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Med Sci (Paris). 33(4): 397–403.
doi: 10.1051/medsci/20173304009.

Des séquences rétrovirales endogènes dans le génome humain peuvent jouer un rôle physiologique ou pathologique

Julie Medina,1** Benjamin Charvet,2,3,4,5,6,7 Pascal Leblanc,6,8 Raphaële Germi,9,10 Branka Horvat,2,3,4,5,6,7 Patrice N. Marche,11,12 and Hervé Perron1,5,13*

1GeNeuro Innovation, Bioparc Laënnec, 60, avenue Rockefeller, 69008Lyon, France
2CIRI, Centre International de Recherche en Infectiologie;  
3Inserm, U1111, Lyon, France
4CNRS, UMR5308, Lyon, France
5Université Lyon-1, Faculté de Médecine Laënnec, 69008Lyon, France
6Institut NeuroMyogène (INMG), CNRS UMR5310, Inserm U1217, LBMC, École Normale Supérieure de Lyon, France
7Laboratoire d’Excellence ECOFECT, Lyon, France
8UMR 5239 CNRS-ENS, Université Lyon 1, Lyon, France
9Laboratoire de Virologie, Institut de Biologie et Pathologie, CHU de Grenoble, France
10Institut de Biologie Structurale, UMR 5075 CEA/CNRS/UGA, Grenoble, France
11Inserm U1209, Grenoble, France
12Institut Advance Biosciences, CNRS UMR5309, UniversitéGrenoble Alpes 
13GeNeuro, 18, chemin des Aulx, 1228 Plan-Les-Ouates, Genève, Suisse
Corresponding author.
 

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Les processus impliqués dans l’activation des rétrovirus endogènes humains (human endogenous retrovirus ou HERV) qui ont conservé un potentiel d’expression latent chez l’homme sont encore mal décrits [48] (). En effet, bien que les quelques HERV avec des séquences codantes (cadres de lecture ouverts) soient épigénétiquement réprimés dans les conditions physiologiques, la littérature comporte plusieurs exemples d’agents infectieux capables d’activer leur expression comme des herpèsvirus, des lentivirus (comme le virus de l’immunodéficience humaine [VIH]), des orthomyxovirus (tel que le virus de la grippe ou influenza) ou un parasite (comme Toxoplasma gondii) [1, 2].

(→) Voir la Synthèse de J. Medina et H. Perron, m/s n° 2, février 2017, page 151

Ces facteurs environnementaux peuvent abolir leur contrôle épigénétique et/ou « réveiller » leur expression. C’est ainsi que des publications scientifiques titrent : « l’ennemi de l’intérieur : des anciens rétrovirus dormants (sont) réveillés » [3]. Nous illustrerons ici ce phénomène en prenant les Herpesviridae pour exemple.

Induction de l’expression de rétrovirus endogènes par les Herpesviridae humains

Bien que nos connaissances des mécanismes d’activation des séquences rétrovirales endogènes soient encore incomplètes, l’implication d’agents infectieux exogènes comme les Herpesviridae humains (que nous appellerons ici communément herpèsvirus) a été démontrée (Figure 1).

Rôle des herpèsvirus sur la transcription et l’expression de protéines ou virions endogènes
Les herpèsvirus tels que HSV-1 (herpes simplex virus-1), EBV (virus d’Epstein Barr), HCMV (cytomégalovirus humain), HHV-6 et HHV-8 (Herpesviridae humains 6 et 8) ont montré des effets transactivateurs qui s’avèrent d’efficacité variable en fonction des séquences HERV cibles et des tissus ou cellules concernées [2].

L’infection par HSV-1 induit, in vitro, la transcription d’éléments HERV-W [2] alors que les virus HHV-6A et -6B transactivent l’expression de l’ARN codant la protéine d’enveloppe HERV-K [4], mais aussi celle d’HERV-W dans certaines cellules (communication personnelle B. Charvet). EBV et HCMV sont eux capables de transactiver respectivement les gènes env et pol des deux éléments HERV-K et HERV-W [57]. En effet, la glycoprotéine d’enveloppe d’EBV (la gp350) active la transcription de la famille HERV-W dans les cellules astrocytaires et lymphoïdes [5], montrant ainsi les spécificités multiples, virales, cellulaires et de famille (voire d’éléments) HERV, requises pour que ces transactivations soient effectives.

Rôle de HCMV et EBV sur la méthylation
Les mécanismes de répression de l’expression des séquences HERV sont variés mais la méthylation des îlots CpG (cytosine-phosphate-guanine) présents dans leur séquence est la mieux décrite. Une levée de cette répression épigénétique par les herpèsvirus pourrait ainsi expliquer la réactivation de certains HERV [8]. Comme représenté dans la Figure 1 , HCMV et EBV présentent un potentiel « déméthylant » des séquences HERV [9, 10]. En effet, HCMV peut induire une hypométhylation de la chromatine en rétro-transloquant les ADN-méthyltransférases 1 et 3 (DNMT-1, -3) nucléaires dans le cytoplasme permettant l’activation des séquences HERV-K (ou HML-2 [human mouse mammary tumor virus like-2]) [9].
Activation des LTR par HSV-1
HSV-1 est connu pour stimuler l’expression de rétrovirus exogènes comme le VIH en activant leur LTR (long terminal repeat) par ses protéines ICP(infected cell polypeptide)0, ICP4, ICP27 et US(unique short)11 [11]. Certaines protéines du virus sont également actives sur la transcription des HERV. En effet, ICP0, en se fixant sur le site AP-1 (activator protein-1) du LTR de HERV-K, et IE1 (immediate early protein 1), sur le site Oct-1 (octamer-binding transcription factor) de la région U3 du LTR HERV-W, initient leur transcription [12, 13]1.

Une forte transactivation rétrovirale induite par HSV-1 a été observée ex vivo dans des cellules isolées de patients atteints de SEP, après surinfection par le virus ou transfection avec ses gènes « immédiats-précoces », ICP0 et ICP4 [2, 14]. Cependant, en plus des particules herpétiques et rétrovirales qui sont co-exprimées dans les cultures de cellules leptoméningées2, de patients atteints de sclérose en plaques (SEP) après infection par HSV-1, l’observation par microscopie électronique de morphologies anormales suggère la formation de particules hybrides, comme illustré dans la Figure 2 . Ceci pose la question de l’existence possible d’une interaction entre un herpèsvirus infectieux et un HERV qui pourrait aller au-delà de la simple transactivation, comme pour la vectorisation, déjà décrite, d’un ERV animal par le virus de la maladie de Marek3, un herpèsvirus aviaire [15].

Les récepteurs des fragments du complément
L’engagement des récepteurs membranaires des fragments du complément, notamment le C3b, semble aussi jouer un rôle important dans la transactivation d’HERV. En effet, les gènes de latence d’EBV, LMP (latent membrane protein)-1 et LMP-2A, qui codent des protéines membranaires impliquées dans la survie des lymphocytes B infectés [16], peuvent transactiver HERV-K18 via une interaction avec le CD21 ou CR2 (complement receptor type 2), récepteur du C3d exprimé par les lymphocytes B [17]. Cette transactivation étant quasi immédiate après l’entrée d’EBV dans les cellules, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une réplication virale. De même, la transcription du superantigène HERV-K18 serait induite par l’interaction de la glycoprotéine H de l’herpèsvirus HHV-6B avec le CD46 [18], un récepteur ubiquitaire des fragments C3b et C4b du complément, un dimère immunorégulateur dont la queue cytoplasmique est contituée des sous-unités Cyt1 ou Cyt2, respectivement anti- et pro-inflammatoire [19]. La modulation de la réponse innée pourrait donc influer sur l’état d’activité des séquences HERV-K.
HERV et physiopathologie : ami ou ennemi ?
Des protéines endogènes physiologiques ou protectrices
La mobilité des ERV a participé à l’évolution des espèces et, chez l’homme, des séquences HERV ont été apprivoisées. Ces séquences, bien identifiées, présentent des mutations et des modifications qui leur confèrent une signature moléculaire unique et des propriétés biologiques favorables pour l’organisme hôte.

C’est le cas, maintenant bien étudié, d’une copie HERV-W fixée dans le chromosome 7 humain (HERV-W 7q) : ses gènes gag et pol sont inactivés, mais le gène env (locus ERVWE-1) présente des mutations et au moins une délétion spécifique par rapport aux autres copies HERV-W env (Figure 3). Ce locus permet l’expression spécifique d’une protéine appelée Syncytine-1 [20] qui est impliquée dans l’implantation embryonnaire et la formation du syncytiotrophoblaste placentaire. Son défaut d’expression est associé à des syndromes de pré-éclampsie [21]. La Syncytine-1 serait aussi régulée par la Suppressyne, une protéine d’enveloppe sans région transmembranaire, ayant pour origine un gène HERV-F intégré dans le chromosome 21 [22]. Bien que les protéines de la famille HERV-W, Syncytine-1 et MSRV-Env (multiple sclerosis retrovirus envelope protein), présentent une homologie de séquence de 90 % (Figure 3), elles se localisent différemment après transfection in vitro dans des cellules humaines (Figure 4). Ainsi, au-delà de la régulation physiologique ou pathologique de l’expression de ces protéines HERV-W, quelques différences de séquence suffisent à modifier leurs propriétés biologiques. Un provirus défectif (ne produisant pas de particules virales) comme celui qui code la Syncytine-1 n’en est pas moins actif dans des conditions restreintes, de tissus et de types cellulaires spécifiques. Ces spécificités multiples de facteurs et de conditions, permettant l’activation et l’expression des HERV, sont donc aussi requises pour une expression de copies devenues physiologiques.

L’expression de protéines, voire d’ARN interférents, d’ERV peut s’avérer protectrice contre des copies pathogènes apparentées. Chez la souris, le gène Fv-1 (Friend virus-1), relié au gène gag de la famille ERV-L murine, a été décrit comme un gène de résistance à l’infection par le virus de la leucémie murine (MLV) [23]. De même, chez le mouton, des copies endogènes du rétrovirus Jaagsiekte (JSRV) sont capables de protéger leur hôte contre la pathogénicité des copies exogènes du même virus, responsable de cancer du poumon à petites cellules (adénomatose ovine pulmonaire) [24]. Des copies « protectrices » analogues pourraient exister chez l’homme, mais cela n’est pas connu à ce jour.

Les protéines endogènes pathogènes
L’expression de protéines d’HERV est aussi associée à des maladies humaines. Nous prendrons comme exemple la sclérose en plaque (SEP) et la sclérose latérale amyotrophique (SLA) [49] ().

(→) Voir la Synthèse de P. Ellul et al., page 404 de ce numéro

La sclérose en plaque L’évaluation histopathologique du tissu cérébral de patient atteint de SEP a montré des lésions inflammatoires démyélinisantes dans la substance blanche du système nerveux central, des défauts de remyélinisation par les cellules précurseurs d’oligodendrocytes (OPC) et des lésions axonales, avec une dégénérescence neuronale dans la substance grise [25]. Ces lésions altèrent la transmission des influx nerveux occasionnant des symptômes variables : pertes de motricité, troubles de la vision, sensibilité altérée ou anormale, troubles de la coordination, etc. Généralement, la SEP évolue par poussées au cours desquelles les symptômes sont exacerbés puis régressent, mais ils finissent par laisser des séquelles. Une progression chronique de la maladie sans récupération fonctionnelle peut alors devenir très invalidante. La SEP touche, selon les régions, entre moins de 30 et plus de 200 personnes sur 100 000 avec une proportion de deux femmes pour un homme.

La compréhension globale des facteurs étiologiques qui pourraient directement ou indirectement être impliqués dans la SEP conduit à incriminer une interaction « gène-environnement ». Les HERV, qui présentent cette dualité génomique et virale, offrent alors une nouvelle vision de ce que peut être cette interface « gène-environnement ».

L’idée qu’un rétrovirus puisse jouer un rôle dans la SEP avait été évoquée mais l’implication d’un rétrovirus exogène classique, donc infectieux, proche du virus humain T-lymphotrope (HTLV-1) avait été suggérée [26]. C’est la raison pour laquelle la découverte d’un nouveau rétrovirus humain dans la SEP (appelé MSRV, multiple sclerosis-associated retrovirus ou élément rétroviral associé à la sclérose en plaques) dont les séquences ont révélé l’existence d’une famille d’HERV jusqu’alors inconnue, puis caractérisée et dénommée HERV-W [27], a initialement été considérée comme anecdotique.

D’autres études ont par la suite exploré et dévoilé progressivement les caractéristiques génétiques et biologiques inattendues de cet HERV. Ainsi, les séquences HERV-W, isolées de particules rétrovirales provenant de cultures de cellules de patients atteints de SEP, codent une protéine d’enveloppe biologiquement active (MSRV-Env) qui est capable d’activer les cascades physiopathologiques à l’origine des signes pathognomoniques de la SEP. En particulier, MSRV-Env peut induire une activation de type superantigène (activation polyclonale, donc disproportionnée, indépendante de la spécificité de l’antigène reconnu) des lymphocytes T [28], elle-même conditionnée en amont à une stimulation de l’immunité innée impliquant le récepteur TLR4 (Toll-like receptor 4) avec des effets pro-inflammatoires [29]. MSRV-Env peut promouvoir l’activation des macrophages, la différenciation des cellules dendritiques, une réponse auto-immune anti-myéline et peut induire une encéphalomyélite auto-immune expérimentale dans le modèle animal expérimental de la SEP [30]. MSRV-Env agit également sur les cellules endothéliales vasculaires cérébrales, qui expriment TLR4, affectant la perméabilité vasculaire et l’expression de récepteurs d’adhésion cellulaire (ICAM-1, intercellular adhesion molecule 1), ce qui contribue à l’invasion du système nerveux par les leucocytes circulants [31].

Sur les cellules gliales, les particules MSRV induisent un effet cytopathique avec une activité transcriptase inverse (RT) [32]. Les mécanismes moléculaires correspondants n’ont pu être élucidés jusqu’à la démonstration récente que l’interaction entre MSRV-Env et TLR4, exprimé transitoirement dans les OPC, provoque un blocage de leur différenciation et, en conséquence, l’arrêt du processus de remyélinisation [33]. La détection systématique de MSRV-Env associée aux cellules microgliales et macrophagiques dans les zones de démyélinisation cérébrales actives de SEP, désignent cette protéine comme une cible thérapeutique potentielle [34].

Une nouvelle approche thérapeutique est actuellement évaluée avec un anticorps monoclonal humanisé neutralisant l’activité pathogène de MSRV-Env, in vitro et in vivo, au niveau immuno-inflammatoire [35], mais aussi en ce qui concerne le blocage de la remyélinisation par les OPC [36]. Cet anticorps, le GNbAC1, est actuellement en phase IIb des essais cliniques (étude réglementaire d’efficacité) chez des patients atteints de SEP. Ceci fait suite aux études de phase I et IIa pour évaluer la sécurité et la tolérance médicamenteuse ainsi que la pharmacocinétique du produit chez des volontaires sains, puis chez des patients atteints de SEP, chez lesquels une injection mensuelle de GNbAC1 pendant un an n’a montré aucune perturbation de leurs fonctions immunitaires [37]. D’autres approches thérapeutiques fondées sur des antirétroviraux utilisés pour le traitement de rétrovirus exogènes comme le VIH, n’ont pas donné de résultat positif à ce jour.

La sclérose latérale amyotrophique La SLA (encore appelée maladie de Charcot) est une maladie dégénérative du neurone moteur du cortex, du tronc cérébral et de la moelle épinière. La SLA provoque une paralysie progressive de la majorité de la musculature squelettique impliquée dans la motricité volontaire. L’aggravation de la maladie est actuellement irréversible et le décès, souvent par insuffisance respiratoire, survient pour plus de 70 % des patients dans les 3 à 5 ans après le diagnostic [38].

La SLA est actuellement classée comme une maladie des protéines, ou « protéinopathie », au même titre que d’autres maladies neurodégénératives (prion, Alzheimer, Parkinson, démence à corps de Lewy, maladie de Huntington) [39]. Dans plus de 90 % des cas, la SLA est en effet associée à la présence d’inclusions cytoplasmiques majoritairement composées d’une forme pathologique de la protéine cellulaire Tar DNA binding protein 43 (TDP-43) mal conformée dans les neurones moteurs et les oligodendrocytes [40]. L’origine de la SLA est certainement complexe. On estime que 90 % des cas sont sporadiques et 10 % sont héréditaires. Ces derniers sont associés à des mutations dans des gènes comme c9orf72 (chromosome 9 open reading frame 72) ou tdp43 [41] alors que les formes sporadiques restent encore à ce jour très peu comprises.

Dès les années 1970, l’hypothèse d’une infection virale à l’origine de la SLA a été suspectée. Puis les rétrovirus ont été privilégiés en raison de la découverte d’une activité transcriptase inverse (RT) d’origine rétrovirale dans le cerveau et dans le sang de patients atteints de SLA [42].

Des études menées sur des cohortes de patients atteints de SLA sporadique mais séronégatifs pour les rétrovirus infectieux connus, ont indiqué que plus de 50 % d’entre eux présentaient dans leur sang une activité RT aussi importante que celle mesurée chez des individus infectés par le VIH-1, contre seulement 10 % chez des individus contrôles [43]. C’est en 2011 que l’équipe d’Avindra Nath a identifié et caractérisé la famille de rétrovirus endogènes humains HERV-K comme étant l’origine de cette activité RT [44]. Au cours de ces études, une activation spécifique de HERV-K a été mise en évidence dans les neurones des patients atteints de SLA corrélée à une augmentation des ARN viraux (gag-pol et env). Les glycoprotéines d’enveloppe (Env) et la RT ont également été détectées. Dans des cultures de neurones humains, et chez des souris transgéniques, la glycoprotéine d’enveloppe HERV-K induit une dégénérescence des neurones moteurs associée à une diminution du cortex moteur, de l’activité synaptique et à une atrophie musculaire conduisant à un déficit moteur important [45]. Par ailleurs, d’autres études ont indiqué qu’in vitro, l’expression de HERV-K était régulée par la protéine TDP-43 [46] et récemment, Manghera et al. ont observé que TDP-43, sous sa forme agrégée pathologique, pouvait induire l’accumulation de protéines virales HERV-K dans les neurones [47]. L’ensemble de ces données expérimentales suggèrent donc une relation étroite entre, d’une part, la protéine TDP-43 et ses formes mutantes et le rétrovirus endogène HERV-K, d’autre part, dans la pathogénie de la SLA.

L’activation de HERV-K semble donc participer au processus pathologique de la SLA. Cependant, comme avec HERV-W pour la SEP, il est concevable que des facteurs multiples et variables de l’environnement puissent être des « initiateurs » d’une activation ciblée, puis auto-entretenue, de copies HERV-K dont la glycoprotéine d’enveloppe serait alors motrice dans le processus pathologique de la SLA. Les études en cours apporteront des réponses qui devraient permettre de préciser ou de modifier cette hypothèse.

Conclusions et perspectives

On comprend aujourd’hui que les séquences provenant des éléments génétiques mobiles, qui furent probablement un moteur moléculaire de l’évolution des génomes et le restent peut-être encore, comme cela a été montré chez le koala [48] () ont laissé des vestiges considérables dans le génome humain. En effet, elles représentent environ la moitié des séquences ADN génomiques humaines et, bien que l’immense majorité soit devenue inactive par l’accumulation de mutations et de modifications somatiques de leur ADN, certaines ont conservé des capacités fonctionnelles partielles ou complètes.

(→) Voir la Synthèse de J. Medina et H. Perron, m/s n° 2, février 2017, page 151

Ces « vestiges » sont majoritaires dans notre génome car les séquences codant les protéines physiologiques ou somatiques représentent moins de 3 % du génome humain. Les plus complexes proviennent d’insertions germinales d’origine rétrovirale (HERV) qui représentent environ 8 % des séquences de l’ADN humain. Les HERV font actuellement l’objet d’un intérêt particulier depuis la mise en évidence de leur implication dans des fonctions tant physiologiques que pathologiques. Les premières se révèlent essentielles à l’homme puisque dans le processus de reproduction, la protéine d’enveloppe HERV-W « domestiquée » (la Syncytine-1) s’avère critique pour la placentation et, au-delà, pour le développement fœtal. Les secondes permettent d’identifier de nouvelles molécules impliquées dans la pathogénie de maladies aujourd’hui incurables dont elles peuvent être un dénominateur commun en amont des cascades physiopathogéniques initiées par des facteurs environnementaux. Ainsi, de nouvelles cibles thérapeutiques, avec des molécules inhibitrices ou neutralisantes des interactions spécifiques avec des récepteurs impliqués dans la pathogénie, sont maintenant identifiées et étudiées dans des maladies comme la SEP et la SLA. Ceci offre déjà des perspectives encore inconcevables avant les découvertes de ces dernières décennies dans le domaine des HERV.

En conclusion, et quoiqu’il en soit des études cliniques actuelles, le domaine scientifique défini par les séquences génétiques mobiles représente un nouveau champ d’exploration extrêmement vaste et fort méconnu en biologie humaine. Cette terra incognita est probablement une nouvelle et immense frontière pour la recherche et l’innovation thérapeutique des temps à venir.

Liens d’intérêt

J. Medina et H. Perron déclarent avoir des liens durables avec l’entreprise GeNeuro-Innovation, 60, avenue Rockefeller, 69008 Lyon, France.

B. Charvet, P. Leblanc, R. Germi, B. Horvat et P.N. Marche déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Pour une description des rétrovirus, voir [48].
2 La leptoméninge est la partie des méninges issue des crêtes neurales, et qui comprend la pie-mère et l’arachnoïde.
3 Lymphome touchant les gallinacés, en particulier les élevages de poules/poulets.
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