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Med Sci(Paris). 34: 19–21.
doi: 10.1051/medsci/201834s110.

Présentation de l’état des lieux du dépistage néonatal en France

Régis Coutant1* and François Feillet2**

11Chef de service, Professeur des Universités, Unité d’endocrinologie et diabétologie pédiatriques, Département de pédiatrie médicale, CHU d’Angers, 4 rue Larrey, 49933Angers Cedex 9, France
2Chef de service, Professeur des Universités, Service de médecine infantile, CHU de Nancy – Hôpitaux de Brabois, Rue du Morvan, 54511Vandoeuvre-lès- Nancy Cedex, France
Corresponding author.
 

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Le dépistage néonatal est un des grands succès de la médecine. Il est extraordinaire de voir des enfants qui auraient pu se trouver gravement malades, devenir des adultes avec des vies sociales, familiales et professionnelles tout à fait adaptées.

L’histoire du dépistage remonte à 1963 avec le test de Guthrie, méthode de dépistage sur buvard à partir d’une goutte de sang d’une maladie métabolique, la phénylcétonurie. Par les mesures thérapeutiques appropriées qu’il permettait d’introduire dès la période néo-natale, il a permis d’éviter l’arriération mentale conséquence de cette maladie en l’absence de traitement précoce. Les grands principes du dépistage néo-natal de masse ont été établis dans les années 1970 par Wilson et Jungner, et approuvés par l’OMS. Un laboratoire spécialisé a mis à disposition ses techniques pour la mise en place du premier dépistage de la phénylcétonurie grâce à des binômes entre biologiste et pédiatre. S’en est suivie une généralisation progressive à toute la France, dans le cadre d’une organisation nationale, avec des objectifs de couverture nationale. Des techniques de dépistage fiables ont été mises en place, avec prise en charge de tous les malades repérés et évaluation de toutes les étapes du programme. Cette démarche a été reconnue et financée par la CNAMTS au moyen d’une convention tripartite. L’Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE), association française nationale fédérant l’ensemble des associations régionales, s’est constituée entre 1972 et 1975. D’autres maladies ont pu faire l’objet d’un dépistage néonatal : l’hypothyroïdie congénitale en 1978, la drépanocytose à partir de 1985, l’hyperplasie congénitale des surrénales en 1995 et la mucoviscidose en 2002.

Ce dépistage biologique se fait à partir d’un prélèvement de sang sur buvard à J+3 chez tous les nouveau-nés. Depuis 1972, 23 724 enfants malades ont été repérés, toutes ces maladies confondues, ce qui représente un nouveau-né sur 830.

Les dépistages actuels en France

La phénylcétonurie se caractérise par une impossibilité à métaboliser un acide aminé, la phénylalanine, qui entraîne une toxicité pour le système nerveux central responsable de retard mental irréversible. Sa fréquence est de 1/15 800, établie précisément à partie des cartes de dépistage, de l’activité des associations régionales et de l’AFDPHE entre 1972 et 2015. Un régime alimentaire précoce prévient le retard mental et la prise en charge des enfants atteints de cette maladie est aujourd’hui organisée par les filières des maladies rares.

L’hypothyroïdie congénitale, dont la fréquence est de 1/3280, elle aussi établie à partir des données du dépistage national de 1978 à 2015, débouche également sur un retard mental en cas de diagnostic tardif, alors qu’un diagnostic avant 15 jours permet d’administrer les hormones thyroïdiennes manquantes qui préviennent le retard mental. La prise en charge est là encore organisée par les filières maladies rares.

La drépanocytose est une maladie du globule rouge qui se déforme et se détruit, entraînant anémie, accidents vasculaires, infection et décès. La prise en charge précoce prévient ou retarde une large part de ces complications. La prise en charge est organisée par les filières de maladies rares.

Enfin, l’hyperplasie congénitale des surrénales, dont la fréquence est de 1/20 000, est une maladie de la surrénale responsable d’une insuffisance surrénalienne, d’hypoglycémie et déshydratation. Cette insuffisance surrénalienne se manifeste dès les premiers jours de vie. En l’absence de diagnostic et donc de traitement approprié, le risque est celui du décès. Là encore, le diagnostic et le traitement précoces permettent d’abord d’éviter le décès, puis de mener une vie pratiquement normale. La prise en charge est organisée par les filières des maladies rares.

La mucoviscidose, dont la fréquence dépasse 1/5000, est liée à une anomalie d’un canal chlore responsable de l’hydratation du mucus et des sécrétions, en particulier digestives. Elle entraîne une insuffisance et des infections respiratoires, une insuffisance pancréatique et nutritionnelle, l’ensemble conduisant au décès précoce. Là encore, la prise en charge précoce permet de prévenir ou retarder une large part de ces complications. La prise en charge est organisée par les filières des maladies rares.

L’organisation du dépistage jusqu’à ce jour

Le dépistage reste fondé sur un système associatif reposant largement sur le volontariat : une association nationale, l’AFDPHE, centralise les résultats des associations régionales, avec un financement de la CNAMTS. Les textes législatifs encadrant le dépistage sont récents : le premier décret remonte à 2008, bien après la mise en place du dispositif de dépistage et la création de l’AFDPHE. Ce dispositif est en cours de restructuration sous l’égide de la DGOS et de la DGS, pour l’insérer dans l’organisation de la santé et des soins sous la responsabilité des Agences Régionales de Santé. Dans un premier temps, le nombre de centres régionaux de dépistage diminuera pour atteindre le ratio d’un par région, bon compromis entre coút et proximité. Un centre national de coordination du dépistage assurera les missions épidémiologiques, la coordination des centres régionaux et un soutien à la commission de biologie, c’est-à-dire les missions de l’actuelle AFDPHE. La mise en place de cette réorganisation est confiée à un Comité national de pilotage du dépistage néo-natal (CNPDN). Des réunions régulières ont été mises en place depuis plusieurs mois, dans l’objectif d’une réorganisation effective en mars 2018.

L’avenir du dépistage en France

L’enjeu est de maintenir l’exhaustivité du dépistage, dans un contexte oú les nouveau-nés restent moins longtemps en maternité et que les naissances se font aussi en maison de naissance ou à domicile. Il s’agit également d’adapter les algorithmes de dépistage actuels. Ainsi de la mesure de la PAP pour le dépistage de la mucoviscidose ou des discussions sur les seuils de 17-OHP pour le dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales. Les seuils de TSH pourraient également être revus prochainement. De nouvelles questions émergent sur le devenir des nouveau-nés dépistés à l’âge adulte : les mères avec phénylcétonurie ou avec hypothyroïdie ont besoin d’un encadrement médical lors de leur grossesse. Actuellement, nous sommes en mesure, dans certaines maladies de dépister des hétérozygotes, ce qui posent de nouvelles questions de prise en charge. Enfin, l’un des enjeux forts est l’introduction de nouveaux dépistages, comme le déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD), recommandé par la HAS, ou d’autres maladies métaboliques. Une expérimentation actuelle porte, par exemple, sur le dépistage des déficits immunitaires combinés sévères.

La France a été extrêmement active très tôt depuis les premières découvertes, mais elle a pris du retard (Figure 1). Des pays comme l’Allemagne et l’Autriche dépistent plus de vingt maladies métaboliques grâce à la spectrométrie de masse, alors que la seule maladie métabolique dépistée en France est la phénylcétonurie.

Un grand nombre d’enfants ne seraient pas décédés ou lourdement handicapés si le dépistage avait évolué en France de la même façon que dans d’autres pays.

L’extension du dépistage doit prendre en compte l’intérêt de ce dépistage pour les enfants dépistés, mais également l’absence d’effet délétère pour les enfants non malades. En effet, l’élargissement du dépistage entraîne un risque important de faux-positifs, c’est-à-dire de convoquer des parents dont les enfants ne sont pas malades ou dont l’atteinte n’est pas suffisamment grave pour justifier le dépistage néonatal. Le dépistage de la mucoviscidose en est un exemple. Ce dépistage se fait en deux étapes, d’abord biochimique puis génomique. L’évolution des concepts par rapport à ce dépistage a conduit à retirer certaines mutations du kit, car elles n’étaient pas prédictives d’une maladie suffisamment sévère pour être annoncée en période néo-natale. Chaque dépistage doit être étudié au cas par cas. Les conditions éthiques pour l’implémentation d’un nouveau-dépistage doivent bien súr être discutées.

La HAS travaille actuellement sur l’évaluation des maladies métaboliques à ajouter au panel des maladies à dépister en période néonatale. Il est fondamental que ce travail se fasse, mais il faut aussi mettre en place rapidement les mesures qui sont prévues pour faire évoluer le système français. Les laboratoires de dépistage néonatal doivent être équipés de spectromètres de masse en tandem, de techniciens de laboratoire, de biologistes pour valider les résultats et de ressources pour communiquer les résultats aux centres de référence et de compétences, pour que les patients puissent être dépistés et pris en charge dans les meilleurs conditions.

Pour ce qui est des maladies que l’on pourrait dépister, tout ou presque est techniquement possible aujourd’hui d’un point de vue biochimique, enzymologique et génétique. Les techniques de séquençage à haut débit sont aujourd’hui proposées pour le dépistage néonatal systématique. La question majeure, en réalité, est de déterminer pourquoi l’on veut dépister. Appeler une famille pour un dépistage néonatal positif, peu après la naissance, est un événement extrêmement traumatisant. Selon les critères actuels en vigueur, qui sont ceux retenus par l’OMS, il faut pouvoir offrir à cette famille une prise en charge du nouveau-né dépisté. L’évolution du dépistage en France devrait avoir pour objectif, non pas de dépister le plus possibles de maladies, mais de dépister tous les enfants qui pourraient, voire devraient, être traités avant d’être malades et qui ne le sont toujours pas.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article