Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 34(10): 882–884.
doi: 10.1051/medsci/2018223.

P2X4, Ca2+ et CXCL5, un nouveau trio pro-inflammatoire

Ginette Angora,1* Marion Prost,1** and Oliver Dellis2***

1M1 Biologie Santé, Université Paris Saclay, 91405Orsay, France
2Université Paris Sud UMR-S 1174 Inserm, équipe calcium, bâtiment440/443, rue des Adèles, 91405Orsay, France
Corresponding author.
 

inline-graphic msc180237-img1.jpg

Équipe pédagogique

Karim Benihoud (professeur, université Paris-Sud)

Sophie Dupré (maître de conférences, université Paris-Sud)

Olivier Guittet (maître de conférences, université Paris-Sud)

Hervé Le Stunff (professeur, université Paris-Sud)

karim.benihoud@u-psud.fr

Série coordonnée par Laure Coulombel.

Les récepteurs purinergiques présents à la surface des leucocytes permettent de détecter des molécules appelées DAMP (damage-associated molecular pattern), telles que l’ATP (adénosine triphosphate) extracellulaire qui est libéré lors d’un stress ou d’une mort cellulaire et joue un rôle dans l’inflammation [1]. Deux types de récepteurs purinergiques P2 sont identifiés à la surface des leucocytes : (1) les récepteurs P2X, qui sont des canaux ioniques directement activés par la fixation d’un ligand (comme l’ATP) et qui permettent l’entrée de cations dont l’ion Ca2+ ; (2) les récepteurs P2Y, couplés aux protéines G et qui permettent l’activation de la voie phospholipase C (PLC) - inositol triphosphate (IP3), aboutissant à la libération des ions Ca2+ stockés dans le réticulum endoplasmique (RE) [2].

Alors que le rôle du récepteur P2X7 dans l’activation du macrophage a été très étudié, celui du récepteur P2X4 l’est beaucoup moins. Toutefois, certains travaux semblent montrer que P2X4 intervient dans les activités déclenchées par l’activation de P2X7, comme l’autophagie ou la sécrétion de prostaglandine E2.

Dans le contexte inflammatoire, le macrophage assure trois fonctions principales : (1) un rôle de présentation d’antigène, (2) la phagocytose et (3) la production de molécules immunomodulatrices [3]. Parmi les chimiokines pro-inflammatoires, le CXCL5 (C-X-C motif chemokine 5), dont la sécrétion par les macrophages humains n’avait pas été montrée jusqu’à maintenant, est capable de mobiliser les neutrophiles. C’est pourquoi, dans un article récent [4], l’équipe de Samuel J. Fountain s’est particulièrement intéressée aux récepteurs P2X et P2Y exprimés par les macrophages humains dérivés de monocytes et à leur potentiel rôle dans la mobilisation calcique induite par l’ATP, aboutissant à la sécrétion de chimiokines pro-inflammatoires telles que CXCL5.

Réponse calcique induite par l’ATP dans les macrophages humains : P2Y11 et P2Y13 sont impliqués dans l’amplitude de la réponse…

En combinant qRT-PCR (quantitative reverse transcription polymerase chain reaction) et immunocytochimie, les auteurs ont montré que les macrophages expriment les récepteurs P2X1, P2X4, P2X5, P2X7, mais également P2Y1, P2Y2, P2Y4, P2Y6, P2Y11 et P2Y13. En présence de doses croissantes d’ATP et de Ca2+ extracellulaire, la concentration calcique cytosolique ([Ca2+]cyt) des macrophages augmente de manière biphasique, avec un pic rapide suivi d’une décroissance et d’un plateau [4]. Les auteurs ont montré qu’en l’absence de Ca2+ extracellulaire, le pic d’entrée calcique est toujours présent mais son amplitude est réduite. L’augmentation de [Ca2+]cyt induite par l’ATP dépend donc à la fois d’un réservoir interne et d’un influx d’ions Ca2+ extracellulaires.

Afin de confirmer l’implication d’un réservoir interne, les auteurs ont réalisé le même type d’expérience en prétraitant les macrophages avec un inhibiteur de la PLC (U73122). Ce prétraitement inhibe 90 % des variations de [Ca2+]cyt induites par l’ATP, démontrant l’implication de la voie PLC-IP3. Pour identifier les récepteurs P2Y impliqués dans cette mobilisation des ions Ca2+, les auteurs ont ensuite répété leurs expériences en présence d’inhibiteurs spécifiques de ces récepteurs. Seuls les antagonistes des récepteurs P2Y11 (NF340) et P2Y13 (MRS2211) ont été capables de réduire l’intensité du pic de [Ca2+]cyt induite par l’ATP (respectivement d’environ 20 % et 30 %). Combinés, ces deux inhibiteurs réduisent la mobilisation calcique d’environ 50 %. Ces résultats démontrent que l’ATP active les récepteurs P2Y11 et P2Y13, et que ceux-ci sont responsables de la moitié du Ca2+ mobilisé.

… et le récepteur P2X4 dans sa durée

Afin de définir si les récepteurs P2X interviennent dans la mobilisation calcique aux côtés des récepteurs P2Y11 et P2Y13, les auteurs ont prétraité des macrophages humains avec des agonistes et des antagonistes des récepteurs P2X exprimés par ces cellules. Alors que l’inhibition des récepteurs P2X1 (Ro0437626) et P2X7 (A438079) est sans effet sur la mobilisation calcique induite par l’ATP, l’agoniste de P2X4 (I’ivermectine) potentialise d’environ 58 % cette réponse en augmentant et l’amplitude du pic et sa durée. Inversement, les antagonistes du récepteur P2X4 (PSB-12062 et BX430), s’ils ont peu d’effet sur le pic de mobilisation calcique, en réduisent de 40 à 50 % la durée. Cette dichotomie a été confirmée en combinant les antagonistes de P2X4, P2Y11 et P2Y13 : les récepteurs P2Y sont impliqués dans l’amplitude de la réponse calcique, alors que P2X4 intervient dans sa durée.

Seul P2X4 régule l’expression et la sécrétion de la chimiokine CXCL5 par les macrophages

Afin d’identifier les cibles du récepteur P2X4 intervenant dans la durée de la réponse calcique, l’expression de 84 gènes de chimiokines et cytokines a été étudiée après une stimulation par l’ATP seul ou l’ATP en présence d’un inhibiteur du récepteur P2X4 (PSB-12062) ou d’une molécule contrôle (le LPS, lipopolysaccharide). Seule l’expression du gène CXCL5 répond aux critères de sélection : augmentation par l’ATP, aucun effet de PSB-12062 seul et réduction de son expression en présence d’ATP et de PSB-12062. Ainsi, après 24 h d’exposition à l’ATP, l’expression des transcrits CXCL5 est multipliée par 23,5. De même, la protéine CXCL5 secrétée est mesurable par ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay) dès 24 h, et son taux est maximal à 48 h.

L’ajout de PSB-12062 induit une diminution de l’expression des transcrits CXCL5 comme celle de la quantité de protéine sécrétée. Cette inhibition est proportionnelle à la concentration du composé, et elle est maximale (20-25 %) après 48 h. Les mêmes effets s’observent avec l’autre inhibiteur du récepteur P2X4 (BX430) quoique avec une efficacité moindre. Inversement, le prétraitement par l’ivermectine, un modulateur allostérique positif, augmente la sécrétion de CXCL5 de 27 % après 48 h. De plus, en l’absence de calcium extracellulaire, la sécrétion de CXCL5 diminue de 42 % environ et les inhibiteurs du récepteur P2X4 n’ont plus aucun effet. L’ensemble de ces résultats confirment que l’expression du messager CXCL5, et donc la sécrétion de la protéine correspondante, sont dépendantes de l’entrée des ions Ca2+ extracellulaires induite par l’activation du récepteur P2X4.

En revanche, les récepteurs P2Y11 et P2Y13 ne sont pas impliqués dans l’expression et la sécrétion de CXCL5, comme le montre l’absence d’effet des inhibiteurs spécifiques de ces récepteurs sur la sécrétion de CXCL5.

Conclusion

Cette étude a permis de démontrer la présence de plusieurs récepteurs purinergiques P2X et P2Y sur les macrophages dérivés de monocytes humains. Ceux-ci ont des rôles spécifiques : la stimulation des récepteurs P2Y11 et P2Y13 par l’ATP extracellulaire contrôle l’amplitude de la réponse calcique via l’activation de la PLC, qui induit la libération du calcium stocké dans le réticulum, alors que celle du récepteur P2X4 contrôle la durée de cette réponse en permettant un influx d’ions Ca2+ extracellulaires.

En outre, le récepteur P2X4 serait également le seul à moduler l’expression de l’ARNm de la chemokine CXCL5 et donc sa sécrétion. Or, cette chemokine pourrait être impliquée dans le recrutement des neutrophiles aux sites inflammatoires, fonction qui n’a pas été étudiée par les auteurs de cet article.

Certaines hypothèses peuvent tout de même être émises : ainsi, la connexion entre activation du récepteur P2X4 et sécrétion de CXCL5 pourrait ne pas être directe, et faire intervenir le récepteur P2X7 comme démontré dans les macrophages. En effet, P2X7 intervient dans la sécrétion d’IL-1β, qui, elle-même stimule la sécrétion de CXCL5 lors d’une inflammation du péritoine [5]. Or, dans les cellules dendritiques dérivées de la moelle osseuse de souris, l’expression du récepteur P2X4 est nécessaire à la sécrétion d’IL-1β dépendant de P2X7 [6]. Cela montre que l’interaction entre P2X4 et CXCL5 reste aujourd’hui mal comprise et mérite d’être approfondie dans d’autres études.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Cekic C, Linden J. Purinergic regulation of the immune system . Nat Rev Immunol. 2016; ; 16 : :177.–192.
2.
Bhatt DL, Topol EJ. Scientific and therapeutic advances in antiplatelet therapy . Nat Rev Drug Discov. 2003; ; 2 : :15.–28.
3.
Fujiwara N, Kobayashi K. Macrophages in inflammation . Curr Drug Targets Inflamm Allergy. 2005; ; 4 : :281.–286.
4.
Layhadi JA, Turner J, Crossman D, Fountain SJ. ATP evokes Ca2+ responses and CXCL5 secretion via P2X4 receptor activation in human monocyte-derived macrophages . J Immunol. 2018; ; 200 : :1159.–1168.
5.
Song J, Wu C, Zhang X, Sorokin LM. In vivo processing pf CXCL5 (LIX) by matrix metalloproteinase (MMP)-2 and MMP-9 promotes early neutrophil recruitment in IL-1β-induced peritonitis . J Immunol. 2013; ; 190 : :401.–410.
6.
Perez-Flores G, Lévesque SA, Pacheco J, et al. The P2X7/P2X4 interaction shapes the purinergic response in murine macrophages . Biochem Biophys Res Commun. 2015; ; 467 : :484.–490.