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Med Sci (Paris). 32(6-7): 625–633.
doi: 10.1051/medsci/20163206027.

Itinéraire d’un agent double
NO, S-nitrosylation et cancer

Stéphanie Plenchette,1,2* Sabrina Romagny,1,2 Véronique Laurens,1,2 and Ali Bettaieb1,2

1Université de Bourgogne Franche-Comté, LIIC EA7269, 7, boulevard Jeanne d’Arc, F-21000Dijon, France
2EPHE, PSL Research University, F-75014Paris, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm-Sandrine Humbert et Morgane Thion).

Le rôle du monoxyde d’azote, ou NO (nitric oxide), dans la biologie du cancer est une histoire qui continue de soulever de nombreuses controverses. Le NO est une petite molécule gazeuse radicalaire, très réactive, connue pour jouer un rôle ambivalent, aussi bien antitumorigène que protumorigène. Au sein de la cellule, le NO est produit par une famille d’enzymes appelées NO-synthases (NOS) qui catalyse l’oxydation de la L-arginine en L-citrulline et en NO. Quatre NOS, la NOS neuronale (nNOS), la NOS inductible (iNOS), la NOS endothéliale (eNOS) et la NOS mitochondriale (mtNOS, l’isoforme α de la eNOS) assurent la production intracellulaire de NO aussi bien dans des conditions physiologiques que pathologiques. L’action biochimique du NO concerne essentiellement les protéines en provoquant des modifications post-traductionnelles (MPT) telles que la S-nitrosylation, la tyrosine nitration ou encore la métal S-nitrosylation. D’abord considérée comme une MPT atypique, la S-nitrosylation est à présent mieux décrite et reconnue pour être indispensable pour la régulation de la fonction de nombreuses protéines et voies de signalisation qui sont impliquées dans toutes les fonctions cellulaires. La S-nitrosylation constitue la MPT majeure, engendrée par le NO sur les protéines. Elle module leurs structures, leurs fonctions, leurs expressions, leurs localisations ou encore leurs interactions avec d’autres partenaires protéiques. La nature dichotomique du NO dans le cancer est dictée par l’impact de la S-nitrosylation sur des protéines impliquées aussi bien dans la survie que dans la mort cellulaire. Au cours de ces dernières années, plusieurs travaux s’accordent sur le fait que l’impact fonctionnel de la S-nitrosylation sur les protéines est largement dépendant du contexte cellulaire et de son statut rédox1.

La S-nitrosylation : une modification post-traductionnelle à part entière

Le NO est l’une des plus petites molécules endogènes impliquées dans des fonctions biologiques. Avec une demi-vie très courte, de l’ordre de la seconde, le monoxyde d’azote a une action restreinte aux protéines qui sont situées dans son environnement proche. La S-nitrosylation est la fixation non-enzymatique d’une molécule de NO sur un groupement thiol (-SH), porté par les cystéines. Le dérivé nitrosé (-SNO) ainsi formé présente toutefois une stabilité limitée dans le temps, puisqu’il peut subir des dénytrosylations qui font intervenir aussi bien des mécanismes non enzymatiques (processus de transnitrosylation) qu’enzymatiques (thioredoxines). Bien qu’obéissant à un processus moléculaire non-enzymatique, la S-nitrosylation des protéines est loin d’être un événement laissé au hasard. L’ensemble des groupements thiol libres d’une protéine ne font pas obligatoirement l’objet d’une S-nitrosylation. Si l’analyse séquentielle de nombreuses protéines S-nitrosylées a permis de déterminer des séquences consensus où les groupements thiol des cystéines les plus susceptibles de réagir avec un groupement NO sont contenus dans un environnement en acide aminés acides ou basiques, la structure tridimensionnelle de la protéine doit être néanmoins considérée. Toutefois, la spécificité du NO pour sa cible dépend, en réalité, de nombreux autres facteurs intrinsèques tels que la présence d’espèces réactives de l’oxygène (ERO ou ROS, en anglais) qui modulent la concentration intracellulaire de NO (l’ion superoxyde en réagissant avec le NO induit en effet la formation de peroxynitrites et une diminution du taux de NO), la localisation subcellulaire ou encore la durée d’exposition à la protéine cible. Le caractère dynamique, réversible, de ce processus revêt donc une importance primordiale dans la signalisation cellulaire.

Les MPT jouent un rôle capital dans les voies de signalisation cellulaire puisqu’elles sont au cœur des processus de régulation dynamique des fonctions biologiques des protéines. Pour bien mesurer l’impact de la S-nitrosylation sur les propriétés d’une protéine (et à plus grande échelle son impact sur une voie de signalisation), il est nécessaire de considérer l’importance que revêt un résidu cystéine au sein de sa structure (Figure 1). En effet, les résidus cystéine exercent un rôle charnière dans la structure, la stabilité, l’activité, la fonction et la localisation subcellulaire des protéines.

S-nitrosylation et régulation des voies de signalisation de prolifération cellulaire

L’activation inappropriée de nombreuses voies de signalisation impliquées dans la croissance, la survie cellulaire ou encore l’invasion est une caractéristique bien déterminée du processus tumoral. Parmi ces voies, les signalisations impliquant les MAPK (mitogen-activated protein kinases), PI3K/AKT (phosphatidylinositol-3-kinase/protein kinase B) et Wnt/β-caténine sont considérées comme des cibles majeures pour les thérapies anticancéreuses. À noter que plusieurs composants de ces voies de signalisation sont régulés par le NO (Figure 2).

Voie classique MAPK ou voie ERK
Typiquement, la fixation du facteur de croissance EGF (epithelial growth factor) à son récepteur EGFR (epithelial growth factor receptor) permet l’initiation d’un signal, transmis depuis la membrane plasmique vers le noyau, qui facilite la prolifération cellulaire. Ce signal, initié par l’activité de petites protéines G (Ras ou p21Ras) et de nombreuses kinases associées au récepteur, est régulé par le NO à différents niveaux. Un effet antiprolifératif, observé à une concentration physiologique de NO dans des cellules de neuroblastome, induit la S-nitrosylation du récepteur EGFR sur les cystéines (principalement) en position 166 (Cys166) et 305 (Cys305) présentes dans son domaine extracellulaire. Celle-ci aurait vraisemblablement un effet inhibiteur en interférant avec la fixation du ligand sur son récepteur [1, 2]. Au contraire, dans le cancer du sein, négatif pour les récepteurs des estrogènes (RE-), la S-nitrosylation de l’EGFR, et de Src, les rend autonomes vis-à-vis des facteurs de croissance, en favorisant la stimulation de leur activité tyrosine kinase et la propagation d’une signalisation oncogénique [3]. Bien que l’ensemble de ces résultats apparaissent contradictoires, les sites exacts de la S-nitrosylation qui sont associés à l’activation de l’EGFR restent encore à déterminer. Il est en effet envisageable que la S-nitrosylation et l’activation de l’EGFR fasse intervenir des résidus cystéines différents de ceux préalablement identifiés en position 166 et 305, notamment dans la partie intracytoplasmique du récepteur, par exemple.

De la même façon, il a été montré dans un modèle utilisant des cellules de cancer du sein RE- que la S-nitrosylation de Ras sur la cystéine située en position 118 (Cys118) stimule l’échange de nucléotide guanine et conduit à la phosphorylation et à l’activation du facteur de transcription Est-1 par la cascade de signalisation Ras/MEK/ERK (Ras/mitogen-activated protein kinase/ERK kinase/extracellular-signal-regulated kinase) [4]. En réalité, il existe peu d’exemples pour lesquels la S-nitrosylation a un effet promoteur sur l’activité d’une enzyme. Plus fréquemment, la S-nitrosylation exerce un effet inhibiteur sur l’activité d’une enzyme en ciblant les résidus cystéine de leurs sites catalytiques. Certaines kinases, activées en aval par Ras, sont rendues inactives par S-nitrosylation ce qui peut constituer un frein à la propagation du signal oncogénique. Les protéines ERK1/2 sont une cible du NO. La S-nitrosylation de la cystéine 183 (Cys183) prévient la phosphorylation et conduit à la mort des cellules par apoptose [5].

Voie PI3K/AKT/mTOR
PI3K/AKT/mTOR (phosphatidylinositol-3-kinase/protein kinase B/mammalian target of rapamycin) est la voie de signalisation la plus fréquemment dérégulée dans les cancers solides humains [6]. Il s’agit d’une plate-forme de signalisation jouant un rôle prépondérant dans la régulation d’un grand nombre de fonctions cellulaires. Les nombreuses mutations de ses composants à l’origine de leurs délétions ou surexpressions favorisent le développement de tumeurs, l’angiogenèse et la chimiorésistance. L’étude intensive des mécanismes moléculaires régulant cette voie de signalisation a été associée à l’identification de nombreux inhibiteurs qui demeure un axe de recherche important dans le développement de thérapeutiques antitumorales. Ainsi, certains inhibiteurs de la protéine AKT continuent à faire l’objet de nombreux essais cliniques. La voie de signalisation PI3K/AKT/mTOR est activée de différentes façons : par la fixation de facteurs de croissance ou d’interleukines à leurs récepteurs, ou par l’interaction de PI3K avec p21Ras sous sa forme activée. Elle initie l’activation d’une cascade d’effecteurs en aval. Dans une lignée cellulaire de mélanome humain, le NO physiologique, produit par la iNOS (inducible nitric oxide synthase), favorise l’activation de la voie mTORC1 (mTOR complexe 1) via l’inactivation de son répresseur direct TSC1/TSC2 (tuberous sclerosis complex 1/2). La S-nitrosylation de TSC2 empêche sa dimérisation avec sa protéine partenaire TSC1 (en absence de cette hétérodimérisation, il y a une perte de la fonction de suppresseur de tumeur du complexe TSC1/TSC2), prévenant ainsi l’inhibition de mTORC1 [7]. PTEN (phosphatase and tensin homolog) est un important régulateur négatif de la voie PI3K/AKT/mTOR. Sous sa forme S-nitrosylée, au niveau de la cystéine en position 83 (Cys83), PTEN n’assure plus sa fonction de régulation et participe, en particulier, à l’angiogenèse tumorale [8]. Indépendamment du cancer, plusieurs autres travaux ont contribué à montrer l’effet inhibiteur du NO sur la voie PI3K/AKT/mTOR, notamment par la S-nitrosylation et l’inactivation de la protéine AKT [9, 10].
Voie Wnt/β-caténine/TCF
L’activation aberrante de la voie de signalisation Wnt/β-caténine est un évènement central dans les premières étapes de la transformation maligne des cellules coliques mais aussi dans le développement de nombreux cancers. L’effet antiprolifératif de l’aspirine NO (une forme d’aspirine associée au NO qui prévient la toxicité digestive de l’aspirine) qui est observé sur plusieurs lignées cellulaires coliques, mais aussi mammaires, est lié à l’inactivation de la voie Wnt/β-caténine. Le mécanisme d’action du NO conduisant à cet effet met en jeu la S-nitrosylation de la β-caténine qui prévient l’association et l’activation du facteur de transcription TCF-4 (T cell factor-4) et diminue l’expression de la cycline D1 dont la fonction (sous forme d’un complexe avec une kinase dépendante des cyclines) participe à la progression des cellules en début de phase G1 du cycle cellulaire [11, 12]. L’efficacité antitumorale de l’aspirine NO observée dans un modèle murin de leucémie lymphoblastique chronique est associée à une inactivation de la voie Wnt/ β-caténine par clivage et dégradation de la β-caténine [13].
S-nitrosylation et implication dans la mort cellulaire

Le processus d’homéostasie cellulaire est soumis en permanence à une régulation dynamique stricte placée sous le contrôle de voies de signalisation de survie et de mort cellulaires qui limite la prolifération de cellules potentiellement néfastes pour l’organisme. La S-nitrosylation des protéines contribue aussi bien à assurer le maintien que le déséquilibre de l’homéostasie cellulaire. Cette activité se traduit par une stimulation, ou un frein, des voies de signalisation qui gouvernent soit la prolifération, soit la mort cellulaire. Ces processus étant très interdépendants, des effets contradictoires sont parfois observés en fonction du modèle ou du type cellulaire étudié. La sensibilité ou la résistance des cellules cancéreuses à la mort dépend d’un grand nombre de protéines régulatrices clés qui sont cibles du NO (Figure 3).

S-nitrosylation et résistance à la mort des cellules cancéreuses

Une forte activité de la NOS inductible (iNOS) associée à un taux élevé de NO est fréquemment observée dans les tumeurs et peut être corrélée à une chimiorésistance. L’impact de la S-nitrosylation dans la résistance des cellules cancéreuses à un stimulus apoptotique peut se traduire par une perte de fonction de protéines pro-apoptotiques et/ou une augmentation de l’expression de protéines anti-apoptotiques.

Les caspases sont les acteurs moléculaires clés de la mort cellulaire par apoptose. Elles sont aussi des cibles incontournables du NO. Elles sont un exemple bien caractérisé de l’effet inhibiteur que présente la S-nitrosylation sur leur activité et leur mode d’activation, participant à la résistance des cellules cancéreuses à l’apoptose. Toutes les caspases possèdent au sein de leur site catalytique une cystéine indispensable à leur activité enzymatique, également cible privilégiée du NO. En l’absence de stimulus apoptotique, les caspases sont présentes sous forme de proenzymes inactives. La S-nitrosylation des caspases-8, -9 et -3 retrouvée à l’état basal dans des cellules cancéreuses apparaît donc comme un niveau supplémentaire dans la régulation négative de ces protéines en l’absence de signal pro-apoptotique. L’inhibition de l’activité enzymatique de la caspase-8 par S-nitrosylation protège les hépatocytes de rat de l’apoptose induite par le TNFα (tumor necrosis factor a) [14], tandis que dans des cellules de carcinome colique humain, la S-nitrosylation de la procaspase-9 prévient son clivage et son activation consécutive [15]. Cependant, la stimulation du récepteur apoptotique Fas permet la dénitrosylation de la caspase-3 par la thioredoxine réductase 2 (TrxR2) [16]. Dans ce contexte, il a été démontré plus récemment, que l’IL-24 jouait un rôle primordial, en amont [17]. La transnitrosylation constitue indirectement un autre mécanisme de dénitrosylation des caspases. Ainsi, la transnitrosylation de la caspase-3 vers son inhibiteur endogène XIAP (X-linked inhibitor of apoptosis) induit la S-nitrosylation et l’inactivation de ce dernier, c’est-à-dire son activité anticaspase et, par conséquent, lève l’inhibition de la caspase-3. Si ce mécanisme a pu être mis en évidence dans un contexte de maladie neurodégénérative favorisant l’activité de la caspase-3, il n’a jamais été observé dans des cellules cancéreuses [18, 19].

Bcl-2 (B-cell lymphoma 2) et cFLIP (cellular FLICE [FADD-like IL-1b-converting enzyme]-inhibitory protein) sont des régulateurs négatifs importants des deux principales voies d’induction de l’apoptose, respectivement, la voie mitochondriale et la voie des récepteurs de mort. Sous différentes conditions, leur dégradation favorise le déclenchement de l’apoptose. À l’inverse, leur surexpression est associée à l’échappement à l’apoptose qui est observé lors la carcinogenèse ou encore la chimiorésistance. De fait, la S-nitrosylation de Bcl-2 sur les cystéines Cys158 et Cys229 et de cFLIP sur les cystéines Cys254 et Cys259 augmente leur stabilité en prévenant leur ubiquitination et la dégradation par le protéasome [20, 21]. L’activation du facteur de transcription NF-kB (nuclear factor kappa B) occupe également une place importante dans le phénomène de résistance des cellules à l’apoptose. En effet, sous sa forme S-nitrosylée, cFLIP stimule l’activité de NF-κB aussi bien via la signalisation impliquant le récepteur Fas et son ligand FasL que celle du TNFα et de son récepteur, TNFR1 (tumor necrosis factor-receptor 1) [22, 23]. Sous l’effet du TNFα, cette activation, d’une part, reposerait sur le recrutement et l’adressage de la protéine RIPK1 (receptor-interacting serine/threonine kinase 1) au complexe de signalisation I (TNFR1 signalling complex I), et, d’autre part, produirait un fragment de clivage impliqué dans l’activation de la voie NF-kB [24]. La chimiorésistance de cellules cancéreuses pulmonaires au cisplatine2 est également modulée par le NO. Elle repose sur la S-nitrosylation et la stabilisation de l’expression de Bcl-2 [25]. Des travaux ont d’ailleurs montré que l’IL-24 induisait la dénitrosylation de Bcl-2, en diminuant le taux de NO via une réduction du taux de l’enzyme iNOS et une augmentation de la thioredoxine-1 (TrxR1).

S-nitrosylation et sensibilisation à la mort des cellules cancéreuses

Bien souvent, les voies de signalisation de mort cellulaire engagées par les chimiothérapies et/ou les radiothérapies conventionnelles reposent sur la protéine p53. Cible de multiples mutations retrouvées dans plus de 50 % des cancers, l’inactivation de p53 contribue inévitablement à la chimiorésistance. Aussi, l’activation de voies de signalisation alternatives (indépendantes de p53) telles que celles initiées par les récepteurs de mort membranaires Fas, TRAIL-R1/DR4 ou -R2/DR5 (TNF-related apoptosis-inducing ligand-receptor 1/2 / death receptor 4/5) ou encore TNF-R1, représente une stratégie intéressante pour contrecarrer ce problème majeur dans le traitement des cancers. Plusieurs composantes de la signalisation initiée par les récepteurs du TNF, ciblées par le NO, participent à la sensibilisation des cellules cancéreuses à la mort. Les mécanismes moléculaires associés à cet effet impliquent, entre autres, la S-nitrosylation de leurs récepteurs respectifs. Le nitrosocobalamin (NO-Cbl), un analogue de la vitamine B12, donneur de NO, sensibilise les cellules cancéreuses spécifiquement à TRAIL par la S-nitrosylation de son récepteur TRAIL-R1/DR4 [26]. De façon similaire, le glycéryl trinitrate, ou GTN, sensibilise les cellules cancéreuses du côlon et du sein à l’apoptose induite par FasL [27]. Si la compréhension des mécanismes moléculaires exacts de la signalisation induite dans le cas de NO-Cbl/TRAIL demeure incomplète, il est maintenant admis que la S-nitrosylation de Fas sur la cystéine Cys304 facilite son agrégation et sa relocalisation dans les radeaux lipidiques de la membrane plasmique facilitant la transmission du signal [27]. Par ailleurs, la S-nitrosylation de Ying Yang 1 (YY1), un répresseur transcriptionnel de Fas, participe à cet effet. Elle prévient son activité permettant une expression plus importante de Fas.

Plusieurs études montrent que la S-nitrosylation est une MPT qui inhibe la voie TNFα/TNF-R1. Dans les conditions physiologiques normales, et en l’absence d’activation du récepteur TNF-R1, la S-nitrosylation de la sous-unité IKKβ (inhibitor of NF-kB kinase b) sur la cystéine Cys179, au sein du complexe IKK, de même que celle des sous-unités p50 et p65 de l’hétérodimère NF-kB respectivement sur les cystéines Cys62 et Cys38, contribuent à maintenir inactive la voie de signalisation classique NF-kB [2831]. Sous l’effet du TNFα, ou d’un autre stimulus (comme le lipopolysaccharide bactérien [LPS]), la dénitrosylation de ces protéines peut rétablir l’activation de la voie de signalisation [32]. L’inhibition de la voie classique NF-kB représente une cible thérapeutique pertinente pour le développement de drogues anticancéreuses visant à freiner la progression, voire même promouvoir la régression tumorale. L’effet antitumoral observé dans les cancers coliques de certains donneurs de NO de type NO-NSAID (NO-releasing non-steroidal anti-inflammatory drugs) comme le NO-aspirine (NO-ASA) ou encore le NO-naproxen, repose en partie sur la S-nitrosylation et l’inhibition de NF-kB [33, 34].

Donneur de NO et thérapie anticancéreuse
Études précliniques
Les stratégies thérapeutiques envisagées consistent à délivrer du NO de façon concomitante à une chimiothérapie afin d’en améliorer les effets. Plusieurs études in vitro démontrent et mettent en exergue l’effet sensibilisateur des donneurs de NO à la mort par apoptose de cellules cancéreuses traitées ou non par chimiothérapie ou radiothérapie. Une inhibition de la croissance tumorale a également été constatée dans différents modèles murins de xénogreffes tumorales humaines après traitement par un donneur de NO en association avec une chimiothérapie et/ou radiothérapie. En effet, dans plusieurs types de cancers, une régression tumorale efficace a été obtenue en combinant différents donneurs de NO avec le ciplastine (Tableau I). Un dérivé du NO-aspirine (le NCX-4040) associé au cisplatine a aussi permis de restaurer la sensibilité des tumeurs ovariennes humaines résistantes à cette chimiothérapie [35]. De même, combiné à l’oxaliplatine, le NCX-4040 a montré, in vivo, une activité antitumorale contre les tumeurs coliques humaines résistantes ou non à la doxorubicine3 [36]. Enfin, la trinitrine, ou glycéryl trinitrate (GTN), un autre donneur de NO, sensibilise, in vivo, à la doxorubicine les tumeurs de la prostate humaine [37].

Études cliniques
La trinitrine (GTN) est un médicament utilisé depuis longtemps pour le traitement des angines de poitrine. Cet effet, qui est indésirable en thérapie anticancéreuse, est limité par l’acquisition par les patients d’une tolérance à ce traitement. Son utilisation en stratégie anticancéreuse est en pleine investigation. Les premières études cliniques de phase II ont montré le bénéfice thérapeutique qu’apporte le GTN dans la réponse de patients atteints du cancer du poumon et de la prostate [38, 39]. En effet, chez certains patients porteurs d’un cancer du poumon non à petites cellules à un stade avancé, le GTN améliore l’effet d’une chimiothérapie de première ligne (telle que vinorelbine/cisplatine) [38]. Cet essai clinique pivot a conforté la réalisation d’un essai de phase III réalisé chez le même type de patients mais pour lesquels la combinaison du GTN avec le carboplatine n’avait toutefois pas démontré d’effet bénéfique [40]. Un autre essai clinique de phase II, mené également chez ce même type de patients, n’a cependant pas permis de mettre en évidence un effet bénéfique du GTN lorsqu’utilisé en conjonction avec une chimiothérapie de première ligne constituée de carboplatine/paclitaxel/bevacizumab [41]. Le GTN semble néanmoins améliorer le pronostic des patients atteints du cancer de la prostate après radiothérapie [39]. D’autres essais cliniques de phase I et II associant le GTN avec de la chimio-radiothérapie concomitante montrent que la combinaison est bien tolérée [42, 43].
Conclusion

Le besoin fondamental de comprendre les bases moléculaires régulant les principales voies de signalisation impliquées dans les processus de survie et de mort cellulaire est un défi de taille pour le développement de nouvelles stratégies de lutte contre le cancer. L’une des difficultés dans la recherche des mécanismes moléculaires qui impliquent le NO est la complexité due à son double jeu selon le contexte cellulaire dans lequel il agit. À l’instar de nouvelles molécules anticancéreuses qui sont testées en clinique, plusieurs composés participant aux voies de signalisation de survie ou de mort cellulaire et qui sont cibles du NO, exercent une action similaire. Cela permet donc d’envisager les donneurs de NO comme de nouveaux espoirs thérapeutiques. De nombreuses classes de donneurs de NO existent (Tableau II) et les progrès dans leur synthèse ont permis de développer de nouvelles molécules qui sont mieux tolérées par l’organisme, comme les dérivés du NO-aspirine, qui s’avèrent très prometteuses en thérapie anticancéreuse. Une nouvelle génération de donneurs de NO innovants émerge. Ils utilisent des nanoparticules qui permettent d’améliorer leurs activités antitumorales. Les donneurs de NO représentent donc de potentiels agents thérapeutiques. Néanmoins, leur association avec une chimiothérapie, une radiothérapie ou encore une immunothérapie, nécessite de plus amples essais cliniques afin de valider leur utilisation.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 État rédox : indique le pouvoir oxydant ou réducteur d’une substance.
2 Les sels de platine sont des agents proches des alkylants. Ils forment des liens chimiques entre les différents brins d’ADN et à l’intérieur d’un brin lui-même.
3 La doxorubicine (Adriamycine™) se fixe sur les structures nucléaires de la cellule, bloquant la synthèse de l’ADN et de l’ARN : c’est un intercalant de l’ADN.
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