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Med Sci (Paris). 2016 March; 32(3): 246–248.
Published online 2016 March 23. doi: 10.1051/medsci/20163203007.

Des cellules NK mémoire découvertes chez les primates

Thierry Walzer1* and Antoine Marçais1

1CIRI, centre international de recherche en infectiologie, université de Lyon, Inserm, U1111, École Normale Supérieure de Lyon, CNRS, UMR5308, Lyon, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Haplorhini, Humains, Mémoire immunologique, Cellules tueuses naturelles, Souris, Primates, immunologie, cytologie

Cellules NK mémoire chez la souris

Un nombre grandissant d’articles prête aux cellules natural killer (NK) des propriétés dites adaptatives [13] ().

(→) Voir la Synthèse de E. Narni-Mancinelli et al. m/s n° 4, avril 2013, page 389

Les cellules NK, identifiées dans les années 1970, constituent pourtant le membre fondateur de la famille des cellules lymphoïdes innées (ILC, innate lymphoid cells) [14] ().

(→) Voir la Synthèse de M. Cherrier, m/s n° 3, mars 2014, page 280

Leur système de reconnaissance des cellules cibles repose sur un jeu de récepteurs, activateurs et inhibiteurs, exprimés de façon combinatoire, chaque récepteur étant exprimé sur tout ou partie des cellules NK, constituant ainsi un répertoire de diversité limitée. Le concept de « NK mémoire » est né de l’observation que des souris dépourvues de lymphocytes T et B étaient capables de réponses « mémoire » (c’est-à-dire de répondre plus rapidement à des antigènes auxquelles elles avaient été précédemment exposées) après une immunisation par des haptènes1, dans un modèle d’hypersensibilité de contact2 [1]. La réponse mémoire décrite dans cette étude reposait en effet sur les cellules NK. Même si certaines de ces observations initiales n’ont pas été reproduites [2], de nombreux articles ont maintenant confirmé que les cellules NK se rapprochaient des lymphocytes T par différents aspects, comme la possibilité d’expansion clonale et de persistance à long terme après une activation, la capacité de réponse mémoire, notamment suite à des changements des marques épigénétiques, et enfin dans différents contextes, l’habilité à répondre de façon spécifique à l’antigène [3]. Le modèle de l’infection par le virus MCMV (mouse cytomegalovirus), dans lequel les cellules NK Ly49H+3, prolifèrent lors de la reconnaissance de la protéine m157 du virus exprimée sur les cellules infectées, a notamment permis de bien mieux comprendre les mécanismes de la mémoire NK [3]. De façon importante, chez la souris et dans plusieurs modèles expérimentaux, les cellules NK mémoire sont capables de conférer une protection contre des virus précédemment rencontrés, ce qui suscite un intérêt croissant, notamment dans le domaine de la recherche sur les vaccins.

Cellules NK mémoire chez les singes

Un article récent publié dans Nature Immunology rapporte l’identification de cellules NK mémoire antigène spécifiques, chez les macaques rhésus [4]. Dans cet article, les auteurs ont d’abord montré que les cellules NK de singes chroniquement infectés par deux souches de SIV (simian immunodeficiency virus, l’équivalent du virus de l’immunodéficience humaine - VIH) étaient capables de lyser, de façon beaucoup plus efficace que des cellules NK naïves, des cellules dendritiques autologues chargées avec les antigènes Gag ou Env4, provenant du virus SIV afin qu’elles les présentent. Les cellules dendritiques non chargées étaient en revanche ignorées par ces cellules NK. Dans une deuxième série d’expériences, les auteurs ont utilisé des singes vaccinés avec des particules virales d’adénovirus non réplicatif exprimant les antigènes Gag ou Env. Cinq ans après la vaccination, les cellules NK isolées de ces singes étaient capables de lyser des cellules dendritiques chargées avec l’antigène (Gag ou Env) pour lequel les singes avaient été vaccinés, mais pas des cellules dendritiques chargées avec un autre antigène (Figure 1). Ces résultats démontrent ainsi, premièrement, la capacité de persistance à très long terme de la mémoire NK, mais aussi la capacité des cellules NK mémoire à répondre de façon spécifique de l’antigène. Dans cet article, et compte tenu des limites du modèle d’étude, les auteurs ont réalisé un grand nombre de contrôles indirects visant à exclure la possibilité que des cellules T mémoire contaminantes soient à l’origine des résultats observés. Il reste que plusieurs points de cette étude sont contestables, notamment le système expérimental in vitro, utilisant une culture de 18h des cellules NK avec les cibles, qui paraît plus approprié pour mesurer la cytotoxicité des lymphocytes T que celle des cellules NK, classiquement mesurée en 4h. Mais le point le plus important concerne les bases de la spécificité des cellules NK mémoire. Les auteurs montrent que des anticorps anti-NKG2A ou anti-NKG2C5 bloquent la lyse des cellules dendritiques par les cellules NK, ce qui suggère que NKG2A et NKG2C pourraient participer à la reconnaissance des cellules-cibles. Il est cependant difficile d’imaginer comment ces seules molécules permettraient de reconnaître et de discriminer différents antigènes tels que Gag et Env, ce qui n’est pas discuté dans l’article.

Cellules NK mémoire chez l’homme ?

L’expression de NKG2C est caractéristique d’une population de cellules NK, très augmentée chez les patients humains séropositifs pour le cytomégalovirus humain (HCMV) [5, 6]. Ces cellules NK NKG2C+, qui co-expriment souvent CD57 (un marqueur des cellules NK cytotoxiques), sont maintenues à long terme chez les patients ayant déjà été infectés par HCMV et prolifèrent lors d’une réinfection ou d’une co-infection par d’autres virus. La prolifération de ces cellules NKG2C+ nécessite notamment l’expression, induite par le HCMV, de HLA-E (HLA [human leukocyte antigen] class I histocompatibility antigen, alpha chain E), le ligand de NKG2C, ainsi que de l’interleukine (IL)-12 produite par les monocytes [7]. De plus, l’expansion des cellules NK NKG2C+ suite à une infection par des virus comme celui de l’hépatite C [8] ou le chikungunya [9], n’est observée que chez les patients précédemment infectés par le HCMV, ce qui suggère que les cellules NK NKG2C+ sont bien spécifiques du HCMV et pourraient proliférer par réaction hétérologue ou suite à une réactivation infra-clinique du HCMV lors des co-infections. De nombreuses questions demeurent cependant concernant ces cellules NKG2C+.

  • Sont-elles vraiment efficaces dans la réponse antivirale ? Certaines données suggèrent notamment qu’elles pourraient avoir une fonction diminuée [10], à la manière des lymphocytes T victimes d’« épuisement » lors des infections chroniques.
  • Quelle est la base de leur spécificité ? Un article récent a montré qu’une population de cellules négatives pour FcεRIγ (Fc receptor, IgE, high affinity I, gamma polypeptide), et présentant des similarités avec les cellules NK NKG2C+, montrait des capacités de cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC) très augmentées vis-à-vis de cellules cibles infectées par des virus et recouvertes d’anticorps [11]. Ces données suggèrent que la spécificité des cellules NK mémoire pourrait être conférée par les anticorps qu’elles reconnaissent via leur récepteur des immunoglobulines, FCγRIIIA (Fc gamma receptor type IIIA ou CD16). Une autre possibilité serait que des combinaisons particulières de récepteurs activateurs et inhibiteurs soient à la base de la spécificité NK. De nouveaux outils comme la cytométrie de masse, qui permettent de mesurer simultanément l’expression de plusieurs dizaines de récepteurs, ont récemment permis de montrer l’évolution du répertoire des populations NK, lors des infections ou avec l’âge, et de mieux estimer sa complexité [12]. Ces nouvelles techniques apporteront peut-être des explications quant aux bases de la spécificité NK.
  • Sont-elles issues d’une sous-population particulière ? La localisation strictement hépatique des cellules NK mémoire chez la souris, liée à l’expression de CXCR6 (chemokine [C-X-C motif] receptor 6), et la localisation strictement hépatosplénique chez le singe [3], suggèrent que les cellules NK mémoire pourraient constituer un lignage de cellules lymphoïdes innées (ILC) à part, peuplant majoritairement le foie. Dans cette hypothèse, il reste à déterminer si ces ILC adaptatives seraient liées aux cellules NKG2C+ circulant chez l’homme. Ces dernières n’ont pas encore été étudiées ailleurs que dans le sang.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Molécule de petite taille engendrant une réponse immunitaire uniquement en association avec un antigène porteur.
2 Modèle de réponse immunitaire de type allergique contre un antigène délivré sur la peau.
3 Récepteur membranaire codé par Klra8 (killer cell lectin-like receptor, subfamily A, member 8) spécifique des cellules NK.
4 Protéines de capside et d’enveloppe virales. 
5 NKG2A (aussi appelé KLRC1, killer cell lectine-like receptor C1) et NKG2C (KLRC2, killer cell lectine-like receptor C2) sont des protéines transmembranaires exprimées par les cellules NK.
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