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Med Sci (Paris). 32: 10–11.
doi: 10.1051/medsci/201632s203.

Myopathie à surcharge lipidique secondaire à une nouvelle mutation du gène PNPLA2

Guillemette Jousserand,1* Nathalie Streichenberger,2 and Philippe Petiot1

1Service d’explorations fonctionnelles neurologiques, Hospices Civils de Lyon, Hôpital de la Croix-Rousse, Centre de Référence Maladies Neuromusculaires Rares Rhône Alpes, FILNEMUS 
2Centre de Neuropathologie – Groupement Hospitalier Est – Hospices Civils de Lyon Centre de Référence Maladies Neuromusculaires Rares Rhône Alpes, FILNEMUS 
Corresponding author.
 

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Observation

Il s’agit d’un patient âgé de 54 ans au moment du diagnostic, sans antécédent familial particulier. Il a dans ses antécédents personnels une cardiomyopathie dilatée sévère ayant nécessité une transplantation cardiaque deux ans auparavant. Le patient décrit en plus des difficultés plus anciennes à faire du sport à l’école et, depuis l’âge de 45 ans, des troubles de la marche (dandinement d’une part, et accrochage du pied gauche d’autre part). L’évaluation clinique à l’âge de 47 ans montrait aux membres supérieurs une atrophie asymétrique proximale, sans scapula alata ni atteinte distale. Il n’y avait pas non plus d’atteinte faciale ni de signes cutanés (en particulier pas d’ichtyose). Aux membres inférieurs, on notait un important déficit distal du muscle tibial antérieur gauche. Aucune rétraction n’était observée. Les CPK étaient élevées à quatre fois la normale. L’électroneuromyogramme montrait des signes myogènes dans les muscles distaux des membres inférieurs, notamment à gauche. Le scanner musculaire montrait des signes de dégénérescence graisseuse aux membres inférieurs en distalité. La biologie moléculaire de dystrophie facio-scapulo-humérale était négative. La biopsie musculaire mettait en évidence une myopathie vacuolaire avec surcharge lipidique majeure, sans vacuoles bordées. L’étude des protéines membranaires était normale en immunohistochimie, ainsi que celle des protéines myofibrillaires. Le profil des acylcarnitines était normal, de même que l’analyse enzymatique de la bêta-oxydation. La recherche de mutations dans les gènes codant les lamines A/C et la desmine est revenue négative. L’étude du muscle cardiaque après transplantation ne montrait que des lésions de fibrose non spécifique. L’évaluation clinique faite à 54 ans était assez similaire. Les CPK restaient élevées à 4 fois la normale. Le contrôle du scanner musculaire révélait des signes de dégénérescence graisseuse dans les muscles paravertébraux, soléaires, gastrocnémiens et tibial antérieur gauche. La seconde biopsie musculaire (Figure 1) réalisée au niveau du jambier antérieur droit, montrait la persistance d’une surcharge lipidique majeure. L’immunohistochimie et le western blot des protéines membranaires des dystrophies musculaires progressives étaient normaux de même que l’immunohistochimie des protéines myofibrillaires. En microscopie électronique, on notait une surcharge importante en vacuoles lipidiques dans les fibres musculaires, inconstamment dans les fibroblastes et les péricytes. La recherche spécifique de corps de Jordan au sein des leucocytes s’avérait négative.

Une mutation homozygote a finalement été identifiée dans l’exon 7 du gène PNPLA2, aboutissant à un codon stop prématuré (c.798_799insC ; p.Ala267Argfsx40). Le diagnostic de myopathie lipidique (ou lipidose musculaire) par mutation du gène PNPLA2 était donc retenu. Un traitement par bézafibrate a été instauré mais interrompu après 3 mois du fait de myalgies et d’une augmentation des CPK.

Commentaire

La myopathie causée par la mutation du gène PNPLA2 a été rapportée pour la première fois par Fisher et al. [1] en 2007. Le phénotype clinique associe une atteinte musculaire et cardiaque sans ichtyose. Les premiers symptômes sont une faiblesse musculaire proximale commençant le plus souvent aux membres supérieurs avec atteinte précoce de la ceinture scapulaire mais sans décollement important des omoplates. La plupart des patients ont également une atteinte distale des extenseurs des doigts et fléchisseurs des pieds [2]. Il n’y a pas d’atteinte faciale. La topographie du déficit est souvent asymétrique au début. Le début des symptômes survient en général entre 20 et 30 ans mais des cas pédiatriques ont été décrits [3]. La moitié des patients présente une atteinte cardiaque autour de 40 ans, pouvant se manifester par des troubles du rythme secondaires à une myocardiopathie dilatée ou hypertrophique [4].

Des signes associés tels que diabète, hypertriglycéridémie, stéatose hépatique, surdité ou signes cutanés (sans ichtyose) peuvent être observés [4]. L’évolution de la maladie est plutôt lente, sans fluctuation et sans épisode de rhabdomyolyse. La sévérité est très variable et il existe une variabilité phénotypique inter- et intra-familiale. L’imagerie musculaire montre un pattern évocateur avec dégénérescence graisseuse des muscles de la ceinture scapulaire épargnant les muscles sous-scapulaires, des muscles paravertébraux, des deux loges jambières et du compartiment postérieur des cuisses [5]. Tous les patients à l’exception de celui présenté ici ont des corps de Jordan intra-leucocytaires sur le frottis sanguin, ce qui constitue un élément clé pour le diagnostic. La négativité des corps de Jordan dans le cas de ce patient est possiblement due à une faille technique. La biopsie musculaire montre une myopathie vacuolaire avec surcharge lipidique quel que soit le muscle biopsié avec parfois des vacuoles bordées. Le diagnostic doit être confirmé en biologie moléculaire. Des gènes ont été identifiés dans seulement quatre types de myopathies de surcharge lipidique : SLC22A5 dans le déficit primaire en carnitine, ETFA, ETFB et ETFDH dans le MADD (multiple Acyl-CoA dehydrogenase deficiency), PNPLA2 dans les lipidoses avec surcharge en triglycérides et myopathie et CGI-58 dans celles avec ichtyose. A ce jour, une vingtaine de mutations du gène PNPLA2 a été décrite et celle du patient présenté ici n’a pas encore été rapportée. Il n’y a pas de traitement spécifique des myopathies de surcharge lipidique mais le bézafibrate, agent hypolipémiant, a été utilisé expérimentalement, montrant une diminution de l’accumulation des lipides dans les tissus et une amélioration du métabolisme oxydatif. Cependant, aucun bénéfice clinique n’a pu être mesuré [6, 7].

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article

References
1.
Fischer J, Lefevre C, Morava E, et al. The gene encoding adipose triglyceride lipase (PNPLA2) is mutated in neutral lipid storage disease with myopathy . Nat Genet. 2007; ; 39 : :28.–30.
2.
Reilich P, Horvath R, Krause S, et al. The phenotypic spectrum of neutral lipid storage myopathy due to mutations in the PNPLA2 gene . J Neurol. 2011; ; 258 : :1987.–1997.
3.
Perrin L, Féasson L, Furby A, et al. PNPLA2 mutation: a paediatric case with early onset but indolent course . Neuromuscul Disord. 2013; ; 23 : :986.–991.
4.
Kaneko K, Kuroda H, Izumi R, et al. A novel mutation in PNPLA2 causes neutral lipid storage disease with myopathy and triglyceride deposit cardiomyovasculopathy: a case report and literature review . Neuromuscul Disord. 2014; ; 24 : :634.–641.
5.
Laforêt P, Stojkovic T, Bassez G, et al. Neutral lipid storage disease with myopathy: a whole-body nuclear MRI and metabolic study . Mol Genet Metab. 2013; ; 108 : :125.–131.
6.
Foster LA, Courville EL, Manousakis G. Clinical reasoning: a 33-year-old man with cardiomyopathy and myopathy . Neurology. 2016; ; 87 : :e74.–e78.
7.
Van de Weijer T, Havekes B, Biler L, et al. Effects of bezafibrate treatment in a patient and a carrier with mutations in the PNPLA2 gene, causing neutral lipid storage disease with myopathy . Circ Res. 2013; ; 112 : :e51.–e54.