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Med Sci (Paris). 33(11): I–VII.

Prix Inserm 2017
Grand Prix 2017 : Edith Heard

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© Patrick Delapierre/Inserm

Au-delà des gènes
par Bruno Goud

Institut Curie, PSL Research University, CNRS, UMR 144, 26, rue d’Ulm, 75248 Paris Cedex 05, France. bruno.goud@curie.fr

Le Grand Prix Inserm 2017 de la recherche médicale a été décerné à Edith Heard pour ses travaux sur les processus épigénétiques et l’inactivation du chromosome X.

Née le 5 mars 1965 à Londres, Edith Heard est généticienne de formation. Elle a fait des études en sciences naturelles à l’université de Cambridge (Royaume-Uni) et a préparé son doctorat dans le laboratoire du Dr Mike Fried à l’ICRF (Imperial Cancer Research Fund) à Londres, où elle a étudié les mécanismes d’amplification génique dans le cancer. En 1990, elle rejoint, pour son stage post-doctoral, le laboratoire du Dr Philip Avner à l’Institut Pasteur de Paris, au sein duquel elle commence son travail sur l’inactivation du chromosome X. En 1993, elle entre au CNRS comme chargée de recherche. C’est à l’étude de l’inactivation du chromosome X qu’Edith Heard va alors consacrer une grande partie de sa carrière scientifique, étude qui lui permettra de découvrir des mécanismes fondamentaux qui sous-tendent l’expression des gènes au cours du développement, de la différenciation cellulaire et de la tumorigenèse. L’inactivation de l’un des deux chromosomes X chez les femelles de mammifères est en effet l’un des processus biologiques les plus importants de l’embryogenèse. Il existe une différence importante entre les chromosomes sexuels mâles et femelles. Chez les femelles, les cellules sont dotées de deux chromosomes X, alors qu’un chromosome Y fait office de second chromosome sexuel chez les mâles. Le processus d’inactivation de l’un des chromosome X de la femelle, qui a lieu aux tous premiers stades de l’embryogenèse, permet donc d’équilibrer l’expression des gènes sexuels chez les deux sexes. C’est aussi un processus réversible pour les cellules de la lignée germinale, ce qui en fait un excellent modèle d’épigénétique. Le déclenchement de l’inactivation du chromosome X est contrôlé par le centre d’inactivation du chromosome X (Xic), où se trouve le gène Xist (X inactive specific transcript) codant un ARN non codant qui s’accumule progressivement sur le chromosome X paternel et l’inactive [1]. En établissant quelques-unes des premières souris transgéniques et des premières lignées de cellules ES (embryonic stem cells) portant le locus Xist, Edith Heard et ses collègues du laboratoire du Dr Philip Avner démontrent alors que des éléments d’ADN situés à une longue distance du locus Xist sont importants pour l’établissement du processus d’inactivation du chromosome X. En se fondant sur ces résultats, elle est l’une des toutes premières à proposer que des interactions à longue distance entre les chromosomes et l’organisation de la chromatine dans le noyau participent à la régulation de Xist [2].

En 2000, Edith Heard passe une année dans le laboratoire du Dr David Spector à Cold Spring Harbor (États-Unis). Elle y développe des techniques d’imagerie permettant de visualiser le processus d’inactivation du chromosome X au niveau d’une cellule unique et, ainsi, d’explorer l’expression précoce des gènes et la dynamique de la chromatine pendant l’inactivation [3].

En 2001, elle crée avec le soutien d’une ATIP CNRS (Action thématique incitative sur programme) sa propre équipe « Épigenèse et développement des mammifères » à l’Institut Curie à Paris, dans l’unité dirigée par le Dr Geneviève Almouzni, avant de diriger l’unité mixte Inserm/CNRS/UPMC de génétique et de biologie du développement depuis 2010. En utilisant des approches cellulaires et moléculaires sur « cellule unique », ainsi que des approches de microscopie à haute résolution, l’équipe d’Edith Heard met alors en évidence les relations essentielles existant entre l’inactivation des gènes (gene silencing) et l’architecture de l’hétérochromatine, tant au cours du développement que lors de la tumorigenèse. Son laboratoire a été l’un des premiers à montrer que l’inactivation du chromosome X est un processus très dynamique au cours de l’embryogenèse de souris [4, 5], impliquant de multiples changements de l’état de la chromatine, de l’organisation nucléaire et de la dynamique des chromosomes, associés à une expression accrue de Xist [68]. Edith Heard et son équipe ont également démontré, en comparant, en particulier, le développement d’embryons humains et de lapins, que l’initiation du processus dit de « compensation de dosage » des chromosomes X est régulée différemment d’une espèce à l’autre [9].

L’une des contributions les plus récentes et les plus importantes de l’équipe d’Edith Heard concerne la découverte d’un nouveau niveau d’organisation des chromosomes, les domaines d’associations topologiques (topological associating domains ou TAD) [1012]. En collaboration avec le laboratoire du Dr Job Dekker (université du Massachusetts, États-Unis), qui a développé la technologie de capture de la conformation des chromosomes pour l’étude de l’organisation de la chromatine en 3D, l’équipe d’Edith Heard a été l’une des premières à montrer l’importance de l’organisation des TAD dans la régulation de l’expression des gènes au sein des cellules de mammifères. Cette découverte a ouvert de nombreuses voies de recherche, tant sur la régulation des gènes au cours du développement que dans des pathologies comme le cancer, où la formation anormale de TAD ou leur destruction est impliquée dans la dérégulation de gènes et des signatures épigénomiques aberrantes.

Edith Heard est un membre très actif de la communauté scientifique. Elle a participé à de nombreux programmes collaboratifs de recherche, dont plusieurs programmes européens (Epigenome, Epigenesys), et a organisé des réunions scientifiques internationales prestigieuses comme les réunions Keystone ou Cold Spring Harbor. Membre de l’EMBO (European molecular biology organization) depuis 2005, elle a été élue membre de la Royal Society de Londres en 2013.

Elle a remporté plusieurs prix ou distinctions prestigieuses au cours de sa carrière, à commencer par le prix Thoday de génétique à l’université de Cambridge en 1986, la médaille d’argent du CNRS en 2008, le Grand Prix de la Fondation pour la recherche médicale (FRM) en 2011, le prix de la Fondation Allianz en 2014. Elle a enfin bénéficié de deux contrats ERC (European research council) « advanced » en 2010 et 2015.

Edith Heard est depuis 2012 Professeure au Collège de France où elle donne plusieurs conférences annuelles sur « Épigénétique et mémoire cellulaire ». Elle prendra la direction du laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) à Heidelberg (Allemagne) en janvier 2019.

Les découvertes scientifiques majeures d’Edith Heard concernant des mécanismes épigénétiques fondamentaux et son implication remarquable dans l’animation de la vie scientifique, sont aujourd’hui honorées par l’attribution du Grand Prix de l’Inserm.

Prix Opecst-Inserm 2017 : Marc Peschanski

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© Patrick Delapierre/Inserm

Un expert internationalement reconnu
par Hervé Chneiweiss

Ancien rédacteur en chef de m/s (2006-2016) Équipe Plasticité gliale et tumeurs cérébrales Neuroscience Paris Seine-IBPS UMR8246 CNRS/U1130 Inserm/UMCR18 Université Pierre et Marie Curie 7, quai Saint-Bernard 75005 Paris, France herve.chneiweiss@inserm.fr

C’est avec joie et fierté, partagées par l’équipe de rédaction et de gouvernance de m/s, que j’ai appris l’attribution du Prix Inserm/OPECST 2017 à Marc Peschanski, rédacteur en chef de 1998 à 2002.

Déclarons d’emblée mes liens d’intérêt. C’est Marc qui m’a fait entrer au comité de rédaction de la revue en 1995, pour lui succéder en couverture des questions de recherche en neurosciences, sous la vigilante houlette de notre rédacteur en chef d’alors, Axel Kahn. Et nous avons ensuite partagé bien des combats, pas toujours à l’unisson, en faveur de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines au fil de maintes révisions des lois de bioéthique.

Marc a très tôt quitté ses recherches sur la physiologie de la douleur, pour se consacrer, dès la fin des années 1980, à des travaux sur les premières thérapies cellulaires et géniques dans le système nerveux, chez le rat et très vite chez l’homme, avec les greffes de neurones fœtaux, pour tenter de traiter des lésions de la moelle épinière, la maladie de Parkinson, puis la maladie de Huntington. Ce sont les résultats limités de ces transplantations qui le conduiront à s’intéresser aux cellules souches embryonnaires humaines, dès leur caractérisation par Jamie Thompson en 1998. L’interdiction de ces recherches alors en France ne le décourage pas et le conduira à construire des partenariats européens et, même, à choisir un temps d’exil, avant de pouvoir créer, avec le soutien de l’AFM-Téléthon et dans le contexte de Généthon, la structure I-Stem qu’évoque ci-après Cécile Martinat.

C’est donc une symbolique forte, à l’orée d’une nouvelle année de révision des lois de bioéthique, de voir l’Inserm et l’OPECST récompenser enfin un expert internationalement reconnu et qui, avec le recul, s’avère avoir été révolutionnaire à plus d’un titre.

Un investissement, un combat et des idées visionnaires
par Cécile Martinat

Directrice de l’I-Stem, UMR Inserm 861, Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem). Génopole Campus, 15, rue Henri-Desbruères, 91030 Évry Cedex, France. cmartinat@istem.fr

C’est pour moi un grand plaisir et un grand honneur que de pouvoir, au travers de ces quelques lignes, m’exprimer, à la fois sur le caractère exceptionnel du parcours scientifique de Marc Peschanski, mais également sur sa personnalité certes exigeante mais fidèle à ses valeurs, comme j’ai pu l’apprécier depuis plus de 10 ans en tant que directeur et ami.

J’ai eu la chance de rencontrer Marc au moment où ce dernier créait le laboratoire I-Stem en 2005. Neurobiologiste de renom, Marc a été un précurseur dans les greffes neuronales, en particulier dans les greffes de neurones fœtaux chez des patients atteints de la maladie de Huntington. Réalisant l’urgence de développer d’autres sources alternatives de matériel pour cette affection neurodégénérative, il a été l’un des premiers, en France, à s’intéresser au potentiel offert par les cellules souches embryonnaires humaines pour ces applications de médecine régénérative. Alors que la loi française de bioéthique de l’époque interdisait l’utilisation de ces cellules pour la recherche, Marc a également été l’un des premiers à alerter la communauté du retard dramatique que prenait la recherche française dans ce domaine. La création d’I-stem, premier institut français dédié à l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques envers certaines maladies génétiques, a donc représenté un véritable challenge, à la fois idéologique, scientifique et humain. Illustrant l’homme de convictions et de combat qu’il est, Marc a réussi, aujourd’hui, à créer un institut reconnu internationalement, dont la liste de publications (PNAS, Lancet, Cell Stem Cells, Nature Biotech, …) illustre à elle-seule l’excellence atteinte. Avec, dès le départ, une volonté de combiner innovations technologique et scientifique, l’ensemble des résultats obtenus sur la base des idées originales de Marc a permis d’aboutir à deux essais cliniques en pharmacologie et aux développements de deux produits de thérapie cellulaire, dont l’évaluation clinique est prévue pour les deux prochaines années.

Le bilan scientifique exceptionnel de Marc ne résume pourtant pas l’ensemble de son activité. Marc a toujours œuvré pour fédérer et défendre les intérêts de cette recherche sur les cellules souches, bien au-delà de la communauté scientifique. Il a mis en place et anime un grand nombre de réseaux internationaux et nationaux, à la fois dans le cadre des projets du laboratoire, mais aussi de façon plus étendue à l’ensemble de la communauté scientifique. Il a ainsi été le premier à diriger pendant plusieurs années le domaine d’intérêt majeur dédié aux cellules souches en Île-de-France, a monté le premier congrès international dédié aux cellules souches embryonnaires en France. En écrivant ces lignes, je réalise qu’il est bien difficile de pouvoir résumer en quelques mots l’ensemble des activités auxquelles Marc a contribué et continue de contribuer. Je souhaiterais cependant mentionner deux exemples qui, à titre personnel, me semblent le mieux illustrer sa personnalité, certes perfectionniste mais fidèle à de grandes valeurs humanistes. Tout d’abord, Marc nous a donné l’opportunité, à nous jeunes post-doctorants de l’époque, de prendre la direction d’une équipe, afin de développer nos travaux de recherche. Défiant ainsi les dérives d’un mandarinat qui caractérise que trop souvent la communauté scientifique et médicale, il nous a fait confiance, nous a épaulés et a toujours été à nos côtés pour nous conseiller. Plus récemment, sous l’initiative de Marc, l’opération « 1 000 chercheurs dans les écoles », en partenariat avec l’AFM-Téléthon, a été lancée à l’échelle nationale, avec pour but de sensibiliser les jeunes collégiens et lycéens, à la fois aux métiers de la recherche (et pas seulement au métier de chercheur, mais aussi à ceux d’ingénieurs, de techniciens…) et à l’importance du combat à mener pour lutter contre les maladies génétiques.

C’est donc avec beaucoup d’émotion que je souhaite, pour conclure, remercier Marc pour ce qu’il a apporté à la communauté des cellules souches et pour le féliciter encore du prix Inserm/OPECST qu’il s’apprête à recevoir et qui illustre à nouveau la reconnaissance de la communauté pour son investissement, son combat et ses idées visionnaires.

Prix International 2017 : Marie-Paule Kieny

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© Patrick Delapierre/Inserm

Une virologue devenue experte en santé
Avant de réintégrer l’Inserm pour travailler au rayonnement international de l’Institut, elle a longtemps œuvré à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces sept dernières années, elle en était même sous-directrice. Accès, prix et régulation des médicaments, diagnostics et appareillages ; appui technique aux 174 pays membres pour l’introduction de la couverture santé universelle ; remise à jour de la liste des maladies prioritaires dans le monde… Les sujets qui ont rythmé son quotidien au cours des 17 années passées dans l’organisation internationale sont effectivement très politiques.

Pourtant, rien ne prédisposait la Strasbourgeoise à pareil destin. Elle a même tout fait pour éviter le monde de la santé. « Je ne voulais surtout pas faire médecine », raconte-t-elle. Le bac en poche, en pleine révolte adolescente, elle s’exile loin de sa famille – deux parents médecins et deux frères qui suivront le même chemin – pour rejoindre une école d’ingénieur agronome à Montpellier. Elle y soutient une thèse en microbiologie en 1980, en plein essor des biotechnologies. Elle intègre alors le fleuron des start-up françaises, Transgene, dont le siège se trouve à Strasbourg ! Si un de ses premiers projets porte sur la rage, en santé vétérinaire, elle se rapproche de la santé humaine. Il faut dire que c’est le début d’une épidémie qui défie chercheurs et médecins : le VIH-sida. De jeune chercheuse, elle devient directrice scientifique adjointe, puis directrice des programmes de Transgene. Et dix-huit ans plus tard, elle intègre l’Inserm, à la tête d’un groupe de virologie moléculaire à l’Institut de virologie de Strasbourg. Experte du sujet, elle participe à plusieurs comités de l’OMS. Elle finit par s’envoler pour Genève à temps plein, l’Inserm acceptant de la détacher à l’organisation mondiale.

En 2014, c’est une autre épidémie qui bouleverse les équipes de l’OMS. En Afrique de l’Ouest, Ebola frappe comme jamais auparavant. « Pendant cette période, je n’ai fait que travailler. C’était passionnant, mais j’ai dû arrêter tout le reste. » Outre ses multiples portefeuilles, Marie-Paule Kieny prend en charge tous les aspects recherche et développement sur le sujet. Elle monte une garde rapprochée pour coordonner des essais cliniques. « C’est un des succès : l’OMS a promu et mis en œuvre avec efficacité les essais d’un des deux vaccins testés en Afrique de l’Ouest, en seulement 11 mois. En Guinée, les résultats se sont révélés très positifs. Le dossier vient d’être déposé aux autorités régulatrices américaine et européenne. Le vaccin devrait être enregistré en 2018 ou 2019. » À 62 ans, l’Alsacienne devenue Franco-suisse a atteint l’âge limite autorisé par l’OMS. Réintégrée à l’Inserm, et apportant son expertise aux collaborations institutionnelles internationales, elle navigue désormais entre Paris et Genève, où elle a construit sa vie.

Prix d’Honneur 2017 : Claude-Agnès Reynaud et Jean-Claude Weill

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© Patrick Delapierre/Inserm

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© Patrick Delapierre/Inserm

Pour fabriquer leur infinie diversité d’anticorps, les lymphocytes B du gallinacé utilisent un unique gène. « Mais ils y ajoutent des petits bouts de séquence génétique venus d’ailleurs, ce qui conduit à une combinatoire gigantesque ! », explique Claude-Agnès Reynaud. Inconnu auparavant, ce mécanisme de la conversion génique a été publié en 1987. « Nous avons eu beaucoup de chance, souligne Jean-Claude Weill. C’est le facteur le plus important dans la carrière d’un chercheur, celui qui fait la différence entre un scientifique reconnu et un autre. » Cette découverte leur ouvre les portes de l’Institut d’immunologie de Bâle, en Suisse, un petit centre ultra-sélectif aux moyens énormes. Là-bas, les deux chercheurs s’attaquent au répertoire immunitaire du mouton. « Et après, vous ferez celui du dromadaire ? », interroge, moqueur, un collègue qui reste sourd à l’intérêt de la recherche fondamentale. Bingo ! Le duo découvre un second mécanisme moléculaire unique et spécifique des lymphocytes B. Baptisé maturation de l’affinité des anticorps, il existe chez toutes les espèces à sang chaud. Il leur permet de fabriquer des anticorps de plus en plus précis, qui reconnaissent de mieux en mieux les antigènes, par le biais d’une mutagenèse déclenchée par l’agent pathogène lui-même. On parle d’hypermutation somatique des immunoglobulines. Avec des mécanismes aussi sophistiqués, les lymphocytes B, peu considérés par la communauté scientifique, gagnent en complexité.

En janvier 1992, Philippe Even, le doyen de l’hôpital Necker-Enfants malades, à Paris, souhaite recruter des chercheurs fondamentaux aux côtés des médecins désireux de s’initier à la recherche. À sa demande, le binôme se rapatrie en France. La maturation de l’affinité des anticorps, découverte chez le mouton, est la marque de la mémoire immunitaire, question clé en vaccinologie. Elle devient le centre des travaux du duo. Dans cette équipe* « Développement du système immunitaire », aujourd’hui dirigée par Claude-Agnès Reynaud, les maladies auto-immunes médiées par les lymphocytes B deviennent de nouveaux modèles expérimentaux. Sans constituer leur thème principal de recherche, les maladies auto-immunes, qui affectent environ 7 % de la population dans les pays riches, intéressent les chercheurs. D’ailleurs, les deux immunologistes ont récemment proposé une piste thérapeutique dans la prise en charge du purpura thrombopénique auto-immun, une maladie dans laquelle les lymphocytes B détruisent les plaquettes, provoquant de nombreuses hémorragies.

* Unité 1151 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes.

Prix Recherche 2017 : Alain Chédotal

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© Patrick Delapierre/Inserm

Enfin la cartographie en 3D 2017 pour l’embryon humain
Pour suivre les trajectoires neuronales, l’équipe d’Alain Chédotal*, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision, utilise des anticorps fluorescents qui se fixent à des molécules spécifiques des neurones en développement. Problème : le cerveau est opaque, visualiser la fluorescence en profondeur est impossible. « Mais voilà trois ans, les planètes se sont alignées », raconte le scientifique. En Allemagne, Frank Bradke, du Centre allemand pour les maladies neurodégénératives à Bonn, revisite une technique qui rend les tissus biologiques transparents en les débarrassant de leurs lipides tout en préservant les protéines, sans altérer la forme des cellules dont persiste un « fantôme transparent ». À Paris, l’équipe d’Alain Chédotal réussit à combiner cette approche à l’imagerie en fluorescence. Grâce à des rayons lasers, les scientifiques obtiennent des images en 3 dimensions des connexions neuronales dans le cerveau intact. Avec Paolo Giacobini**, chargé de recherche Inserm du Centre de recherche Jean-Pierre Aubert à Lille, ils essaient la méthode pour visualiser certains neurones d’embryons et de fœtus humains. Eurêka : Alain Chédotal et ses collaborateurs peuvent se lancer dans la cartographie en 3D de l’embryon humain. Deux heures suffisent à visualiser trois ou quatre types cellulaires sur un embryon entier. « Nous allons enfin pouvoir établir un atlas du développement embryonnaire à partir de données réelles et pas seulement des dessins réalisés à partir de données partielles recueillies dans les années 1920 !

* Unité 968 Inserm/CNRS/UPMC.

** Unité 1172 Inserm/Université de Lille/CHRU Lille/Université d’Artois/Institut pour la recherche sur le cancer de Lille.

Sites :

www.institut-vision.org

crjpa.fr

Prix Recherche 2017 : Emmanuelle Génin

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© Patrick Delapierre/Inserm

Le séquençage du génome entier : un outil potentiel de diagnostic clinique ?
Pour identifier les gènes impliqués dans une maladie, les chercheurs comparent l’ADN des malades à celui de personnes saines. Sauf qu’avec les techniques de séquençage du génome entier, ils ont accès à une foule de données. Sans compter les nombreuses différences génétiques entre les êtres humains. Les scientifiques les appellent les « variants », on en dénombre 20 000. La plupart d’entre eux sont neutres, sans aucun lien avec une maladie. Pour une comparaison efficace, il faudrait pouvoir les éliminer. Ces variants non pertinents sont plus fréquents dans la population dont est issu le malade. Problème : les bases de données disponibles pour les comparaisons ont été établies dans d’autres pays. À l’université de Bretagne occidentale à Brest, Emmanuelle Génin*, directrice de recherche Inserm, veut construire ce panel représentatif des Français. « Nous avons besoin de bien caractériser la population pour éviter un faux positif quand on cherche un variant associé à une maladie », argumente la chercheuse. Pour l’heure, elle dispose des exomes de 574 personnes, dont elle connaît les lieux de naissance, un exome correspondant à l’ensemble des parties codantes d’un génome. Sa recherche a débuté dans le Finistère, où elle s’est installée voilà 5 ans. Depuis, elle a élargi sa cohorte à d’autres régions. « Nos données diffèrent de celles récoltées ailleurs en Europe. Nous voyons aussi des différences entre les régions françaises. » En travaillant sur ce projet patrimonial, la chercheuse espère construire le filtre indispensable à l’analyse du génome d’un patient.

* Unité 1078 Inserm/UBO/EFS – CHRU Brest.

Site

www.univ-brest.fr/umr1078

Prix Innovation 2017 : Sophie Allart

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© Patrick Delapierre/Inserm

Zika à l’intérieur des spermatozoïdes :la preuve peut en être apportée
L’automne 2016, « nous  avons apporté la preuve formelle de la présence du virus à l’intérieur même des spermatozoïdes, et pas seulement dessus ou autour », explique Sophie Allart*, biochimiste et ingénieure de recherche Inserm, responsable du plateau technique d’imagerie cellulaire du Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan (CPTP). Si cette découverte a été possible, c’est grâce à un microscope de super-résolution STED (pour stimulated emission depletion microscopy), soit un microscope à déplétion par émission stimulée. Il s’agit d’une technique de microscopie à balayage laser qui permet de dépasser la limite de résolution imposée par la diffraction de la lumière. Cette dernière résulte de la fluorescence d’échantillons biologiques préalablement marqués. En microscopie conventionnelle, la limite de résolution est à 200 nanomètres. « Avec le STED, nous avons abaissé cette limite à 23 nanomètres. Mais il a fallu beaucoup d’adaptations et de réglages pour y parvenir », souligne Sophie Allart, lorsqu’elle commente son record. Passionnée par le sujet et certaine que le système permettrait de lever plusieurs verrous technologiques, l’ingénieure a tout fait pour implanter cette technologie à Toulouse : montage financier, achat, mise en service, réglages, préparation des échantillons… Puis l’essentiel : ouvrir l’accès à l’ensemble de la communauté scientifique, au-delà des 23 équipes de recherche du CPTP.

* Unité 1043 Inserm/CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier.

Site : www.cptp.inserm.fr

Prix Innovation 2017 : Ludovic Galas

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© Patrick Delapierre/Inserm

Une application pour la gestion et l’inventaire des risques
Pour l’Inserm, l’information sera disponible l’année prochaine, grâce à la version nationale de l’application EasyLab Manager, développée à Rouen. Tout est parti d’un projet immobilier. Voilà une dizaine d’années, la région Haute-Normandie décide de construire un nouveau bâtiment dédié à la recherche : 12 000 m2, 43 millions d’euros, 200 personnes. Ingénieur de recherche Inserm à l’université de Rouen, Ludovic Galas*, spécialisé en biologie cellulaire et responsable de la plateforme régionale de recherche en imagerie cellulaire de Haute-Normandie, est chargé de mission sur le projet. Pour le dépôt du permis de construire, il doit définir les risques. Il joue l’interface entre les équipes de plusieurs laboratoires, diverses plateformes technologiques et un service de ressources biologiques. Au total, il recense 859 produits chimiques, « chacun avec ses risques et sa réglementation », précise-t-il. Un vrai casse-tête. Pour le résoudre, Ludovic Galas et ses collaborateurs inventent EasyLab Manager. Au printemps dernier, l’emménagement dans le nouveau bâtiment est un succès. Parallèlement, l’ingénieur transpose son invention en solution nationale. Agir (Application pour la gestion et l’inventaire des risques) sera utilisé par les 12 000 personnes qui travaillent dans les structures de recherche Inserm. Au quotidien, la vision du risque sera globale et individuelle. Chaque collaborateur pourra lister les produits manipulés pour identifier sa propre exposition.

* Unité 1234 Inserm/Université de Rouen.

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