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Med Sci (Paris). 34(6-7): 531–539.
doi: 10.1051/medsci/20183406012.

La répression catabolique ou comment les bactéries choisissent leurs sucres préférés

Anne Galinier1*

1Laboratoire de chimie bactérienne, UMR 7283, CNRS - Aix Marseille Univ, Institut de Microbiologie de la Méditerranée (IMM), 31, chemin Joseph Aiguier, 13402, Marseille, Cedex 20, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm - Émilie Cloup et Jean-Philippe Nougayrede).

La répression catabolique (RC) est un phénomène mis en place lorsque des bactéries, mais aussi des levures ou des champignons, sont cultivées en présence de deux (voire plusieurs) sources de carbone. Appelée aussi « effet glucose », elle est l’un des mécanismes les plus conservés chez les microorganismes. Elle les protège d’un gaspillage d’énergie en leur évitant de synthétiser des protéines superflues dans des conditions données. Chez les bactéries, cela se traduit par une courbe de croissance biphasique (Figure 1). Ce phénomène, mis en évidence par Jacques Monod en 1942, s’appelle diauxie [1]. Après une première phase de croissance exponentielle, due à l’utilisation par les bactéries de l’hydrate de carbone le plus rapidement métabolisable (généralement le glucose, mais pas toujours [2]), la croissance s’arrête puis reprend à nouveau, de façon exponentielle, grâce à l’utilisation d’une autre source de carbone présente dans le milieu de culture. Cette utilisation hiérarchique des hydrates de carbone est due à l’inhibition de la synthèse des enzymes impliquées dans le catabolisme des sources de carbone non-préférentielles, d’où le nom de répression catabolique. La latence entre les deux phases de croissance exponentielle s’explique par le temps indispensable à la bactérie pour synthétiser les enzymes nécessaires à l’utilisation de la source de carbone non-préférentielle, lorsque la RC est levée (Figure 1).

Or, la RC est un mécanisme de régulation global ayant un impact majeur sur la physiologie bactérienne. Non seulement elle intervient dans l’inhibition de l’expression de gènes impliqués dans le transport et le métabolisme des sources de carbone non préférentielles, mais elle affecte aussi l’expression de nombreux gènes impliqués dans des processus variés. En particulier, il a clairement été établi, chez plusieurs espèces bactériennes pathogènes tels que Staphylococcus aureus ou Listeria monocytogenes, que RC et virulence étaient étroitement imbriquées [3]. Chez Bacillus subtilis, l’expression de 10 % des gènes est régulée par le glucose [4]. Ce phénomène de RC prend particulièrement de l’importance lorsqu’il y a compétition entre plusieurs microorganismes dans des milieux naturels, puisque l’utilisation de sources de carbone préférentielles est un facteur déterminant dans le taux de croissance bactérienne [5]. De fait, la RC a des implications en biotechnologie comme les biotransformations, l’utilisation d’usines bactériennes et la bioremédiation, etc. [6] et, pour certaines applications industrielles, il est parfois nécessaire de s’affranchir de la RC pour optimiser la production [7].

Le phénomène de RC, initialement décrit pour B. subtilis [1], a fait l’objet d’études approfondies chez plusieurs bactéries. Il a été d’abord bien caractérisé chez Escherichia coli [8]. Chez ces deux bactéries modèles, il est principalement contrôlé par le niveau de phosphorylation de protéines impliquées dans le transport d’hydrates de carbone et appartenant au système des phosphotransférases (PTS).

L’objectif de cette synthèse est de décrire les mécanismes les mieux caractérisés impliqués dans la RC, et d’explorer l’importance du système des phosphotransférases dans ce phénomène de régulation.

Le transport des hydrates de carbone par le PTS

Le système des phosphotransférases (PTS), découvert il y a plus de 50 ans [9, 10], transporte et phosphoryle de façon concomitante un certain nombre d’hydrates de carbone chez de nombreuses bactéries et certaines archaea. Il est généralement composé de plusieurs phosphotransférases : l’enzyme I (EI), la protéine HPr (histidine-containing protein), et plusieurs complexes multi-protéiques formant les enzymes II (EII). Les protéines EI et HPr sont solubles et impliquées dans l’incorporation de la plupart des substrats du PTS. En revanche, les EII, constituées de protéines cytoplasmiques (EIIA et EIIB) et transmembranaires (EIIC et éventuellement EIID), sont habituellement spécifiques d’un substrat donné ou d’un petit groupe de sucres étroitement apparentés (Figure 2). Les protéines EI et HPr sont généralement synthétisées de façon constitutive alors que la synthèse des complexes EII est induite par la présence du sucre transporté par le PTS (sucre-PTS) dans le milieu extracellulaire. La première étape du transport et de la phosphorylation concomitante d’un sucre-PTS est l’autophosphorylation d’EI à partir d’un donneur de phosphate très riche en énergie, le phosphoénolpyruvate (ou PEP) [11]. L’EI phosphorylée (P~EI) transfère ensuite son groupement phosphate à HPr. P~HPr transmet à son tour son phosphate à une EIIA, qui phosphoryle l’EIIB correspondante. Tous ces phosphotransferts à haute énergie sont réversibles et se produisent au niveau d’histidines, à l’exception des protéines EIIB pour lesquelles, habituellement, c’est une cystéine qui est phosphorylée. À la dernière étape, P~EIIB transfère son groupement phosphate à l’hydrate de carbone complexé et transporté par l’EIIC. Dans des conditions physiologiques, cette réaction est pratiquement irréversible, la phosphorylation de l’hydrate de carbone diminuant probablement l’affinité de ce dernier pour l’EIIC afin d’être libéré dans le cytoplasme (Figure 2).

Chez les firmicutes, la protéine HPr est phosphorylée non seulement au niveau de l’histidine en position 15 (His-15), à partir de PEP et par EI, mais également au niveau de la sérine en position 46 (Ser-46), à partir d’ATP et par l’HPr kinase/phosphorylase (HPrK/P) [12, 13]. La phosphorylation d’HPr à partir d’ATP n’est pas impliquée dans l’incorporation et la phosphorylation des sucres, mais a des fonctions régulatrices, en particulier dans la RC [14]. Les entérobactéries telles qu’E. coli ne possèdent pas d’HprK/P et la région autour de la Ser-46 d’HPr n’est pas conservée.

La RC chez E. coli et chez Enterobacteriaceae : un phénomène bien caractérisé

Chez E. coli et chez les Enterobacteriaceae, l’un des acteurs majeurs de la RC est l’EIIAGlc, un constituant de l’EII impliquée dans le transport du glucose. Plus précisément, c’est l’état de phosphorylation de l’EIIAGlc qui contrôle la RC ; celui-ci semble être principalement déterminé par le rapport des concentrations intracellulaires de PEP et de pyruvate. En effet, lorsqu’un sucre rapidement métabolisable tel que le glucose est disponible, le rapport [PEP]/[pyruvate] est faible, et l’EIIAGlc est présente principalement sous sa forme non phosphorylée [15]. Ainsi, elle ne peut stimuler l’adénylate cyclase et/ou inhiber l’AMPc phosphodiestérase [16]. La concentration d’AMPc intracellulaire est donc faible. Le régulateur transcriptionnel CRP (cAMP receptor protein, également connu sous le nom de CAP [catabolite activator protein]), qui doit interagir avec l’AMPc pour pouvoir se lier à l’ADN, ne peut alors pas reconnaître ses séquences d’ADN cibles [17] ; l’expression des opérons sensibles à la RC n’est donc pas induite (Figure 3). En revanche, en présence de sucres qui ne sont pas transportés par le PTS, ou des sucres-PTS lentement métabolisables, l’EIIAGlc est présente principalement sous sa forme phosphorylée et peut ainsi stimuler la synthèse d’AMPc [15]. Le complexe AMPc/CRP peut se lier à ses séquences promotrices spécifiques, augmenter l’affinité de l’ARN polymérase pour les promoteurs, et ainsi induire l’expression des opérons sensibles à la RC en présence d’un inducteur. Par exemple, lorsque du glucose et du lactose sont tous deux présents dans le milieu de culture, le glucose doit être consommé pour permettre la liaison du complexe AMPc/CRP à l’ADN, tandis que le lactose intracellulaire est nécessaire pour décrocher le répresseur lactose de sa séquence opératrice. Lorsque ces deux conditions sont remplies, la transcription des gènes dépendant du lactose est alors induite [18]. La RC est donc due à l’absence d’activation transcriptionnelle.

Des données récentes concernant des Vibrionaceae, qui, comme E. coli appartiennent aux γ-protéobactéries, semblent modifier un peu ce dogme [19]. En effet, il semblerait que le complexe AMPc-CRP de Vibrionaceae joue son rôle métabolique habituel. Cependant, les variations du taux d’AMPc ne paraissent pas dépendre de la régulation de l’activité de l’adénylate cyclase par EIIAGlc, mais elles seraient dues à l’export et à la dégradation de l’AMPc. De plus, bien que la protéine CRP nécessite d’être complexée à l’AMPc pour interagir avec ses séquences d’ADN cibles, son activité peut être régulée en réponse au glucose par un mécanisme inconnu indépendant de l’AMPc intracellulaire. Ces observations inattendues nous amènent à reconsidérer les rôles cellulaires de la CRP et de l’AMPc, et d’élargir notre vision de la RC avec des spécificités qui dépendent probablement des espèces bactériennes [19].

La RC chez les firmicutes : un mécanisme moléculaire souvent méconnu

Pendant de nombreuses années, le mécanisme moléculaire de la RC chez les Enterobacteriaceae, découvert dans les années 1970 et fondé sur l’absence d’activation transcriptionnelle des gènes cataboliques par le complexe AMPc/CRP, a été considéré comme universel. Cependant, il existe des bactéries Gram-positives ne synthétisant pas d’AMPc, et un mécanisme de RC différent a été découvert vingt ans plus tard chez B. subtilis [2022]. Chez cette bactérie et chez d’autres firmicutes, un autre composant du PTS joue un rôle central dans la RC. Il s’agit de la protéine HPr et plus précisément de son état de phosphorylation (Figure 4). En effet, en plus de sa phosphorylation de l’His-15 en présence d’un sucre-PTS lors des phosphotransferts décrits précédemment, la protéine HPr peut également être phosphorylée sur la Ser-46 à partir d’ATP. Toutefois, selon les espèces bactériennes, ces deux phosphorylations ne sont pas toujours compatibles in vivo. Lorsqu’un sucre rapidement métabolisable est disponible, tel que le glucose ou le fructose, la glycolyse est active et le taux de fructose 1,6 bis-phosphate (FBP) est élevé. Ce métabolite est capable d’interagir avec l’HPrK/P afin de stimuler fortement son activité kinase [12, 23]. L’HPrK/P est une enzyme bifonctionnelle atypique qui catalyse la phosphorylation d’HPr sur son résidu Ser-46 ainsi que sa déphosphorylation [24]. Lorsque la concentration intracellulaire de FBP est élevée, HPr est présente principalement sous sa forme séryl-phosphorylée et peut ainsi interagir avec le régulateur transcriptionnel CcpA (catabolite control protein A) [20]. Le complexe protéique P-Ser-HPr/CcpA peut ainsi se lier efficacement à ses sites opérateurs spécifiques, appelés cre (catabolite-responsive element), afin d’inhiber l’expression des opérons sensibles à la RC [8]. En effet, dans la plupart des cas, CcpA seul ne se lie pas bien aux séquences cre et ne peut réprimer l’expression des opérons sensibles à la RC (Figure 4). Ces séquences cre sont des semi-palindromes fortement dégénérés, avec une séquence consensus mal conservée [25]. Une analyse bioinformatique indique que le génome de B. subtilis possèderait 126 sites cre (certains connus, d’autres putatifs) [26], et une analyse transcriptomique d’un mutant ccpA cultivé en présence ou en l’absence de glucose, a montré que 10 % des gènes de B. subtilis étaient régulés par CcpA et soumis à la RC [4]. Ceci indique que la RC est un mécanisme de régulation globale affectant de nombreux gènes et opérons, certains n’étant pas impliqués dans le métabolisme du carbone. L’affinité du complexe P-Ser-HPr/CcpA pour ses cibles ADN dépend des caractéristiques des cre comme leur localisation par rapport au site d’initiation de la transcription, ou la position spécifique de certaines bases [27]. CcpA agit principalement comme un répresseur, mais fonctionne parfois aussi comme un activateur selon la localisation des cre. En effet, lorsque ceux-ci chevauchent le promoteur, le complexe P-Ser-HPr/CcpA a un rôle répresseur en empêchant la liaison de la machinerie de transcription au promoteur (c’est le cas le plus fréquent). Lorsque les cre sont situées en amont du promoteur, le complexe P-Ser-HPr/CcpA a, en revanche, un effet activateur. Ainsi, chez les firmicutes, le mécanisme moléculaire de RC ne repose pas sur l’absence d’activation transcriptionnelle comme chez les Enterobacteriaceae, mais est généralement dû à une répression active des gènes cataboliques. Comme chez les Enterobacteriaceae, la présence de l’inducteur dans la cellule (à savoir, la source de carbone moins favorable) est nécessaire pour la transcription des gènes correspondants.

Certains bacilles et certaines clostridies possèdent une protéine supplémentaire de type HPr, appelée Crh (catabolite repression HPr) [28]. Elle possède la Ser-46 et est phosphorylée à partir d’ATP par l’HPrK/P. En revanche, elle est dépourvue d’His-15, le site de phosphorylation PEP-dépendant, et n’est donc pas phosphorylée par le PEP et l’EI. Elle n’est, ainsi, pas impliquée dans le transport des sucres-PTS, mais possède des fonctions régulatrices. Son rôle régulateur principal est le contrôle de la formation de méthylglyoxal, un composé issu du glycéraldéhyde-3-phosphate et de la dihydroxyacétone phosphate, intermédiaires de la glycolyse [29]. Crh phosphorylée sur sa Ser-46 (P-Ser-Crh) est également impliquée dans la RC, mais à un moindre niveau que la P-Ser-HPr (Figure 4). En effet, l’inactivation de Crh seul n’a aucun effet mais, chez des mutants dans lesquels la phosphorylation d’HPr dépendante de l’ATP a été abolie (par remplacement de la Ser-46 par une Alanine), certains opérons cataboliques sont encore partiellement réprimés, alors qu’ils sont complètement déréprimés chez des mutants dont le gène ccpA a été délété [28]. La RC résiduelle observée dans les mutants du gène codant HPr disparaît quand le gène crh est également délété, ou lorsque le site de phosphorylation de la protéine Crh est inactivé [30, 31].

Des mécanismes de RC retrouvés chez des firmicutes et des entérobactéries

D’autres mécanismes moléculaires impliqués dans le contrôle de la RC et dans lesquels le PTS joue un rôle clé sont connus. Dans cette revue, nous en présenterons deux.

Régulation PTS-dépendante de facteurs transcriptionnels contenant des « PRD »
Un de ces mécanismes de RC, retrouvés aussi bien chez des entérobactéries que chez des firmicutes, fait intervenir des facteurs transcriptionnels particuliers qui contiennent des domaines protéiques appelés PRD (PTS regulation domain) [32]. Ces domaines sont la cible de régulations directes par des composants du PTS, à savoir P-His-HPr, ainsi que des P-EIIA ou P-EIIB (Figure 5). Ces anti-terminateurs ou activateurs transcriptionnels régulent un petit nombre de gènes ou d’opérons codant généralement des pts. Ils possèdent habituellement deux PRD qui contiennent deux histidines conservées. Ces histidines sont des cibles potentielles de phosphorylations réversibles catalysées par le PTS (Figure 5). La plupart des protéines contenant des PRD sont activées via la phosphorylation catalysée par P-His-HPr au niveau d’une de ces histidines conservées. Pendant l’incorporation d’une source de carbone facilement métabolisable, telle que le glucose ou le fructose, HPr est déphosphorylée au niveau de son His-15. Elle ne phosphoryle donc plus les facteurs transcriptionnels contenant des PRD qui sont alors inactifs. En revanche, lorsque ces facteurs transcriptionnels sont phosphorylés par des composants EIIA ou EIIB d’un PTS spécifique d’un sucre donné, ils sont inhibés ; la transcription des gènes qu’ils régulent n’est donc pas activée. La déphosphorylation des composants EIIA ou EIIB pendant le transport et la phosphorylation du sucre concerné conduit également à la déphosphorylation du régulateur transcriptionnel contenant des PRD et donc à son activation (Figure 5). Les régulateurs transcriptionnels contenant des PRD participent donc à un mécanisme de RC qui est indépendant des protéines CcpA ou CRP [14, 33].

Le rôle du PTS dans l’exclusion de l’inducteur
Chez de nombreuses bactéries, des substrats-PTS facilement métabolisables, comme le glucose, inhibent l’activité de transporteurs non-PTS impliqués dans l’incorporation de sources de carbone non-préférentielles. Ce phénomène est appelé exclusion de l’inducteur [34]. Ces transporteurs, cibles de l’EIIAGlc chez les entérobactéries, ou de P-Ser-HPr chez les firmicutes, appartiennent souvent à la famille des transporteurs possédant une cassette de fixation d’ATP, plus communément appelés transporteurs ABC (ou ATP-binding cassette transporters). Lors de ce processus d’exclusion de l’inducteur, le PTS, via les protéines EIIAGlc ou HPr, exerce un effet indirect sur l’expression de gènes impliqués dans le transport et le catabolisme d’hydrates de carbone, en inhibant l’incorporation ou la synthèse de la molécule inductrice correspondante. Un exemple bien décrit chez plusieurs bactéries est le transporteur ABC impliqué dans l’incorporation du maltose. Chez les entérobactéries Salmonella enterica serovar Typhimurium et E. coli, lorsqu’un sucre rapidement métabolisable tel que le glucose est disponible, l’EIIAGlc est présente principalement sous sa forme non phosphorylée [15]. Elle interagit spécifiquement avec le transporteur maltose et inhibe son activité (Figure 3). Des études structurales ont montré qu’un dimère d’EIIAGlc non phosphorylée interagit avec un dimère de la protéine fixant les nucléotides (NBP), MalK, une des protéines constituant le transporteur ABC. Cette interaction arrête le cycle de transport du disaccharide en inhibant la fermeture ATP-dépendante du dimère de MalK [35, 36]. Chez le firmicute Lactobacillus casei, des données génétiques suggèrent que c’est P-Ser-HPr qui inhibe le transporteur ABC impliqué dans l’incorporation de maltose et de maltodextrose [36]. En effet, des mutants incapables de phosphoryler la Ser-46 de l’HPr ne présentent pas d’exclusion du maltose malgré la présence de glucose, alors qu’un mutant produisant constamment de la P-Ser-HPr n’est pas capable de transporter le maltose, même en l’absence de glucose. Il est à noter que, chez l’actinobactérie Corynebacterium glutamicum, le métabolisme du maltose est fortement altéré chez un mutant ptsH, dont le gène codant la protéine HPr a été délété, bien que le disaccharide soit incorporé via le transporteur ABC. En fait, la délétion de ptsH s’avère inhiber spécifiquement l’expression du gène malP qui code la maltose phosphorylase [37]. Toutefois, les mécanismes moléculaires de cette régulation ne sont pas encore connus.
Conclusion

La RC est un phénomène de régulation globale mis en place pour éviter la synthèse de protéines impliquées ou non dans le métabolisme carboné, et dont la présence n’est pas requise en présence de glucose (ou d’un hydrate de carbone facilement métabolisable). Par exemple, chez Vibrionaceae, le complexe AMPc-CRP régule plusieurs processus cellulaires, tels que la compétence naturelle ou la colonisation de l’animal hôte [19]. Chez L. monocytogenes, l’utilisation du glucose inhibe l’expression des gènes de virulence. Le mécanisme moléculaire impliqué n’est pas encore caractérisé, mais il est probable qu’un composant PTS y participe [38]. La RC met donc en jeu une variété de mécanismes moléculaires qui peuvent être spécifiques de l’espèce bactérienne. Bien souvent ces mécanismes font intervenir un composant du PTS, mais il existe quelques exceptions. Par exemple, chez les Streptomyces, le mécanisme moléculaire impliqué dans la RC, bien qu’encore inconnu, semble indépendant du PTS [39].

L’utilisation de sources de carbone préférentielles est un facteur déterminant dans le taux de croissance bactérienne [5]. Or, l’impact de la RC sur la composition d’une population bactérienne telle que le microbiote intestinal, qui peut comporter jusqu’à 500 espèces bactériennes cultivables, est encore très mal connu. Il est clair qu’en fonction du régime alimentaire de l’hôte, la RC doit probablement avoir un rôle important dans la composition et la stabilité de ce microbiote [40, 41]. Dans les années à venir, l’étude des mécanismes moléculaires impliqués dans la RC chez des bactéries constituant un microbiote, mais aussi chez des espèces bactériennes nouvelles ou chez des pathogènes, ainsi que la détermination de l’impact de cette RC, tant du point de vue des bactéries que de celui de l’hôte, sont clairement des champs de recherche à explorer.

Liens d’intérêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été financé par le CNRS et l’Université d’Aix-Marseille. Je remercie chaleureusement J.R. Fantino pour son aide dans la réalisation des figures et F. Pompeo pour ses suggestions et sa lecture critique du manuscrit.

 
Footnotes
1 Courbe de croissance biphasique avec métabolisme d’une source de carbone, puis d’une autre.
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