2009


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Cet ouvrage présente les travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective (annexe 1), pour répondre à la demande de l’Agence de la biomédecine concernant la transplantation d’organes solides et les axes prioritaires de recherche en transplantation. Ce travail s’appuie sur les données scientifiques disponibles en date du second semestre 2008. Près de 3 000 articles ont constitué la base documentaire de cette expertise.
Le Centre d’expertise collective de l’Inserm a assuré la coordination de cette expertise collective.

Groupe d’experts et auteurs

Monique bernard, Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM), CNRS UMR 6612, Université de la Méditerranée, Marseille

Lucienne chatenoud, Service Immunologie biologique, GHU-Ouest Necker-Enfants malades ; Inserm U 580, Université Paris Descartes-Paris 5, Paris

Philippe compagnon, Service de chirurgie hépato-biliaire et digestive, CHU de Rennes ; Inserm U 522, Université de Rennes 1, Rennes

Maria Cristina cuturi, Institut de transplantation et de recherche en transplantation (ITERT), Inserm UMR-S 643, Université de Nantes, Nantes

François durand, Service d’hépatologie et Unité de réanimation hépato-digestive, GHU-Nord Beaujon ; Inserm U 773, Université Paris Diderot-Paris 7, Paris

Antoine durrbach, Service de néphrologie, GHU-Sud Bicêtre ; Inserm U 542, Université Paris-Sud 11, Villejuif

Philippe grimbert, Service néphrologie et transplantation, GHU-Sud Henri Mondor ; Inserm U 955, Université Paris 12 Val de Marne, Créteil

Thierry hauet, Service de biochimie, CHU de Poitiers ; Inserm U 927, Université de Poitiers, Poitiers ; Plateforme IBiSA, Surgères

Philippe lang, Service néphrologie et transplantation, GHU-Sud Henri Mondor ; Inserm U 955, Université Paris 12 Val de Marne, Créteil

Christophe legendre, Service de transplantation rénale adulte, GHU-Ouest Necker-Enfants malades ; Inserm U 580, Université Paris Descartes-Paris 5, Paris

Emmanuel morelon, Service de néphrologie, médecine de transplantation et immunologie clinique, CHU de Lyon ; Inserm U 851, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon

Didier samuel, Centre hépatobiliaire, GHU-Sud Paul Brousse ; Inserm UMR-S 785, Université Paris-Sud 11, Villejuif

Laurent sebbag, Pôle médico-chirurgical de transplantation cardiaque, CHU de Lyon ; Inserm U 886, Université Claude Bernard Lyon 1, Lyon

Gabriel thabut, Service de pneumologie B et transplantation pulmonaire, GHU-Nord Bichat - Claude Bernard ; Inserm U 738, Université Paris Diderot-Paris 7, Paris

Ont rédigé une note de lecture

Bernard charpentier, Service de néphrologie, dialyses, transplantation, GHU-Sud Bicêtre ; Inserm UMR-S 542, Université Paris-Sud 11, Paris

Yvon lebranchu, Service de néphrologie et immunologie clinique, CHU de Tours ; EA 4245, Université François Rabelais, Tours

Jean-Paul soulillou, Institut de transplantation et de recherche en transplantation (ITERT), Inserm UMR-S 643, Université de Nantes, Nantes

Intervenants

Dominique debray, Service d’hépatologie pédiatrique, GHU-Sud Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

Patrick niaudet et Rémi salomon, Service de néphrologie pédiatrique, GHU-Ouest Necker-Enfants malades, Paris

Coordination scientifique, éditoriale, bibliographique et logistique

Fabienne bonnin, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Catherine chenu, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Véronique duprez, chargée d’expertise, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Jeanne étiemble, directrice, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Cécile gomis, secrétaire, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Anne-Laure pellier, attachée scientifique, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Chantal rondet-grellier, documentaliste, Centre d’expertise collective de l’Inserm, Faculté de médecine Xavier-Bichat, Paris

Iconographie

Jean-Pierre laigneau, Inserm


Note de lecture

Il est bon que de temps à autre, les grandes disciplines fassent le point de leur situation, tant sur le plan stratégique que des soins, de l’enseignement et de leur recherche en essayant également de poser clairement les questions (nombreuses… !) qui restent encore ouvertes.
Ceci est d’autant plus vrai pour une discipline comme la transplantation qui n’existe pas, au sens académique du terme, mais qui est à la fois transversale pour les organes (cœur, poumons, foie, reins, intestins, peau, tissus…) et pour les talents (médecins, chirurgiens, réanimateurs, biologistes, éthiciens, coordonnateurs…). Cette transversalité fait la force et la richesse de la transplantation d’organes et nombre de découvertes en transplantation sont venues d’horizons lointains et prouvent que la médecine moderne n’est qu’interfaces, sinon elle serait restée cantonnée aux sangsues et aux ventouses scarifiées… !
Il faut mesurer également les progrès faits en quarante ans : les taux de mor-talité avoisinaient 20 à 30 % la première année après la transplantation, pour atteindre 4 % actuellement ; la survie du greffon à 1 an était aux alen-tours de 50 % voire moins, elle atteint plus de 90 % actuellement.
Cette médecine de « remplacement », qui sera peut-être suivie – et rendue obsolète – par une médecine « régénérative », pose des problèmes évoqués dans cet ouvrage : les mécanismes du rejet et de la tolérance aux allogreffes, l’immunosuppression, malheureusement encore « non spécifique » et pérenne, la préservation des organes, la pénurie d’organes et les complications chez les receveurs.
Tous ces chapitres entraînent bien sûr des questions sur le futur de la transplantation d’organes : une tolérance spécifique est-elle possible ? Comment essayer de résoudre le problème de la pénurie de donneurs ? Existe-t-il une possibilité de diminuer ou d’éviter l’énorme cohorte des complications de la transplantation d’organes ?
Un certain nombre de pistes sont tracées à la fin de cet ouvrage qui constituent des propositions de recommandations aux organismes pour la recherche future mais il faut rester très prudent en la matière : Sandoz et J.F. Borel en recherchant des molécules anti-protozoaires pour l’Afrique dans des produits de fermentation de champignons ne sont-ils pas tombés sur un peptide cyclique immunosuppresseur nommé ciclosporine A ? Ceci a permis de découvrir ensuite des facteurs de transcription phosphorylés chez les eucaryotes, inconnus des biologistes.
Cet ouvrage plaide pour des actions thématiques programmées consacrées à la transplantation, à la fois sur le plan financier et sur le plan des équipes, comme cela a déjà été fait en France pour le sida et pour le cancer.
Espérons que la transplantation et le don d’organes, grande cause nationale 2009, puissent bénéficier d’appuis réels et pérennes. Il est toujours étonnant de voir l’énorme écart entre les progrès conséquents faits en biologie fondamentale, en immunosuppression et en infectiologie et paradoxalement la nécessité d’avoir recours à des greffons de plus en plus « limites » et de qualité discutable, le tout pour gérer une pénurie criante d’organes.
Pour finir, évoquons cette phrase d’un Doyen célèbre qui disait « la médecine a transformé la société, la société a transformé la médecine, les médecins doivent en permanence changer de médecine ».

Professeur Bernard Charpentier

Chef du Service de Néphrologie, Dialyses, Transplantation
CHU de Bicêtre, Le Kremlin Bicêtre
Directeur de l’UMR U 542 de l’Inserm/Université Paris Sud 11
Ancien Président de l’European Society for Organ Transplantation (ESOT)


Note de lecture

Ce document collectif fait le point sur différents aspects de la transplantation d’organes en soulignant sa transdisciplinarité mais également les liens étroits entre activité clinique et activité de recherche. La transplantation d’organes reste en effet une activité de recherche même s’il s’agit d’une discipline médicale, voire la discipline médicale, où les plus grands progrès ont été effectués ces cinquante dernières années.
La première partie de cet ouvrage est une analyse critique approfondie des connaissances actuelles. Cette partie extrêmement détaillée et argumentée est déclinée en 5 rubriques :
• Tolérance et rejet en transplantation ;
• Immunosuppression et transplantation ;
• Préservation et reperfusion de l’organe greffé ;
• Caractéristiques du donneur conditionnant la greffe ;
• Origine et maîtrise des complications chez le receveur d’organe.
Les problèmes spécifiques de la transplantation chez l’enfant (transplantation rénale et hépatique), en particulier en termes de croissance et de répercussion psychologique sont abordés par deux communications confiées à deux spécialistes.
La lecture de cette première partie permet une connaissance précise, grâce à de très nombreuses références, du prodigieux acquis de ces dernières années mais également des limites et des progrès à faire.
La deuxième partie de l’ouvrage est constituée par une synthèse consacrée à l’identification des problèmes articulés autour de trois questions principales transversales :
• Comment appréhender les mécanismes des réponses immunitaires conduisant aux rejets ou à la tolérance d’un greffon et optimiser l’immunointervention ?
• Comment augmenter le pool des donneurs et optimiser la qualité des greffons pour lutter contre la pénurie actuelle et de plus en plus importante ?
• Comment éviter ou du moins limiter la complication des traitements immunosuppresseurs prolongés, complications infectieuses, cardiovasculaires, et surtout cancéreuses ?
Enfin, dans une dernière partie appelée recommandations, les experts formulent des propositions stratégiques visant à faire avancer la résolution de ces problèmes en soulignant l’articulation pertinente et l’interpénétration permanente entre recherche fondamentale, recherche clinique et recherche thérapeutique. La transplantation d’organes est un merveilleux exemple de recherche translationnelle où la recherche fondamentale fait progresser les résultats cliniques, mais où aussi la recherche clinique et l’analyse de nouvelles thérapeutiques permettent une meilleure compréhension du fonctionnement du système immunitaire. Pour ne citer que deux exemples : l’utilisation de la ciclosporine a permis de mieux comprendre le rôle de la calcineurine dans l’activation lymphocytaire et l’utilisation du FTY 720 a permis de mieux comprendre les mécanismes de sortie des lymphocytes activés à partir des organes lymphoïdes secondaires.
Ceci montre l’intérêt d’associer équipes cliniques et équipes fondamentales dans des structures intégrées. Ceci montre également l’intérêt de regrouper les efforts des équipes françaises autour des axes clés définis dans cet ouvrage.

Professeur Yvon Lebranchu

Directeur de l’EA 4245, Université François Rabelais, Tours
Service de Néphrologie et Immunologie clinique,
Hôpital Bretonneau, CHU de Tours, Tours


Note de lecture

Dans les années 1990, l’Inserm, sous l’impulsion de son Directeur général Philippe Lazar, a inauguré un nouveau service à la communauté : réaliser des expertises scientifiques dans des domaines clés de la santé publique à la demande de différentes institutions (Ministères, Agences, organismes de protection sociale…). Depuis 1994, plus de 60 expertises collectives ont été publiées sur des sujets très variés. Ces expertises fournissent des descriptions particulièrement documentées, multidisciplinaires constituant une aide à la décision publique pour les différentes institutions et décideurs politiques.
Le présent rapport d’expertise « Transplantation d’organes », commandité par l’Agence de la biomédecine, se situe dans un contexte sensiblement différent. En effet, dans ce cas précis l’Agence a souhaité une expertise résolument orientée vers les nouvelles possibilités que la recherche pouvait apporter aux domaines des transplantations. Ce rapport présente également une synthèse documentée des grands problèmes que pose la réalisation des transplantations.
Bien que demandé à un Institut de recherche, force est de constater que ce document place la clinique au centre de la réflexion. Cette caractéristique lui confère une crédibilité et une utilité indéniable qu’il faut saluer.
Toute expertise a néanmoins des limites et je voudrais évoquer dans cette note quelques points complémentaires à cette réflexion déjà fort conséquente.
Trois recommandations me paraissent particulièrement importantes dans le contexte actuel : il apparaît indispensable que l’Agence de la biomédecine qui coordonne l’ensemble de l’activité de transplantation, renforce des voies originales de recherche dans les différents domaines couverts par l’expertise en relation avec la spécificité du tissu médical et scientifique français.
Il paraîtrait également important de bien replacer les efforts de recherche dans le contexte de ceux coordonnés par la Commission Européenne.
Enfin, notre communauté doit s’autoriser un regard critique sur les dispositions actuelles concernant l’éthique de la transplantation dont les conséquences affectent la recherche et en particulier la recherche clinique.
À titre d’illustration du premier point, je prendrai l’exemple de la tolérance aux allogreffes. Il est dit à juste titre dans cette expertise qu’un demi-siècle après les expériences de Medawar et coll., les progrès cliniques, bien qu’encourageants restent très limités. En effet, dans l’article de Kawai et coll. (2008)1 (cité en référence dans cet ouvrage pour présenter l’induction de tolérance en clinique), un patient sur les cinq décrits a perdu définitivement son greffon suite à un rejet humoral, un autre a fait un rejet grave qui a cependant récupéré. En outre, les greffons ont présenté des dépôts de C4d des anticorps anti-donneurs. Il ne s’agit donc pas d’une véritable induction de tolérance. Les résultats sont néanmoins très intéressants car trois patients sont porteurs d’un greffon stable depuis plusieurs années en l’absence de traitement.
Il faut ajouter à ces travaux, l’observation d’un état de tolérance naturelle dans une centaine de cas répertoriés dans le monde. L’état de tolérance dite « opérationnelle » survenant chez des patients habituellement incompliants apparaît particulièrement « robuste » puisque la majorité de ces receveurs ont une greffe fonctionnelle après une ou deux décennies d’interruption du traitement immunosuppresseur.
Un programme européen (Indices of Tolerance) dans lequel la plus grande cohorte est française a permis de mettre en évidence une tolérance opérationnelle chez quelques patients. Par ailleurs, un programme américain Immune Tolerance Network (ITN) est également dévolu à l’étude de ces personnes transplantées présentant une tolérance opérationnelle. L’analyse de cet état de tolérance opérationnelle pourrait à terme révéler des informations importantes pour la compréhension de la tolérance chez l’homme. À ce titre, il est édifiant de voir que ce même phénomène, beaucoup plus fréquent après transplantation de foie, a pu permettre l’identification de signatures transcriptionnelles, validées dans des études cliniques prospectives, représentant une aide précise à la décision d’interrompre définitivement les immunosuppresseurs chez une proportion importante des greffés de foie (Martinez-Llordella et coll., 2008)2 .
Le deuxième point sur lequel il me paraît utile de revenir est l’importance de l’effort européen dans le domaine de la recherche en transplantation. Le réseau RISET (Reprogramming the Immune System for Establishment of Tolerance), complémentaire du réseau « Indices of Tolerance » précédemment mentionné, est également dévolu à l’étude de la tolérance. Un domaine important couvert par RISET, susceptible de nouveaux développements financés par la Commission Européenne, concerne les biomarqueurs du risque en transplantation (biomarqueur du rejet, biomarqueur de la régulation ou de la tolérance). Le mot-clé biomarqueur qui sous-tend aussi la notion de « surrogate marker » précoce du devenir lointain d’un greffon est fondamental. Cette recherche est intimement liée aux banques de données et aux bio-collections. Développer des réseaux informatiques de données concernant la transplantation et construire des bio-collections de grande qualité et éthiquement irréprochables sont deux recommandations nécessaires à la recherche prospective de biomarqueurs de risque.
J’ajouterais également l’importance du programme européen Xenome qui porte sur la xénotransplantation et dont les recherches sont largement développées en France et en Europe. La recherche en xénotransplantation mérite une grande attention, et plus particulièrement en vue de l’obtention d’une source illimitée d’îlots pancréatiques. L’Europe, les États-Unis et des pays d’Extrême-Orient développent d’importants programmes de recherche sur la xénotransplantation. Les années 2009 et 2010 seront à ce titre des années clés car des études de phase I chez l’homme de xénogreffe d’îlots de porc seront initiées très vraisemblablement. Des essais concluants constitueront un nouveau défi dans le domaine de la transplantation qu’il est important que l’Agence de la biomédecine prenne en considération.
Un dernier point à souligner est que la recherche clinique dans le domaine de la transplantation me paraît fortement bridée par les procédures en cours dans notre pays et donc également dans l’institution qui a sollicité cette expertise. Je citerai quelques exemples. La France a pris un retard manifeste dans le domaine des transplantations de rein à partir de donneurs vivants. Une des raisons importantes de ce retard se situe dans la philosophie même de la procédure qui fait qu’une « innovation » n’est en fait acceptée que dans la mesure où elle vient en confirmation d’une innovation faite à l’étranger. Qui plus est, cet étrange processus d’innovation/validation est en général fondé sur de très petites cohortes de patients et ne peut donc en aucun cas représenter une validation. Enfin, l’évolution de la mise en place des procédures pourrait être encouragée. Un exemple serait la possibilité de réaliser un échange de greffons provenant de donneurs vivants pour permettre la réalisation de greffes ABO compatibles. Les mêmes remarques peuvent être faites sur l’introduction trop tardive de techniques comme les prélèvements sur les donneurs à cœur arrêté. Il me paraît important d’attirer l’attention de l’Agence de la biomédecine sur la nécessité de permettre un véritable processus d’innovation (c’est-à-dire de libérer l’esprit d’innovation) dans le domaine de la recherche en transplantation. À ce titre, les malades et la communauté médicale attendent beaucoup de la nouvelle discussion sur la loi de bioéthique. Dans le cadre de la réflexion actuelle, il serait souhaitable que les propositions importantes faites par l’Agence de la biomédecine et par l’Inserm trouvent des possibilités d’application3 .
Il me reste à souhaiter que cette expertise constitue une occasion de débattre et d’agir pour élargir la politique scientifique de l’Agence de la biomédecine. Issu des forces vives de la transplantation en clinique et en recherche dans notre pays, cet ouvrage mérite une attention non seulement de l’Agence mais également de toutes les institutions partenaires.

Professeur Jean-Paul Soulillou

Directeur de l’ITERT,
Institut de transplantation et de recherche en transplantation,
Inserm U 643, Immunointervention dans les allo- et xénotransplantations,
CHU Jean Monnet, Nantes


Avant-propos

En 2007, plus de 275 000 européens vivent avec un organe transplanté et des milliers sont en attente d’un greffon. L’augmentation des maladies chroniques ainsi que le vieillissement de la population se traduisent par un accroissement des indications de transplantation et par conséquent des besoins en termes de greffons. Simultanément, la baisse importante de la mortalité accidentelle et de la mortalité par accident vasculaire cérébral, conduit à une diminution du nombre total de donneurs potentiels. Bien que le nombre de prélèvements soit actuellement en augmentation, il est indéniable que la situation de pénurie est installée durablement.
En France, le nombre des transplantations a augmenté de 45 % depuis l’année 2000. En 2007, près de 12 800 personnes ont eu besoin d’une transplantation d’organe et 232 patients sont décédés faute de greffon. Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente augmente de 4 % environ.
La France a joué un rôle important dans le domaine de la transplantation d’organes en particulier lors de la période pionnière des greffes de rein et ensuite pour ses réussites en greffes composites. Après les prouesses chirurgicales en transplantation rénale et cardiaque du début de la seconde moitié du XXe siècle, c’est le développement des premiers médicaments contrôlant les réactions immunitaires de rejet de l’organe greffé qui a marqué les années 1980. En dépit de l’avancée des connaissances sur les mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu dans le rejet, la prévention du rejet reste dépendante de molécules d’immunosuppresseurs potentiellement toxiques. La période actuelle révèle surtout une évolution des pratiques avec la transplantation de personnes de plus en plus âgées en ayant recours à des greffons prélevés chez des personnes également de plus en plus âgées.
La transplantation constitue un bon exemple d’intégration en médecine de toutes les avancées en recherche fondamentale, biomédicale, clinique, technologique, épidémiologique, éthique, en sciences humaines et sociales et en santé publique. L’Agence de la biomédecine créée en 2005 à la suite de l’Établissement français des greffes (EFG) s’appuie sur ces différents champs disciplinaires pour conduire ses missions.
En 2006, l’Agence de la biomédecine a sollicité l’Inserm pour la réalisation d’une expertise collective permettant de faire le point des connaissances scientifiques, biomédicales et cliniques sur les différentes étapes de la transplantation d’organes solides et de définir, à partir de ces données, des axes prioritaires de recherche en transplantation.
Pour répondre à cette demande, l’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire de 15 experts, spécialistes de différents domaines de la transplantation, de la physiologie et immunologie fondamentale et clinique. L’expertise a ciblé son champ sur la transplantation d’organes vascularisés (rein, foie, cœur, poumon) à l’exclusion de la greffe de tissus et de cellules. De ce champ déjà vaste ont été exclues les sciences humaines et sociales, les questions éthiques et socioéconomiques qui constituent des domaines d’investigation en tant que tels et/ou des missions propres de l’Agence de la biomédecine.
Le groupe d’experts a centré sa réflexion autour des questions suivantes :
• Quelles sont les connaissances actuelles sur la tolérance centrale et périphérique et leurs applications pour diminuer (ou supprimer) l’immunosuppression ?
• Quelles sont les connaissances sur les mécanismes immunologiques et non immunologiques du rejet et les facteurs entrant en jeu dans le rejet à court et long terme ?
• Quelles sont les cibles thérapeutiques potentielles pour déplacer l’équilibre tolérance-rejet en faveur de la tolérance ?
• Comment peut-on optimiser le traitement immunosuppresseur en jouant sur la dose, la biodisponibilité, la combinaison, la conversion ou le retrait des immunosuppresseurs ? Quelles sont les perspectives d’utilisation de protocoles à la carte (individuels) en fonction des différents paramètres individuels (biologiques, pharmacogénétiques) ?
• Quelles sont les connaissances sur les nouvelles voies d’immunosuppression à la recherche d’une spécificité ?
• Quelles sont les avancées scientifiques et techniques permettant de mieux contrôler la qualité du greffon ?
• Quel est l’impact du syndrome d’ischémie/reperfusion sur la qualité du greffon et le succès de la greffe ?
• Peut-on identifier des marqueurs de la défaillance du greffon ?
• Quels sont les mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu au cours de l’ischémie/reperfusion ?
• Quelles sont les possibilités d’élargissement du nombre de donneurs sans mettre en péril le succès de la transplantation : donneurs vivants, donneurs en arrêt cardiaque, donneurs marginaux ?
• Quels sont les meilleurs moyens d’évaluation du donneur potentiel et quel est l’impact de cette évaluation sur la greffe ?
• Quels sont les résultats cliniques chez les patients greffés selon le type de donneurs à court et long terme ? Peut-on établir un score de risque pour le receveur ?
• Quels types de « management » du donneur permettent d’augmenter la qualité du greffon ? Quels sont les marqueurs pronostiques de la qualité de l’organe ?
• Quelles sont les connaissances actuelles sur les complications les plus fréquentes après transplantation liées à la chirurgie, aux infections, à l’immunosuppression ? Comment les limiter ?
L’essentiel de l’analyse réalisée par le groupe d’experts à partir de la littérature internationale a porté sur la transplantation chez l’adulte. Pour compléter cet état des lieux, le groupe d’experts a auditionné deux spécialistes de la transplantation hépatique et rénale chez l’enfant en France.

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