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Med Sci (Paris). 33(2): 143–150.
doi: 10.1051/medsci/20173302009.

Comment l’approche génomique aide à comprendre le processus d’initiation de la réplication

Benoit Miotto1,2*

1Inserm U1016, Institut Cochin, Paris, France; CNRS, UMR8104, Paris, France
2Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014Paris, France
Corresponding author.
 

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La réplication de l’ADN dépend de l’assemblage, au niveau de régions particulières du génome appelées origines de réplication, de plusieurs complexes multi-protéiques essentiels au recrutement des polymérases de l’ADN. Cet assemblage se réalise dans un ordre bien précis et de manière finement régulée au cours du cycle cellulaire pour permettre l’initiation de la réplication lors de la phase S, l’activation des origines une seule fois par cycle, et de manière temporelle au cours de la phase S [1, 2]. Chez les eucaryotes, l’étape initiale consiste en l’assemblage du complexe de pré-réplication (pré-RC) au cours de la phase G1 du cycle cellulaire. Ce complexe est formé par l’assemblage successif du complexe ORC1-6 (origin recognition complex 1-6), des protéines CDC6 (cell division cycle 6) et CDT1 (chromatin licensing and DNA replication factor 1), et finalement de deux complexes MCM2-7 (mini-chromosome maintenance 2-7) [1]. À l’entrée en phase S, l’activation des kinases CDK2 (cyclin dependent kinase 2) et CDC7 (cell division cycle 7-related protein kinase) conduit au recrutement des facteurs d’initiation de la réplication et à la duplication de l’ADN [1, 2].

Le développement des technologies modernes de séquençage en masse, ainsi que l’établissement de protocoles sophistiqués, a permis de cartographier la position des sites d’initiation de la réplication et des sites de liaison des protéines de réplication dans des espèces aussi variées que les levures, la drosophile, la souris ou l’homme [3]. De nombreuses similitudes ont été retrouvées lors de l’analyse des données d’une espèce à l’autre. Ainsi, l’initiation de la réplication se produit dans des régions (ou zones) particulières et de manière bidirectionnelle. Les origines de réplication sont souvent associées à des éléments régulateurs de la transcription, comme les promoteurs et les séquences cis-régulatrices, suggérant que les mécanismes impliqués dans la régulation de la transcription pourraient également s’appliquer à la régulation de l’initiation de la réplication [410].

Une analyse plus approfondie des données démontre, toutefois, que les mécanismes de recrutement du complexe ORC et d’initiation de la réplication diffèrent d’une espèce à l’autre [3]. Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, un motif ADN de 11 paires de bases permet de recruter ORC et de spécifier une origine de réplication. À l’inverse, chez l’homme ou la souris, aucune séquence spécifique n’est détectée au niveau des régions auxquelles se lie le complexe ORC et les sites d’initiation de la réplication sont plus diffus. Ces différences pourraient s’expliquer par des propriétés biochimiques nouvelles des protéines composant le pré-RC ou encore l’évolution de la structure et de la taille des génomes. De fait, l’extrapolation de nombreuses observations d’un système cellulaire (ou animal) à l’autre se révèle hasardeuse et de nombreux modèles historiques du contrôle de l’initiation de la réplication chez l’homme se révèlent en fait obsolètes.

Cette revue a pour but de faire un état des lieux des connaissances sur les mécanismes de détermination des origines de réplication dans le génome humain, tout en mettant en avant les limitations des méthodologies actuelles et les questions qui restent en suspens.

Combien d’origines et de classes d’origines de réplication dans le génome humain ?

Des efforts récents ont permis de développer des protocoles expérimentaux capables d’identifier la position des origines à l’échelle du génome. Il est ainsi possible de purifier les bulles de réplication qui se forment aux origines, lors de l’initiation de la réplication, de purifier les segments d’ADN nouvellement synthétisés dans la bulle (SNS), de purifier les fragments d’Okazaki [41] (), ou de purifier les séquences ADN liées par le complexe ORC (Figure 1). Couplées à un séquençage en masse et une analyse informatique, ces approches permettent d’identifier les zones d’initiation de la réplication et de liaison du facteur ORC dans le génome humain, dans différents types cellulaires et en réponse à différentes conditions environnementales [410].

(→) Voir la Nouvelle de S. Marion de Procé, m/s n° 10, octobre 2015, page 821

Chez l’homme, l’ensemble des études indique que les origines de réplication se présentent sous forme de zones, de quelques kilobases, bien définies sur le génome. En fonction des protocoles et des types cellulaires entre 50 000 et 200 000 origines sont identifiées [410]. Leur nombre pourrait toutefois être encore plus important car certaines origines pourraient ne pas être activées de manière suffisamment robuste ou fréquente pour être détectées sans ambiguïté expérimentalement.

Il existe cependant un paradoxe entre le nombre d’origines détecté par ces approches génomiques et le nombre d’origines réellement utilisées par la cellule. Ainsi, fondé sur l’analyse de brins d’ADN ou de radio-marquage, 30 000 origines seraient utilisées à chaque cycle cellulaire pour permettre la réplication du génome humain [3]. Il n’existe, pour l’heure, pas d’explication satisfaisante permettant de rendre compte du fait que seule une infime partie des origines prédites soit utilisée dans chaque cellule [2]. Il est proposé que la cellule active, de manière aléatoire, un nombre limité d’origines (∼ 30 000) au sein d’une population plus importante d’origines potentielles (> 50 000). Ce processus permettrait une plus grande flexibilité et capacité d’adaptation à même de répondre aux changements environnementaux ou développementaux que les cellules rencontrent. Les origines potentielles non utilisées pourraient également constituer un programme de secours capable de compenser un défaut du programme de réplication. Ces origines, normalement inactives, seraient ainsi activées en cas de défaut de synthèse de l’ADN, au cours de la phase S, pour permettre une ré-initiation de la réplication en aval d’une fourche de réplication défectueuse. À l’heure actuelle, le débat reste ouvert entre ces deux interprétations qui sont, par ailleurs, mutuellement compatibles [2].

Les sites d’initiation de la réplication sont fréquemment des régions régulatrices de la transcription : simple coïncidence ?

La cartographie de l’ensemble des sites d’initiation de la réplication et de liaison de ORC dans le génome humain a montré un enrichissement dans les régions riches en guanine et cytosine [410]. Pourtant aucun motif ADN ne reflète, de manière globale, la distribution de ces origines, suggérant que des facteurs de la chromatine ou de la transcription puissent être impliqués.

Il existe ainsi une concordance entre sites d’initiation de la réplication et séquences cis-régulatrices de la transcription, notamment les sites promoteurs des gènes [410]. En effet, près de 30 % des sites d’initiation de réplication et des sites ORC sont retrouvés à proximité de promoteurs (Figure 3A) ou de séquences cis-régulatrices de gènes (Figure 3B). Malgré cet enrichissement, la majeure partie des sites n’est pas située au niveau de promoteurs ou de régions cis-régulatrices, indiquant que cette localisation, au sein d’une séquence du génome, n’est pas une caractéristique essentielle de la position des origines de réplication.

La coïncidence entre la localisation des sites d’initiation de la réplication et celle des sites de transcription suggère cependant que les deux types d’activité pourraient être co-régulés. La grande majorité des promoteurs qui sont associés à une origine de réplication sont transcrits, souvent de manière constitutive dans plusieurs types cellulaires. Pourtant, des analyses sophistiquées n’ont montré aucune corrélation entre le niveau d’expression d’un gène et l’affinité du complexe ORC et/ou le niveau d’initiation de la réplication au niveau du promoteur de ce gène [5, 9, 10, 16]. Les deux événements semblent donc indépendants l’un de l’autre. Un promoteur très actif peut être une origine de réplication peu robuste et, vice versa, un promoteur faiblement transcrit, une origine robuste.

Une caractéristique commune aux promoteurs, aux régions cis-régulatrices et aux sites d’initiation de la réplication, est la structure chromatinienne retrouvée dans ces régions. Celle-ci est souvent ouverte, les séquences ADN sont donc accessibles et de nombreux facteurs de transcription y sont liés (Figure 3C) [410, 16]. Bien qu’aucun ne soit détecté au niveau de l’ensemble des origines de réplication prédites, les facteurs de transcription pourraient cependant jouer un rôle clé dans l’initiation de la réplication. En se liant à l’ADN, ils pourraient faciliter le recrutement des facteurs de réplication, le remodelage de la chromatine et in fine permettre l’assemblage de la machinerie de réplication. Par exemple, l’inactivation des facteurs généraux de la transcription, comme NFYA (nuclear transcription factor y subunit alpha), HMGA1 (high mobility group at-hook 1), c-JUN, c-FOS ou MYC, altère le programme de réplication et la progression en phase S [1720]. Ces facteurs seraient donc importants localement et plusieurs d’entre eux pourraient fonctionner de manière équivalente au niveau d’origines différentes pour permettre le contrôle de l’initiation de la réplication. Par exemple, les facteurs de transcription c-JUN et c-FOS, tout comme le facteur de réplication CDT1, se lient à l’histone acétylase HBO1 [2022] qui est essentielle pour l’assemblage du complexe pré-RC au cours de la phase G1 et l’initiation de la réplication en phase S [20, 22]. Il est donc envisageable que CDT1, en coopération avec certains facteurs de transcription, puisse définir un site d’ancrage, et de régulation, de HBO1 au niveau des origines de réplication [1722].

Il a aussi été démontré que les voies de signalisation qui régulent la transcription agissent également sur les constituants du complexe pré-RC pour contrôler la réplication [23]. La juxtaposition des machineries de réplication et de transcription dans certaines régions du génome pourrait ainsi permettre de réguler simultanément les deux processus en réponse à des stimulus environnementaux ou développementaux communs. Il apparaît toutefois que ces effets auraient dû être examinés au niveau d’une origine en particulier, et non à l’échelle du génome. Différents laboratoires ont ainsi montré que, localement, l’activité transcriptionnelle pouvait influer sur les zones d’initiation de la réplication [3, 2427]. L’activité d’une origine de réplication serait en effet réduite si la région est transcrite et la position du site d’initiation affectée par le passage de la polymérase de l’ARN [2428]. Remus et ses collaborateurs (Institut Sloan Kettering, New York, États-Unis) ont élégamment confirmé ces observations en montrant, dans un système in vitro, que le passage de la polymérase de l’ARN mobilise le complexe MCM sur un brin de l’ADN, de sorte que l’initiation de la réplication se fait alors non plus au niveau du site ORC, mais dans la région de terminaison de la transcription [28]. Un tel phénomène pourrait expliquer la flexibilité du processus d’initiation de la réplication avec des sites ORC situés à distance des zones d’initiation de la réplication.

Comment se spécifient les origines de réplication ?

L’accessibilité de l’ADN serait l’un des déterminants majeurs de la position des origines de réplication et du contrôle de leur activité. Les histones, autour desquelles s’enroule l’ADN pour former la chromatine, sont la cible de nombreuses modifications post-traductionnelles (méthylation, phosphorylation, etc.) qui résultent en une combinatoire complexe le long de la fibre chromatinienne [2931] ().

(→) Voir la Synthèse de D. Ray-Gallet et al., m/s n° 4, avril 2005, page 384, la Synthèse de B. Miotto et K. Struhl, m/s n° 8-9, août-septembre 2007, page 735, et la Nouvelle de L.C. Pradel et al., m/s n° 3, mars 2015, page 236

Certaines modifications de ces histones jouent un rôle clé à différentes étapes de l’initiation de la réplication. Ainsi, Julien et ses collaborateurs (Institut de recherche en cancérologie de Montpellier) ont montré que la méthyltransférase PR-SET7, qui est responsable de la méthylation de la lysine 20 de l’histone H4 (H4K20me1), est essentielle à l’initiation de la réplication [32]. D’autre part, le domaine BAH (bromo-adjacent homology) de ORC1, une des 6 sous-unités du complexe ORC, reconnaît préférentiellement la diméthylation de la lysine 20 [33] et des mutations ponctuelles de ce domaine bloquent in vitro la liaison de ORC1 à cette marque épigénétique, et son recrutement sur la chromatine in vivo [33]. La méthylation de la lysine 20 semble donc jouer un rôle important dans le positionnement du complexe ORC. Malheureusement il n’existe, pour l’heure, aucune cartographie de cette marque dans les cellules humaines qui puisse être comparée à la position des sites ORC. À noter que les mutations affectant le domaine BAH sont retrouvées chez des patients atteints du syndrome Meier-Gorlin, un syndrome rare qui se caractérise par une petite taille, de petites oreilles et des rotules sous-développées [33, 34]. À n’en pas douter la cartographie des différentes formes méthylées de la lysine 20 de l’histone H4 sera une étape importante pour notre compréhension du mécanisme de sélection des origines de réplication.

L’acétylation des histones et l’acétylase HBO1 sont essentielles à la formation du pré-RC et l’initiation de la réplication [20, 22, 35, 36]. Notre analyse des sites de liaison de ORC sur le génome humain confirme ces observations [10]. La présence d’une région chromatinienne « ouverte » et enrichie en acétylation des queues d’histones est très prédictive de la liaison de ORC [10]. Le modèle le plus probable est que dans un environnement chromatinien ouvert, le complexe ORC reconnaît aspécifiquement une séquence ADN. Cette interprétation est cohérente avec les données biochimiques qui ont été accumulées depuis de nombreuses années indiquant que le complexe ORC lie l’ADN indépendamment de sa séquence [1, 2, 37]. Ces observations suggèrent donc que le complexe ORC se lierait à la chromatine de manière opportuniste au niveau de régions de chromatine ouverte [10, 38]. Ceci pourrait expliquer l’enrichissement des promoteurs, et autres régions associées à la transcription, au niveau des sites ORC et des origines puisque ces régions sont intrinsèquement accessibles aux facteurs nucléaires.

Les séquences ADN retrouvées au niveau des origines de réplication sont plus riches en dinucléotides CpG (cytosine-phosphate-guanine) que le reste du génome [410]. D’ailleurs le niveau d’activation d’une origine et l’ouverture de la chromatine sont corrélés à la richesse en CpG [5, 8, 16]. Les séquences riches en CpG sont de plus susceptibles de former des structures secondaires comme des « quadruplexes » de guanines (ou G4) [5, 8, 9, 39, 40] et, pour plusieurs origines modèles, une séquence susceptible de former un G4 contribue à l’initiation de la réplication [39, 40]. Une information de structure de l’ADN, plutôt que de séquence, permettrait donc le recrutement du complexe ORC et l’établissement des origines. Toutefois, des approches de biochimie n’ont pas permis de mettre en évidence une affinité de ORC avec des structures de ce type in vitro ([37] et données personnelles). De plus, le fait que ces structures G4 soient absentes au niveau de nombreux sites d’initiation suggère qu’elles ne sont pas un déterminant de la position des origines, mais plus probablement requises pour l’activité de certaines d’entre elles [4, 5, 8, 9, 39, 40].

La distribution des origines de réplication le long de bras des chromosomes est-elle aléatoire ?

Les approches sur brin d’ADN indiquent que la distance entre deux origines de réplication dans une cellule est, en moyenne, comprise entre 40 et 200 kilobases. Les approches génomiques confirment ces observations. La distance moyenne entre deux sites ORC est d’environ 94 kilobases et, entre deux sites d’initiation de la réplication, de 30 à 60 kilobases [410].

La distribution des sites d’initiation de la réplication et des sites ORC n’est toutefois pas homogène sur le génome. Il existe des régions « riches » en origines, où la distance entre deux origines est plus faible, et des régions « pauvres » en origines. Cette distribution serait en lien direct avec le programme temporel de réplication. La densité des sites d’initiation et des sites ORC est en effet plus élevée dans les régions se répliquant en début de phase S que dans les régions se répliquant en fin de phase S (Figure 2A) [5, 6, 8, 10]. Cette observation fait écho à de nombreux travaux démontrant que les régions répliquées au début de phase S sont généralement riches en gènes transcrits et en zones de chromatine ouverte [2, 3].

Par une approche de modélisation mathématique, nous avons montré que la distribution hétérogène des sites ORC2 sur le génome et une activation purement aléatoire de l’initiation à certains de ces sites ORC2 au cours de la phase S, permettent de rendre compte du programme temporel de réplication que l’on observe expérimentalement [10]. En d’autres termes, la densité en sites ORC2 établis au cours de la phase G1 (indépendamment de leur activation en phase S) serait un déterminant essentiel du programme temporel de réplication, et fortement suggestif d’un processus aléatoire du choix des origines activées au cours de la phase S. Ce modèle expliquerait que les sites d’initiation de la réplication soient à des positions variables, au sein de zones, entre les cellules d’une même population.

De manière surprenante, il existe de nombreuses portions du génome, de plusieurs mégabases, pour lesquelles peu de sites ORC et d’origines sont détectables expérimentalement [5, 8, 10]. Ces régions coïncident fréquemment avec les sites fragiles communs (SFC) du génome1, [1012] ().

(→) Voir la Nouvelle de A. Letessier et al., m/s n° 8-9, août-septembre 2011, page 707

Les SFC sont répliqués très tardivement au cours du cycle cellulaire. Ils sont donc fréquemment sujets à des cassures et des réarrangements lorsque le programme de réplication se prolonge [11, 12]. L’absence de ces localisations particulières dans les données obtenues par génomique est probablement associée au fait que les origines de réplication sont distribuées de manière diffuse et variable dans ces portions du génome, ce que les programmes informatiques actuels ne permettent pas d’identifier de manière robuste. L’absence d’origines bien localisées serait ainsi une des causes de la fragilité de ces régions du génome [1012].

Les délétions récurrentes et les régions où s’accumulent les mutations ponctuelles dans les cancers sont, pour la plupart, localisées dans des régions répliquées en fin de phase S [10, 1315]. Inversement, les régions répliquées en début de phase S contiennent des régions fréquemment amplifiées [1315]. Il existerait donc une relation, peut-être causale, entre la densité en origines de réplication d’une région du génome et la nature des réarrangements chromosomiques que l’on observe dans les cancers.

Perspectives

La carte des sites de liaison du complexe ORC et des sites d’initiation de la réplication a ouvert la porte à de nombreuses études sur les mécanismes de régulation de l’initiation de la réplication, l’organisation du génome, et l’importance de la structure chromatinienne dans ce processus. Les mécanismes de l’initiation de la réplication étaient précédemment fondés sur l’analyse d’un nombre limité d’origines de réplication chez l’homme, ou extrapolés à partir d’autres organismes modèles, comme la levure ou la drosophile. Les données collectées sont donc essentielles et, de toute évidence, elles permettent de revisiter certains modèles historiques des mécanismes d’initiation, chez l’homme. Un effort important sera cependant nécessaire pour normaliser les protocoles et les systèmes cellulaires étudiés. En effet, les données accumulées n’ont pas permis une description et une caractérisation satisfaisantes des origines de réplication. La portée des conclusions de chaque étude et les observations sont soumises à d’interminables débats sur les biais (ou artéfacts) liés au protocole expérimental choisi. Il sera donc essentiel de confirmer et reproduire les observations de chacun.

Une autre question essentiellement sémantique s’offre au domaine. Que signifie, ou recouvre, le terme « origine de réplication » ? En effet, initialement utilisé chez la bactérie et la levure, ce terme reflète l’existence de séquences génomiques précises associées à l’assemblage du complexe de réplication et à son initiation. Cette notion ne s’applique probablement pas aussi clairement au génome humain. Les sites ORC et les sites d’initiation ne sont pas nécessairement superposables, et les sites d’initiation sont souvent des zones de plusieurs kilobases. Ces derniers points peuvent prêter à confusion dans la littérature actuelle où certaines observations à partir de la cartographie des sites d’initiation de la réplication sont extrapolées et considérées comme pertinentes pour l’étude des mécanismes de recrutement du complexe ORC (et vice versa).

Finalement, les approches génomiques, encore balbutiantes, dans le domaine de la réplication n’ont pas permis d’offrir une vision claire et définitive des déterminants de la position des origines de réplication et de leurs mécanismes d’activation dans le génome humain. De manière surprenante, les études mettent en avant le caractère vraisemblablement aspécifique et stochastique du processus, aussi bien de recrutement de ORC que d’activation des origines. L’identification des déterminants moléculaires régulant ces processus stochastiques est le défi qui s’offre aux scientifiques étudiant les mécanismes d’initiation de la réplication.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Les sites fragiles communs (SFC) sont des locus instables en cas de stress réplicatif et des lieux préférentiels de réarrangements dans les tumeurs. Les SFC sont souvent associés aux grands gènes du génome. Il a été proposé que la transcription de ces gènes et des défauts de réplication dans ces régions soient à l’origine de cassures de l’ADN.
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