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Med Sci (Paris). 34: 49–50.
doi: 10.1051/medsci/201834s216.

Critères de jugement pour les essais cliniques dans les maladies neuromusculaires

Ghilas Boussaïd,1,2 Carole Vuillerot,3 Joana Pisco Domingos,4 Antoine Dany,5 Enzo Ricci,6 Laurent Servais,7,8,9 and François Constant Boyer10

1AFM-Téléthon, Évry, France
2UVSQ Inserm U1179, Montigny-le-Bretonneux, France
3L’Escale, Service de Médecine Physique et de Réadaptation Pédiatrique, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices Civils de Lyon, Bron, France
4UCL, Institute of Child Health and Great Ormond Street Hospital, LondresRoyaume-Uni
5Université de Bretagne Occidentale UBO - Santé publique, Brest, France
6Instituto di Neurologia, Università Cattolica del Sacro Cuore, Fondazione Policlinico Universitario A. Gemelli, Rome, Italie
7I-Motion, Paris, France
8Institut de Myologie, Paris, France
9Faculté de médecine, Université catholique de Louvain UCCL, Bruxelles, Belgique
10Unités de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR), Centre de Références Des Maladies Neuromusculaires Adultes, Hôpital Sébastopol - CHU de Reims, France
 

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La Société européenne de médecine physique et de réadaptation (ESPRM), en collaboration avec l’AFM-Téléthon (France), a organisé à Vilnius (Lituanie) le 3 mai 2018, lors du congrès Européen de médecine physique et réadaptation, une session scientifique sur les critères de jugements principaux spécifiquement utilisés pour maladies neuromusculaires dans le cadre d’essais cliniques.

Les critères de jugements principaux regroupent l’ensemble des échelles de mesures objectives (IRM, gaz du sang…) et subjectives (qualité de vie, ressentis du patient…) utilisées dans les essais cliniques de phase III pour démontrer l’effet d’un traitement et/ou d’une technique thérapeutique d’un point de vue clinique afin de justifier l’utilisation de ce traitement et d’obtenir une demande d’autorisation de mise sur le marché. Cependant, dans les pathologies neuromusculaires, l’amélioration ou la stabilisation qualitative d’une fonction motrice est difficile à quantifier. L’objectif principal de cette session était d’identifier les échelles d’évaluations existantes dans les maladies neuromusculaires et de discuter de leur pertinence dans le cadre d’essais cliniques.

Mesure de la fonction motrice

La plupart des maladies neuromusculaires (MNM) entraînent une faiblesse musculaire progressive conduisant à une altération des fonctions motrices. Ce déclin est l’une des principales préoccupations des patients, des parents et des médecins. Ainsi, l’évaluation régulière de la fonction musculaire permet de mesurer les changements dans la pratique clinique et d’évaluer les résultats des interventions thérapeutiques.

Au cours des 30 dernières années, plusieurs échelles ont été développées pour évaluer la fonction motrice chez ces patients atteints de MNM afin d’être utilisées comme mesures de résultats dans des essais cliniques. Ces échelles diffèrent selon la phase d’évolution et la population ciblée. Certaines se concentrent sur la fonction motrice et ne sont utilisées que pendant la phase ambulatoire de la maladie, comme le test de marche de 6 minutes et les tests chronométrés [1]. D’autres peuvent être utilisées chez les patients ambulants et non-ambulants, tels que les performances des membres supérieurs, les myotools (outils de mesure de force musculaire et d’évaluation fonctionnelle des membres supérieurs) et les tests de la fonction respiratoire [2, 3]. Enfin, des études chez les patients atteints de FSHD, de DMD, de LGMD2I ou de glycogénose de type 2, ont démontré que l’IRM peut fournir des mesures objectives et quantitatives pour surveiller la progression de la maladie, notamment dans la détection de nouvelles lésions sur les séquences STIR (séquence d’inversion récupération) et par l’accumulation de graisse dans les muscles correspondants. La validité de ces mesures à l’aide d’une IRM a été prouvée par leur degré élevé de corrélation avec les mesures fonctionnelles classiques, la prédiction du déclin fonctionnel étant souvent supérieure [4].

Ces échelles sont supposées être discriminantes (capables de distinguer les patients avec différentes capacités fonctionnelles) et sensibles au changement (capables de détecter les différences dans les capacités fonctionnelles du patient). Une métrologie rigoureuse et appropriée est alors nécessaire car les estimations approximatives ou l’utilisation d’outils d’évaluation inappropriés ne sont pas plus satisfaisantes. Pour explorer les propriétés métrologiques de ces échelles, plusieurs auteurs ont proposé divers modèles liés à la théorie de la réponse aux items (IRT).

Lors de cette session scientifique, l’accent a été mis sur la mesure de la fonction motrice (MFM) développée à partir de 1998 car elle a été identifiée performante en termes de validité, de fiabilité et de sensibilité aux changements dans différentes populations en utilisant diverses approches mathématiques [5].

Qualité de vie et essais cliniques

Les critères de jugement font référence à des mesures cliniques ou biologiques afin d’évaluer l’efficacité de stratégies thérapeutiques. L’AFM-Téléthon considère que le but d’un traitement actif dans les maladies neuromusculaires est d’améliorer la durée et/ou la qualité de vie des patients. La qualité de vie relative à la santé reflète le jugement que porte le sujet sur sa propre santé qui comporte plusieurs dimensions : physique, émotionnelle, sociale aussi bien que les symptômes dus à la maladie ou au traitement. Les MNM sont des maladies rares et à ce titre elles ont été longtemps négligées. Les mesures rapportées par les patients permettent d’évaluer le bénéfice perçu par les malades concernant leur prise en charge par les services de soins. Les mesures rapportées par les patients sont des indicateurs importants pour juger de l’efficacité des programmes de soins ou de réadaptation fonctionnelle. Pour mesurer la qualité de vie liée à la santé des patients adultes français atteints d’une MNM il n’existait que des outils génériques. L’AFM-Téléthon a financé pendant 10 ans, une étude coordonnée par le Pr Boyer, qui a permis de vérifier la validité des propriétés psychométriques d’une échelle de mesure de la qualité de vie des MNM (QoL-NMD) [6].

Conclusions

Les essais cliniques portant sur les maladies neuromusculaires sont confrontés au défi de mettre en évidence un effet significatif sur une période limitée chez des patients présentant une évolution hétérogène. Des essais récents sur les affections neuromusculaires les plus courantes de l’enfance, l’amyotrophie spinale (SMA) et la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) ont mis en évidence ces difficultés. Pour faire face à ce défi, une tendance générale et récente a été d’augmenter la durée des études, ce qui a un impact direct sur les coûts, sur les patients et sur les charges professionnelles et donc sur l’inclusion. D’autre part, des essais plus longs réduisent les ressources des patients et des chercheurs pour d’autres essais. Une autre stratégie a consisté à mieux comprendre les trajectoires cliniques du patient afin de mieux prédire l’évolution clinique sur une période d’un an. Cette approche a certainement le pouvoir de diminuer le nombre de patients requis, mais se concentre sur des sous-groupes de patients spécifiques, ce qui réduit le nombre de patients « disponibles » pour les essais et affaiblit également la perception de l’efficacité du médicament dans le groupe traité. Enfin, de nombreux progrès ont été réalisés récemment pour identifier des biomarqueurs plus fiables et plus sensibles, ainsi que des résultats cliniques chez les patients ambulants et non ambulants.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Domingos J Muntoni F Outcome measures in Duchenne muscular dystrophy: sensitivity to change, clinical meaningfulness, and implications for clinical trials . Dev Med Child Neurol. 2018; ; 60 : :117..
2.
Seferian AM Moraux A Canal A et al. Upper limb evaluation and one-year follow up of non-ambulant patients with spinal muscular atrophy: an observational multicenter trial . PLoS One. 2015; ; 10 : :e0121799..
3.
Brasil Santos D, Vaugier I, Boussaïd G, et al. Impact of noninvasive ventilation on lung volumes and maximum respiratory pressures in Duchenne muscular dystrophy . Respir Care. 2016;; 61 : :1530.–5.
4.
Tasca G Monforte M Lannaccone E et al. Upper girdle imaging in facioscapulohumeral muscular dystrophy . PLoS One. 2014; ; 9 : :e100292..
5.
Vuillerot C Girardot F Payan C et al. Monitoring changes and predicting loss of ambulation in Duchenne muscular dystrophy with the motor function measure . Dev Med Child Neurol. 2010; ; 52 : :60.–65.
6.
Dany A Rapin A Lavrard B et al. The quality of life in genetic neuromuscular disease questionnaire: rasch validation of the French version . Muscle Nerve. 2017; ; 56 : :1085.–1091.