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Med Sci(Paris). 34: 13–15.
doi: 10.1051/medsci/201834s108.

Vers une meilleure organisation des soins pour les maladies rares : le point de vue des associations de malades

Marie-Pierre Bichet

Vice-présidente de l’Alliance Maladies Rares, Alliance Maladies Rares, Plateforme Maladies Rares, 96, rue Didot, 75014Paris, France
Corresponding author.
 

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L’émergence de dispositifs ambitieux défendus par les associations de malades

La France possède certainement la meilleure organisation au monde pour répondre aux multiples défis posés par les maladies rares. Elle dispose de Centres de Référence, de Centres de compétences, de Filières de santé maladies rares, de Maladies Rares Info Services, d’Orphanet, de la Fondation maladies rares. Tous ces dispositifs ont pu voir le jour grâce aux deux Plans Maladies Rares. Ces derniers sont eux-mêmes nés d’une mobilisation forte du monde associatif, notamment au travers des états généraux de la santé de 1999 avec le Forum sur les maladies rares organisé par l’AFM-Téléthon et du rapport au Conseil économique et social de Bernard Barataud en 2001 intitulé « 5 000 maladies rares, le choc de la génétique ». Ces deux textes fondamentaux dessinaient déjà les politiques à venir maladies rares. Le temps de construction a toutefois été long, entre 2001 et la labellisation des premiers centres de référence en 2006.

Ce temps de co-construction est très important pour bâtir des dispositifs pertinents, efficaces et pérennes, car les problématiques posées par les maladies rares sont complexes. Nous avons le sentiment que nous sommes en train de perdre ce temps de co-construction longue dans le cadre du troisième Plan.

Les maladies rares sont complexes, évolutives, multisystémiques, diverses et hétérogènes, même au sein d’une même pathologie, avec des impacts multiples. Pour prendre une image, le diagnostic d’une maladie rare est comme un chamboule- tout : tout s’écroule. Il faut ensuite reconstruire pas à pas. Les maladies rares présentent également des spécificités difficiles à résoudre : l’errance et l’impasse diagnostique, la difficulté de trouver des expertises, la rareté des traitements, la rareté de la recherche, l’isolement et souvent la marginalisation sociale. Bien des défis restent à relever pour les malades et pour nous tous ici présents.

Les Filières de santé, un outil nécessaire à la co-construction

Les Filières de santé maladies rares sont pour nous un outil pertinent et indispensable, à condition qu’elles travaillent vraiment dans la pluridisciplinarité, qu’elles créent du décloisonnement, qu’elles aient une approche globale, qu’elles donnent de la visibilité et de la lisibilité à tous les dispositifs qui existent mais qui sont parfois méconnus. Elles doivent construire des actions ciblées et adaptées à leur champ, être connectées et attractives en Europe. Il leur faut enfin détenir une autorité scientifique. Nous attendons des filières de santé maladies rares qu’elles soient des spécialistes sur tous les sujets et participent à la co-construction des politiques maladies rares d’aujourd’hui et de demain.

L’Alliance a mené en novembre 2017 une enquête sur l’appréciation que portent les associations de malades sur les filières de santé maladies rares (FSMR) (Figure 1). Selon les premiers résultats, les associations estiment que la visibilité des filières de santé a permis des avancées sur l’errance diagnostique, l’enseignement et la formation. En revanche, du chemin reste à parcourir sur l’insertion professionnelle et le droit à l’accès à la citoyenneté. Pour investir tous ces champs, il faut renforcer leur mission première, qui est le décloisonnement du système de santé. Ce décloisonnement doit permettre de mobiliser les acteurs du médico-social et notamment les MDPH, et d’améliorer la transition enfants- adultes qui pose un défi particulier dans les maladies rares. En effet, certaines maladies n’avaient pas de malades adultes jusque récemment.

Il s’agit d’une excellente nouvelle, mais il manque parfois de médecins spécialisés dans ces pathologies chez les adultes.

La connexion entre la ville et l’hôpital doit être améliorée, car la proximité est une problématique aiguë dans les maladies rares. Il faut favoriser l’inclusion scolaire et l’insertion professionnelle. L’éducation thérapeutique est nécessaire, sans doute encore plus que pour les maladies chroniques fréquentes : les malades doivent pouvoir prendre les bonnes décisions pour leur santé en l’absence de médecins à proximité pour les conseiller. Il faut développer les formations pour les acteurs des maladies rares, mais aussi hors de ce champ, non sur les maladies rares, mais aussi sur des sujets comme l’errance de diagnostic, la culture du doute ou l’annonce diagnostique.

Les filières doivent être renforcées sur leur périmètre actuel. Plusieurs propositions ont été effectuées dans le cadre du 3e Plan Maladies rares. Les associations ont retenu plusieurs items :

  • continuer à favoriser la production de PNDS de qualité;
  • recenser les malades en impasse diagnostique dans le cadre d’un registre;
  • lister les traitements d’intérêt par filière;
  • participer aux études médico-économiques sur les nouveaux traitements;
  • concevoir des projets de recherche collaboratifs;
  • rechercher des financements nationaux et européens;
  • faciliter les connexions avec les centres de références et les laboratoires;
  • établir des partenariats avec les industriels;
  • prospecter sur les technologies et traitements innovants. Faire vivre les groupes de travail thématiques interfilières nous semble aussi incontournable. Il faut également renforcer la gouvernance des filières, qui reflète à la fois la pluridisciplinarité et le décloisonnement. Pour que les filières soient en mesure de déployer tout leur potentiel, leur statut doit être repensé, sans doute par davantage d’autonomie. Les connexions avec les centres de référence et les réseaux européens de référence est également majeur. Il faut enfin évaluer ces filières et recueillir l’avis de l’ensemble des acteurs, y compris des malades qui bénéficient de tous ces dispositifs.

L’implication des associations de malades, une condition sine qua non

Nous nous disons et on nous dit souvent que nous sommes incontournables. D’abord, nous jouons un rôle majeur dans l’accompagnement, qui fait gravement défaut dans les maladies rares. Nous finançons la recherche. Nous contribuons à la mise en place des essais cliniques du début à la fin. Nous intervenons dans l’évaluation des traitements dans le cadre de la nouvelle procédure de la HAS. Sollicités par des personnes sans diagnostic, nous les adressons, grâce à notre expertise, aux bons professionnels et contribuons ainsi à lutter contre l’errance diagnostique. Nous avons une vision globale du parcours de vie : en famille, à l’école, dans le milieu professionnel. Enfin, nous sommes souvent un outil de recours indispensable pour des familles en souffrance, ayant besoin d’explications. Cette large expérience est la source d’une expertise qui nous rend incontournables.

Afin de mieux appréhender l’implication des associations maladies rares dans la gouvernance des filières de santé, nous avons récemment réalisé une courte enquête qui est toujours en cours. Les premiers résultats montrent que les associations ne parviennent pas encore à trouver leur juste place. Les premières données sont toutefois encourageantes, car la présence des associations au sein des gouvernances des filières n’a que deux ans et elles n’y ont pas été préparées et formées. Symétriquement, les autres acteurs des filières n’ont pas été préparés à leur présence.

Les freins identifiés dans leur rôle de représentation des malades sont souvent le manque de temps (63 %), le manque de moyens matériels (52 %), une méthode de travail centrée sur les professionnels (57 %), les délais insuffisants (54 %) ou la difficulté à avoir un retour des autres associations (57 %). Les associations ont bien leur place, mais elles n’ont pas toujours les moyens de faire et leur rôle reste à préciser (Figure 2).

En conclusion, c’est à l’Alliance d’animer la dynamique entre associations membres des gouvernances et les filières. Nous devons aller plus loin dans ce travail collaboratif, mais les associations de maladies rares sont souvent limitées par leurs moyens, notamment humains. La création d’un comité de pilotage des filières, évoquée dans le 3e Plan, devrait permettre de poursuivre la dynamique inter-filière. Ce comité devra respecter la pluridisciplinarité, véritable ADN de la filière. La France revendique les meilleurs dispositifs et outils pour les maladies rares, mais ils n’ont pas encore donné leur plein potentiel. Pour ce faire, nous devons travailler ensemble pour dessiner les meilleurs dispositifs et politiques pour demain.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.