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Med Sci(Paris). 34: 49–50.
doi: 10.1051/medsci/201834s126.

L’évaluation des produits de santé pour les maladies rares par la Haute Autorité de Santé

Chantal Bélorgey

Directrice de l’évaluation médicale, économique et de santé publique, Haute Autorité de Santé, 5, avenue du Stade de France, 93210Saint-Denis, France
Corresponding author.
 

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La Haute Autorité de Santé est la seule autorité publique indépendante de santé en France. S’agissant des produits de santé, sa principale mission est de donner un avis au Comité économique des Produits de Santé (CEPS) (il s’agit bien d’un avis) et un avis au ministère sur le remboursement des médicaments.

Nous avons la chance en France de disposer d’un dispositif d’accès rapide aux autorisations temporaires d’utilisation (ATU). C’est un point important dans notre débat. Il est faux de dire que les médicaments ne sont pas accessibles. Ils le sont, et de façon très précoce. Quand je travaillais à l’ANSM, j’avais en tête que les médicaments orphelins étaient disponibles plus de 30 mois avant leur AMM. Cette mise à disposition est, en outre, prise en charge à 100 %. De plus, notre système de santé permet la prise en charge de tous les patients une fois la décision de remboursement prise. Accès précoce et diffusion large nous distinguent bien des autres pays.

Je rappelle en outre qu’il n’y a pas en France de seuils dans ce domaine. Il importe de le souligner. La HAS ne fixe pas les prix ni ne les négocie. En revanche, la HAS peut s’étonner des niveaux de prix actuellement pratiqués. Je le dis en tant que citoyenne. Nous payons tous collectivement les médicaments, et ce sujet mérite un débat public.

La HAS évalue les médicaments et dispositifs médicaux, selon des critères bien connus de tous :

  • le service médical rendu (SMR), qui permet d’évaluer la pertinence du remboursement;
  • l’amélioration du service médical rendu (ASMR), qui intègre une dimension relative pour caractériser le progrès thérapeutique;
  • l’évaluation de la population qui devrait recevoir le produit;
  • la liste des comparateurs;
  • l’évaluation médico-économique et l’évaluation d’impact budgétaire, le cas échéant.

La HAS s’attache à être équitable, c’est-à-dire à mener son évaluation de façon identique pour tous. L’évaluation tient cependant compte du contexte, de la gravité de la maladie, de la présence ou non d’alternative, des stratégies thérapeutiques. Elle sait faire face également aux situations de grande incertitude, de plus en plus fréquentes, notamment en cancérologie. Certaines AMM sont très précoces, et nous ne disposons pas toujours de toutes les données en termes de sécurité ou d’efficacité à moyen ou long terme. Il existe parfois des incertitudes importantes sur la durée des traitements. Nous constatons également que certains médicaments orphelins concernent des populations qui s’élargissent rapidement au gré d’extensions d’AMM.

Nous pouvons nous adapter à ces situations. Nous avons accepté des entorses à nos procédures très cadrées, notamment avec des évaluations conditionnelles dans des contextes de maladies graves et de besoin thérapeutique. Cela nous conduit à prendre « des paris » sur les données parfois limitées dont nous disposons au moment de la décision, mais à poser des conditions afin de lever les incertitudes initiales : poursuite de la recherche, réalisation d’études en vie réelle et de stratégie thérapeutique, et réévaluation précoce. Je pense que les réévaluations doivent alors intervenir avant le délai réglementaire de cinq ans. La réévaluation doit en outre porter sur les produits, mais également les classes et les traitements par pathologie.

Enfin, la VTR est la valeur thérapeutique relative. C’est une proposition de nouveau critère, issu d’un excellent rapport sur l’évaluation des médicaments. Il permettrait de combiner le SMR et l’ASMR, et de disposer d’emblée d’une évaluation comparative. Cette réflexion est lancée depuis deux ans, et la décision de l’inscrire dans la réglementation viendra de la ministre. À ma connaissance, les travaux sur ce sujet n’ont pas commencé. L’idée n’est donc pas encore d’actualité. En revanche, l’arrivée des ATMP est un sujet concret. Ces nouveaux produits sont appelés à bousculer le système, et nous devons nous y préparer.

Dans les situations d’incertitude qui se multiplient, il nous paraît indispensable de disposer d’une implication des patients dans le choix des « paris », et que la qualité de vie et les préférences des patients soient aussi prises en compte dans l’évaluation.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.