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Med Sci(Paris). 34: 41–42.
doi: 10.1051/medsci/201834s122.

La génomique en diagnostic de routine

Benoît Arveiler

Professeur des universités-Praticien Hospitalier, Responsable du Laboratoire de génétique moléculaire, CHU de Bordeaux-GH Pellegrin, Place Amélie Raba-Léon, 33076Bordeaux Cedex, France
Corresponding author.
 

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En France, les laboratoires de diagnostic des maladies rares et d’oncogénétique constitutionnelle localisés dans les Centre Hospitaliers Universitaires et les Centre de Lutte contre le Cancer sont organisés en réseau depuis une quinzaine d’années sous l’égide de l’Association Nationale des Praticiens de Génétique Moléculaire (ANPGM). Chaque laboratoire est en charge du diagnostic de certaines maladies ou groupes de maladies, parfois de façon unique au niveau national. Ceci garantit une forte expertise et constitue un gage de qualité pour le diagnostic. L’ensemble des laboratoires s’est doté depuis environ cinq ans des technologies de séquençage à haut débit, permettant grâce à l’analyse de panels de gènes d’atteindre un niveau d’exhaustivité jusque-là inatteignable et de réduire considérablement les délais de rendu des résultats.

L’évolution vers le séquençage de l’exome ou du génome entier est indispensable pour les maladies génétiquement très hétérogènes, lorsque le séquençage de panels n’est pas satisfaisant ou irréalisable. C’est l’un des objectifs du Plan France Médecine Génomique 2025 (PFMG 2025).

Une articulation devra être trouvée entre les plateformes de séquençage à très haut débit mises en place dans le cadre du PFMG 2025 et le réseau des laboratoires de génétique pour garantir le circuit des prélèvements, le partage des séquences produites, leur interprétation et la validation bioinformatique et fonctionnelle par les biologistes. Une validation finale sera réalisée avec les cliniciens prescripteurs au sein de réunions de concertations pluridisciplinaires dont l’objet est de confronter les variants identifiés avec les données cliniques afin de s’assurer de la cohérence du diagnostic posé. Il est indispensable que le PFMG 2025 mette à profit le réseau d’experts existant, qui sera primordial pour dresser des diagnostics valides dans les différentes pathologies.

Il apparaît donc clairement que les laboratoires de génétique continueront de jouer un rôle primordial dans le dispositif national et connaîtront une recrudescence importante d’activité liée au séquençage d’exome et de génome entier, venant se surajouter à leur activité actuelle. Il conviendra donc de les soutenir financièrement, avec des ressources humaines supplémentaires indispensables (notamment biologistes, bioinformaticiens, ingénieurs). Ces laboratoires se trouvent déjà aux limites de leurs capacités. Ne pas les soutenir mettrait en danger l’ensemble du dispositif et obèrerait les chances d’atteindre le premier objectif annoncé du Plan national maladies rares 3 qui est de réduire l’errance diagnostique.

L’expertise des laboratoires doit être préservée et valorisée. De ce point de vue, il conviendrait de créer un acte de validation des variants qui permette de rembourser à leur juste valeur les laboratoires effectuant les analyses et les validations de variants, qui sont chronophages et onéreuses.

Un élément fragilisant gravement l’activité des laboratoires de génétique est le financement des activités réalisées. En effet, l’ensemble de l’activité de génétique moléculaire est non-inscrit à la Nomenclature des Actes de Biologie Médicale. Cette activité est par conséquent totalement dépendante de financements MERRI (mission d’intérêt général d’enseignement, de recherche, de rôle de référence et d’innovation). La MERRI G03 finance l’ensemble des actes de biologie hors nomenclature. Son montant, fixe, est de l’ordre de 350 millions d’euros annuels. Or les chiffres d’activité réalisés par des établissements de santé en 2016 s’élevaient à 650 millions d’euros. Ceci place donc toute notre activité de diagnostic dans une situation de fragilité extrême.

Par ailleurs une Instruction récente du Ministère de la Santé (N° DGOS/ PF4/DSS/1A/2018/46) stipule que la MERRI G03 ne sera plus attribuée aux laboratoires réalisant les analyses, mais aux prescripteurs, à charge pour les laboratoires de facturer les prescripteurs et de recouvrer les montants dus.

Cette facturation inter-établissements comporte deux risques :

  • 1) le blocage par certains établissements de demandes de diagnostic envoyées à un établissement tiers, avec perte de chance de réalisation du diagnostic pour le patient;
  • 2) l’incitation par les directions d’établissement à internaliser le plus possible d’actes. Ceci irait à l’encontre de l’organisation actuelle reposant sur des réseaux de laboratoires experts, garantissant ainsi un diagnostic de qualité. Il en résultera une perte globale d’expertise sur les diagnostics réalisés, entraînant ici encore une perte de chance pour les patients.

Ceci constitue un sujet d’inquiétude majeur pour les laboratoires. L’ANPGM préconise par conséquent que l’activité de génétique biologique constitutionnelle sorte du champ de la MERRI G03 et bénéficie d’un financement spécifique et sanctuarisé, et que les financements dédiés à ces activités reviennent directement aux laboratoires réalisant les analyses.

En conclusion, la France dispose d’un réseau performant de laboratoires de génétique ayant développé une forte expertise. Il s’agit d’une grande force à préserver absolument. Ces laboratoires se trouvent cependant gravement fragilisés par un mode de financement des examens de génétique moléculaire qui est extrêmement incertain et les met en danger.

Il est primordial de mettre en place un dispositif de financement sécurisant ces activités et de renforcer les équipes en charge. Cela doit constituer un objectif majeur du Plan National Maladies Rares 3 pour faire face aux enjeux immédiats de la médecine génomique.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article