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Med Sci (Paris). 33(4): 380–382.
doi: 10.1051/medsci/20173304004.

XBP1 et réponse inflammatoire des macrophages alvéolaires au cours de la mucoviscidose

Bob A. Lubamba1*

1Marsico lung institute/cystic fibrosis research center, The University of North Carolina at Chapel Hill, 125 Mason Farm Road Chapel Hill, NC 27599, États-Unis
Corresponding author.
 

La mucoviscidose est la plus fréquente des maladies génétiques héréditaires graves dans la population caucasienne. Le gène responsable de cette pathologie code la protéine cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR) dont l’altération est à l’origine d’un mucus plus visqueux et plus abondant. Bien que la qualité du mucus présent dans de nombreux organes soit affectée, les atteintes respiratoires sont la cause majeure de mortalité et de morbidité des défauts de ce gène. L’excès de mucus et l’absence d’élimination mucociliaire favorisent les infections bronchiques par des bactéries opportunistes comme Pseudomonas aeruginosa et Hemophilus influenzae. Ces infections sont à l’origine d’une réponse inflammatoire exacerbée au niveau des voies respiratoires. Devenant chronique, ce processus inflammatoire provoque la destruction des tissus pulmonaires entraînant une perte progressive de la fonction respiratoire allant jusqu’au décès. Plusieurs équipes de recherche ont montré le lien entre déficience du système immunitaire des patients atteints de mucoviscidose et augmentation de la viscosité du mucus et diminution de clairance mucociliaire avec pour conséquence l’incapacité des macrophages alvéolaires (AMϕ) de naviguer dans les voies respiratoires, les rendant inefficaces. Des thérapies, en cours de développement, ciblant directement les mécanismes biologiques dus au dysfonctionnement de la protéine CFTR apparaissent très prometteuses. Parmi celles-ci, celles qui présentent le plus fort potentiel thérapeutique visent à moduler l’activité de CFTR afin d’améliorer le transport des ions chlore et sodium, de diminuer la viscosité du mucus et ainsi d’augmenter la clairance mucociliaire. Toutefois, bien que légèrement atténuées par ces traitements, l’inflammation et l’infection persistent [1].

Stress du réticulum endoplasmique et XBP1

Le réticulum endoplasmique (RE) est le principal compartiment subcellulaire impliqué dans le repliement et la maturation des protéines membranaires ou sécrétées. Les stress subis par la cellule peuvent altérer la fonction de cet organite, ce qui conduit à l’accumulation de protéines qui sont anormalement repliées. Cette accumulation de protéines anormales dans le RE active une série de mécanismes de réparation connus sous le nom de réponse aux protéines mal repliées ou unfolded protein response (UPR) [2]. L’UPR, qui est une réponse adaptative, a pour but de restaurer l’homéostasie du RE par (a) l’atténuation de la synthèse protéique globale, (b) la synthèse accrue de protéines chaperonnes dans le RE (impliquées dans le repliement des protéines) et (c) l’augmentation de l’élimination des protéines anormales accumulées, soit par leur exportation par les voies de sécrétion, soit par leur dégradation (ER [endoplasmic reticulum]-associated degradation, ERAD). Si l’homéostasie du RE n’est pas restaurée, l’activation de l’UPR conduit à l’apoptose des cellules. Dans les cellules de mammifères, la réponse UPR est contrôlée principalement par trois protéines transmembranaires exprimée au niveau du RE. Il s’agit de PERK (PKR [protein kinase R]-related endoplasmic reticulum kinase), ATF6 (activating transcription factor 6) et IRE1 (inositol requiring enzyme 1) [3] ().

(→) Voir la Synthèse de M. Bouchecareilh et E. Chevet, m/s n° 3, mars 2009, page 281

Parmi ces protéines, seule IRE1 est conservée au cours de l’évolution. IRE1 existe sous deux formes : α qui est exprimée de façon ubiquitaire et β qui n’est présente que dans l’intestin et dans les voies respiratoires. Lors du stress du RE, IRE1α induit l’épissage non conventionnel de l’ARN messager de XBP1 (X-box binding protein-1) (Figure 1) qui conduit à un changement du cadre de lecture et à la traduction d’une protéine nouvelle, XBP1s (spliced XBP1). XBP1s possède un domaine de transactivation situé au niveau de son extrémité C-terminale qui lui confère une activité de facteur de transcription. Les modèles de souris invalidées (knock out) pour le gène XBP1 ont montré l’implication de la protéine dans de nombreux processus physiologiques en particulier dans des fonctions qui ne sont pas directement liées au repliement des protéines, notamment dans l’inflammation et dans la différenciation cellulaire [4]. Par ces fonctions, XBP1 participe ainsi au développement de différentes pathologies comme les maladies inflammatoires. Même si pour l’heure, cette approche n’en est qu’à un stade embryonnaire, l’utilisation de produits ciblant XBP1 constitue donc une nouvelle stratégie thérapeutique.

Un lien entre CFTR et réponse inflammatoire des macrophages alvéolaires humains ?

Les AMϕ représentent l’une des principales lignes de défense contre les pathogènes inhalés. Ces cellules phagocytent en effet les agents potentiellement pathogènes et sécrètent, en réponse, des médiateurs de l’inflammation et des facteurs de croissance. Les AMϕ sont exposés de façon chronique aux produits microbiens libérés au cours des infections. Sans résolution de ces infections, l’activation persistante des AMϕ, comme c’est le cas également pour les neutrophiles, peut être à l’origine de dommages affectant les poumons des patients, en particulier ceux atteints de mucoviscidose. La perte de fonction de CFTR, spécifiquement dans les AMϕ, est associée à une augmentation de la réponse inflammatoire des cellules. Elle contribue ainsi à l’évolution de la pathologie touchant les voies respiratoires des patients atteints de mucoviscidose [5]. Dans une étude récente [6], nous avons pourtant réfuté cette hypothèse. La relation entre l’absence de fonction de CFTR et l’hyperinflammation due aux AMϕ chez les patients atteints de mucoviscidose n’est, en effet, pas clairement établie. Plusieurs études réalisées chez la souris ont montré une contribution de CFTR dans la régulation de l’inflammation, mais pas dans l’hyperinflammation. Ainsi, les AMϕs de souris invalidées pour le gène CFTR, exposées au lipopolysaccharide bactérien (LPS), présentent des réactions inflammatoires exacerbées [5], et l’inhibition ou la mutation de la protéine dans les AMϕ murins affecte la réponse cytokinique [7]. D’autres études, également réalisées dans le modèle de souris atteint de mucoviscidose, ont suggéré que l’expression de CFTR dans les AMϕ, qui est certes faible, était suffisante pour améliorer l’inflammation pulmonaire exacerbée [5, 8]. En revanche, d’autres travaux ont montré qu’en l’absence de CFTR, l’expression de TLR4 (Toll-like receptor 4), un récepteur membranaire des macrophages impliqué dans l’activation des cellules et reconnaissant le LPS, est augmentée dans les macrophages murins et humains, ce qui conduit à une augmentation de la réponse pro-inflammatoire de ces cellules [9].

Dans notre étude [6], nous avons comparé l’expression de CFTR dans les AMϕ et les cellules épithéliales humains. Nous avons montré que l’expression de de la protéine dans les AMϕ était très faible, ou non détectable, suggérant soit que les AMϕ humains n’expriment pas CFTR, soit que la protéine était faiblement présente dans ces cellules. Chez des patients atteints de mucoviscidose, ce très faible niveau de CFTR pourrait néanmoins être important pour la fonction des AMϕ et être impliqué dans la réponse inflammatoire exacerbée vis-à-vis du LPS. Afin d’évaluer ce possible rôle de CFTR dans des AMϕ humains sains, nous avons utilisé un inhibiteur spécifique de la protéine, le CFTRinh-172. L’inhibition pharmacologique de CFTR n’a eu aucun effet sur la réponse inflammatoire tant au niveau basal qu’après un traitement au LPS. L’hyperinflammation observée dans les AMϕ de patients atteints de mucoviscidose n’est donc pas liée à un défaut de la fonction de CFTR. Notre étude montre également que les cultures primaires d’AMϕ isolés de ces patients produisent en grande quantité des médiateurs inflammatoires, et que cette réponse des cellules reflète en fait une adaptation à l’environnement infectieux et inflammatoire des voies respiratoires des patients.

Rôle de la voie IRE1α/XBP1 dans la réponse inflammatoire des AMϕ chez les patients atteints de mucoviscidose

L’activation de l’UPR a été reliée aux réponses inflammatoires de l’épithélium des voies respiratoires chez les patients atteints de mucoviscidose. Des études récentes ont en effet montré que des niveaux accrus de XBP1s, nécessaire à la production de cytokines, sont observés dans les épithéliums fraîchement isolés des patients [10, 11]. Ces résultats suggèrent que XBP1s joue un rôle central dans l’inflammation de l’épithélium des voies respiratoires des patients atteints de mucoviscidose. Nous avons donc émis l’hypothèse selon laquelle la réaction des AMϕ des patients atteints de mucoviscidose exposés vis-à-vis du LPS dépendrait de l’activation de la voie IRE1α/XBP1 de l’UPR, les AMϕ de ces patients présentant une hyperinflammation associée à l’activation de IRE1α.

L’activation de IRE1α, dans des macrophages isolés de la moelle osseuse de souris ou issus de monocytes humains circulants, est liée à la production de cytokines [12]. Nous avons démontré pour la première fois que XBP1s est nécessaire à la production de cytokines par les AMϕ et que les AMϕ isolés de patients atteints de mucoviscidose présentaient un niveau élevé de XBP1s [6]. Ces conclusions sont fondées sur un ensemble de résultats : (a) une augmentation des niveaux de XBP1s a été associée à un accroissement de la production de cytokines induite par le LPS dans des AMϕ sains et des AMϕ de patients atteints de mucoviscidose ; (b) un traitement avec l’inhibiteur de IRE1α (le 4u8C) réduit l’augmentation d’expression de XBP1s et des médiateurs inflammatoires induits par le LPS dans des AMϕ sains et des AMϕ de patients atteints de mucoviscidose ; (c) l’altération de XBP1 par extinction (knock-down) du gène dans la lignée cellulaire monocytaire humaine THP11 réduit l’augmentation du niveau de XBP1s et des médiateur inflammatoires induits par le LPS ; (d) la surexpression d’un dominant négatif-XBP1 (correspondant à XBP1 présentant un domaine de transactivation modifié) dans les cellules THP1 diminue l’expression de XBP1s et des médiateurs inflammatoires induits par le LPS ; et (e) les cultures de macrophages sur-exprimant XBP1 présentent, outre l’accroissement de XBP1, une augmentation de la production des médiateurs inflammatoires induits par le LPS.

Conclusion

Notre étude a montré que les AMϕ des patients atteints de mucoviscidose présentent une augmentation de la production et de la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Cette réponse inflammatoire reflète une adaptation cellulaire au milieu infectieux/inflammatoire des voies respiratoires des patients et requiert l’activation de la voie IRE1α/XBP1 de l’UPR. Le LPS induit, dans les AMϕ de patients atteints de mucoviscidose, une très forte réponse inflammatoire associée à l’activation de XBP1s via le TLR4. Ces résultats montrent que le ciblage d’IRE1α/XBP1 peut être une stratégie thérapeutique permettant de diminuer la réponse inflammatoire des AMϕ des patients atteints de mucoviscidose.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Nous remercions nos collègues et plus particulièrement le Dr. Carla Ribeiro qui ont participé à cette étude et présentons nos excuses à ceux dont les travaux n’ont pu être cités faute d’espace suffisant.

 
Footnotes
1 Lignée cellulaire monocytaire dérivée d’un patient atteint de leucémie aiguë monocytaire.
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