2009


ANALYSE

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Prévention du risque alcool

La prévention des risques liés à la consommation d’alcool chez les jeunes doit tenir compte de l’ancrage culturel des conduites d’alcoolisation liées à la fête et à la convivialité. Une cohérence est néanmoins possible à travers la réactivation d’une législation limitant les incitations à consommer de l’alcool (publicités, prix des boissons non alcooliques) et la promotion de bonnes pratiques en matière de prévention routière (conducteur abstinent) et de responsabilisation de la communauté (sensibilisation des professionnels des lieux de fêtes).

Réactiver la loi Évin

Depuis plus d’une décennie, le législateur a souhaité réglementer les modalités de publicité pour l’alcool. En France, la loi Évin du 10 janvier 1991 a posé le principe de l’interdiction de la publicité directe ou indirecte ainsi que du parrainage par des fabriquants de boissons alcooliques. Cependant, les règles déterminant les possibilités de promotion de l’alcool en France ont été modifiées à de multiples reprises, du fait de l’importance des conflits d’intérêts entre ceux qui veulent développer la richesse économique associée au produit et ceux qui tentent de limiter sa valorisation par les méthodes de la publicité, notamment auprès des jeunes.
Après avoir été condamnée en 1980 par la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg pour ses pratiques discriminatoires en matière de publicité pour l’alcool, la France a connu une période de non-droit pendant laquelle le seul interdit était la publicité télévisée (cet interdit était dans le cahier des charges des chaînes publiques). Lors de la création des chaînes de télévision privées en 1985, la publicité pour la bière a été autorisée par voie réglementaire sur ces chaînes. En 1987, cette autorisation spécifique a été étendue à TF1 lors de sa privatisation, provoquant une réaction de la part des médecins, des associations de lutte contre l’alcoolisme et de parlementaires. Un amendement législatif a pu alors reconstruire partiellement une législation restrictive, la principale mesure ayant été l’interdiction totale de toute publicité pour l’alcool à la télévision.
La loi Évin de 1990 comportait une redéfinition complète des modalités de publicité pour le tabac et pour l’alcool. La publicité et le parrainage étaient totalement interdits pour le tabac, la publicité pour l’alcool était réglementée. Le projet de loi reposait sur un principe simple qui avait été proposé plusieurs années auparavant par le Haut comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme : la publicité était interdite sur les supports qui s’imposaient à tous, notamment aux enfants (télévision, cinéma, affichage, radio). Elle demeurait autorisée dans la presse écrite s’adressant aux adultes, par publipostage et dans les manifestations telles que les foires agricoles. En outre, elle était limitée dans sa forme, seuls le nom du produit, sa présentation et les conditions de vente pouvaient être décrits dans les documents publicitaires. Au cours de débats parlementaires, ces mesures cohérentes ont été modifiées. La publicité à la radio a été rétablie avec des limitations de jours et d’heures fixées par voie réglementaire. Mais des incohérences apparaissaient dans le texte d’application : la publicité était autorisée pendant les heures d’école et interdite le mercredi mais curieusement, le week-end est demeuré dans la période autorisée, comme si les enfants n’étaient pas chez eux. La seconde modification du texte initial a été le rétablissement de l’affichage dans les zones de production. Ces dernières ne pouvant être définies sans risque d’une nouvelle condamnation par la cour du Luxembourg, le texte d’application n’a pas été publié et lors du changement de majorité parlementaire de 1993, toutes les publicités par affichage ont été rétablies, y compris dans les stades. Une autre modification de la loi a été l’ajout dans les messages publicitaires de notions concernant les modes de consommation et les zones de production, termes imprécis provoquant une abondante jurisprudence qui aurait pu être évitée.
L’objectif de santé publique doit être le rétablissement du texte initial du projet de loi de 1990. La promotion publicitaire de l’alcool y étant autorisée seulement dans les médias qui ne touchent pas directement les enfants, elle se limiterait a une description du produit vendu et non à une association à des facteurs valorisant qui n’ont rien à voir avec le produit. Il s’agit en pratique d’obtenir que l’information publicitaire soit assurée, renseignant le consommateur sur un produit en vente libre, et d’interdire la valorisation abusive de l’alcool par les méthodes des publicitaires, qui sont à l’opposé de l’éducation et de l’information.
En résumé, le groupe de travail recommande la réactivation du texte initial de la loi Évin limitant la promotion publicitaire de l’alcool ainsi que la suppression du parrainage des soirées étudiantes par les alcooliers.

Développer la prévention situationnelle des risques liés
à la prise d’alcool chez les jeunes

En dehors d’une éducation pour la santé qui agit sur les causes psychosociales de l’alcoolisation chez les jeunes (mal-être, déficit d’estime de soi, identification culturelle…), il est possible de développer une prévention situationnelle, c’est-à-dire dans les moments où les jeunes s’alcoolisent le plus.
Il s’agit alors de développer la prévention des risques liés à la prise d’alcool chez les jeunes lors des fêtes avec, par exemple, la proposition de bonnes pratiques susceptibles d’être adoptées au niveau des stades, des maisons de jeunes, des manifestations festives, avec les municipalités. Il s’agit avant tout de prévenir les risques liés à l’alcoolisation (accidents, violences agies ou subies, sexualité à risque). Cette prévention situationnelle consiste par exemple à favoriser l’organisation des accompagnements à domicile après les manifestations festives (soirées, matchs, concerts…).
Différentes dispositions peuvent ainsi diminuer le risque routier lié à l’alcool chez les jeunes, comme celles consistant à planifier la soirée avant que l’alcoolisation ne débute et à désigner un conducteur pour le retour, l’idéal étant l’abstinence pour le conducteur désigné. Ce type de comportement doit être valorisé et l’action des associations en ce domaine mise en valeur. Il semble également intéressant d’encourager les établissements (boîtes de nuits, bars…) à former les barmen à plus de responsabilité au cours de leur service. Il serait également important que les pouvoirs publics réfléchissent à des modifications de la tarification et de la fiscalité sur les boissons non-alcooliques afin de rendre leur prix plus attractif pour les consommateurs et les distributeurs. Dans le cadre des plans départementaux d’action de sécurité routière, il est possible de promouvoir différentes pratiques ayant pour effet la réduction du risque routier chez les jeunes, en particulier concernant l’organisation collective des déplacements. Les centres d’apprentissage de la conduite pourraient participer plus largement à l’information sur les risques de la conduite sous influence de l’alcool.
En résumé, le groupe de travail recommande la mise en place d’actions de prévention situationnelle des risques liés à la consommation d’alcool sur les lieux de fête (sécurité routière, sensibilisation des professionnels distributeurs, rencontres des jeunes et des professionnels).

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