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Med Sci (Paris). 33(8-9): 738–740.
doi: 10.1051/medsci/20173308017.

Phagocytose : les professionnels dictent leur loi

Antoine Rebendenne,1a Olivia Amiar,1b Audrey Hemmi,1c and Sophie Dupré2d

1M1 Biologie Santé, Université Paris-Saclay, 91405Orsay, France
2Laboratoire de chimie physique, UMR8000, CNRS, Université Paris-Saclay, 91405Orsay, France
Corresponding author.
 

Chez l’homme, environ 200 à 300 millions de cellules meurent chaque jour, la majorité par apoptose [1]. Ce processus, composant à part entière de l’homéostasie tissulaire, nécessite l’élimination de ces cellules [1]. Cette élimination est assurée par la phagocytose1 de ces cellules apoptotiques, appelée efférocytose. Celle-ci est effectuée par des cellules spécialisées du système immunitaire, les phagocytes professionnels (polynucléaires neutrophiles, macrophages, cellules dendritiques), mais aussi par des phagocytes non professionnels (fibroblastes ou encore cellules épithéliales) [2].

Une équipe américaine s’est récemment intéressée à la clairance des cellules apoptotiques au niveau pulmonaire [3]. Dans ce tissu, de nombreux facteurs peuvent provoquer la mort des cellules épithéliales pulmonaires comme les polluants, les allergènes ou encore les pathogènes. Ces cellules épithéliales pulmonaires apoptotiques peuvent être phagocytées par des cellules épithéliales voisines [4]. Or, ces dernières résident à proximité des macrophages alvéolaires ; Han et al. ont donc cherché à savoir si les phagocytes échangeaient des signaux moléculaires afin d’optimiser la clairance des cellules apoptotiques au sein du poumon. Ils ont effectivement démontré l’existence d’une communication moléculaire entre phagocytes, communication importante pour réguler l’inflammation en contexte allergique.

L’IGF-1 (insulin-like growth factor) : un signal décodé par les cellules épithéliales pulmonaires

Afin d’identifier des facteurs impliqués dans la communication entre phagocytes professionnels et non professionnels, Han et al. ont effectué un crible sur la fonction d’internalisation de phagocytes non professionnels. Des 11 facteurs de croissance testés, impliqués dans la réparation, la morphogenèse tissulaire ainsi que dans la diminution de l’inflammation, seul l’IGF-1 engendre une diminution de la phagocytose des cellules apoptotiques par ces phagocytes, et notamment par des lignées de cellules épithéliales pulmonaires. L’effet de l’IGF-1 peut être neutralisé par l’utilisation d’IGFBP3 (une protéine de séquestration de l’IGF-1), d’anticorps neutralisants ou d’inhibiteurs de l’activité kinase du récepteur de l’IGF-1 (IGF-1R). L’action de l’IGF-1 est donc relayée par sa fixation à son récepteur IGF-1R. Si l’IGF-1 inhibe la phagocytose par les cellules épithéliales pulmonaires, il entraîne une augmentation de la capture, par ces mêmes cellules, de liposomes de 150 à 200 nm de diamètre ; ceci indique une redirection de la phagocytose, de la capture des cellules apoptotiques vers celle de particules de plus petite taille [5] ().

(→) Voir la Nouvelle de A. Charbonnier et al., m/s n° 6/7, août-septembre 2016, page 587

L’IGF-1 : un signal émis par les macrophages alvéolaires

Des expériences in vitro ont montré que les macrophages péritonéaux sécrétaient de l’IGF-1 en réponse à une stimulation par de l’interleukine-4 (IL-4) ou par des cellules apoptotiques. Afin de conforter ces résultats obtenus in vitro, les auteurs ont administré par voie intranasale à des souris de l’IGF-1 et des liposomes ou des cellules apoptotiques. L’administration d’IGF-1 induit, comme précédemment, un changement de cible de la phagocytose par les cellules épithéliales pulmonaires, des cellules apoptotiques vers l’internalisation des liposomes. L’IGF-1 n’a cependant pas d’effet sur les macrophages alvéolaires. Afin d’identifier la source de production d’IGF-1 in vivo, les auteurs ont utilisé des souris LysM-Cre/Igf1fl/fl invalidées pour le gène codant l’IGF-1 dans la lignée myéloïde dont les macrophages sont issus2. Ils ont mesuré les quantités d’IGF-1 dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire en réponse à l’administration d’IL-4 ou d’IL-13. Celles-ci étaient plus faibles que dans le liquide de souris sauvages, ce qui suggère que les cellules myéloïdes, dont les macrophages, sont les principales productrices d’IGF-1 dans le poumon.

La signalisation IGF1/IGF-1R : un acteur de la modulation de l’inflammation en contexte allergique

Les auteurs se sont ensuite intéressés à l’impact de la communication établie par l’IGF-1 dans un modèle d’inflammation des voies respiratoires induite par un allergène chez la souris. Ce modèle murin mime la pathologie de l’asthme allergique chez l’homme. Pour ce faire, Han et al. ont choisi de travailler dans un modèle de souris CCSP-Cre/Igf1rfl/fl 3,. Dans ce modèle, la délétion du gène Igf1r est induite spécifiquement dans les cellules épithéliales pulmonaires préalablement à l’exposition à l’allergène. Chez ces souris, l’inflammation est exacerbée comme le soulignent (1) l’augmentation de cellules - et notamment de polynucléaires éosinophiles et de lymphocytes CD4+ (auxiliaires) - infiltrées dans le tissu pulmonaire et retrouvées dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire ; et (2) l’augmentation du volume des ganglions médiastinaux ainsi que de leur contenu en lymphocytes CD4+. Les cellules épithéliales pulmonaires, en réponse à l’allergène, sécrètent des cytokines impliquées dans l’inflammation telles que la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP), les cytokines IL-33, IL-25 et IL-6 [3, 6]. Ces cytokines activent des cellules immunitaires (les granulocytes, basophiles et les innate lymphoid cell de type 2) qui sécrètent alors les interleukines -4 et -13 [6]. Chez les souris invalidées pour l’Igf1r, les auteurs mettent en évidence une augmentation de TSLP et d’IL-6 produites par les cellules épithéliales pulmonaires, ainsi que d’IL-4. L’absence du récepteur IGF-1R au niveau de ces cellules favorise donc la production de cytokines inflammatoires ainsi que l’activation et le recrutement des cellules immunitaires.

Il a récemment été montré que les macrophages alvéolaires produisaient des microvésicules qui se détachent de la membrane plasmique et contiennent des protéines ayant une activité anti-inflammatoire [7]. Les auteurs ont montré que l’IGF-1 favorisait l’internalisation de ces microvésicules de 357 ± 148,5 nm de diamètre. De plus, in vitro, la capture de ces microvésicules par les cellules épithéliales pulmonaires traitées par l’allergène y induit une diminution de la production de cytokines inflammatoires, dont l’IL-6 et TSLP, ainsi que de la transcription de gènes associés à l’asthme.

Vers la compréhension de fascinantes interactions cellulaires et moléculaires

Dans cet élégant travail [3], Han et al. ont montré l’existence, in vitro et in vivo, d’une communication entre les phagocytes professionnels et non professionnels. Cette communication repose sur la sécrétion d’IGF-1 par les macrophages alvéolaires. La liaison d’IGF-1 à son récepteur IGF-1R au niveau des cellules épithéliales pulmonaires engendre une diminution de la phagocytose des cellules apoptotiques et l’augmentation de la capture des microvésicules, ce qui promeut la diminution de l’inflammation des voies aériennes (Figure 1).

L’identification de l’IGF-1 comme signal permettant au macrophage de contrôler la réponse des cellules épithéliales pulmonaires est fascinante. Elle soulève cependant plusieurs questions. Pourquoi l’IGF-1 inhibe-t-il l’internalisation des cellules apoptotiques par les cellules épithéliales et favorise-t-il celle de microvésicules ? Quel est le mécanisme de capture de ces microvésicules ? Il pourrait s’agir d’une phagocytose ou d’une macropinocytose4,, mode de capture privilégié des exosomes5 [8], qui permet aussi l’entrée de virus [9]. L’internalisation des microvésicules par les cellules épithéliales pulmonaires a pour effet de diminuer la réponse inflammatoire de ces cellules. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cet effet. Les microvésicules issues des macrophages alvéolaires pourraient contenir des médiateurs anti-inflammatoires ou des miARN ciblant les transcrits de cytokines inflammatoires. En effet, la présence d’une protéine nommée suppressor of cytokine signaling 3 (SOCS3) dans des microvésicules issues de macrophages alvéolaires a déjà été montrée. Cette protéine inhibe la signalisation dépendante de l’IL-6 [7]. Autre hypothèse possible : un ligand porté par les microvésicules pourrait interagir avec un récepteur à la surface des cellules épithéliales pulmonaires et engendrer une inhibition de la signalisation inflammatoire.

Cet article identifie donc un nouveau rôle pour l’IGF-1, celui d’un signal de communication entre phagocytes permettant de moduler la réponse inflammatoire dans un contexte allergique.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 La phagocytose est un processus permettant l'internalisa- tion de cellules apoptotiques ou de pathogènes. L'élément internalisé se retrouve séquestré dans un compartiment fermé, appelé phagosome, dans lequel il sera dégradé.
2 Dans ce modèle de souris LysM-Cre/Igf1fl/fl, la recom- binase Cre est exprimée sous le contrôle du promoteur du lysozyme M (LysM), activé spécifiquement dans les cellules appartenant a la lignée myéloïde. La recombinase Cre est donc exprimée dans les cellules de la lignée myéloïde où elle engendre la délétion du gène Igfl flanqué de séquences loxP.
3 Dans ce modèle de souris CCSP-Cre/Igf1rfl/fl, le trans- activateur viral rtTA issu du virus de l'herpès simplex est placé sous le contrôle du promoteur de CCS P. activé dans les cellules épithéliales de la trachée, des bronches et des bronchioles. La recombinase Cre, quant à elle, est exprimée sous le contrôle de l'opérateur TetO. Ce système TET-ON est inductible en présence de doxycycline. L'ajout de doxycycline dans la boisson des souris permet la délétion spécifique du gène Igflr dans les cellules épithéliales de la trachée, des bronches et des bronchioles.
4 La macropinocytose est l'internalisation de milieu extra cellulaire via l'émission de protrusions membranaires.
5 Les exosomes sont des vésicules sécrétées provenant des membranes endosomales et de diamètre inférieur a 0,1 μm.
References
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2.
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3.
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Juncadella IJ, Kadl A, Sharma AK, et al. Apoptotic cell clearance by bronchial epithelial cells critically influences airway inflammation . Nature. 2013; ; 493 : :547.–551.
5.
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6.
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9.
Mercer J, Helenius A. Gulping rather than sipping: macropinocytosis as a way of virus entry . Curr Opin Microbiol. 2012; ; 15 : :490.–499.