III - Examens de santé et perspectives

2009


ANALYSE

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Formation et information

En matière de handicaps sensoriels et de troubles psychiques ou développementaux, plusieurs études montrent qu’un dépistage et une prise en charge précoces sont des facteurs importants, influençant, à terme, le pronostic.
Mais, l’expérience des familles montre que les médecins sont souvent mal formés à l’identification des signes et des symptômes témoignant d’anomalies ou de retard dans le développement de l’enfant et que les réponses aux inquiétudes des parents sont souvent inadéquates. Un temps très long s’écoule généralement entre la première expression d’inquiétude par les parents et la prise en compte par le médecin de cette inquiétude. Force est de constater qu’un délai, pouvant atteindre plusieurs années, est encore aujourd’hui généralement observé entre le début des troubles psychiques par exemple et la mise en place d’une prise en charge adaptée, celle-ci n’intervenant, le plus souvent, qu’une fois le trouble constitué, voire même à l’occasion de la survenue de complications. Très souvent, les réponses apportées aux premiers signes sont évasives (« ce n’est pas grave », « ça va passer », « il va rattraper bientôt », « ça va disparaître avec la puberté »…).
Les études sur le développement de l’enfant et de l’adolescent montrent qu’il n’y a pas de différence de nature entre des comportements considérés comme normaux à un certain âge et les troubles du comportement pathologiques. Ainsi, un même comportement peut apparaître comme normal et nécessaire au développement de l’enfant à une période donnée, et comme pathologique à un autre moment de son évolution. L’anxiété, par exemple, est un phénomène normal. C’est un facteur d’adaptation qui s’inscrit dans le développement de l’enfant et de l’adolescent et qui témoigne du bon déroulement de ce développement. Au cours de l’enfance et de l’adolescence, on observe ainsi des formes normales d’anxiété correspondant aux différents stades du développement. Leur absence constitue un signe d’alarme qui doit faire rechercher un dysfonctionnement ou une pathologie. Mais les troubles anxieux caractérisés vont aussi s’exprimer dans des registres analogues à ceux des peurs et des rituels développementaux. Plus que la nature même des manifestations observées, c’est ici leur âge de survenue, leur intensité, leur durée anormalement prolongée et leur retentissement sur le fonctionnement de l’enfant qui permettront de faire le partage entre le normal et le pathologique.
Dans le même ordre d’idée, on ne peut ignorer le contexte environnemental dans l’évaluation du normal et du pathologique chez l’enfant et l’adolescent. L’enfant est dans une relation de dépendance étroite avec son environnement. Aussi, un même comportement pourra avoir des significations très différentes en fonction du contexte socio-familial et culturel dans lequel il évolue. La connaissance du développement normal, de ses variations inter-individuelles et des facteurs qui les sous-tendent, est un préalable nécessaire à toute action de dépistage des enfants et des adolescents « à risque ».

Formation initiale et continue des professionnels de santé et de l’éducation

Formation des médecins

Paradoxalement, la formation initiale des médecins comporte actuellement très peu d’heures d’enseignement consacrées au développement normal de l’enfant et de l’adolescent. Très peu de futurs médecins ont l’occasion, au cours de leurs études, de procéder à l’examen d’un enfant ou d’un adolescent « normal ». Généralement, leurs connaissances se limitent à ce qu’ils perçoivent de ce que peut être un développement normal à partir de l’observation des enfants et des adolescents de leur propre entourage. Cette constatation vaut aussi bien pour les futurs généralistes que pour les futurs pédiatres et pédopsychiatres, l’enseignement dispensé à ces derniers apparaissant extrêmement variable d’une faculté à l’autre.
Il est indispensable que soit recherchée une adéquation entre la formation dispensée au cours des études médicales et la nature du travail qui attend les professionnels de santé dans leur pratique auprès des enfants et des adolescents. Renforcer et homogénéiser dans l’ensemble des facultés françaises la formation consacrée au développement normal de l’enfant et de l’adolescent est une priorité. Cet enseignement ne doit pas se limiter aux domaines cognitif, psychomoteur et du langage, mais doit intégrer l’ensemble du développement de l’enfant et de l’adolescent (alimentation, sommeil, contrôle sphinctérien, processus attentionnels, émotions, agressivité, processus de socialisation, sexualité…). Cet enseignement, inscrit dans la formation initiale des médecins, doit être repris et mis en pratique ultérieurement dans les programmes concernant plus spécifiquement les futurs médecins qui auront à travailler avec les enfants et les adolescents : médecins généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, médecins de l’Éducation nationale.
Cependant, les professionnels de santé doivent être également conscients de la difficulté d’aborder certains repérages de troubles ou de facteurs de risques tels que celui des troubles des apprentissages ainsi que des troubles du domaine de la santé mentale. Ils doivent faciliter le parcours des parents et contribuer à une prise en charge pluridisciplinaire.

Formation des enseignants

Un enseignement sur le développement cognitivo-socio-affectif des enfants doit s’inscrire dans la formation initiale des enseignants leur permettant d’acquérir des « clés » en vue d’un repérage, le plus précoce possible, des enfants et des adolescents en difficulté sur le plan affectif.

Formations aux outils et référentiels

Le carnet de santé doit être considéré comme un outil. Il faudrait promouvoir la diffusion du guide d’utilisation et son usage dans les différentes formations. L’appropriation de ces outils par les professionnels est un élément essentiel.
Les tests proposés à l’occasion des bilans de santé et relatés dans le carnet de santé doivent être correctement effectués. Tel n’est pas toujours le cas (optimisme, peur de stigmatisation….). On sait par exemple que des indices sérieux de troubles du développement remarqués dès la première année (« autisme sévère ») ne sont souvent pas pris en considération. En cas de polyhandicap, un trouble envahissant du développement peut être masqué. La Fédération française de psychiatrie en partenariat avec l’HAS a publié en juin 2005 « Recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme ».
À la demande de la DGS, l’HAS a publié en septembre 2005 des « Propositions portant sur le dépistage individuel chez l’enfant de 28 jours à 6 ans, destinées aux médecins généralistes, pédiatres, médecins de PMI et médecins scolaires » et des « Propositions portant sur le dépistage individuel chez l’enfant de 7 à 18 ans, destinées aux médecins généralistes, pédiatres et médecins scolaires », dans le but de permettre l’integration de ces pratiques de dépistage.
Dans le cadre du plan national d’action pour les enfants atteints d’un trouble specifique du langage, une commission d’experts a été chargée d’élaborer au niveau national des recommandations sur les outils à usage des professionnels de l’enfance. Ce rappport est disponible sur le site du ministère de la Santé et des Sports1 .
Le plan « psychiatrie et santé mentale » consacre peu de place à la santé mentale de l’enfant ou l’adolescent même s’il souligne la nécéssité de la formation des acteurs pour une prise en charge coordonnée du dépistage, du diagnostic et des soins.
Il y a nécessité de recenser ou bien de créer ou encore de valider puis de diffuser des outils simples de repérage et/ou de dépistage à l’usage des professionnels de santé de première ligne, dans les différents domaines explorés par cette expertise. À la demande du ministère chargé de la santé et du ministère de l’Éducation nationale, la Fédération française de psychiatrie a établi récemment un « référentiel d’observation pour le repérage précoce des manifestations de souffrances psychiques et des troubles du développement chez l’enfant et l’adolescent à l’usage des médecins ». Ce référentiel est un outil utile aux professionnels dans le cadre d’un dépistage individuel. Il n’y a cependant pas à ce jour de données sur son évaluation.
Les professionnels de santé formés ont également une mission de prévention et de promotion de la santé physique et mentale à travers leur participation à des actions d’éducation pour la santé. La coopération entre les différentes disciplines de santé (pédiatrie, pédopsychiatrie…) de l’éducation, de la justice, du monde sportif et associatif, devrait contribuer à une amélioration de la promotion de la santé.

Information

Information des généralistes, des pédiatres et des éducateurs

Les professionnels doivent connaître les possibilités d’intervention précoce possibles dans leur département. Il est en effet très difficile pour un médecin de pointer une difficulté s’il n’a aucune solution à proposer à la famille. Le médecin doit pouvoir informer les familles sur les actions qu’elles peuvent mettre en Ĺ“uvre (c’est souvent la famille qui fait part de son inquiétude). En cas de repérage de trouble ou déficit, le médecin doit être à même de prescrire les examens complémentaires nécessaires (audition, vision, exploration fonctionnelle cérébrale, EEG, consultation génétique…).
Face aux premiers signes souvent constatés par les parents eux-mêmes, il est impératif de leur indiquer quel est le type de risque qu’il sera nécessaire de confirmer. Dans ces cas, l’enfant sera particulièrement suivi avec l’aide des parents. Il est évident que les signes qui sont fluctuants ne sont pas obligatoirement repérés par le pédiatre dans le temps de la consultation.
Il est également nécessaire qu’enseignants, médecins scolaires et parents soient sensibilisés à la nécessité d’une collaboration active, préalable nécessaire à toute action de dépistage efficace.

Information des parents

Certains jeunes parents sont démunis quant à la reconnaissance d’un trouble du développement chez leur premier enfant. Il faut noter que seulement un enfant sur huit voit ses parents élever un cadet. Des émissions de télévision, comme des magazines, contribuent grâce à une bonne vulgarisation à sensibiliser les parents sur des troubles auparavant peu expliqués. La santé mentale n’est plus perçue comme autrefois, les mentalités ayant évolué et les nouvelles générations acceptant mieux que leur problème soit d’ordre psychologique.
Pour initier le dialogue avec le médecin ou le pédiatre, les parents pourraient être amenés à faire part de leurs observations sur le comportement de leur enfant à travers le remplissage d’un questionnaire commenté avec le médecin lors de chaque visite. Ce questionnaire pourrait contenir un nombre restreint d’items (une dizaine par exemple) prenant en compte différents aspects du développement selon l’âge. Ce questionnaire demanderait à être évalué et validé au préalable.

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