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Med Sci (Paris). 34(5): 388–391.
doi: 10.1051/medsci/20183405006.

La protéine ISG20, un nouveau facteur de restriction contre le virus de l’hépatite B ?

Brieux Chardès,1 Julie Lucifora,1* and Anna Salvetti1**

1Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL), Inserm U1052, CNRS UMR 5286, Université de Lyon, 151, cours Albert Thomas, 69003Lyon, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Antiviraux, Exonucleases, Virus de l'hépatite B, Humains, Interféron alpha, ARN viral, pharmacologie, métabolisme, effets des médicaments et substances chimiques, génétique

 

Le virus de l’hépatite B (HBV) est un virus enveloppé dont le génome est constitué d’une molécule d’ADN circulaire partiellement double brin, appelée ADN relâché circulaire (ADNrc). Il se réplique par l’intermédiaire d’une étape de rétro-transcription. Au sein du noyau des hépatocytes, l’ADNrc est converti en une molécule d’ADN circulaire clos de manière covalente (ADNccc). L’ADNccc constitue le minichromosome viral. Il sert de matrice pour la transcription des ARN messagers viraux dont un long ARN prégénomique (ARNpg) destiné à être encapsidé (Figure 1). L’encapsidation de l’ARNpg survient à la suite de la fixation de la polymérase virale au niveau d’une région de son extrémité 5’, appelée boucle ε, et au recrutement des protéines de capside. La rétro-transcription de l’ARNpg en ADNrc a lieu au sein de la capside assemblée, dans le cytoplasme cellulaire, avant que la capside soit enveloppée, puis sécrétée (Figure 1).

Plusieurs observations réalisées in vitro indiquent que l’interféron-α (IFN-α) peut inhiber la réplication d’HBV. Cependant, son ou ses mode(s) d’action reste(nt) encore mal identifié(s). En effet, il est parfaitement établi que l’IFN-α module, de manière fine et différentielle, la transcription de plusieurs gènes appelés interferon-stimulated genes (ISG) [1], qui possèdent des activités antivirales. Les gènes impliqués dans l’effet anti-HBV restent toutefois encore majoritairement inconnus. Actuellement, seuls quelques gènes ont pu être associés à l’effet anti-HBV de l’IFN-α (Tableau I et Figure 1).

L’ISG20, un facteur antiviral à large spectre qui induit la dégradation des ARN de l’HBV

L’ISG20 est un des gènes induit par l’IFN-α. Il code une ribonucléase (RNAse) qui exerce une activité antivirale contre de nombreux virus à ARN, tels que le virus de l’immunodéficience humaine, le virus de la grippe et les virus des hépatites A et C [2]. Des études antérieures ont montré que ce gène est fortement induit lors de la suppression de la réplication d’HBV par action de l’IFN-α dans des modèles d’hépatocytes murins et également au niveau du foie de patients chroniquement infectés, qui répondent au traitement par l’IFN-α [3,4]. In vitro, l’induction de l’ISG20 par l’IFN-α est associée à une diminution d’expression des ARN et des ADN viraux intracellulaires, de l’antigène de l’hépatite B (HBs) et de la production de particules virales.

Dans un article récent, Liu et al. ont cherché à comprendre le mode d’action de l’inhibition d’HBV par l’ISG20 [5]. Pour établir une relation de causalité entre induction du gène ISG20 et diminution des ARN messagers viraux précédemment observée in vitro et in vivo, les auteurs ont montré que sa surexpression diminuait les niveaux d’ARNpg de manière dose-dépendante, et ceci sans toxicité pour la cellule infectée, suggérant que son effet serait restreint aux ARN viraux. La chute du niveau d’ARNpg pouvait résulter d’une répression transcriptionnelle du promoteur viral et/ou d’une dégradation survenant à une étape post-transcriptionnelle. En concordance avec de précédentes observations attribuant l’activité antivirale de la protéine ISG20 à son activité 3’-5’-exonucléase, les auteurs ont démontré que l’enzyme n’affectait pas de manière significative l’activité du promoteur viral, mais qu’elle induisait une chute du niveau d’ARNpg du HBV en perturbant sa stabilité [5].

Plusieurs mécanismes pouvaient être à l’origine de ce phénomène. La protéine ISG20 appartient à la superfamille des DEDD 5-3’ exonucléases1, et possède trois domaines distincts caractéristiques de ce type d’enzymes, désignés Exo I, Exo II et Exo III. L’activité antivirale de l’ISG20 contre le virus de la stomatite vésiculaire (VSV) a été attribuée au site Exo II de la protéine, dont l’activité enzymatique cible préférentiellement les ARN simple brin [2]. Liu et al. ont également observé une perte du potentiel antiviral de la protéine ISG20 vis-à-vis du HBV lorsque le motif Exo II est muté.

Restait à comprendre comment la protéine ISG20 pouvait reconnaître spécifiquement l’ARN viral. L’observation d’une chute du niveau d’ARNpg encapsidé, en présence d’une protéine ISG20 mutée dans son activité exonucléase, a permis aux auteurs d’émettre l’hypothèse que celle-ci pouvait reconnaître l’ARNpg de l’HBV et entrer en compétition avec la polymérase virale. Comme mentionné précédemment, l’assemblage des particules implique la fixation de la polymérase virale à la boucle ε de l’ARNpg, suivie du recrutement des protéines de capside. Par une série d’expériences d’immunoprécipitation, puis d’analyses des ARN viraux par northern blot, Liu et al. ont montré que la protéine ISG20 interagissait avec l’ARNpg via son domaine Exo III, mais indépendamment de son domaine catalytique Exo II. Des expériences de retard sur gel ont permis de montrer qu’ISG20 se fixait préférentiellement au niveau de la boucle ε de l’ARNpg, dans une région proche de celle reconnue par la polymérase virale. Ceci suggérait que ces deux protéines pouvaient entrer en compétition pour la fixation à l’ARNpg par un mécanisme d’inhibition allostérique.

Conclusions et perspectives thérapeutiques

Ce travail a permis de montrer que la protéine ISG20 reconnaît spécifiquement l’ARNpg d’HBV et induit sa dégradation. Faut-il pour autant considérer l’ISG20 comme un facteur de restriction du HBV comme le proposent Liu et al. ? Bien qu’aucune définition ne fasse consensus, les facteurs de restriction virale présentent certaines caractéristiques communes, telles qu’une expression basale dans quasiment tous les tissus et une modulation possible par l’IFN-α. Plus spécifiquement, Harris et al. ont défini un facteur de restriction viral selon quatre points : (1) une diminution forte et directe de l’infectivité du virus ; (2) l’existence d’un mécanisme d’échappement viral ; (3) l’implication de la réponse immunitaire dans le fonctionnement du facteur de restriction, notamment par la réponse IFN-α ; (4) une compétition entre le facteur de restriction et le mécanisme d’échappement viral se traduisant par une signature d’évolution rapide dans la séquence du gène cellulaire [6, 7] ().

(→) Voir la Synthèse de L. Gerossier et al., m/s n° 10, octobre 2016, page 808

Dans le cas d’ISG20, le mécanisme d’échappement viral ainsi que la signature d’évolution rapide dans la séquence du gène restent à prouver. D’autres questions sont également en suspens dont, en particulier, le mode d’action d’ISG20 contre d’autres virus à ARN et son effet potentiel sur des ARN messagers cellulaires. Enfin, il faut remarquer que ces expériences ont été, pour la plupart, réalisées dans des modèles de cellules tumorales transfectées avec des plasmides codant le génome d’HBV. Il semble donc important de vérifier si l’ISG20 se comporte de façon similaire dans des modèles d’hépatocytes primaires infectés par l’HBV.

Cette approche anti-HBV de type ISG20-like, par déstabilisation des ARN de manière directe ou indirecte, constitue une piste thérapeutique, qui commence à être de plus en plus explorée dans l’optique de développer de nouvelles classes d’agents antiviraux. Des travaux récents se sont focalisés sur le développement de molécules pouvant affecter la stabilité des ARN viraux. Il s’agit, en particulier, des molécules RG7834 (Roche) et DHQ-1 (Arbutus Bio Pharma), qui permettent de diminuer les taux d’ARNm viraux en les déstabilisant [8,9]. Bien que plusieurs mécanismes puissent conduire à la dégradation des ARN viraux, une perspective ouverte par l’étude de Liu et al. consisterait à sélectionner des molécules ayant la capacité de se fixer sur la boucle ε de l’ARNpg. De façon intéressante, l’utilisation d’aptamères mimant la structure de la boucle ε supprime la réplication d’HBV en empêchant son interaction avec la polymérase virale [10]. Les résultats de Liu et al. confirment ainsi le potentiel thérapeutique de stratégies visant à cibler et dégrader spécifiquement les ARN viraux, et fournissent de nouvelles données mécanistiques importantes pour la sélection de molécules à activité antivirale.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Famille de protéines présentant un enchaînement d’acides aminés DED en N-terminal et deux séquences de localisation nucléaire (NLS).
References
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