Contextes de l’activité physique et sportive en France

2008


ANALYSE

5-

Facteurs déterminants de l’environnement

Les changements environnementaux sont susceptibles d’induire des modifications des comportements sédentaires et de moduler le niveau d’activité physique dans les populations. Avec les déterminants psychologiques et socioéconomiques, les déterminants environnementaux représentent les facteurs prépondérants conditionnant l’adhésion au sport et à l’activité physique. La plupart des études directes ou des méta-analyses sur les déterminants environnementaux concernent l’activité physique de loisir et celle liée au transport journalier. Ces études insistent sur la marge de progression dont la société dispose en considérant les espaces-temps de liaison(s) journalière(s) (routine activities, daily routines) que sont les déplacements à pied, la marche soutenue ou l’utilisation du vélo. Sans doute y a-t-il ainsi une distinction à établir entre les travaux réalisés dans un monde anglophone – voire américanophone – et ce que nous savons de la situation actuelle en France. Cette ouverture, qui paraît largement ignorée en France, est peut-être un axe d’innovation culturelle à mettre en avant.
Un certain nombre des études qui vont être examinées ci-après témoignent de préoccupations visant à mettre au point une méthodologie générale et des instruments de mesure fiables de l’impact de l’environnement sur l’activité physique. C’est le cas des équipes constituées autour de Terri Pikora et Billie Giles-Corti (Australie), James F. Sallis (États-Unis, Californie), Ross C. Brownson (États-Unis) ou encore Nancy Humpel et Neville Owen (Australie).

Éléments de méthodologie

Posons comme schéma de base les mises en rapport de différents types de variables. Les variables indépendantes permettent de caractériser le profil social des individus (âge, sexe, situation scolaire, profession, niveau de revenus, appartenance ethnique…). Les variables dépendantes renvoient aux activités physiques (ou sportives) pratiquées par ces mêmes individus (désignation des activités – marche, vélo, utilisation des équipements collectifs –, régularité, fréquence, intensité, combinaison de pratiques...). Les déterminants environnementaux peuvent être considérés comme des variables intermédiaires, et traités comme tels. En toute logique, certains déterminants environnementaux auront le statut de facteurs dits facilitants ou incitatifs (en d’autres termes le statut de médiations) permettant d’optimiser les conditions de la pratique d’activités physiques (et/ou sportives), avec une incidence positive sur la santé des intéressés. Par opposition, d’autres déterminants environnementaux constituent un registre différent de variables intermédiaires qui, dans ce cas précisément, désignent autant d’obstacles – réels ou présumés tels – à l’activité physique (obstacles « objectifs » : sous-équipement sportif, mauvaise sécurisation des réseaux piétonniers ou cyclables… ou bien représentations sociales ou obstacles subjectivement perçus comme tels : impression d’insécurité, mauvaise image du quartier…).
Il est possible d’agencer ces éléments dans le cadre d’un schéma simplifié (figure5.1Renvoi vers).
Figure 5.1 Mise en relation des variables pertinentes

Environnement urbain et cadre de vie

La maîtrise urbanistique et/ou l’aménagement du cadre de vie, au niveau de l’espace public, suppose(nt) la prise en considération de ces médiations ou facteurs incitatifs et, conjointement, la neutralisation des obstacles objectifs à la pratique d’une activité physique ou la suppression des effets dissuasifs d’ordre psychologique qui conduisent certaines personnes à renoncer à toute activité d’entretien physique à l’extérieur de leur propre habitation.
Envisagées globalement, les enquêtes disponibles répertoriées par l’Inserm visent trois objectifs :
• vérifier l’impact de l’environnement urbain (ou du cadre de vie) sur l’activité physique (par exemple pour des déplacements effectués à pied ou à bicyclette) en liaison avec des aménagements adéquats (pistes, sentiers de randonnée, installations sportives…) ;
• rendre compte de ces mêmes pratiques en fonction de la perception et des représentations sociales qu’ont les personnes de l’environnement physique, en croisant au besoin les formes de pratique et les types de représentations ;
• suggérer des modélisations théoriques qui puissent servir d’outils d’aide à la décision pour les spécialistes de planification urbaine et autres urbanistes.
Proposons une illustration de ce type de démarche d’analyse. Une enquête réalisée en Belgique auprès de 1 000 résidents de la ville de Gand, âgés de 18 à 65 ans, au moyen d’un questionnaire a permis de recueillir des données sur les corrélations entre l’environnement et l’activité physique, les activités physiques (statique, en mouvement, modérée ou soutenue), les variables démographiques (de Bourdeaudhuij et coll., 2003renvoi vers). Les personnes ayant un bon niveau de culture se déplacent volontiers à pied et n’éprouvent pas de sentiment d’insécurité. La marche et les activités physiques d’une intensité modérée sont liées à la présence d’un réseau de trottoirs permettant l’accès aux magasins ou aux transports en commun. Les activités plus intenses sont liées à l’accès aux biens d’équipements de loisirs et aux équipements récréatifs. Selon cette étude, au-delà de l’importance des variables démographiques, l’impact des variables environnementales reste cependant faible (il convient de ne pas perdre de vue ce constat, pour la suite du chapitre). Les hypothèses au sujet des variables environnementales doivent être affinées, notent les chercheurs, pour mettre en évidence un lien pertinent entre environnement et activités physiques. Cependant, les acteurs politiques doivent commencer à concevoir des agglomérations qui faciliteront l’activité physique pour se déplacer, les loisirs physiques et autres pratiques d’exercice.

Constat alarmant : le déclin inéluctable de l’activité physique

Différentes études récentes mettent l’accent de façon centrale sur le déclin de l’activité physique de l’individu, en lien avec le développement de la société moderne (Foster et Hillsdon, 2004renvoi vers; Brownson et coll., 2005renvoi vers). Cependant, il semble possible d’intervenir sur l’environnement, sur le cadre de vie, afin de favoriser l’activité physique. En outre, l’environnement peut avoir un effet incitatif sur le comportement des personnes.
La première revue systématique d’études (Foster et Hillsdon, 2004renvoi vers) présente les résultats d’interventions au niveau environnemental visant à favoriser la pratique. Les auteurs mentionnent tout d’abord les facteurs généraux qui expliquent le recul spectaculaire de l’activité physique : la réduction des occupations de l’individu ayant une incidence physique, l’usage de l’automobile, le déclin de la marche (en particulier chez les enfants, les femmes et les personnes âgées), certains aménagements de l’espace public (escaliers roulants, ascenseurs, portes automatiques), la réduction de l’éducation physique et du sport dans certains établissements scolaires, la crainte des adultes pour la sécurité des enfants dans les jeux libres, le remplacement des loisirs de dépense physique par la télévision, les jeux vidéo et Internet. Les résultats de cette revue suggèrent que des changements de l’environnement peuvent permettre d’augmenter différents types d’activités physiques. Toutefois, en l’absence d’études bien contrôlées, il est difficile d’apprécier l’efficacité des interventions et la nature de la relation entre environnement et activité physique reste à préciser. Cette revue d’analyses ouvre, en conclusion, sur un programme de recherches à développer.
Une revue récente (Brownson et coll., 2005renvoi vers) prenant en considération près d’une soixantaine d’études s’intéresse à la diminution de fréquence des activités physiques aux États-Unis (marche, utilisation des escaliers, activités ménagères, travail de jardinage...). Elle établit les tendances des pratiques actuelles suivant le type d’activité et montre une stabilisation de l’activité physique de loisir, une diminution de l’activité liée au travail, au transport et au domicile ainsi qu’une augmentation des activités sédentaires. Elle définit un programme de recherche autour de ces questions sachant que le rapport aux activités physiques varie en fonction du profil sociologique des individus. Il s’agit de mieux cerner : les comportements spécifiques des hommes et des femmes, les facteurs déterminants de la marche pour se déplacer, la dépendance vis-à-vis de l’automobile (par rapport à la marche et au vélo, sachant que ces usages sont inversement proportionnels au nombre de voitures par foyer), les obstacles à l’usage de la marche ou du vélo chez les enfants (l’éloignement géographique de l’école, les dangers du trafic automobile), les activités qui engendrent de la sédentarité (télévision, jeux vidéo...). Cette revue de synthèse rassemble enfin quelques lignes directrices d’actions et de mesures, extraites des enquêtes examinées, sur lesquelles nous reviendrons en conclusion.

Enquêtes sur l’environnement physique prenant en considération le contexte social et géographique

Une enquête internationale parue en 2001 a pour cadre d’analyse plusieurs pays européens : Belgique, Finlande, Allemagne de l’Ouest et de l’Est, Pays-Bas, Espagne et Suisse. Elle a porté sur un total de 3 342 personnes adultes (18 ans et plus) joints par téléphone (Stahl et coll., 2001renvoi vers). Les individus étaient classés en deux groupes : actifs (70 %) ou inactifs (30 %) du point de vue des activités physiques, avec cependant d’importantes différences selon les pays. Les facteurs de l’environnement social et géographique, les caractéristiques des politiques environnementales étaient également précisés. Un modèle théorique cognitif a permis d’exploiter les données recueillies. La qualité de l’environnement social apparaît comme assez déterminante pour comprendre l’activité physique ou la « sédentarité physique ». Les données d’enquête sont reprises, limitées à trois pays (Allemagne de l’Ouest, Allemagne de l’Est et Finlande), dans une étude publiée l’année suivante (Stahl et coll., 2002renvoi vers). Cependant, la comparaison entre l’environnement politique (pour le sport) et l’attitude à l’égard des activités physiques et sportives fait apparaître des limites méthodologiques : la spécificité de chaque politique publique n’est pas bien connue, l’information statistique utilisée n’est pas toujours synchrone, les aires d’enquêtes diffèrent les unes des autres (en terme de taille et de poids démographique). Cette enquête constitue plutôt une étude pilote et exploratoire.
Une étude conduite au Canada, publiée en 2002, fournit un éclairage intéressant (Craig et coll., 2002renvoi vers). Elle porte sur un choix raisonné de 28 environnements de voisinage pour lesquels ont été définis des traits socio-démographiques et urbanistiques caractéristiques. En fonction du score définissant chacun de ces contextes, il semble qu’une corrélation se précise entre les caractéristiques de l’environnement physique du voisinage et le fait de se rendre au travail en marchant. Ce type de constat s’inscrit dans une modélisation interprétative et une « échelle environnementale » fait apparaître des cadres de vie urbains plus ou moins incitatifs. Il y a là matière à formuler des propositions pour les spécialistes de la santé publique, les urbanistes et les chercheurs sur les moyens de transport.
Une revue de littérature australienne (Humpel et coll., 2002renvoi vers) conduite à partir d’une compilation de travaux permet d’isoler 19 études qui traitent de la relation entre un comportement relatif à l’activité physique et l’impact de l’environnement et du cadre de vie. Parmi les facteurs associés à une activité physique chez les adultes, on peut dégager un ensemble de variables incitatives, énumérées plus loin, se rapportant aux aspects environnementaux. Ceux-ci constituent un domaine nouveau d’investigations, allant de l’environnement domestique au cadre urbain élargi. Mentionnons l’accessibilité de pistes cyclables, de parcs, d’aires permettant la pratique des activités physiques, la diversité des installations sportives payantes ou gratuites, la présence de clubs… L’impression de sécurité, pour les pistes de marche à pied, mais surtout l’attractivité esthétique des espaces fréquentés viennent conforter l’activité physique. La théorie de la cognition sociale élaborée par A. Bandura, qui met l’accent sur les interactions entre les facteurs environnementaux, individuels et comportementaux (Bandura, 1986renvoi vers), permet d’éclairer cette réalité. L’identification de caractéristiques propres au cadre de vie, et susceptibles d’être intégrées dans la promotion de la santé, ne doit pas faire oublier la complexité des modélisations écologiques. Cependant, de l’avis des auteurs, ces modèles conceptuels sont d’une grande utilité pour intervenir dans les opérations de promotion de la santé. D’un point de vue méthodologique, les échelles d’attitude sont souvent utilisées. Sur les 19 études identifiées, 16 d’entre elles examinent la relation entre les environnements tels qu’ils sont perçus et l’activité physique. Quatre autres prennent en considération le lieu de résidence, les distances spatiales, l’accès aux équipements. Deux études appréhendent simultanément appréciations subjectives et mesures objectives… Quelques tendances semblent se préciser. Pratiquer une activité physique intensive tient plus au fait d’avoir chez soi du matériel de sport approprié qu’aux caractéristiques du contexte résidentiel ou à la proximité des installations sportives (Sallis et coll., 1989 et 1990renvoi versrenvoi vers). Ces mêmes auteurs examinent par ailleurs les traits qualitatifs perçus à propos de l’environnement urbain, sous la forme d’une échelle intégrant le cadre, la sécurité, la physionomie des lieux. Une autre étude (Ball et coll., 2001renvoi vers) met l’accent sur 7 environnements types qui sont plus ou moins favorables à la pratique de la marche. La dimension esthétique et l’impression de « nature »comptent parmi les facteurs facilitants. Une étude réalisée aux États-Unis (King et coll., 2000renvoi vers) auprès des femmes de plus de 40 ans montre la faible incidence de l’espace sécurisé ou des conditions météorologiques. En revanche, ce qui est apprécié, c’est surtout l’attrait du cadre (des collines...) et l’animation du lieu, l’absence de chiens en liberté. Le manque d’installations sportives ou d’aménagements de sport est conçu comme un obstacle uniquement pour ceux et celles qui s’intéressent au sport et à l’activité athlétique (Sternfeld et coll., 1999renvoi vers). Les auteurs de cette synthèse proposent deux tableaux récapitulatifs particulièrement éclairants. L’accessibilité des aménagements ou des installations sportives est un facteur décisif : existence d’équipements (soit des allées pour la marche, pour le vélo ou encore des sites de nature aménagés, la possibilité effective de fréquenter un parc, le fait que des aménagements de ce type existent sur les trajets familiers, la densité d’installations sportives gratuites ou payantes...). De même, les opportunités perçues comme telles constituent des facteurs incitatifs : la bonne connaissance de l’offre locale, l’existence de possibilités sur place, les activités proposées dans les clubs locaux... De même, le côté esthétiquement attractif du cadre environnemental est déterminant : voisinage amical, abords du domicile plaisants, beau cadre, environnement local bien aménagé… D’autres aspects, au contraire, paraissent sans incidence significative, à l’exemple de l’insécurité (mais ceci tient sans doute au fait que beaucoup d’activités répertoriées par les enquêtes se déroulent chez soi et non à l’extérieur) mais la bonne réputation du secteur joue en faveur de la pratique d’une activité physique. En revanche, les conditions climatiques sont jugées sans importance. Malgré le caractère composite des études analysées, les auteurs concluent à la pertinence potentielle d’une influence de la perception du cadre de vie en matière de comportement intégrant l’activité physique.
Une autre revue de littérature réalisée en Australie (McCormack et coll., 2004renvoi vers) s’appuie sur des études quantitatives récentes (publiées depuis 2000). Elle renvoie à d’autres revues de questions pour les études antérieures à cette date (voir par exemple les auteurs Humpel N. ou Sallis J.). Les conclusions auxquelles parviennent les auteurs de cette revue critique sont les suivantes : aspects lacunaires de l’information, difficultés à comparer des études portant sur le même thème dans la mesure où les critères retenus ne sont pas toujours identiques, mise en place d’environnements stimulants (par exemple des aménagements incitatifs permettant de pratiquer la marche), recours à des analyses prospectives…
Dans une étude réalisée aux Pays-Bas (Wendel-Vos et coll., 2004renvoi vers), la population de l’enquête se compose de 5 353 hommes (46 %) et 6 188 femmes (54 %). L’âge moyen de l’échantillon est de 49 ans, avec un niveau d’études modeste. Le but de l’enquête est d’identifier et de tester les facteurs de l’environnement qui peuvent influencer le temps passé à marcher et à faire de la bicyclette (pendant le temps de loisir ou pour de simples déplacements), à partir d’un questionnaire auto-administré. Les auteurs soulignent le manque d’études portant sur la préférence de l’automobile par rapport à la bicyclette. Pour l’enquête, le cadre environnemental dans un rayon de 300 et 500 mètres était défini à partir des critères descriptifs du Bureau de la statistique nationale. Au moyen d’une analyse régressive multivariée, il s’agit d’étudier l’association entre la marche et la bicyclette d’un côté, et les espaces verts et de loisirs de l’autre. Ces aspects sont croisés avec les variables suivantes : le genre, l’âge et le niveau d’études. En revanche, les conditions de sécurité (ou d’insécurité) et la perception de l’environnement n’ont pas pu être abordées. Dans un rayon de 300 mètres, la zone de terrains de sports est systématiquement associée avec l’usage de la bicyclette. Il en est de même pour les déplacements qui concernent la zone des parcs située dans un rayon supérieur. Cette étude montre que les espaces verts et de loisirs (terrains de sports, parcs...) sont associés à l’usage de la bicyclette pour les liaisons et les déplacements. Un environnement qui intègre des aménagements de loisirs est sans doute incitatif pour l’usage du vélo ou de la marche. Par ailleurs, on constate que les hommes sont en général plus actifs que les femmes.
La question des mesures objectives du type d’environnement comparée à celle de la perception de ce même type d’environnement est une démarche qui vise à aborder de façon originale un lien possible avec les déplacements et les activités physiques ou récréatives des individus (Hoehner et coll., 2005renvoi vers). Il semble possible de distinguer ainsi un type de ville incitative (highwalkable city), comme Savannah en Georgie, qui s’oppose à un type faiblement incitatif (low-walkable city), comme St. Louis, dans le Missouri. Une enquête par téléphone a été réalisée entre février et juin 2003 (1 068 adultes au total) afin de mesurer la perception de l’environnement. D’autre part, des consultations visaient à définir « objectivement » (objectively) le cadre de vie social et géographique (une consultation réalisée de mars à mai 2003). Ces caractéristiques du voisinage intégraient l’environnement investi, les équipements de loisirs, les aspects esthétiques et le contexte social. Les liens entre les traits de l’environnement de proximité et les activités élémentaires des déplacements et de loisir ont été étudiés. Les variables comme l’âge, l’origine raciale ou ethnique, le niveau d’études, le genre étaient requises. Les gens qui habitent à proximité d’équipements pour les activités physiques les utilisent plus volontiers. Cet usage est associé avec les prescriptions fournies pour les activités récréatives. Concernant les conditions matérielles de déplacement, le fait de pouvoir se déplacer à pied depuis la maison s’impose comme étant le facteur déterminant d’engagement physique (transportation activity). Ces résultats ont été observés tant au niveau de l’enquête que de l’audit.

Espaces ruraux et espaces urbains : des environnements spécifiques ?

Il existe assez peu de travaux portant sur les environnements ruraux. Or, cette caractéristique générale de l’environnement est particulièrement importante, sachant qu’elle se définit aussi, à bien des égards, par de moindres opportunités pour pratiquer les activités physiques et sportives. Examinons les résultats enregistrés par quelques enquêtes réalisées par un même groupe de chercheurs.
Une étude publiée en 2000 a été conduite dans 12 comtés ruraux du Missouri (Brownson et coll., 2000renvoi vers). Elle devait permettre de mesurer l’impact des sentiers de marche et de randonnée pédestre aménagés récemment. Dans cette étude, 1 269 personnes âgées de plus de 18 ans ont été contactées par téléphone et interrogées sur leurs activités de marche, leur connaissance des actions développées en ce sens par les autorités publiques du Missouri et leur propre attitude. Ajoutons que ces comtés rassemblent une population qui se caractérise en moyenne par des revenus plutôt modestes, sans couverture médicale et disposant d’un faible niveau d’études. Ces sentiers aménagés pour la marche permettent à des adultes d’origine sociale modeste de pratiquer une activité physique. La marche est l’activité physique commune qui reste accessible à une population composée de personnes adultes, voire âgées et des représentants des minorités raciales ou ethniques.
Une autre étude, publiée à la même époque, a été réalisée aux États-Unis. Elle visait à analyser les déterminants de l’activité physique du temps libre, de façon à pouvoir comparer les habitudes des femmes adultes et âgées, appartenant à différentes minorités, habitant en ville ou en zone rurale (Wilcox et coll., 2000renvoi vers). Soit, au total, 1 096 réponses exploitables de femmes habitant en ville et 1 242 réponses exploitables de femmes domiciliées en milieu rural. Les femmes habitant en milieu rural sont plus sédentaires que celles qui habitent en ville et elles rencontrent davantage d’obstacles pour s’engager dans une activité d’entretien physique. Outre l’importance des facteurs socio-démographiques, des facteurs liés à l’état de santé individuel et aux facteurs psycho-sociologiques, quelle est celle des facteurs environnementaux ? Parmi les facteurs relevant de cette catégorie, l’enquête mentionne l’existence de trottoirs (bien aménagés), la densité de la circulation, l’éclairage public, l’absence de chien en liberté, l’attrait du pay-sage, le fait qu’on puisse apercevoir d’autres personnes faisant de l’exercice physique, la bonne réputation du lieu, l’accessibilité des installations sportives. Les facteurs environnementaux identifiés dans l’étude recoupent les principaux facteurs énumérés plus systématiquement dans l’enquête de synthèse australienne détaillée plus haut (Humpel et coll., 2002renvoi vers). Ajoutons que dans un contexte rural, ces facteurs environnementaux possèdent une certaine spécificité par rapport à leur caractérisation en milieu urbain.
Enfin, évoquons une dernière étude comparative, qui date de 2003. Il s’agit également d’une comparaison entre urbains et ruraux (Parks et coll., 2003renvoi vers). Elle permet de corréler l’activité physique d’adultes appartenant à différents milieux sociaux (faibles revenus ou revenus élevés) et domiciliés dans l’une des trois zones distinctes suivantes : la ville, la banlieue, la campagne. Dans cette étude, 1 818 individus ont été interrogés par téléphone. Plus de la moitié des individus qui ont une activité physique résident dans une zone urbaine et les femmes sont mieux représentées que les hommes. Au terme de l’étude, qui s’appuie sur une analyse multifactorielle, plusieurs relations intéressantes apparaissent à propos de l’application des préconisations du National Walking Survey (NWS) et des variables environnementales qui se définissent par la proximité ou non d’aménagement pouvant donner lieu à une activité physique. Les adultes installés en milieu rural et disposant de faibles revenus pratiquent la marche, conformément aux consignes du NWS, s’il existe dans leur environnement proche des trottoirs bordant les rues. Pour les ruraux qui possèdent les revenus les plus élevés, la variable pertinente est la possibilité d’accès à une salle de gymnastique. Les adultes à revenus modestes qui habitent en ville pratiquent la marche, le jogging et fréquentent les parcs s’ils sont proches d’allées ou d’aires destinées à cet effet. Les adultes vivant en milieux urbains et dotés de revenus élevés fréquentent les infrastructures sportives. Quant aux habitants adultes domiciliés en banlieue, ceux qui ont des revenus faibles appliquent les recommandations du NWS dès lors qu’ils trouvent près de chez eux des allées pour la marche, le jogging ou même des installations sportives. Ceux qui ont des revenus élevés fréquentent assidûment les allées pour marcher ou courir et les gymnases. D’une façon générale, les préconisations du NWS sont appliquées assez souvent par les adultes s’il existe dans un environnement proche des aménagements adaptés pour pratiquer l’exercice physique.

Études portant sur le caractère incitatif de la nature

Plusieurs études (en particulier pour l’Amérique du Nord) mettent en avant le lien entre la fréquentation des parcs, qui se répartissent selon une gamme allant des parcs de proximité à des parcs d’intérêt plus général, et la pratique de l’activité physique. Pour évoquer certains d’entre eux, les auteurs mentionnent la présence d’installations sportives et de loisirs. On peut penser que le cadre de nature reste cependant la dominante principale de ce type d’infrastructures. L’attrait de la nature est sans nul doute une motivation importante pour la pratique des activités physiques ordinaires (marche, jogging, gymnastique d’entretien).
Cette dimension de la nature est abordée de manière approfondie et spécifique par une étude britannique, qui prend en considération la santé mentale et physique en liaison avec des activités qui s’inscrivent dans un cadre de nature (Pretty et coll., 2005renvoi vers). L’activité physique et le contact avec la nature sont connus pour avoir des effets bénéfiques sur ces deux aspects de la santé. L’enquête vise à vérifier s’il existe un bénéfice synergétique.
L’étude est centrée sur l’impact psychologique de l’image renvoyée par l’environnement. Elle s’appuie sur 5 groupes de 20 personnes exposées à une séquence de 30 scènes projetées sur un mur tandis qu’ils sont occupés à une activité d’entretien physique. Quatre catégories de scènes peuvent être projetées : une scène rurale plaisante, une scène rurale désagréable, une scène urbaine plaisante, une scène urbaine désagréable. Les auteurs mesuraient la tension des sujets ainsi que deux critères psychologiques : l’estime de soi et l’humeur, avant et après l’intervention. L’exercice seul (sans les images) réduit la tension, accroît l’estime de soi et a un effet positif sur les traits d’humeur. Les scènes rurales et urbaines agréables produisent un effet positif plus grand encore sur l’estime de soi. Ceci montre, de l’avis des auteurs, l’effet synergétique du cadre. En revanche, les scènes désagréables urbaines et rurales réduisent l’effet positif sur l’estime de soi. Enfin, les scènes rurales désagréables et dramatiques ont le plus grand effet, diminuant les effets bénéfiques de l’exercice. Pour autant, un tel protocole nous paraît bien artificiel (il nous semble relever d’une psychologie de laboratoire) pour qu’on puisse transposer à la nature elle-même les exercices dits exercices verts (green exercise) qui sont effectués en tenant compte d’un environnement plaisant.

Enquêtes sur l’environnement portant sur des catégories socio-démographiques spécifiques

Quelques enquêtes portent plus précisément sur une classe d’âge ou un groupe de population.

Personnes âgées

Une étude récente conduite dans la ville de Portland (Oregon, États-Unis) avait pour objectif d’étudier les effets de l’environnement physique (fonctionnalité urbaine, aspects esthétiques, sécurité de la personne, motif du déplacement) sur la pratique de la marche chez les personnes âgées (Cunningham et coll., 2005renvoi vers). Tout en tenant compte de la dimension modeste de l’étude, on constate que, chez les personnes âgées, la qualité du cadre de vie a une incidence positive sur le fait de se déplacer volontiers à pied.
Portant sur cette même catégorie socio-démographique, une étude australienne portant sur 8 881 personnes âgées de 65 ans et plus s’intéresse aux facteurs associés à l’activité physique (Lim et Taylor, 2005renvoi vers). Elle rappelle que différents travaux ont démontré qu’une activité physique régulière améliore l’espérance de vie et les capacités fonctionnelles de l’individu âgé. Ces aspects sont développés dans la partie de l’expertise relative aux personnes âgées. En Australie, une campagne de sensibilisation auprès des personnes âgées a été lancée en 1999, étant donné l’augmentation des personnes âgées dans la population du pays jusqu’à l’horizon 2015. Elle permet de démontrer l’importance des facteurs socio-démographiques et de santé sur l’activité physique des personnes âgées. Il est à noter qu’une personne âgée sur deux, en Australie, pratique une activité physique adéquate (raisonnable). Les facteurs liés à l’environnement perçu sont très secondaires pour comprendre l’attitude des personnes âgées vis-à-vis de l’exercice physique. Cependant, à l’évidence, des obstacles comme les conditions de temps (weather), le sentiment d’insécurité dans la rue, la possible présence de chiens en liberté sont surdimensionnés par les personnes âgées très peu actives, contrairement aux jugements fournis par celles qui développent une activité physique adéquate.

Adolescents

Une enquête sur les rapports entre l’environnement perçu et l’activité physique a été conduite au Portugal, auprès des adolescents (Mota et coll., 2005renvoi vers). Cette approche est intéressante car, le plus souvent, ce type d’enquête est réalisé auprès des adultes ou des personnes âgées. Un questionnaire a été distribué auprès de 1 250 lycéens, au moment du cours d’éducation physique et sportive, 591 filles et 532 garçons l’ont complété (moyenne d’âge : 14,6 ans). Selon que les jeunes pratiquent une activité physique ou non, on constate des écarts significatifs dans la façon de percevoir l’environnement : ceux qui ont une activité physique sont plus sensibles que les inactifs à la commodité dans les trajets, aux infrastructures pour les piétons ou pour les vélos et au caractère attractif du cadre environnemental pour qui se déplace à pied. En revanche, l’impression d’insécurité est surtout éprouvée par les inactifs pour lesquels ce trait est véritablement exagéré.
Une récente enquête conduite aux États-Unis a pris pour thème la gamme des parcs publics et l’activité physique chez les adolescentes d’origine ethnique diversifiée (Cohen et coll., 2006renvoi vers). L’activité physique peut être influencée par l’environnement local. L’accessibilité des équipements de proximité peut être particulièrement importante pour la jeunesse qui n’a pas encore le permis de conduire et dont les activités de voisinage supposent le recours à la marche ou à la bicyclette. Il convient de rappeler que les États-Unis ont déjà une importante infrastructure de parcs. Parmi les adultes, 70 % indiquent qu’ils vivent à proximité d’un parc ou d’installations de sports. Les parcs peuvent être un lieu privilégié pour favoriser l’activité physique. Ceci peut être un atout pour les adolescentes dont l’activité physique décline dès la puberté. L’enquête croisée a porté sur 1 556 lycéennes qui ont été sélectionnées dans 6 établissements secondaires du 1er cycle dans 6 terrains d’enquête diversifiés. Pour cet échantillon composite (qui tient entre autres à la diversité des origines ethniques), on note que la proximité des parcs est un facteur favorable à l’activité physique mais ce lien est plausible plus que véritablement démontré. Il est possible que la proximité d’un parc augmente l’intérêt pour l’activité physique en produisant un comportement plus normatif. L’offre d’activités physiques et/ou sportives des parcs ne permet pas d’isoler des traits spécifiques inducteurs d’une pratique physique. Au terme de la recherche, les résultats escomptés sont loin d’être probants.

Étudiants en sport

Le lien entre le contexte de l’activité physique et la tendance des étudiants de la Faculté des sports d’une université de l’Ontario (Canada) à suivre les recommandations d’activité aérobique du CDC/ACSM (Centers for Disease Control and Prevention/American College of Sports Medicine) ont été analysés par Burke et coll. (2005renvoi vers). Les études sociologiques montrent que le cadre de l’exercice physique est important pour la pratique physique elle-même. Pratiquer seul va de pair avec une adhésion limitée tandis que la pratique collective s’accompagne d’une adhésion plus forte. Le but de cette étude est de voir si la pratique d’un sport dans un seul contexte ou dans une combinaison de quatre contextes (dans une classe structurée, avec d’autres mais en dehors d’une classe structurée, seul mais avec un plan d’entraînement, complètement seul), est de nature à orienter les étudiants de l’Université vers une activité d’aérobic proposée sur le campus. Dans cette étude, 196 étudiants et 398 étudiantes ont complété un questionnaire d’activités physiques autoadministré concernant la fréquence, l’intensité et la durée de l’activité dans chacun des quatre contextes identifiés. On constate une relation positive entre le pourcentage d’étudiants qui suivent les recommandations de pratique du CDC/ACSM et le nombre de contextes fréquentés. Un faible pourcentage d’étudiants (9,9 %) est actif dans un seul contexte (sur quatre possibles), avec une majorité de jeunes engagés dans une activité physique collective en dehors d’un cadre structuré (type 2). Un plus grand pourcentage d’étudiants (28,9 %) est actif dans deux contextes, tandis que 61,2 % d’entre eux sont actifs dans trois ou quatre contextes. Les auteurs concluent que les professionnels de santé, dont l’objectif est de motiver les inactifs physiques et ceux qui sont déjà actifs, devraient promouvoir les opportunités d’activité physique dans des contextes sociaux variés. On peut penser que cette sous-population étudiante n’est pas forcément représentative du comportement étudiant ordinaire et qu’il n’est pas illogique de retrouver beaucoup d’« activistes » sportifs dans une Faculté des sciences du sport.

Études concernant l’équipement local, la planification urbaine et l’urbanisme

Certaines enquêtes sont produites par des spécialistes de la planification urbaine, de l’aménagement ou de l’urbanisme (Handy et coll., 2002renvoi vers). Comment l’environnement construit est-il susceptible d’avoir une influence sur l’activité physique ? L’enquête mentionnée définit l’environnement aménagé à partir de six dimensions comme la densité et la pression urbaine, la connexion entre les réseaux de communication, le degré de hiérarchisation des rues, les qualités esthétiques des espaces et la structure « régionale ». Le dernier critère indiqué est important car il tend à définir un niveau d’espace pour lequel la marche ou l’usage de la bicyclette ne saurait concurrencer la voiture (qui est plus rapide). Pour 25 % des déplacements (qui sont inférieurs à un mile), la marche et le vélo pourraient être encouragés. De plus, en améliorant certains aspects de l’environnement (réseaux de communication, combinaison des moyens de transports utilisables, escaliers, éclairage nocturne…), on lèvera des barrières psychologiques qui n’incitent ni à la marche, ni à l’usage de la bicyclette.
Une autre étude, réalisée aux États-Unis par des spécialistes de l’urbanisme et de la planification urbaine, a procédé à une évaluation des instruments d’expertise appliqués à l’environnement à propos des usages de la marche et de la bicyclette (Vernez Moudon et Lee, 2003renvoi vers). Il s’agit d’établir les traits caractéristiques d’un environnement physique propice à la marche et au vélo. La bibliographie de référence comporte 70 titres. L’inactivité physique est l’un des principaux risques de santé au sein de la population des États-Unis et 60 % des Américains adultes ne se sentent pas concernés par les préconisations gouvernementales. Pourtant, ces dernières années, des activités physiques comme la marche ou le vélo, incluses dans le quotidien, connaissent un certain essor, au titre des activités physiques pratiquées de façon régulière. En outre, elles contribuent à réduire les encombrements de la circulation et la pollution. Parmi les déplacements, 90 % s’effectuent en automobile alors qu’un tiers d’entre eux sont inférieurs à 1,6 kilomètre (soit une distance qui convient parfaitement à la marche), et 13 % de ces déplacements se situent entre 1,6 et 3,2 kilomètres (soit une distance qui convient parfaitement pour le vélo). Les deux auteurs ont procédé à une étude analytique des différents instruments d’expertise sur l’environnement : soit 31 grilles d’analyse examinées. Les facteurs environnementaux sont définis par quelques 200 variables. Les auteurs identifient une trentaine de variables couvrant les aspects spatio-psycho-sociologiques de la marche et/ou de l’usage de la bicyclette, tandis qu’ils identifient 24 variables se rapportant aux aspects des politiques publiques. Leur analyse montre qu’il existe des instruments d’expertise de l’environnement pertinents et opératoires pour mettre en valeur la marche ou le vélo.

Nécessité d’élaborer un outil méthodologique général

L’étude de Sallis et coll. (2006renvoi vers) se présente comme l’élaboration d’un cadre opératoire général dans une approche écologique (environnementaliste) pour créer des collectivités de vie propices à l’activité physique (Active Living Communities). L’idée directrice est que des interventions à de multiples niveaux ciblant des environnements sociaux, des environnements géographiques et des politiques publiques doivent être réalisées pour que s’accomplissent des modifications significatives dans les habitudes physiques des populations. L’article propose un modèle qui identifie l’environnement potentiel en mettant l’accent sur quatre domaines : loisir, transport, occupation, sphère domestique. Cette recherche à multiples niveaux suppose diverses disciplines et méthodes afin de créer de nouvelles approches pluridisciplinaires. En définitive, l’étude est une analyse détaillée des facteurs incitatifs, dont ceux relatifs aux politiques publiques et aux caractéristiques environnementales. L’efficacité de la combinaison de différents facteurs, dont les facteurs environnementaux, de même que l’amélioration des facteurs qui concourent à produire ensemble un environnement incitatif pour l’activité physique sont démontrées par les résultats des études examinées. L’action concertée en faveur de la création de collectivités de vie intégrant l’activité physique, mobilisant différents acteurs institutionnels (puissance publique, associations, entreprises, groupes de pression…), peut être appréhendée en termes de modèles. Selon les auteurs de l’étude, le modèle d’action le plus probant est celui proposé en Nouvelle Galles du Sud (Australie). En revanche, ils indiquent que ce type de modèle est loin d’être d’actualité aux États-Unis. Notons, pour notre part, que la plupart des études qui envisagent les facteurs environnementaux dans leurs rapports aux facteurs psychologiques et comportementaux tendent logiquement à dessiner des « modèles » qui s’apparentent à celui décrit par l’équipe de James F.Sallis. À ce jour, les enquêtes initiées par Nancy Humpel et ses collègues, comme Neuville Owen, et collaborateurs font autorité et elles accordent beaucoup d’attention à une activité de base comme la marche (Owen et coll., 2004renvoi vers).
Toutefois, si l’on essaye de recouper les thèmes de ces études et nos sujets de préoccupation, il semble que l’on ne dispose pas encore, à ce jour, de travaux similaires en France. La remarque a cependant valeur d’hypothèse ou d’interrogation plus que d’affirmation étayée. On peut penser par exemple que des travaux d’urbanisme, d’aménagement du cadre de vie, voire d’architecture urbaine prennent en considération des questions telles que l’incitation à la marche, à l’usage de la bicyclette, le renoncement au « tout automobile »... Dans la mesure où ces aspects ne sont pas traités sous la forme d’enquêtes empiriques quantitatives, elles n’apparaissent pas dans les revues scientifiques internationales de médecine, de santé, de loisirs ou de sport. En outre, en France, la prise de conscience relative à ces questions de société prend plutôt la forme de journées nationales de sensibilisation à l’exercice physique, peu inscrites dans les usages quotidiens.
L’enjeu de ces analyses apparaît évident. Il s’agit globalement d’attirer l’attention sur les conséquences du déclin de l’activité physique sous ses formes les plus élémentaires (Brownson et coll., 2005renvoi vers). Cette étude bâtit sa conclusion sur des perspectives envisageables pour améliorer la situation dans les prochaines années. Les auteurs mettent l’accent sur les implications souhaitables pour l’action politique, afin de rendre les banlieues et les agglomérations des villes plus attractives pour l’activité physique, en mettant l’accent sur un développement multiple (parcs, espaces verts, aménagements pour des activités récréatives, réseaux des communications de voisinage…). L’omniprésence de l’automobile et l’extension urbaine ont conduit à la déperdition de l’activité physique. Des mouvements tels que Smart Growth (développement harmonieux) et le Congrès pour un nouvel urbanisme tentent de promouvoir des activités récréatives amicales. Il convient également de replacer l’activité physique au centre des intérêts de la jeunesse (en 2001, un tiers des jeunes fréquentent les cours d’enseignement des sports). Le recours à des établissements scolaires de proximité serait un facteur plus propice à réintroduire l’activité physique pour les déplacements. Pour les adultes, sur le lieu de travail, il conviendrait de réintroduire la question de l’activité physique dans une ambiance amicale et en accordant le temps nécessaire sur le lieu même du travail. Des études permettraient de distinguer différents niveaux d’engagement physique.
Quelques études permettent d’aborder la situation en milieu rural. Dans ce cadre environnemental, l’offre d’équipements sportifs est sans doute moindre que celle qui caractérise les villes et les banlieues. Pour autant, l’enquête de Parks et coll. (2003renvoi vers) démontre que des populations de niveau socioéconomique modeste peuvent être sensibles aux messages des programmes en faveur de l’exercice physique si des aménagements pour la marche ou la course à pied (allées, pistes, sentiers…) sont réalisés à proximité de leur lieu de vie.
En outre, les relations entre maladies ou problèmes de santé et contexte environnemental de société appellent des échanges et des débats beaucoup plus précis, ainsi qu’y invitaient d’ailleurs des interrogations déjà anciennes (Bradford Hill, 1965renvoi vers). Comment peut-on détecter les relations entre maladies, blessures et conditions de travail, par exemple ? Comment peut-on déterminer ce qui relève des hasards physiques, chimiques et psychologiques ? L’environnement et la maladie : simple association ou liende causalité ? À l’évidence, il s’agit de dégager les échelles environnementales pertinentes par des analyses appropriées afin de mieux établir des liens explicatifs.
Outre les méthodes d’enquête proprement dites, il existe des outils de recueil de données standardisés, comme l’IPAQ (International Physical Activity Questionnaire), qui permettent d’établir des comparaisons (voir par exemple Hoehner et coll., 2005renvoi vers). Pourquoi ne pas inclure un ensemble conséquent de données relatives à la qualité de l’environnement et du cadre de vie ?
En conclusion, si l’on s’en tient aux résultats d’une majorité d’enquêtes et de méta-analyses, l’environnement physique peut se décliner à différents niveaux d’échelle et il est possible de spécifier des déterminants environnementaux susceptibles de jouer en faveur ou en défaveur de l’activité physique pratique (pour distinguer celle-ci de l’activité physique récréative et/ou sportive). Les enquêtes qui abordent ce type de question sont relativement fournies. Des méthodes ont été mises au point qui permettent de classer les cadres de vie et environnements essentiellement urbains ou péri-urbains (les banlieues), en fonction de différents critères. Il y a des critères de situation socio-géographique au sein des trames urbaines : centres d’agglomération, banlieues urbaines d’agglomération, petites villes isolées... D’autres critères sont plutôt de type morphologique : densité urbaine, réseaux de voies piétonnes ou de pistes cyclables, réseaux des transports en commun, dimension esthétique du bâti, qualité humaine des espaces, localisation des services...
D’autres critères encore relèvent surtout des représentations sociales et de la perception que les individus ou des groupes (les personnes âgées, les parents en se plaçant du point de vue de leurs enfants, par exemple) se font de l’environnement urbain, perçu comme sécurisé ou non (soit un espace qui inclut le lieu d’habitation, le lieu de travail, les lieux qui rassemblent commerces ou services divers, les établissements scolaires...). Au niveau des études extensives les plus ambitieuses, il semble aisé de caractériser objectivement des environnements plus propices que d’autres à une activité physique prenant place dans les différents trajets journaliers. C’est d’ailleurs une préoccupation qui se retrouve dans plusieurs publications. Les combinaisons multiples de facteurs élémentaires créent elles-mêmes une diversité de contextes que les analyses régressives ne sont pas toujours en mesure de hiérarchiser à des fins de synthèse univoque. Dans ce cas, il s’agit plutôt d’attirer l’attention des décideurs publics sur des caractéristiques qui doivent être intégrées à la planification urbaine et à l’aménagement territorial.
Une autre idée est de vérifier en quoi certains cadres de vie sont propices à générer une activité physique, de l’ordre de 30 minutes par jour (marche ou vélo, ou encore combinaison des deux formes), quand d’autres ne le sont pas. Si la fréquentation des installations sportives (les lieux) est rarement évoquée dans les travaux examinés, à l’exception des espaces aménagés que sont les parcs, pas plus que les liens (la fréquentation d’un groupe, d’une association...), on manque de travaux qualitatifs plus détaillés sur les simples activités physiques (y compris à propos de la marche, de l’usage de la bicyclette...) qui à l’avenir pourraient prendre place massivement au niveau des déplacements quotidiens des personnes. On pense ici aux opérations de mise à disposition d’un parc de vélos telles que certaines villes françaises, dont la capitale, le proposent. Ce dernier type de préoccupation doit être pris en considération dans la manière d’envisager l’espace urbain et il va de pair avec un recul progressif de l’usage de l’automobile. Ces aspects peuvent être mis en relation avec les orientations ou acquis précisés par Francesca Racioppi1 . Ajoutons que la mise en valeur de cet environnement objectivement incitatif ne sera réapproprié subjectivement en tant que tel qu’avec la mise en place d’animations de sensibilisation proposées à l’initiative de groupements de proximité composés d’agents des collectivités locales, du tissu associatif, des institutions en charge de la santé des populations.

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