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Med Sci (Paris). 34(6-7): 554–562.
doi: 10.1051/medsci/20183406015.

Mucoviscidose : dans la ligne des miR

Pauline Bardin,1 Florence Sonneville,1 and Olivier Tabary1*

1Sorbonne Université, UMR-S938, Centre de recherche Saint-Antoine (CRSA), Hôpital Saint-Antoine, 34, rue Crozatier, 75012Paris, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm - Pascal Trouvé).

La mucoviscidose (ou cystic fibrosis en anglais) est la plus fréquente des maladies génétiques héréditaires rares dans les populations d’origine caucasienne. Depuis l’identification du gène responsable de la maladie, en 1989, de nombreuses découvertes ont permis une amélioration de la longévité et de la qualité de vie des patients. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une maladie complexe, et que de nombreuses avancées sont encore nécessaires pour comprendre les mécanismes de la pathologie et surtout guérir les patients.

La mucoviscidose touche un peu plus de 6 000 patients en France, et environ 70 000 dans le monde (à l’état homozygote ou hétérozygote composite). Cette pathologie est induite par la mutation récessive du gène qui code un canal chlorure appelé CFTR pour cystic fibrosis transmembrane conductance regulator [1]. Même si la découverte du gène responsable est récente, cette pathologie est connue depuis longtemps, et des évidences indirectes suggèrent que cette mutation était présente en Bretagne il y a plus de 3 000 ans [2]. Les premiers écrits faisant état de la maladie remontent au Moyen-Âge, rapportant les témoignages d’enfants ensorcelés et aux baisers salés [3]. Il faudra cependant attendre 1936 pour que le pédiatre suisse Guido Fanconi (1892-1979) réalise la première description de la maladie, qui sera confirmée par la pédiatre américaine Dorothy Hansine Andersen (1901-1963), deux ans plus tard.

Le gène CFTR est situé sur le bras long du chromosome 7 (7q31). La protéine qu’il code (la protéine CFTR) est constituée de 1 480 acides aminés et appartient à la famille des transporteurs ABC (transporteurs à ATP-binding cassette) dont le rôle principal est le transport actif de différents substrats, comme les acides aminés, les peptides, les protéines et les ions, au travers de la membrane plasmique. Cette protéine CFTR, comme les autres protéines de la famille ABC, est constituée de deux domaines transmembranaires, de deux domaines cytosoliques de liaison à l’ATP (NBD pour nucleotide-binding domains) et d’un domaine régulateur. Elle participe directement à la régulation du transport des ions chlorures au niveau de la membrane cellulaire (Figure 1), mais également à celle du transport des ions bicarbonates, qui interviennent dans la régulation du pH du liquide de surface des voies aériennes qui recouvre l’épithélium pulmonaire [4]. À ce jour, plus de 2 000 mutations du gène CFTR ont été identifiées, la plus fréquente (rencontrée chez près de 70 % des malades) étant la mutation F508del de la protéine (délétion d’une phénylalanine en position 508)1. Le nombre élevé de ces mutations et leurs conséquences sur la fonctionnalité de la protéine rendent les approches thérapeutiques complexes.

D’un point de vue physiopathologique, les mutations entraînent des altérations au niveau des tissus ou organes intégrant des glandes exocrines, comme la peau, le pancréas, les poumons, les intestins et les appareils reproducteurs. Actuellement, la principale cause de morbidité et de mortalité est liée aux atteintes pulmonaires. Elles se caractérisent par une accumulation d’un mucus épais et visqueux, des infections récurrentes et une inflammation chronique, à l’origine d’une altération de la clairance mucociliaire. L’inflammation pourrait apparaître avant toute infection ; l’infection secondaire ne ferait qu’exacerber l’inflammation devenue incontrôlable. L’inflammation chronique se caractérise par une activation anormale de la voie de signalisation impliquant NF-κB (nuclear factor-kappa B), ce qui aboutit à une augmentation de sécrétion d’IL(interleukine)-8 (ou CXCL8 [C-X-C motif chemokine 8]), une chimiokine clé impliquée dans le recrutement des neutrophiles au niveau pulmonaire [5]. À long terme, ces différents symptômes conduisent à la dégradation de l’épithélium pulmonaire avec, pour conséquence, l’activation de mécanismes de réparation, à l’origine de l’apparition de zones de remaniements épithéliaux. Parallèlement à la desquamation et au remodelage de l’épithélium, une fibrose sous-épithéliale se développe, aboutissant à une altération de la fonction respiratoire.

Aucun traitement curatif n’existe pour lutter contre la mucoviscidose, et l’augmentation de l’espérance de vie, que l’on observe depuis ces dernières années, est en fait principalement due à une meilleure prise en charge de la maladie par des traitements asymptomatiques (kinésithérapie, mucolytiques, anti-inflammatoires et antibiotiques). De nouvelles approches thérapeutiques pharmacologiques (Vertex Pharmaceuticals) sont proposées aux patients depuis moins d’une dizaine d’années. Elles permettent de restaurer la protéine défectueuse à la membrane des cellules (correcteurs) et/ou de potentialiser son activité (potentiateurs). En raison de l’hétérogénéité des mutations qui touchent le gène CFTR selon les patients, ces traitements ne sont pas applicables à tous. Ils présentent ainsi un bénéfice très variable, pour un coût important. Ces classes de médicaments font cependant référence dans le domaine, et de nouvelles molécules fondées sur la même stratégie sont encore en cours de développement. D’autres stratégies sont cependant proposées en parallèle. Elles permettent d’améliorer la clairance mucociliaire, de diminuer l’inflammation ou de combattre l’infection2. L’une des stratégies thérapeutiques originales proposées dans la littérature repose sur la stimulation d’une voie alternative à celle impliquant CFTR pour le transfert des ions chlorures, comme celle induite par le canal chlorure ANO1 (Anoctamin-1, encore appelé TMEM16A [transmembrane protein 16A]), qui participerait également à l’activation de CFTR à la membrane de la cellule [6].

miARN et mucoviscidose

Les microARN (miARN) sont définis comme de petits ARN endogènes de 21-23 nucléotides, non codants et capables de réprimer l’expression de leurs gènes cibles [51] ().

(→) Voir la Synthèse de L. Fressigné et al., m/s n° 2, février 2018, page 137

Ils participent à la régulation de nombreux processus cellulaires, et l’altération de leur expression peut être associée à certaines pathologies [7]. Les miARN sont issus de la transcription et de la maturation d’ARN messagers (ARNm) spécifiques, aboutissant à la libération in fine de miARN matures qui seront incorporés au sein d’un complexe ribonucléoprotéique appelé miRISC (miRNA-induced silencing complex). Classiquement, la régulation exercée par les miARN sur leurs gènes cibles est spécifique, par l’appariement du miARN mature à la séquence 3’-UTR de l’ARNm cible, appelé miRNA response element (MRE). L’activité des miARN dépend d’une séquence longue de seulement 6 nucléotides (la séquence « seed »). Un motif MRE peut donc être retrouvé sur différents ARNm, et un ARNm peut contenir une répétition du même motif MRE ou d’autres motifs. Les miARN jouent ainsi un rôle prépondérant au sein de réseaux complexes de régulation de l’expression de multiples gènes [8]. Chez l’homme, plus de 28 000 miARN sont référencés dans la base de données miRBase [9].

Dans le cadre d’une approche thérapeutique, il est primordial de prendre en compte l’émergence d’isomiR, des variants de séquences en 3’ et 5’ des miARN canoniques, mais également des mauvaises annotations que l’on peut retrouver dans la base de données. Les données recueillies par séquençage nécessitent également d’être systématiquement vérifiées, comme l’ont décrit Mercey et al., pour les isomiR-34/449, impliqués dans la ciliogénèse [10]. Aujourd’hui, on estime que plus de 60 % des gènes codant une protéine sont régulés par les miARN [11]. La modulation de l’activité d’un seul miARN à la suite de l’inhibition de sa fonction ou de sa surexpression, peut ainsi avoir un impact biologique important.

De nombreuses études se sont intéressées aux miARN potentiellement régulateurs de l’expression de CFTR dans la mucoviscidose. Gillen et al. ont été les premiers à identifier des miARN en lien avec l’activité de CFTR, dont plusieurs régulaient directement son expression en se fixant à l’extrémité 3’-UTR de son ARNm. La régulation de l’expression de CFTR diffère en fonction du type cellulaire étudié : elle est en effet tissu-spécifique et dépend du temps, ce qui rend complexe le développement des thérapies ciblant les miARN afin de restaurer la fonction de CFTR (Tableau I). Ainsi, Viart et al. ont montré que la régulation de CFTR était différente avant et après la naissance, confirmant de précédents résultats [12]. En effet, le miR-101 régule négativement l’expression de CFTR dans des lignées cellulaires pulmonaires adultes, mais il n’a aucun effet sur des cellules épithéliales bronchiques fœtales. Ce miARN semble ainsi jouer un rôle primordial, qui évolue au cours du temps [13]. Le lien direct existant entre miARN et CFTR a, par la suite, été confirmé par d’autres équipes qui ont montré que les miR-145, miR‑223 et miR-494, seuls ou de manière synergique, régulent directement l’expression de CFTR. C’est également le cas pour le miR-509-3p et le miR-494, qui induisent une plus forte répression de son expression [14, 15]. En plus de pouvoir interagir directement avec CFTR, certains miARN peuvent également agir sur des acteurs intermédiaires de sa biosynthèse, comme le facteur de transcription SIN3A (SIN3 transcription regulator family member A), réprimé par le miR-138 [16]. Les miARN peuvent également réguler l’expression d’autres canaux dont l’activité est modulée par CFTR, comme le co-transporteur NKCC1 (Na+-K+-2Cl--cotransport protein) [17] ou le canal sodique ENaC (epithelial sodium channel) [18]. Récemment, Sonneville et al. ont montré qu’une augmentation de l’expression de miR‑9 était à l’origine d’une diminution de celle du canal chlorure ANO1, qui est activé par le calcium et contribue à moduler l’hydratation du mucus [19].

Ces dernières années, des études montrant l’implication des miARN dans la régulation d’autres cibles participant à des aspects différents de la pathologie, comme l’inflammation, l’obstruction bronchique ou l’infection, ont ouvert de nouvelles voies d’investigation. Les miARN sont en effet capables de moduler l’expression de gènes qui participent à l’obstruction bronchique et la production de mucus, comme MUC5AC, qui code l’une des principales mucines pulmonaires [20]. L’expression de miR-101 au niveau des voies aériennes est ainsi augmentée dans les poumons de patients atteints de mucoviscidose, avec une obstruction bronchique caractérisée par de faibles niveaux d’expression de CFTR [21]. L’expression des miARN est également influencée par des facteurs extérieurs, comme des bactéries pathogènes, telles que Haemophilus influenza, Staphylococcus aureus ou Pseudomodas aeruginosa [14, 15]. En contexte infectieux (par exemple en présence de P. aeruginosa), l’expression de miR-93, qui est diminuée, est associée à une stabilisation de l’ARNm de l’IL-8, contribuant ainsi au maintien de l’état inflammatoire [22].

Au niveau des voies aériennes, les processus inflammatoires contrôlés par NF-κB sont également régulés en partie par les miARN. Ainsi, les miR‑509‑3p, miR-494 et miR-126 ciblent directement NF-κB [15, 23], et les miR-93 et miR-17 régulent la production d’IL-8 dans des cellules épithéliales bronchiques [22, 24]. L’expression et la fonction de CFTR diminuent également lorsque NF-κB est fonctionnel [15]. Bhattacharyva et al. ont ainsi montré que l’expression du miR-155 était associée à l’activité de CFTR. Ce miARN peut réguler directement SHIP1 (SH-2 containing inositol 5’ polyphosphatase 1) et altérer indirectement la production d’IL-8 via l’activation de la voie de signalisation impliquant PI3K/Akt (phosphatidylinositol-3 kinase/protein kinase B) et l’inhibition de celle des MAPK (mitogen-activated protein kinases) [25]. Certains miARN peuvent participer au remodelage de l’épithélium pulmonaire et avoir un rôle majeur dans le développement de la physiopathologie de la maladie. L’expression de miR-449 dans l’épithélium respiratoire est indispensable pour induire une inhibition directe de la voie Notch et une modulation de celle impliquant les petites GTPases, deux événements nécessaires pour la fabrication des cils motiles, dont le battement permet l’évacuation du mucus [26, 27]. Le remodelage de l’épithélium pulmonaire peut également être provoqué par des dérégulations de la voie du TGF-β (transforming growth factor-beta), tant au niveau de l’expression de ses récepteurs (TGF-βR1 et R2), que d’intermédiaires de signalisation comme RPTOR (regulatory-associated protein of mTOR complex 1) ou des protéines SMAD, respectivement via les miR-1343, miR-155 et miR-145 affectant ainsi les marqueurs fibrotiques, la migration cellulaire et la transition épithélio-mésenchymateuse [28, 29]. La dérégulation du miR-31 dans les voies aériennes des patients atteints de mucoviscidose contribue à l’inflammation pulmonaire en augmentant l’activité de la cathepsine 5 qui dégrade les protéines antimicrobiennes [30]. Le miR-221 contrôle, quant à lui, le facteur de transcription ATF6 (activating transcription factor 6) qui est impliqué dans l’inflammation engendrée par le stress du réticulum endoplasmique [24]. Le miR-199a-5p régule la cavéoline 1 (CAV1), une protéine impliquée dans les processus de résolution de l’inflammation, en ciblant l’axe PI3K/Akt/CAV1 [31] et la voie du TGF-β [32]. À noter que le Celecoxib, qui module l’axe Akt/miR-199a-5p/CAV1, améliore chez les patients l’hyper‑inflammation pulmonaire due aux macrophages.

Les miARN : stratégie thérapeutique

Les miARN sont aujourd’hui considérés comme des cibles thérapeutiques potentielles (Figure 2). Deux d’approches ont été suivies pour le développement de thérapies fondées sur leur utilisation : les antagonistes (inhibiteurs, target site blocker [TSB] et éponges à miR) et les mimics de miARN.

Les mimics de miARN sont des ARN mimant les molécules endogènes et permettant d’amplifier leur fonction. Ils sont utilisés pour restaurer une perte de fonction. Cette approche dite « thérapie de remplacement de miARN » vise à réintroduire des miARN dont l’expression est diminuée dans un contexte pathologique. La preuve de concept de cette thérapie de remplacement de miARN a été démontrée avec l’utilisation de miARN suppresseurs de tumeur, qui stimulent des voies de signalisation anti-oncogéniques et qui conduisent à l’éradication de cellules tumorales [33]. Des mimics de let-7 et miR-34 sont ainsi actuellement en phase de développement clinique pour cibler un large spectre de tumeurs. La première molécule ayant pour but d’augmenter l’expression du miR-34 par l’utilisation d’un mimic (MRX34), est entrée en essais cliniques de phase I en 2013, dans le cadre d’études concernant des tumeurs solides multiples [34]. La principale limite de cette approche est la difficulté de formulation du mimic pour sa délivrance aux cellules cibles. Une des stratégies existantes pour y remédier est leur couplage à des nanoparticules. Dans l’essai clinique utilisant le MRX34, le mimic est encapsulé dans un système de délivrance formé de liposomes afin de faciliter son absorption par les cellules cibles [34]. Une approche alternative utilise une délivrance par des vecteurs d’expression de miARN.

Les antagonistes de miARN, quant à eux, sont utilisés pour inhiber des miARN endogènes qui présentent un gain de fonction dans un contexte pathologique. Ces thérapies sont similaires à l’utilisation de siARN (petits ARN interférents ou small interfering RNA), même si les systèmes de régulation impliqués sont différents. L’antagoniste de miARN, ou antagomiR (également nommé antimiR), se lie avec une très forte affinité au miARN mature qu’il cible. Le duplex ainsi formé sera ensuite dégradé. L’inconvénient majeur de ce type de thérapie provient de ce qu’un miARN peut réguler l’expression de plusieurs gènes. L’inhibition d’un miARN, non spécifique d’un gène particulier, peut ainsi résulter en de nombreux effets secondaires.

Les récents développements réalisés sur les miARN ont permis d’accélérer l’évolution de méthodes et de modifications chimiques qui permettent d’inhiber les miARN de façon stable et d’optimiser leur délivrance. Il s’agit des locked nucleic acids (LNA, ou acides nucléiques bloqués), des peptide nucleic acids (PNA), des groupements phosphorothioates3,, des éponges à miARN (miRNA sponges) et des nanoparticules (Figures 3) [23, 35].

La base constituant le LNA est un analogue d’acide nucléique dans lequel l’anneau de ribose est modifié chimiquement par l’introduction d’un pont méthylène. Cette modification chimique permet d’apporter à la molécule une grande stabilité thermodynamique et empêche sa dégradation par les nucléases en renforçant son affinité pour sa cible [36].

Les éponges à miARN sont des constructions, ou des ARN, qui présentent plusieurs sites de fixation pour un miARN d’intérêt, ce qui permet de limiter sa disponibilité et donc son action sur les cibles associées. Dans le mélanome, l’ARN de TYRP1 (tyrosinase-related protein 1) agit comme une éponge qui, en s’associant au miR-16, limite son activité suppresseur de tumeur. L’inhibition des cibles par un bloqueur de fixation permet à miR-16 d’agir sur sa cible RAB17 et empêche la prolifération cellulaire [37]. Ce type d’approche utilisant les propriétés des éponges à miARN et les LNA pourrait être envisagé dans un but thérapeutique.

Le premier antagomiR développé pour des études cliniques, le miravirsen (SPC3649), est un antimiR-122, qui cible et séquestre le miR‑122 spécifique du foie. Le miR-122 se lie au 5’UTR de l’ARNm du virus de l’hépatite C (HCV) qu’il stabilise, conduisant à l’accumulation du virus. Le miravirsen présente l’avantage d’être couplé à une base LNA (le rendant résistant aux nucléases) et de comporter des liaisons phosphorothioates. Il a été initialement testé chez la souris et les singes verts africains [38]. Son action a ensuite été examinée chez des chimpanzés infectés de manière chronique par le HCV, et une diminution prolongée de la réplication du virus, sans preuve de résistance virale ou d’effets secondaires, a été observée chez les animaux traités. En 2011-2012, une étude de phase IIa a été réalisée chez des patients atteints d’hépatite C chronique qui ont reçu cinq injections par voie sous-cutanée par semaine de miravirsen pendant une période de 29 jours. Cette étude clinique a montré une diminution prolongée, dépendant de la dose, des niveaux d’ARN viraux et de la cholestérolémie, et une modification de l’expression d’une centaine de gènes dans le foie. Les niveaux d’ARN viraux sont devenus indétectables chez cinq patients, avec cependant un rebond de l’expression du virus chez certains [39]. La variabilité de réponses observée chez les patients suggère cependant que des facteurs viraux et/ou de l’hôte influencent la réponse au traitement par le miravirsen. Récemment, un changement de nucléotide C3U en 5’UTR de l’ARNm de l’HCV a été mis en évidence chez les patients qui présentaient un rebond de réplication virale [40]. Ce mutant C3U est insensible au miravirsen. Il rendrait donc le virus indépendant du miR-122 ; le virus utiliserait alors un mécanisme alternatif pour se stabiliser et se répliquer. La diminution plasmatique du miR-122 chez les patients est toujours observée deux mois après la dernière injection de miravirsen, sans doute en raison de la longue demi-vie du miravirsen dans les tissus (environ 30 jours) [41]. Deux compagnies pharmaceutiques (Roche et Regulus Therapeutics) sont actuellement impliquées dans des essais cliniques visant à traiter l’infection par le virus de l’hépatite C en utilisant des antimiR-122 (Tableau II).

En ce qui concerne la mucoviscidose, une équipe française a utilisé des TSB qui, en se liant au 3’UTR de l’ARNm de CFTR, empêche la fixation des miR-101 et miR-145. La transfection de ces molécules dans des cellules épithéliales bronchiques de patients atteints de mucoviscidose conduit à une augmentation de l’expression et de l’activité de CFTR, suggérant que ces TSB pourraient être utilisées en thérapeutique [13]. D’autres cibles sont envisagées, comme la protéine ANO1 impliquée, comme CFTR, dans la sécrétion d’ions chlorures, la régulation du pH et la fluidité du liquide de surface des voies aériennes [4, 42]. Les travaux de Sonneville et al. ont montré qu’un TSB empêchant spécifiquement la fixation d’un miARN (miR-9) sur le 3’-UTR de l’ARNm du canal chlorure alternatif ANO1 permettait, dans des modèles in vitro et in vivo, d’augmenter son expression, son activité chlorure et la migration cellulaire, mais également la clairance mucociliaire. La restauration de ces paramètres, dérégulés à un niveau physiologique, permet de proposer aujourd’hui le TSB ANO1 comme une cible thérapeutique potentielle dans le contexte de la mucoviscidose [19]. Chaque patient serait susceptible de pouvoir bénéficier de ce type d’approche conduisant à l’activation d’une sécrétion chlorure indépendante de CFTR. Dans l’étude de Sonneville et al., le TSB ANO1 a été administré par instillation intranasale aux animaux. Si cette molécule devait être utilisée chez l’homme, son mode d’administration nécessitera d’être déterminé. L’inhalation semble en effet la méthode la plus adaptée, l’atteinte pulmonaire étant prédominante chez les patients. Tissu-spécifique, elle présente une exposition systémique moindre, diminuant ainsi le risque d’effets secondaires. Cependant, les poumons des patients présentent des barrières, comme l’obstruction des voies aériennes par le mucus, pouvant rendre l’administration difficile. Le passage du TSB à travers le mucus reste donc à étudier.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
3 Les oligonuclé otides phosphorothioates présentent une grande ré sistance aux nuclé ases et sont très stables.
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