Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques

2019


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Recommandations
Avec le vieillissement de la population et l’allongement de l’espérance de vie, le nombre de personnes atteintes d’une ou plusieurs maladies chroniques ne cesse de croître, occasionnant une augmentation de la proportion des personnes atteintes de limitations fonctionnelles qui ont des répercussions sur des activités essentielles de leur vie quotidienne, dégradant leur qualité de vie. En France, la part des personnes âgées de plus de 60 ans passera d’un quart en 2015 à un tiers en 2040. Le nombre de personnes dépendantes pourrait ainsi passer de 1,2 million en 2012 à 2,3 millions en 2060.
L’inactivité physique est l’un des quatre facteurs de risque principaux de pathologies chroniques accessibles à la prévention avec la consommation de tabac, la consommation d’alcool et une mauvaise alimentation. En France, les estimations actuelles des coûts directs (75 %) et indirects (25 %) de l’inactivité physique sont de l’ordre de 1,3 milliard d’euros, la majorité des coûts directs incombant au secteur public1 .
Les bénéfices de l’activité physique en prévention primaire sont reconnus (OMS2 , Inserm3 , Anses4 ). En 2010, l’OMS a établi des recommandations de pratique d’activité en prévention primaire pour l’ensemble de la population en distinguant 3 classes d’âges (enfants et adolescents, adultes, personnes âgées). Pour la population d’adultes entre 18 et 64 ans, les recommandations de l’OMS préconisent la pratique d’au moins 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée par semaine, ainsi que d’exercices de renforcement musculaire faisant intervenir les principaux groupes musculaires au moins deux jours par semaine. La déclinaison de ces recommandations par le Programme national nutrition santé en France est de pratiquer l’équivalent d’au moins 30 minutes de marche rapide par jour.
Les bénéfices de l’activité physique chez les personnes atteintes de pathologies chroniques sont également reconnus en prévention secondaire et tertiaire, ainsi que dans le cadre du traitement de ces pathologies.
Promouvoir la pratique d’activités physiques apparaît donc comme un enjeu majeur pour prévenir à la fois l’augmentation de l’incidence des pathologies chroniques et leurs conséquences.
Si la littérature scientifique met en évidence que la pratique d’une activité physique est un élément incontournable de la prise en charge des patients, il est également acquis que les effets induits par l’activité physique ne se maintiennent que si sa pratique reste pérenne. L’enjeu aujourd’hui n’est donc plus de savoir si l’activité physique est nécessaire ou pas, mais de construire les conditions d’une pratique d’activité physique durable et adaptée en créant un environnement et un accompagnement favorable à la pratique, inscrite dans le parcours de soin, favorisant l’autonomie des personnes, et prenant en compte leur environnement social.

I. Recommandations d’action

1. Le groupe d’experts recommande la prescription de l’activité physique pour toutes les maladies chroniques étudiées
et son intégration dans le parcours de soin

Les études disponibles montrent que le niveau d’activité physique des patients atteints de pathologies chroniques est inférieur à celui de la population générale non malade. La sévérité de la pathologie a un impact sur le niveau d’activité physique et la proportion de patients inactifs croît fortement avec l’importance et la sévérité des symptômes et des limitations fonctionnelles. L’analyse de la littérature fait clairement ressortir que la plupart des patients atteints de maladies chroniques aux stades les plus sévères seront ceux qui réaliseront le moins d’activité physique quotidienne, inactivité qui contribue à renforcer les limitations fonctionnelles et la dépendance.
Sur le long terme, les maladies chroniques s’accompagnent d’un déconditionnement physique à retentissement systémique (musculaire, métabolique, cardiorespiratoire, psychologique et social...) et d’une altération de la composition corporelle, en partie dus à la mobilité réduite et à la baisse de l’activité physique quotidienne. Ce déconditionnement est associé à une augmentation de la mortalité des patients, mettant clairement en évidence l’intérêt de le limiter ou mieux encore de le prévenir. Les connaissances des mécanismes physiopathologiques et moléculaires du déconditionnement permettent aujourd’hui de poser les bases biologiques d’une régulation favorable de ce déconditionnement grâce à l’exercice.
Les bénéfices de l’activité physique en prévention secondaire ou tertiaire chez les patients atteints de pathologies chroniques sont démontrés par de nombreuses études de bonne qualité méthodologique (méta-analyses, essais contrôlés randomisés, études de cohortes). Plusieurs effets de l’activité physique sont évalués avec un niveau de preuve A, la gradation la plus élevée de l’evidence based medicine5 (tableau ci-dessousrenvoi vers).
Après un accident cardiaque, dans le cas d’une lombalgie chronique, chez le patient atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive ou de cancer, notamment, le repos a longtemps été la règle, mais on assiste aujourd’hui à un véritable changement de paradigme. En effet, les données montrent que l’activité physique n’aggrave pas ces pathologies. Les effets bénéfiques de la mise en place d’une activité physique dès que possible une fois le diagnostic posé sont confirmés par les études scientifiques.
La balance bénéfice-risque de l’activité physique est très largement favorable lorsqu’elle est pratiquée en respectant les conseils et les recommandations de pratique, et en particulier en tenant compte des complications liées à la pathologie.
Le groupe d’experts considère que l’activité physique fait partie intégrante du traitement des maladies chroniques.
Le groupe d’experts recommande que la prescription d’activité physique soit systématique en première intention et aussi précoce que possible dans le parcours de soin des pathologies étudiées.
Le groupe d’experts recommande que l’activité physique soit prescrite avant tout traitement médicamenteux pour la dépression légère à modérée, le diabète de type 2, l’obésité, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.

Niveaux de preuve des effets bénéfiques de l’activité physique pour les différentes pathologies

Pathologies
Niveau de preuve des effets bénéfiques de l’activité physique
Pathologies métaboliques
Diabète de type 2
A
↓ mortalité toutes causes, ↓ mortalité cardiovasculaire
contrôle de l’équilibre glycémique (hémoglobine glyquée et sensibilité à l’insuline)
 
B
↓ capacité aérobie, ↓ force musculaire
contrôle du poids
absence d’apparition ou d’aggravation des complications
Diabète de type 1*
A
↓ aptitude physique aérobie, amélioration du profil lipidique,
↓ de l’insulino-résistance, ↓ des besoins en insuline
 
B
↓ mortalité cardiovasculaire
amélioration de la fonction endothéliale, amélioration
de la composition corporelle, amélioration de la qualité de vie
 
B/C
↓ risque de complications microvasculaires, ↓ hémoglobine glyquée
Obésité
A
↓ masse grasse viscérale suite à un programme aérobie
maintien du poids après perte initiale
 
B
↓ mortalité toutes causes
↓ poids
↓ tour de taille
Pathologies cardiovasculaires
Pathologies coronaires
A
↓ mortalité globale et cardiovasculaire et réhospitalisations
↓ qualité de vie
↓V̇O2max, ↓ force musculaire, ↓ pression artérielle, amélioration
de la fréquence cardiaque de récupération et des marqueurs biologiques
 
B
↓ qualité du sommeil, ↓ symptômes anxio-dépressifs
Insuffisance cardiaque chronique
A
↓ qualité de vie, ↓ V̇O2max et amélioration des marqueurs biologiques
 
B
↓ mortalité et réhospitalisations
Artériopathie oblitérante des membres inférieurs
A
↓ mortalité globale et cardiovasculaire
↓ distance de marche, ↓ qualité de vie, ↓ V̇O2max
 
C
↓ facteurs de risque cardiovasculaires et symptômes anxio-dépressifs
Accident vasculaire cérébral
A
↓ V̇O2max et capacité fonctionnelle (distance de marche)
 
B
↓ qualité de vie et ↓ des fonctions cognitives
 
C
↓ facteurs de risque cardiovasculaires et ↓ récidives d’AVC
Pathologies pulmonaires
Bronchopneumopathie chronique obstructive
A
Effets obtenus par le réentraînement à l’effort dans le cadre de la réadaptation respiratoire :
↓ tolérance à l’effort générale (endurance, force) ; ↓ force et endurance des membres supérieurs ; ↓ dyspnée, ↓ état de santé ;
↓ qualité de vie
↓ nombre hospitalisations et de leurs durées
récupération plus rapide après une exacerbation
↓ anxiété et dépression associées à la BPCO
 
B
↓ survie
Asthme
A
↓ aptitude physique aérobie (V̇O2 max) et endurance
↓ capacité d’exercice (Puissance maximale)
↓ qualité de vie
↓ symptômes (nombre de jours sans symptômes)
 
B
↓ risque de bronchospasme post-exercice
↓ hyperréactivité bronchique
↓ du VEMS
 
C
↓ état inflammatoire des voies aériennes
Pathologies ostéo-articulaires
Cervicalgie chronique
B
↓ douleur, ↓ fonction
Lombalgie chronique
A
↓ douleur, ↓ fonction
 
B
↓ récidive, ↓ reprise des activités professionnelles
Arthrose des membres inférieurs
A
↓ douleur, ↓ fonction
Rhumatismes inflammatoires
A
↓ douleur et ↓ fonction pour la polyarthrite rhumatoïde (PR)
et la spondylarthrite ankylosante (SPA)
Absence d’effets délétères (PR et SPA)
 
B
↓ qualité de vie (PR)
Cancers
A
↓ capacité aérobie (V̇O2max) pendant ou après traitement
↓ force musculaire, ↓ poids, IMC et masse grasse,
↓ fatigue pendant et après les traitements, ↓ qualité de vie
 
B
↓ risque de récidive, mortalité globale et spécifique après cancer
du sein et du côlon
 
B/C
↓ durée d’hospitalisation et complications post-opératoires
chez les patients atteints de cancer broncho-pulmonaire avec activité physique en pré-opératoire ; ↓ capacités fonctionnelles en situation métastatique
 
C
↓ risque de récidive, mortalité globale et spécifique après cancer de la prostate, ↓ certaines douleurs liées aux cancers et aux traitements, ↓ neuropathie chimio-induite, ↓ toxicité cardiovasculaire
Pathologies mentales
Dépression
A
↓ des symptômes dépressifs
↓ symptomatologie anxio-dépressive consécutive à une autre maladie chronique
 
B
↓ rechutes ou des épisodes dépressifs
↓ tabagisme
 
C
↓ suicides associés à une dépression
↓ survie
Schizophrénie *
B
Améliorations des symptômes dépressifs, ↓ qualité de vie,
↓ condition physique, ↓ obésité ou IMC
 
C
Amélioration des symptômes positifs de la schizophrénie
Réduction des symptômes négatifs de la schizophrénie
↓ tabagisme
↓ survie

Les niveaux de preuve sont ceux retrouvés dans la littérature, issus des classifications des différentes sociétés savantes ou évalués par les experts selon les recommandations de la HAS ; Cotation des niveaux de preuve selon les recommandations de l’HAS : A : Preuve scientifique établie ; B : Présomption scientifique ; C : Faible niveau de preuve scientifique ; * Les niveaux de preuve sont estimés à partir de la communication d’Elsa Heyman et Martine Duclos pour le diabète de type 1 et celle d’Isabelle Amado pour la schizophrénie (voir partie Communications).

2. Le groupe d’experts recommande d’adapter la prescription d’activité physique aux caractéristiques individuelles et médicales des patients

L’enjeu principal est d’adapter la pratique à l’état de santé et au traitement, aux capacités physiques, au risque médical du patient et aux ressources psychosociales du patient.
Une évaluation de la condition physique du patient est essentielle pour permettre une adaptation de la prescription et une progressivité des programmes et d’en assurer le suivi. Le groupe d’experts recommande d’évaluer le niveau d’activité physique du patient, par un entretien ou de faire passer des tests simples adaptés à la pratique clinique (ex. : test de marche de 6 minutes) visant à évaluer sa capacité et sa tolérance à l’exercice. Des tests plus complexes (ex. : épreuve d’effort cardiorespiratoire) sont requis pour sécuriser la pratique des personnes les plus vulnérables et peuvent être réalisés si nécessaires pour les autres, pour permettre une adaptation de la prescription en termes d’intensité de pratique. Le groupe d’experts recommande un suivi de l’évolution de la condition physique et de la tolérance à l’exercice pour adapter la prescription.
Individualiser la prescription d’activité physique implique de tenir compte du cadre et du type de pratique ainsi que de ses modalités (intensité, durée, fréquence) et surtout des préférences et attentes du patient qui conditionnent son intérêt et son plaisir dans la pratique de l’activité. Les pratiques proposées ne doivent pas se réduire à de simples exercices répétitifs et rébarbatifs mais doivent traduire les différentes modalités en activités physiques agréables, variées et ludiques.
Le groupe d’experts recommande de proposer le plus souvent possible des programmes personnalisés à partir de données prouvées scientifiquement (evidence based). L’activité physique devra ainsi être adaptée individuellement en fonction de nombreux paramètres propres à la pathologie mais aussi aux patients et à leur environnement pour favoriser une adhésion et une observance optimale de sa part, en particulier sur le long terme.
Il conviendra de tenir compte :
• des spécificités de la pathologie, niveaux de gravité, traitements et comorbidités pour préciser les contre-indications relatives du patient et des modalités générales de pratique des activités physiques (type, durée, intensité) ayant prouvé leurs efficacités ;
• des préférences (culture, expériences, histoire personnelle) et choix des patients, de leurs conditions socioéconomiques (familiales, professionnelles, matérielles) ;
• des capacités physiques évaluées par des tests validés.

3. Le groupe d’experts recommande d’associer à la prescription
une démarche éducative pour favoriser l’engagement du patient
dans un projet d’activité physique sur le long terme

L’enjeu principal est que le patient intègre l’activité physique dans sa vie quotidienne, ce qui implique de favoriser son engagement dès l’initiation du projet d’activité physique, le développement de son autonomie dans une pratique qui a du sens pour lui, et le maintien de sa pratique à long terme.
L’analyse de la littérature internationale montre qu’un nombre important de patients éligibles ne participe pas aux programmes proposés, et que les taux d’abandon au cours de ces programmes sont élevés. De plus, lorsqu’ils s’engagent dans la pratique, seulement un faible pourcentage de patients maintient une activité physique lors du retour à domicile, une fois les programmes supervisés achevés. Les croyances des patients relatives aux effets bénéfiques ou néfastes de l’activité physique, ainsi que les représentations qu’ils ont de leurs capacités à pratiquer une activité physique, jouent un rôle important dans leurs intentions de s’engager dans un processus de changement de comportement. La gestion des barrières et des freins à l’activité physique, notamment dans le contexte quotidien, est déterminante pour la mise en œuvre d’un projet autonome et surtout son maintien. Elle implique souvent une modification des représentations et des habitudes de vie et surtout une implication du patient dans la co-construction d’un projet d’activité physique qui a du sens pour lui et qui est adapté à ses possibilités. Ainsi le projet d’activité physique doit non seulement prendre en compte les capacités physiques et le risque médical du patient, mais aussi les choix du patient, son expérience dans les dispositifs et considérer les liens sociaux qui soutiennent sa pratique.
Le groupe d’experts recommande d’articuler les programmes d’activité physique avec les programmes d’éducation thérapeutique et d’initier toute démarche par un bilan éducatif partagé qui invite le patient à identifier ses habitudes de vie, ses besoins, possibilités, envies, les freins et les leviers, la manière dont il aimerait pouvoir être aidé. Il convient alors avec l’enseignant en activité physique adaptée ou le professionnel de santé qui mène le bilan, de fixer un objectif et d’identifier les moyens qu’il mobilisera pour l’atteindre. Des bilans de suivi permettront d’ajuster les objectifs et de renouveler les moyens pour soutenir le projet de pratique d’activité physique.
Ce bilan peut déboucher sur une orientation vers :
• un club ou une association si le patient est autonome en activité physique et dans la gestion de sa pathologie ;
• un dispositif éducatif de courte durée pour expérimenter les possibilités de pratique d’une activité physique adaptée au besoin médical et aux limitations fonctionnelles ;
• ou un dispositif éducatif en activité physique adaptée de plus longue durée (plusieurs mois) quand il est nécessaire de combler un déficit de ressources (physiques, psychologiques ou sociales).
Pour les publics les plus fragiles ou vulnérables, présentant des caractéristiques connues pour limiter ou compromettre l’adhésion et le maintien à long terme de l’activité physique (patients âgés, faible niveau socioéconomique, précarité sociale...) et/ou n’ayant pas ou peu de vécu en matière d’activité physique, le groupe d’experts préconise un cycle éducatif en activité physique adaptée de plusieurs mois en veillant à ce que les compétences des encadrants répondent aux besoins et aux ressources de ces personnes. L’enjeu est de permettre à ces patients d’expérimenter concrètement des activités physiques adaptées à leurs possibilités et à leurs besoins, d’en ressentir les effets, de les vivre avec plaisir et de les reconnaître comme étant bénéfiques pour leur santé. L’objectif de ce cycle éducatif n’est pas tant de faire de l’exercice que de développer des ressources physiques (perception de son corps, de ses postures, identification d’indicateurs pertinents pour soi et sa santé, développement de compétences motrices), psychologiques (confiance en soi, en sa capacité à évoluer, à entrer en relation avec les autres), et sociales (s’approprier des savoirs généraux sur les activités physiques et sportives, mais aussi sur la santé et le soin, sur l’indépendance et l’autonomie).
Dès que le patient en a les ressources, le groupe d’experts recommande d’accompagner le patient dans la construction d’un projet de pratique d’activité physique qui a du sens pour lui dans son parcours de soins et dans son parcours de vie. L’enjeu est qu’il le poursuive à long terme.

4. Le groupe d’experts recommande de soutenir la motivation du patient dans la mise en œuvre de son projet

L’engagement des personnes atteintes de maladie chronique dans une activité physique régulière est principalement motivé par le plaisir et l’intérêt qu’elles y trouvent mais aussi par leurs croyances en termes de bénéfices perçus, aussi bien pour leur santé physique que pour leur bien-être psychologique. La perception des risques liés à la pratique, la confiance en soi ainsi que l’environnement social peuvent influencer de façon plus ou moins favorable la motivation.
Enfin, si les intentions et la planification sont le plus souvent une étape incontournable afin de permettre l’initiation de la pratique, la création de routines s’avère ensuite une nécessité pour que l’activité physique devienne un comportement adopté de façon habituelle.
Travailler sur l’ensemble de ces facteurs apparaît essentiel pour développer la motivation pour la pratique d’activité physique.
Pour favoriser le maintien de la motivation à long terme, le groupe d’experts recommande de s’appuyer sur une combinaison de stratégies qui seront utilisées dans le cadre d’une pratique d’activité physique supervisée, et/ou non supervisée.
Ces stratégies incluent la communication d’informations sur les effets de l’activité physique et les opportunités de pratique, la fixation d’objectifs, le monitoring et l’anticipation des barrières, le soutien social et le partage d’expériences, la réévaluation cognitive et l’entretien motivationnel. Elles peuvent être employées par différents interlocuteurs tout au long du parcours de santé (personnel soignant, médecin, psychologue, spécialiste de l’activité physique adaptée...) lors de séances en face-à-face individuelles ou collectives. Une fois connues, plusieurs d’entre elles peuvent être utilisées de façon autonome par les patients. Certaines stratégies peuvent bénéficier d’un soutien technologique (accéléromètre, réseaux sociaux, sites internet, appels téléphoniques, SMS, objets connectés santé, jeux sérieux, visioconférence...). Ces solutions technologiques ne constituent pas des interventions à part entière.

5. Le groupe d’experts recommande d’organiser le parcours du patient afin de favoriser l’activité physique à toutes les étapes de la pathologie

Les pathologies chroniques s’inscrivant sur le long terme, et dans un contexte de vieillissement de la population, la proportion de personnes atteintes de plusieurs pathologies (multimorbidité) est en augmentation. Leur prise en charge est pluridisciplinaire (traitement médical, conseils nutritionnels, activité physique adaptée, soutien psychologique et social...) et nécessite une évolution de notre système de santé historiquement centré sur le soin vers une prise en charge plus complète des individus dans laquelle développer l’autonomie du patient et améliorer sa qualité de vie sont des enjeux essentiels.
Le projet de pratique d’activité physique doit intégrer l’ensemble de la trajectoire du patient. Un des principes à respecter est de concevoir dès le début des soins (à l’hôpital ou en ville) la préparation et l’identification des éléments qui pourront être déterminants pour la poursuite d’une pratique à domicile ou à proximité de son lieu de vie. Il s’agit de permettre au patient de mobiliser immédiatement ses capacités et s’il le souhaite, d’adopter une position active dans son parcours de soins.
Proposer des types de pratiques efficaces mais également ludiques et motivantes doit être un souci constant. Les améliorations immédiates en termes de bénéfices pour la santé peuvent être importantes, mais ne doivent pas être l’unique objectif si l’on souhaite pérenniser les effets obtenus.
Le groupe d’experts recommande d’inscrire la prescription d’activité physique dans une démarche permettant d’accompagner le patient vers une autonomie dans la pratique d’activité physique.
Pour une bonne intégration de l’activité physique au projet global de soins et d’éducation thérapeutique, l’introduction d’une intervention en activité physique adaptée dans le parcours de soins suppose une communication régulière entre l’intervenant en activité physique adaptée et les soignants. La perspective d’une pratique autonome suppose quant à elle une articulation de ces interventions éducatives avec les dispositifs de sport santé pour soutenir le passage du parcours de soins au parcours de santé et rendre possible des allers retours en cas de besoins (en phase aiguë de la maladie, par exemple). Engager un partenariat avec les structures offrant des activités physiques de loisirs (fédérations sportives, clubs, associations sport pour tous) pour l’adaptation à un public de malades chroniques est essentiel pour favoriser une pratique autonome des patients.

6. Le groupe d’experts recommande de former les médecins
à la prescription d’activité physique

L’absence d’indications claires délivrées par le médecin, ou le fait de recevoir des informations contradictoires de la part de l’équipe médicale, représente un frein important à l’initiation d’une pratique d’activité physique chez les malades chroniques.
Au regard de la spécificité de l’activité physique, sa prescription demande de réelles compétences. Pourtant, actuellement, les médecins ne sont pratiquement pas formés à la prescription de l’activité physique. Il y a très peu de formations obligatoires dans les cursus des études de médecine en France, sauf dans quelques universités pionnières dans ce domaine. La plupart des formations des médecins en exercice est basée sur une démarche personnelle et s’appuie sur la formation continue. Ces besoins de formation sont pourtant identifiés par le groupe d’experts comme un besoin de toute première urgence. Dans ce cadre, le groupe d’experts recommande :
• une généralisation de modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine : éducation pour la santé et en particulier bénéfices de l’activité physique sur la santé, physiologie et physiopathologie de la pratique d’activité physique, outils d’évaluation de la condition physique et du suivi de l’activité physique, intégration de l’activité physique dans une démarche d’éducation thérapeutique, connaissance des mandats des différents professionnels de l’intervention en activité physique, dispositifs d’intervention en activité physique, prise en compte des ressources culturelles, sociales et environnementales des patients et plus largement compréhension du processus d’engagement du patient ;
• une formation continue des médecins avec les mêmes objectifs que ceux de la formation initiale ;
• la participation d’experts de l’activité physique à visée de santé mais aussi d’experts de l’activité physique adaptée dans ces modules de formation, qui seront basés sur une approche résolument pluridisciplinaire ;
• le développement d’échanges et de réflexions communes entre différentes professions impliquées en faveur de la pratique de l’activité physique adaptée.
La formation à la connaissance théorique et pratique des bénéfices de l’activité physique et des dispositifs d’intervention en activité physique est nécessaire en direction de l’ensemble des professionnels de santé.

7. Le groupe d’experts recommande de former des professionnels
de l’activité physique à la connaissance de la pathologie
et à l’intégration de l’activité physique dans l’intervention médicale

La littérature indique que les médecins comme les malades chroniques accordent une grande importance à la formation spécialisée du professionnel. Elle garantit la sécurité du patient et l’efficacité de l’intervention par un programme et un encadrement individualisé et adapté.
La formation est par ailleurs une condition de l’intervention professionnelle dans un parcours de soins.
Le groupe d’experts recommande que les intervenants en activité physique adaptée aient été formés aux compétences suivantes :
• savoir maîtriser les interactions entre l’activité physique et la pathologie chronique dans la conception des programmes et des séances : conditions de non nuisance et de bénéficience ;
• savoir mettre en œuvre et interpréter des tests spécifiques d’activité physique (complémentaires aux tests médicaux), adaptés aux limitations des personnes, avec une compréhension des fondements théoriques ;
• savoir mettre en œuvre un bilan éducatif partagé pour engager le patient dans une démarche de projet et évaluer avec lui : sa motivation et les freins vis-à-vis de la pratique de l’activité physique, ses habitudes et conditions de vie et ses possibilités d’activité ;
• savoir concevoir et planifier un programme d’activité physique adaptée aux contre-indications et indications médicales, aux capacités et limitations de la personne, à son niveau de pratique et à ses objectifs, et développant l’autonomie de la personne ;
• savoir mettre en œuvre les programmes d’intervention en ajustant la pratique à la progression de la personne et à l’évolution de son état de santé sur la base d’évaluations pertinentes ;
• savoir développer une démarche d’éducation pour la santé ou d’éducation thérapeutique selon le niveau de qualification et/ou le moment de l’intervention dans le parcours de soins, pour permettre au patient d’intégrer les séances pratiques d’activité physique dans un projet global de réduction des situations de sédentarité et d’augmentation de l’activité physique dans la vie quotidienne ;
• savoir mobiliser les techniques de soutien de la motivation des patients et d’engagement dans son projet personnel ;
• savoir communiquer avec le patient et l’ensemble des acteurs impliqués dans le parcours personnalisé en respectant les règles de confidentialité ;
• savoir gérer ou mettre en œuvre les principes de l’éthique de la relation de soin et les intégrer dans la posture professionnelle et l’analyse des situations de travail (bienveillance, bientraitance, autonomie...) ;
• savoir gérer les conditions de sécurité de la pratique de personnes vivant avec une maladie chronique : repérer les signes avant-coureurs de malaise, maîtriser les gestes d’urgence, savoir faire face à des difficultés au cours de la pratique.

II. Recommandations de recherche

1. Le groupe d’experts recommande de promouvoir des recherches
sur les modalités d’interventions et leurs effets

✓ Promouvoir des recherches interventionnelles sur les conditions d’implémentation
De nombreux essais cliniques ont démontré l’efficacité de l’activité physique et ses bénéfices pour la santé, que sa pratique soit réalisée dans le cadre de programmes supervisés ou non et dans des structures hospitalières, centres de réadaptation ou à domicile, mais peu d’études évaluent sur le long terme « en conditions réelles » les conditions du maintien de la pratique d’activité physique. Le groupe d’experts recommande de mettre en place des études interventionnelles qui permettent d’identifier les meilleures conditions d’implémentation : évaluer par exemple les programmes d’activité physique adaptée, les compétences professionnelles mobilisées, les techniques utilisées pour favoriser l’engagement et la motivation des patients sur le long terme (bilans éducatifs partagés, techniques motivationnelles...), les conditions d’implémentation des programmes lors des phases de transition (de l’hôpital au centre de soin de suite et de réadaptation, du centre à la médecine de ville, de la médecine de ville au domicile), les dispositifs d’intervention (articulation des interventions à l’éducation thérapeutique, inscription dans le parcours de soins, articulation avec le parcours de santé, contexte institutionnel).
✓ Évaluer l’intérêt de nouvelles modalités d’exercice dans les programmes d’activité physique
La plupart des études se sont focalisées sur l’impact des exercices aérobies en prévention et traitement des maladies chroniques, d’autres modalités d’exercice (renforcement musculaire, exercices par intervalle de haute intensité et de sprint...) semblent conférer des bénéfices métaboliques et fonctionnels remarquables. Le groupe d’experts recommande de consolider les recherches concernant la faisabilité et le rapport bénéfice-risque et l’adhésion sur le long terme de ces modalités d’exercices dans la prise en charge des pathologies chroniques.
✓ Promouvoir des recherches sur les outils technologiques
L’évolution récente des technologies de la communication (applications et objets connectés, serious game...) permet de concevoir de nouvelles stratégies contribuant au maintien de la pratique d’activité physique sur le long terme. Le groupe d’experts recommande d’évaluer ces outils technologiques et de tester leur efficacité afin d’estimer l’intérêt de les intégrer dans le parcours des patients.
Par ailleurs, les innovations et actions de prévention qui ne prennent pas en compte les inégalités sociales de santé contribuent souvent à les aggraver6 . Le groupe d’experts recommande la réalisation d’études pour analyser l’efficience de ces nouvelles technologies selon la culture, l’âge, le niveau socioculturel et les attentes des patients.
✓ Évaluer les effets sur le long terme
Dans la littérature scientifique, les études démontrent des effets physiologiques et biologiques chez les patients dès 3 mois de programme d’activité physique. Néanmoins, dans la perspective d’une autonomisation du patient à long terme, il semble nécessaire d’avoir plus de résultats sur des durées d’intervention supérieures, idéalement d’un an. Il est également nécessaire de mieux prendre en compte l’acceptabilité et l’adhésion des patients aux programmes. Le groupe d’experts recommande : 1) des études d’intervention de longue durée avec exercices supervisés et 2) un suivi post-interventionnel sur le long terme afin de mieux évaluer la poursuite de la pratique des programmes en autonomie.
✓ Promouvoir des études sur les effets synergiques de stratégies combinées alimentation et activité physique
La plupart des recommandations des sociétés savantes associent les programmes d’activités physiques à des programmes nutritionnels. Si comme pour la pratique d’activité physique, il est rapporté des effets significatifs propres aux approches nutritionnelles dans les pathologies cardiovasculaires, métaboliques ou chez les patients atteints de cancer, très peu d’études à ce jour sont disponibles pour évaluer le potentiel synergique des deux types d’intervention dans ces pathologies. Le groupe d’experts recommande de promouvoir des études randomisées et contrôlées permettant une évaluation des effets synergiques des stratégies combinant programme nutritionnel et activité physique.
✓ Promouvoir des recherches sur l’utilité des interventions
Les recherches évaluant le coût-efficacité des interventions d’activité physique sont rares, en particulier pour certaines pathologies. Le groupe d’experts recommande d’évaluer le rapport coûts-efficacité des interventions selon la/les technique(s) utilisée(s), ou modalités dans le cadre d’essais randomisés contrôlés
✓ Améliorer la prise en compte de la diversité des patients dans les études
Peu de données sont disponibles sur les cas très sévères et chez les patients âgés (exemple : chez les patients diabétiques, les recommandations se basent sur les études avec programme individualisé et supervisé dont l’âge est souvent inférieur à 65 ans), sur les différences liées au genre, en particulier pour les pathologies cardiovasculaires.
Il s’agit aussi de : rapporter plus systématiquement les comorbidités présentes au sein des échantillons étudiés ; recueillir des données sur les catégories socioprofessionnelles des patients dans les études pour adapter les recommandations ; recueillir de façon systématique les caractéristiques (âge, traitement...) des patients qui ne souhaitent pas participer à un programme d’activité physique. Le groupe d’experts recommande d’élargir les critères d’inclusion des patients afin d’avoir une meilleure représentativité de ceux-ci dans les études.
✓ Améliorer la qualité des mesures de l’activité physique
Les outils les plus utilisés actuellement pour évaluer la pratique d’activité physique sont les questionnaires. Toutefois, même validés, ils présentent des biais importants. Le groupe d’experts recommande d’employer plus systématiquement des mesures objectives de l’activité physique.
✓ Promouvoir les recherches sur les modalités d’intégration de l’activité physique dans le parcours de soins et ses finalités
L’offre d’intervention en activité physique peut émaner d’organisations très diversifiées : services médicaux spécialisés dans des établissements de santé, Unités transversales d’éducation, réseaux ou pôles de santé, maisons médicales pluridisciplinaires, réseaux Sport-Santé, Plateformes territoriales d’appui, fédérations sportives, entreprises privées, centres de ressources numériques... La forme de ces interventions peut varier de l’animation à l’enseignement, en passant par le coaching mais aussi l’accompagnement, dans des relations plus ou moins étroites avec l’éducation thérapeutique. Les supports d’intervention vont d’une pratique physique ou sportive en tant que pratique culturelle à l’activité physique utilitaire, en passant par des exercices programmés à des fins de santé.
Il s’agit de saisir le sens que l’activité physique peut prendre dans la trajectoire de maladie, d’identifier la manière dont cette expérience est impactée par les différentes interactions avec les différents professionnels, les pairs, la famille ; et de repérer les conditions de la construction de nouvelles normes de vie favorisant l’entrée en mouvement des patients. Le groupe d’experts recommande d’étudier les formes d’intervention en activité physique en posant la question de la construction de l’autonomie des individus et d’analyser les contributions de ces différentes formes d’intervention au parcours de soins du patient dans leur articulation au projet global de santé.
✓ Promouvoir des recherches sur les pratiques professionnelles d’intervention en activité physique auprès de malades chroniques
Si un groupe professionnel a fait de l’intervention en activité physique adaptée son cœur de métier, d’autres groupes professionnels se sont trouvés confrontés à la question de l’accueil de malades chroniques dans le cadre des activités physiques et sportives qu’ils encadrent, de façon beaucoup plus récente, le plus souvent sous l’impulsion des politiques publiques et des projets institutionnels. Les nouvelles dynamiques autour de l’activité physique des malades chroniques ont étendu le champ des intervenants en activité physique à des professions paramédicales en lien avec le corps en mouvement. Ces différents groupes professionnels relèvent de formations très différentes, s’appuyant sur des savoirs pratiques et théoriques diversifiés, qu’ils concernent la pathologie, l’articulation de l’activité physique avec les besoins médicaux propres à la pathologie dans une maîtrise du rapport risques/bénéfices, la connaissance technique et réglementaire des activités physiques et sportives, l’intervention pédagogique, le parcours de soins... Il devient essentiel de repérer les compétences spécifiques et les compétences partagées, les points de collaboration au bénéfice et en toute protection de la personne vivant avec une maladie chronique dans le cadre des parcours de soins et de santé. Il s’agira d’intégrer ces analyses dans le cadre du parcours de soins et donc de porter attention aux relations de ces différents groupes professionnels à celui des médecins généralistes qui prescrivent l’activité physique. Le groupe d’experts recommande d’étudier les nouvelles collaborations interprofessionnelles, mais aussi les conflits de territoires et les reconfigurations qu’ils engagent dans le cadre de ces nouvelles dynamiques professionnelles.
✓ Promouvoir les recherches sur l’expérience vécue par les malades chroniques dans le cadre de dispositifs d’intervention en activité physique
Les malades chroniques passent un temps important en interaction avec des professionnels de santé et reçoivent de nombreuses recommandations les incitant à modifier leurs habitudes de vie. L’observance de ces recommandations, question récurrente dans le parcours de soins, suppose que soit comblé l’éventuel déficit de ressources sans lesquelles la pratique ne peut advenir, mais pose également la question de l’appropriation d’une pratique physique dans le cadre d’un projet de l’individu. Il devient essentiel de pouvoir saisir le sens que l’activité physique peut prendre pour ces personnes dans la trajectoire de leur maladie, d’identifier la manière dont leur expérience en activité physique est impactée par les interactions avec les différents professionnels, les pairs, la famille... dans le cadre des différentes organisations et dispositifs et de repérer les conditions de la construction de nouvelles normes de vie favorisant l’entrée en mouvement des patients. Le groupe d’experts recommande des études qualitatives de l’expérience vécue par les patients dans les différents dispositifs, auprès des différents professionnels et de comprendre les conditions de la transformation de la prescription médicale en un engagement dans un projet personnel.
✓ Promouvoir des recherches sur les effets des politiques publiques de santé en faveur de l’activité physique des personnes atteintes de maladies chroniques
Le Plan national « sport santé bien-être » a produit de nouveaux partenariats dans les 22 territoires régionaux, au service du développement d’une offre d’activité physique à visée de prévention des maladies chroniques. En développant la prescription par le médecin traitant d’une activité physique, adaptée aux patients en ALD, l’article 144 de la loi de santé publique et les outils qui l’accompagnent, visent une généralisation de la prescription de l’activité physique. Cela pose la question de l’accessibilité à cette offre de soin ou de prévention pour l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques, quels que soient leur âge, leur zone géographique de résidence mais surtout leurs ressources socioéconomiques et culturelles.
Des dispositifs tentent par ailleurs de structurer l’offre d’intervention en activité physique en fonction des niveaux de sévérité de la maladie de manière à rendre possible la prescription. Il sera particulièrement précieux d’étudier la construction et la mise en œuvre du dispositif de prescription d’activité physique dans les territoires, et de saisir l’effet de la réforme territoriale (passage de 22 à 13 collectivités régionales) sur les politiques publiques. Le groupe d’experts recommande d’étudier la construction de l’offre d’intervention en activité physique en réponse à la prescription médicale d’activité physique, compatible avec les risques médicaux des patients en ALD et efficace en tant que prévention tertiaire. Il recommande d’étudier l’impact de ce dispositif sur les inégalités sociales de santé en examinant également les effets des formes de prise en charge financière de l’activité physique (nulle, ponctuelle, à durée déterminée) sur l’entrée dans une pratique et sur l’engagement à long terme.

2. Le groupe d’experts recommande de promouvoir des recherches
sur la motivation et l’observance à long terme

✓ Développer des études qui ont recours de façon plus systématique à des modèles théoriques de la motivation, et mobiliser ces modèles de façon exhaustive, voire les combiner, pour donner un éclairage plus complet du phénomène de la motivation dans sa complexité.
✓ S’appuyer sur un rationnel théorique justifiant le choix de la/les technique(s) utilisée(s), et mesurer les processus motivationnels sous-jacents aux effets de l’intervention, afin de pouvoir tester leur statut de médiateur dans le cadre d’essais randomisés contrôlés.
✓ Développer des recherches sur les processus automatiques qui permettent de favoriser l’installation de routines.

3. Le groupe d’experts recommande de promouvoir des recherches
sur les mécanismes d’action de l’activité physique

✓ Identifier de nouvelles myokines ayant un effet préventif dans le développement des maladies chroniques
Des travaux récents suggèrent que l’activité physique et la contraction musculaire induisent la sécrétion de myokines ayant des effets biologiques et des organes cibles multiples. Stimuler les recherches dans ce domaine permettrait d’identifier de nouvelles cibles potentielles dans le traitement des maladies chroniques notamment le cancer et les maladies neurodégénératives.
✓ Développer des recherches sur les mécanismes d’action de l’activité physique au niveau cérébral dans les pathologies chroniques
S’il est maintenant démontré que l’activité physique influence la plasticité synaptique et la neurogenèse, et qu’elle exerce un rôle sur différents neuromédiateurs, le lien fonctionnel entre ces différents facteurs du fonctionnement cérébral et la régulation de la fonction musculaire dans les pathologies chroniques, et en particulier dans les pathologies mentales, n’est pas établi. La mise en évidence au niveau moléculaire de cette relation permettrait de préciser la nature des mécanismes du déconditionnement musculaire décrits dans ces conditions et l’impact de la fonction cérébrale sur ces mécanismes. Cela permettrait également de préciser la nature des stratégies d’entraînement à l’activité physique les plus pertinentes et les plus efficaces pour les patients atteints de maladies chroniques.

4. Le groupe d’experts recommande de promouvoir des recherches spécifiques par pathologies

Obésité et diabète

✓ Étudier les stratégies, les différents types d’activités physiques adaptées au patient obèse et/ou diabétique de type 2 visant à favoriser l’adhésion sur le long terme.
✓ Approche pragmatique des essais : promouvoir les études en « condition réelle », sur le terrain. À ce jour, nous manquons de recul sur la faisabilité des exercices intensifs intermittents sur le terrain chez les personnes obèses et les diabétiques.
✓ Dans les études où l’intervention est axée sur l’exercice, prendre en compte le contexte nutritionnel (surtout chez les personnes obèses) et médicamenteux (surtout chez les diabétiques de type 2).
La prise en charge des obèses et diabétiques de type 2 associe le plus souvent plusieurs stratégies thérapeutiques : exercice, nutrition ou approche médicamenteuse. Afin de mieux identifier les effets propres de l’activité physique, les experts recommandent de mieux prendre en compte, avec des outils adaptés et validés, l’alimentation et la médication des patients. Les experts recommandent également d’évaluer les impacts de l’exercice sur l’alimentation et la médication au cours de l’intervention et en post-intervention.
✓ Mieux apprécier les impacts du degré d’obésité, du déséquilibre glycémique (stratification selon l’HbA1c).
✓ Mieux apprécier le « type » d’obésité (métaboliquement sain ou non).
✓ Pour une meilleure compréhension des mécanismes, mettre en place des études chez des obèses avec obésité seule versus obésité avec complications, chez des diabétiques de type 2 avec ou sans complications notamment microangiopathiques.
✓ L’effet genre est rarement pris en compte lors des programmes axés sur l’exercice. C’est d’autant plus important chez les personnes obèses où la distribution de la masse grasse est différente entre hommes et femmes.
✓ Améliorer la connaissance des mécanismes explicatifs des sujets répondeurs ou non et développer des outils prédictifs.

Pathologies coronaires

✓ Mieux comprendre le délai à respecter entre l’événement aigu d’origine cardiaque et le démarrage d’une activité physique.
✓ Évaluer l’efficacité des nouvelles technologies pour lutter contre l’inobservance.
✓ Détecter et comprendre la non-réponse à l’activité physique de certains patients cardiaques.

Insuffisance cardiaque

Des études randomisées contrôlées avec des échantillons larges complémentaires sont nécessaires :
✓ Chez les insuffisants cardiaques avec dysfonction ventriculaire gauche âgés, sévères (stade IV), avec resynchronisation cardiaque ou assistance ventriculaire chez qui les effets du réentraînement a priori bénéfiques doivent être confirmés.
✓ Chez les insuffisants cardiaques avec fonction ventriculaire préservée.
✓ Pour préciser les programmes d’entraînement optimaux chez ces patients.
✓ Pour améliorer l’observance de l’activité physique au long cours des patients insuffisants cardiaques.

Artériopathie oblitérante des membres inférieurs

✓ Du fait de la pénibilité des exercices (associant douleur et longueur des séances), travailler sur des programmes de réhabilitation vasculaire plus ludiques et évaluer leur efficacité.
✓ Développer des techniques adjuvantes au réentraînement à l’effort classiquement réalisé chez ces patients. Par exemple, l’étude de l’électrostimulation nerveuse transcutanée sur la distance de marche chez des patients atteints d’AOMI au stade de claudication vasculaire.

Accident vasculaire cérébral

Des études complémentaires de bonne qualité incluant de grands échantillons de patients sont indispensables, en particulier pour :
✓ Étudier l’effet de l’activité physique sur la mortalité, les morbidités et la fonction cognitive des patients après un accident vasculaire cérébral ;
✓ Préciser l’absence d’effet délétère et les bénéfices éventuels de débuter dans les 24 premières heures post-accident vasculaire cérébral la mobilisation physique ;
✓ Définir les modes de réentraînement optimaux chez ces patients chez qui le handicap fonctionnel individuel joue un rôle majeur.

Bronchopneumopathie chronique obstructive

✓ Développer des travaux scientifiques sur une meilleure compréhension des liens entre activité physique et l’état de santé des patients atteints de BPCO
Une proportion non négligeable (de 33 à 55 % selon les travaux et les variables étudiées7 ) de patients se révèle non répondeurs à l’activité physique. Il importe donc de mieux comprendre les déterminants des réponses induites par l’activité physique et leurs conditions d’efficacité. Une connaissance plus fine de ces éléments permettrait de mieux prescrire l’activité physique ou les activités physiques les plus adaptées aux problématiques spécifiques de chaque patient. Cette étape de meilleure compréhension de la physiopathologie des réponses à l’exercice physique régulier par les patients est encore un besoin crucial pour optimiser les effets positifs de l’activité physique.
✓ Mieux comprendre les déterminants de la faiblesse musculaire
Impliquée dans la qualité de vie, la capacité à réaliser de nombreux gestes de la vie quotidienne ainsi que la probabilité de survie, la faiblesse musculaire est une préoccupation majeure dans les répercussions extra-pulmonaires de la BPCO. Longtemps considérée comme un problème purement périphérique (atteinte isolée du muscle), de récents travaux ont pu mettre en évidence que cette faiblesse musculaire pouvait exister sans altération de la structure musculaire. Il existe en effet chez certains patients une activation non optimale des centres corticaux responsables de la production de force. Il importe donc de compléter le champ des connaissances sur les déterminants périphériques et centraux de la faiblesse musculaire, car les moyens de lutte sont probablement différents. La faiblesse musculaire doit être systématiquement recherchée et son origine déterminée de façon à proposer les méthodes de prise en charge les plus adaptées et les plus efficaces.
Sur les faiblesses musculaires d’origine périphérique (le muscle lui-même), le renforcement musculaire est une technique potentiellement efficace et plébiscitée par les sociétés savantes. Les modalités de prise en charge des faiblesses musculaires d’origine corticale ne sont pas encore établies. Des travaux scientifiques sont donc nécessaires afin de mieux en comprendre les déterminants et les conditions de sa réversibilité.

Pathologies ostéo-articulaires

✓ Améliorer le niveau de preuve de l’efficacité de l’activité physique adaptée pour les pathologies ostéo-articulaires pour lesquelles il est actuellement insuffisant : cervicalgies chroniques, canal lombaire rétréci, arthrose des mains et des membres supérieurs, pathologies abarticulaires et connectivites par des essais cliniques de meilleure qualité.
✓ Pour les pathologies ostéo-articulaires pour lesquelles le niveau de preuve de l’efficacité et de l’innocuité de l’activité physique adaptée est élevé (lombalgie chronique, arthrose de hanche et de genou, polyarthrite rhumatoïde et spondylarthrite ankylosante), évaluer l’intérêt de l’implémentation systématique de stratégies facilitatrices visant à améliorer la personnalisation des programmes d’activité physique adaptée, à augmenter l’adhésion et à réduire le fardeau du traitement et élaborer et valider en parallèle des outils fiables permettant de mesurer ces paramètres.
✓ En recherche fondamentale et translationnelle, développer des modèles cellulaires et animaux permettant d’évaluer les effets cellulaires et tissulaires de différents types d’activité physique dans les pathologies ostéo-articulaires afin de concevoir des programmes d’activité physique adaptée ciblant de manière plus spécifique les mécanismes physiopathologiques impliqués.

Cancer

✓ Mieux comprendre l’effet de l’activité physique sur les cancers autres que les cancers du sein, du côlon et de la prostate.
✓ Évaluer la place de l’activité physique dans la prise en charge chez des patients atteints de cancer à un stade avancé, les patients âgés et/ou ayant des comorbidités, les patients inactifs, présentant une qualité de vie détériorée, ainsi que les patients en situation précaire. Mieux documenter les caractéristiques des non-participants et évaluer de manière plus systématique les effets secondaires.
✓ Étudier l’impact de l’activité physique sur la tolérance des traitements et le taux de réalisation complète du traitement prévu.
✓ Étudier le bénéfice de l’activité physique dans la gestion des effets secondaires tels que les douleurs, la cardiotoxicité, la neuropathie chimio-induite et la densité minérale osseuse dans des études avec une puissance suffisante.
✓ Identifier les interventions les plus efficaces permettant de modifier favorablement et durablement les comportements liés à l’activité physique chez les patients atteints de cancer.
✓ Étudier l’impact de l’activité physique sur le long terme et confirmer l’impact de l’activité physique sur la réduction de la mortalité et du risque de récidive dans des essais randomisés multicentriques ayant une puissance suffisante.
✓ Améliorer la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans l’association entre activité physique et survie et identifier et valider des marqueurs biologiques intermédiaires dans la voie causale entre activité physique et survie (surrogate endpoints).
✓ Comprendre les facteurs modifiant l’effet de l’activité physique, tels que l’IMC, la perte/prise de poids, le statut ménopausique, le statut des récepteurs hormonaux pour les cancers du sein, mais également l’interaction de l’activité physique avec l’impact métabolique des traitements (hormonothérapie, chimiothérapie).

Dépression

✓ Réaliser des essais cliniques évaluant l’efficacité à moyen terme de programmes en activité physique adaptée prescrits en première intention.
✓ Réaliser des études sur l’efficacité d’un programme d’activité physique adaptée en post-traitement pour vérifier l’efficacité d’un programme d’activité physique adaptée sur la prévention des récidives à long terme.
✓ Mener des études d’implémentation pour potentialiser les bénéfices de programmes d’activité physique en jouant sur les contenus, les modalités d’encadrement, la formation des intervenants à la relation thérapeutique, le lieu de pratique, l’incitation financière pour les patients et l’usage de nouvelles technologies, en particulier chez les populations moins répondeuses comme les patients ayant eu un accident vasculaire cérébral, les personnes âgées vivant en résidence spécialisée et les adolescents.

Schizophrénie

✓ Développer des études interventionnelles avec des échantillons plus importants et mesurant plus précisément l’activité physique quotidienne des patients et la symptomatologie spécifique des patients souffrant de schizophrénie.
✓ Développer des études d’implémentation permettant un engagement plus régulier dans la pratique d’activité physique des patients atteints de schizophrénie.

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