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Med Sci(Paris). 34: 30–31.
doi: 10.1051/medsci/201834s115.

L’implication des patients et usagers dans les évaluations conduites par la Haute Autorité de Santé

Chantal Bélorgey

Directrice de l’évaluation médicale, économique et de santé publique, Haute Autorité de Santé, 5, avenue du Stade de France, 93250Saint-Denis, France
Corresponding author.
 

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La HAS a pour mission de donner un avis sur les produits de santé – médicaments, dispositifs médicaux – et actes professionnels en vue de leur remboursement et de la négociation des prix.

La parole des patients est donc fondamentale. Elle a plusieurs finalités. La première est démocratique, car les patients sont les premiers concernés. Ils participent également, comme tous les citoyens, au financement des produits de santé. La deuxième finalité est scientifique. On peut parler d’« évidence patient » au même titre que d’évidence clinique ou économique, car le patient est expert de sa propre maladie. Il peut exprimer la réalité de la maladie, sa vie usuelle et ses préférences. Il peut rappeler le parcours de soins aux membres des commissions de la HAS et aux experts scientifiques.

La HAS a mis des dispositifs en place dès sa précédente incarnation, l’ANAES. Elle fait intervenir les patients et usagers à différents niveaux dans les évaluations qu’elle mène sur les produits de santé : au sein de la Commission de la transparence, la Commission Nationale d’évaluation des Dispositifs Médicaux et des technologies de Santé (CNEDIMTS), qui évalue les dispositifs médicaux, et la CEESP qui mène notamment les évaluations médico-économiques. Ils sont dorénavant systématiquement des membres experts dans nos groupes de travail. Ils peuvent être entendus par les commissions. Troisièmement, toute association de patients peut contribuer à l’évaluation d’un produit de santé. Cette contribution se fait sur la base d’un questionnaire établi au niveau international.

Je considère cette expérimentation comme un succès par la quantité, mais surtout la qualité des contributions. Les associations ont recouru à des questionnaires envoyés à leurs adhérents, ont effectué du data mining sur des forums, ont demandé à quelques patients d’intervenir eux-mêmes dans certaines maladies extrêmement rares. Ainsi, les méthodes utilisées sont extrêmement fouillées, bien qu’elles ne soient pas écrites ni théorisées, et que leur prise en compte ne soit pas aujourd’hui organisée comme celle d’un essai clinique.

Les associations de patients peuvent également intervenir sur le programme de travail de la HAS en proposant des sujets. Elles disposent également depuis la loi de modernisation de notre système de santé, d’un droit d’alerte : elles peuvent saisir la HAS sur tout fait ayant des incidences importantes sur la santé et relevant des compétences de la HAS. Nous avons reçu cinq droits d’alerte depuis la mise en place de ce droit en 2016. La majorité concerne des produits de santé. Dans ce cas, nous travaillons en lien avec l’ANSM, s’il s’agit d’alertes de sécurité et d’information des patients.

En outre, nous pouvons faire intervenir les patients en amont des demandes de remboursement des produits, notamment dans les avis scientifiques menés au niveau européen avec EUnetHTA. Enfin, le collège de la HAS comprend un représentant d’associations de patients, et l’un des axes du projet stratégique que la HAS développe vise la participation des associations de patients dans nos travaux.

L’implication des patients dans les travaux de la HAS pourrait être encore plus systématique car ancrée dans la culture des chefs de projet de la HAS, au point que la question de cette participation ne se pose même plus. En amont, nous devons désormais exiger, en collaboration avec l’ANSM et l’EMA, des données de qualité de vie et de préférence patient dans les dossiers déposés par les industriels. En aval, les associations de patients ont toute leur place dans les évaluations et les études que nous menons sur les données en vie réelle.

La contribution des associations de patients est désormais un élément à part entière de l’évaluation des dossiers. En revanche, elle peut être complexe pour les associations elles-mêmes, notamment parce que les délais sont contraints. Il faut former les associations à nos méthodes et procédures. De notre côté, il importe de préciser la manière dont nous valorisons et prenons en considération cette contribution, en nous inspirant des méthodes SHS (Sciences de l’Homme et de la Société).

Enfin, nous devons accroître la transparence. Les contributions de patients seront publiées, notamment parce qu’elles peuvent être utiles, par leur qualité, aux associations qui n’osent pas encore répondre. Il en va également de la transparence sur les liens d’intérêts. Enfin, certaines associations de patients revendiquent d’avoir accès aux dossiers déposés par les laboratoires. Certaines agences le font; nous devons y réfléchir. Une dernière remarque : aujourd’hui, nous devons demander l’accord des laboratoires pour mettre des informations sur le site Internet et permettre aux associations de contribuer à nos travaux. Ce sujet mérite d’être discuté avec les industriels.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.