole. C’est pourquoi nous souhaitons que des modules sur les apprentissages soient mis à la disposition des enseignants dans les ESPE, afin que tous les enseignants bénéficient du même niveau de formation.

À propos des adultes

De plus en plus de demandes émanent d’adultes concernant le diagnostic et l’emploi ou le permis de conduire. Ces personnes font également état de solitude affective, et sont très demandeuses de rencontres pour échanger. C’est pourquoi l’association, pour répondre à ces demandes, a créé des groupes de jeunes adultes comme à Paris, qui rencontrent un grand succès. Les échanges ont lieu en direct ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
De même, les jeunes adultes insistent sur le besoin de structures rassemblant des équipes pluridisciplinaires, notamment pour réaliser des bilans. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons interrogé les personnes sur leur souhait de bénéficier d’un centre de type « centre référent » pour adultes. Toutes ont répondu positivement à la question. Le besoin de s’adresser à une équipe pluridisciplinaire, même distante de leur domicile, a été fortement exprimé. Toutefois, nous n’avons pas d’indication sur le modèle exact que devraient prendre ces structures.
En outre, les familles constatent que l’accès et le maintien dans l’emploi sont difficiles. Elles rencontrent également des difficultés liées à la méconnaissance de Pôle Emploi et de Cap Emploi sur la dyspraxie. Cette situation se résout pourtant facilement lorsque les associations interviennent au sein des antennes de ces organismes. De même, les employeurs privés et publics sont dans l’ignorance de la dyspraxie et de ses manifestations. Par ailleurs, l’accompagnement dans l’emploi est quasiment inexistant. Lors de l’enquête réalisée en région Auvergne-Rhône-Alpes, tous les jeunes interrogés ont regretté l’absence de tutorat lors de leur prise de poste. Il est en outre manifeste que certains salariés sont licenciés par méconnaissance des troubles.
La formation de tous les acteurs, la sensibilisation des employeurs, de la fonction publique et la mise en œuvre de l’emploi accompagné constitueraient donc des mesures importantes.

Les attentes en matière de recherche

Lors d’une conférence organisée par Dyspraxie France Dys sur les attentes en matière de recherche, l’étude des causes de la dyspraxie et les processus la favorisant, tant au niveau de la prématurité que de la génétique, ont fait partie des demandes les plus fréquemment émises. De plus, un consensus sur la terminologie s’impose. Les parents sont souvent déroutés par la succession de termes employés pour décrire les mêmes troubles.
En France, une étude épidémiologique sur les troubles en général serait nécessaire. De façon plus spécifique, les demandes portent sur la compréhension des comorbidités, notamment avec l’épilepsie et les troubles obsessionnels compulsifs.
De même, les troubles neurovisuels et l’agnosie des images dans la dyspraxie sont encore peu connus, de sorte qu’ils pourraient faire l’objet de recherches. L’étude de la frontière entre la dyspraxie et l’autisme Asperger a été évoquée. Les difficultés des personnes dyspraxiques avec les codes sociaux et dans leur relation avec les autres sont aussi des sujets de recherche intéressants.
Un grand nombre de familles a émis des interrogations concernant certaines méthodes de rééducation et d’apprentissage et souhaiteraient avoir plus d’éléments sur leur validation scientifique. Un consensus sur le parcours de soins est recherché, DFD a fait des propositions via la FFDys dans le cadre de la saisine de la Haute Autorité de santé sur ce thème.
Enfin, le devenir des adultes pose également question.
L’association rappelle sa disposition à participer à des travaux de recherche et sa capacité à mettre les chercheurs en contact avec les familles concernées. L’association joue notamment un rôle de relais auprès d’étudiants souhaitant des données pour préparer leurs thèses et mémoires et s’est également rapprochée d’équipes de chercheurs, notamment à Lyon et à Marseille. Un renforcement des liens avec d’autres équipes désirant contribuer à la recherche sur la dyspraxie serait souhaitable.

Présentation de la Fédération Dyspraxique Mais Fantastique (FDMF) concernant les besoins et attentes des familles de personnes dyspraxiques

Paris, mai 2017
Marianne Deletang : présidente de la FDMF

Présentation de l’association

Notre association de parents d’enfants dyspraxiques existe depuis 2003. Créée à l’initiative de quelques parents d’enfants dyspraxiques, DMF a aussitôt suscité l’investissement de ses bénévoles et adhérents et a connu une croissance rapide et constante. Face à la méconnaissance et à l’ignorance de ce trouble, les parents n’ont d’autre choix que de s’unir et de mutualiser leurs énergies et expériences, avec l’espoir et l’objectif de donner les mêmes chances à chacun. C’est pour répondre à l’isolement des familles et à l’incompréhension de l’entourage que très vite DMF a tissé une toile géographique et solidaire sur tout le territoire, un réseau d’entraide, d’écoute et de partage. Reconnue d’intérêt général, et grâce à cette impulsion première, DMF poursuit et développe ses actions depuis plus de 10 ans. DMF devient une fédération nationale en novembre 2011. Avec le relais et le soutien de tous les bénévoles et adhérents engagés à ses côtés, la fédération DMF continue activement son combat pour soutenir et défendre la cause de tous les « Fantastiques ». Elle compte aujourd’hui une quarantaine de bénévoles et environ mille familles adhérentes.
Nos objectifs visent à faire connaître la dyspraxie, en tant que handicap et non comme maladie. De façon générale, l’association a pour objet de constituer un réseau d’entraide et d’informer les familles, les professionnels et l’ensemble des partenaires concernés. Elle s’efforce d’aider à l’intégration sociale, scolaire et professionnelle. Elle est aussi un relais entre les associations départementales, qui restent le lieu privilégié des relations avec les parents et professionnels, et leurs divers interlocuteurs privés ou publics.
L’an dernier, nous avons aidé 500 familles, dans un suivi quasi quotidien, que ce soit pour l’accès au diagnostic, l’aide au montage des dossiers MDPH ou encore la formation des AVS ou AESH, l’accès au permis de conduire, l’aide à l’insertion professionnelle pour ne citer que quelques-unes de nos actions.
De plus, 150 colloques et évènements ont été organisés en 2016 pour faire connaître la dyspraxie. Par exemple, l’association a participé au Marathon de Paris. Cette année, elle sera présente à Cap Femina, raid en 4 x 4 au Maroc, où une jeune fille dyspraxique sera copilote à bord d’un véhicule.
Pour 2017-2018, nous mettons progressivement en place des ateliers ludopédagogiques et ludonumériques, afin que les préados et ados dyspraxiques puissent avoir un moment de partage et de bien-être mais également se former aux outils informatiques, qui sont pour eux un moyen de compensation important.
Nous avons également mis en place un pôle Insertion professionnelle avec conseils sur les différentes possibilités d’insertion professionnelle dans le domaine du handicap, la rédaction de CV et des simulations d’entretiens. Des brochures sont en cours de rédaction.
De même, plusieurs événements, tout au long de l’année, nous ont permis de faire connaître l’association, de récolter des fonds et d’aider les personnes dyspraxiques et leurs familles. Nous avons notamment organisé plusieurs conférences afin d’alerter et de sensibiliser un très large public. Les thèmes de diagnostic, parcours et aménagements scolaires sont très souvent retenus. Nous avons également réalisé des formations à destination des bénévoles responsables pour relayer et mutualiser les compétences et les savoir-faire acquis depuis plus 10 ans. Ces formations sont l’occasion de faire le lien entre les régions et sont un temps d’écoute et de partage associatif très apprécié. Des ateliers de mise en situation dys adressés aux parents, enseignants et professionnels de santé ont aussi été proposés. Grâce à du matériel adapté, ils permettent de passer une demi-journée ou une journée « dans la peau d’un dys » et ainsi de mieux comprendre ses difficultés. Nous avons enfin organisé diverses rencontres conviviales (Café-Dys entre familles et professionnels ; concerts caritatifs, rencontres entre adhérents ou avec d’autres associations, ateliers créatifs jeunes, évènements sportifs, etc.).
Nous réalisons par ailleurs un important travail collaboratif avec les institutions. Dans de nombreux départements, FDMF siège au sein des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein des MDPH, tient des permanences à la MDPH, collabore à des groupes de travail au sein des inspections d’académie et participe au travail de formation des enseignants, des auxiliaires de vie scolaire, des conseillers pédagogiques, des chefs d’établissement. FDMF essaie le plus possible d’être en lien avec les réseaux de santé dédiés aux dys, les services de soins, etc. FDMF a, par exemple, participé au projet de création d’un Sessad DYS dans la région Grand Est. Enfin, un rassemblement à Paris est prévu en juillet 2017 pour alerter les nouveaux députés sur le recul des droits des personnes dyspraxiques. À cette occasion, un manifeste pour les dyspraxiques, ainsi qu’une lettre aux candidats à la députation avait permis d’exprimer précisément les besoins des dyspraxiques en matière de droits.
Pour résumer, la volonté de la Fédération Dyspraxique Mais Fantastique est d’instaurer une collaboration et une synergie optimales avec tous les partenaires concernés par la dyspraxie et les troubles associés.

Besoins et attentes des familles

Nos besoins et attentes vis-à-vis des pouvoirs publics, visent essentiellement à ce que le droit à la compensation soit respecté partout et par tous. La dyspraxie étant un « handicap invisible », il existe un réel besoin de reconnaissance.

Besoins en matière de santé

En matière de santé, nos objectifs sont tout d’abord de donner des moyens pour un dépistage précoce et de développer l’offre, et les réseaux, de soins pour les enfants et les adultes sur l’ensemble du territoire. Cela doit s’accompagner de formations à la dyspraxie pour les acteurs de santé, tels que les médecins généralistes mais aussi les ergothérapeutes, les pédiatres, les neuropsychologues et les psychomotriciens. Concernant le diagnostic, il a en effet été constaté que nombre de ces professionnels connaissent peu la dyspraxie et ne sont pas formés pour reconnaître ce trouble. De ce fait, les familles ne savent pas vers qui se tourner pour réaliser les bilans et s’adressent en priorité aux orthophonistes car il s’agit des seuls remboursés par la sécurité sociale. D’ailleurs les écoles orientent également directement les familles vers les orthophonistes. À noter qu’il peut exister une grande disparité entre les bilans réalisés d’un professionnel à l’autre, que ce soit dans les tests utilisés ou dans le niveau de détail atteint. Pour notre part, nous conseillons un bilan approfondi d’ergothérapie et de psychomotricité, ainsi qu’un bilan neuropsychologique ou neuropédiatrique. Les coûts totaux peuvent varier entre 300 et 900 euros. Malgré ces bilans, il arrive que les médecins ne fassent pas les déductions nécessaires pour poser le diagnostic de dyspraxie. Les familles nous contactent alors, en évoquant une « suspicion de dyspraxie », mais sont en peine d’obtenir un diagnostic clair. Cela est accentué dans la mesure où il est rare que les enfants présentent une dyspraxie seule.
Afin d’obtenir une réelle égalité de traitement sur tout le territoire, nous souhaitons également une harmonisation à la hausse des pratiques des MDPH. En outre, nous demandons le financement de l’ergothérapie et de la neuropsychologie par la sécurité sociale afin de faciliter le diagnostic et la prise en charge et de réduire les inégalités de santé. Enfin, la reconnaissance de l’expertise des associations représentatives et leur intégration aux groupes de travail sur le sujet (CNSA, MDPH, ARS, etc.) est un enjeu qui nous tient à cœur.

Besoins en matière d’éducation

En matière d’éducation, nous souhaitons que les démarches des familles soient simplifiées pour mettre un terme au « parcours du combattant ». Pour l’heure dans certains départements, il est nécessaire de renouveler la demande d’aide auprès de la MDPH de façon annuelle ou bisannuelle. De même, les procédures de dispenses de certains enseignements nécessitent d’être réitérées régulièrement. Une démarche simplifiée par cycle serait par conséquent préférable.
La simplification attendue suppose que les PPS soient systématiques, et que la dyspraxie soit envisagée dans son ensemble, avec ses impacts sur la vie quotidienne. La dyspraxie ne saurait en effet être réduite au seul cadre scolaire, de sorte que les PAP sont insuffisants. Nous demandons ainsi aux familles de mettre en place systématiquement un PPS, en évitant le PAP. En effet, le PAP relève du bon vouloir de l’établissement et n’est pas opposable en justice. De plus, l’ensemble des troubles du quotidien dus à la dyspraxie excède largement le cadre scolaire.
La formation des enseignants et des personnels de direction, ainsi que des AVS et des AESH, devrait être obligatoire. De même, le recrutement et le parcours professionnel des personnes accompagnantes devraient tenir compte de l’ensemble des impératifs liés à la connaissance du handicap et de la dyspraxie. Or la situation présente est très différente, puisque le manque d’AVS et d’AESH conduit à recruter tous les candidats, quelle que soit leur formation. Après le recrutement, un tel besoin en formation n’est pas systématiquement comblé. À titre d’exemple, alors que l’aide aux enfants dyspraxiques en matière informatique est indispensable, certains AVS n’ont aucune compétence informatique. De façon générale, il est impératif que les personnes accompagnantes soient recrutées et formées correctement afin d’accomplir efficacement leur office auprès des enfants.
Nous déplorons de plus en plus de déscolarisations. Elles se produisent généralement au collège et s’accélèrent au lycée, en particulier pour des motifs de phobie scolaire. C’est pourquoi nous sommes confrontés à beaucoup de demandes de renseignements sur le Cned.
En outre, la simplification des démarches passe par la refonte des textes applicables aux élèves en situation de handicap. Ainsi, il serait utile de permettre un continuum entre le parcours scolaire et les examens. Il serait également indiqué que les aménagements des examens découlent du PPS, pour éviter aux parents de faire des demandes supplémentaires.
De même, il conviendrait que des cellules handicap obligatoires soient instaurées dans tous les établissements post-bac. Actuellement, elles ne sont pas uniformément réparties sur le territoire. De plus, un nombre suffisant d’enseignants référents auprès des élèves handicapés (ERH) devrait être prévu pour suivre la réalité des décisions prises par les équipes de suivi de la scolarisation (ESS). Hier, une ERH m’a confié qu’elle avait suivi 360 ESS en une année, ce qui est considérable.
Des outils de partage pour diffuser des supports pédagogiques adaptés seraient en outre très utiles, en particulier sur des plateformes centralisées.
Au niveau scolaire, le GEVA-Sco n’est pas toujours rempli en concertation avec la famille. Il apparaît également que l’évaluation des besoins en termes de handicap par les enseignants n’est pas correcte. Souvent, les documents sont complétés sans que la famille en ait obtenu une copie.
Parmi les autres mesures à prendre, il serait également indispensable de permettre la dispense de matière et d’examen, de fonder l’orientation sur le projet de vie de l’enfant et non en comparaison avec le niveau attendu des autres élèves, de renforcer la prise de décision des MDPH et d’adapter systématiquement les manuels scolaires aux dyspraxiques dans toutes les matières, de même que les livres audio au sein des médiathèques.

Besoins dans le domaine du travail

Dans le cadre de l’emploi, les attentes sont également nombreuses. Il s’agirait en premier lieu de simplifier l’obtention de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les dyspraxiques. Les demandes portent également sur la nécessaire adaptation du poste de travail en fonction des compétences, et non du handicap. Dans le domaine professionnel, la formation de tous les acteurs concernés (Agefiph, Cap Emploi, etc.) s’impose. La mise en place de projets d’emplois accompagnés est nécessaire de façon harmonisée sur tout le territoire, car pour l’heure seules existent quelques initiatives départementales ou régionales. Face à une telle disparité, nombre de familles sont contraintes de déménager.
Une campagne à destination des entreprises publiques et privées nécessiterait d’être menée, car la dyspraxie est un enjeu de santé publique. En la matière, notre association a d’ores et déjà initié une action avec l’intervention d’une personne spécifiquement dédiée à la formation des acteurs dans les entreprises publiques et privées pour les informer sur la dyspraxie. Par ailleurs, le développement des métiers d’accompagnement des adultes en situation de handicap nécessite d’être poursuivi.

Autres besoins

Au niveau familial, la reconnaissance du statut d’aidant familial et la possibilité de congé rémunéré pour enfant dyspraxique constitueraient des mesures souhaitables, de même que le passage à temps partiel et la conservation de l’emploi pour des parents déjà fragilisés. Il arrive en effet que les parents, souvent les mères, soient contraints de réduire leur activité professionnelle, ce qui est susceptible de les mettre en difficulté vis-à-vis de l’employeur. Il n’est pas rare non plus que des mères s’adressent à nous alors qu’elles sont en situation de burn-out. Dans les grandes entreprises, les cellules handicap existantes pourraient utilement créer un service d’aide aux parents d’enfants dyspraxiques, notamment en les adressant aux associations.
En matière de justice, il conviendrait d’améliorer les délais de traitement des plaintes au tribunal administratif, et de faire appliquer les décisions de justice par les établissements. En effet, il est anormal que les familles soient contraintes de recourir à des avocats pour obtenir l’exécution des décisions qui leur sont favorables, alors que les procédures pour leur obtention sont déjà onéreuses et chronophages. La diffusion publique des jugements nécessiterait en outre d’être systématisée. Enfin, le défenseur des droits reçoit les plaintes mais son intervention n’est pas suivie d’actions concrètes. Ses décisions n’ont malheureusement aucune force contraignante. Par exemple dans le cadre scolaire, même lorsque la famille communique au directeur d’établissement un courrier très précis du défenseur des droits, la situation n’évolue pas nécessairement.
En matière de transports, la formation systématique des auto-écoles aux troubles dyspraxiques nécessite d’être mise en place. L’accessibilité des transports aux personnes dyspraxiques doit être améliorée en termes de signalétique, d’outils et d’orientation. À ce titre, des cartes simplifiées seraient très utiles.
Enfin, le développement de logements disposant d’espaces mutualisés permettrait l’accompagnement et l’autonomie des personnes dyspraxiques. Pour certaines d’entre elles en effet, le fait de se prendre en charge seules dans un appartement n’est pas toujours aisé.

Attentes vis-à-vis de la recherche

Les attentes vis-à-vis de la recherche sont nombreuses. En premier lieu, il serait indispensable de renforcer les efforts entrepris dans le domaine de la recherche fondamentale afin d’approfondir l’étude des causes de la dyspraxie et d’acquérir des données épidémiologiques détaillées. Il est en effet couramment précisé qu’entre 5 et 7 % des enfants sont atteints de dyspraxie (environ un enfant par classe), sans davantage de précisions.
Par ailleurs, l’accélération et l’amélioration du diagnostic pour les adultes et la fourniture de réponses adaptées en termes de compensation doivent être mises en place. Pour l’heure, aucune étude n’existe concernant l’adulte dyspraxique vieillissant et l’état de dépendance.
En définitive, nous souhaitons que le droit à la compensation soit respecté partout et par tous, pour un meilleur accompagnement de la personne dyspraxique dès son enfance et une meilleure insertion de la personne dyspraxique dans la société.

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