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Med Sci (Paris). 2014 November; 30(11): 968–975.
Published online 2014 November 10. doi: 10.1051/medsci/20143011010.

Contrôle transcriptionnel des gènes ciliaires

Jennifer Vieillard,1# Julie Jerber,1# and Bénédicte Durand1*

1Centre de génétique et de physiologie moléculaire et cellulaire, UMR 5534 CNRS, université Claude Bernard Lyon-1, 16, rue Raphaël Dubois, 69622Villeurbanne, France
Corresponding author.
#J.V. et J.J. ont contribué de manière équivalente à l’écriture de cet article.
 

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Cils : une diversité de structures et de propriétés

Les cils et les flagelles sont des organites complexes qui forment des extensions à la surface de nombreux types cellulaires [ 48] ().

(→) Voir la Synthèse de C. Fort et P. Bastin, page 955 de ce numéro

Leur structure est fortement conservée, des organismes unicellulaires, tels que l’algue verte Chlamydomonas, jusqu’à l’homme. Chez les animaux, ils sont impliqués dans de nombreuses fonctions et jouent un rôle important dans l’homéostasie des tissus, le développement et la reproduction [ 49] ().

(→) Voir la Synthèse de N. Diguet et S.M. Meilhac, page 996 de ce numéro

Les cils sont constitués de plusieurs centaines de protéines, certaines communes à tous les cils, d’autres spécifiques à un type de cil. Les programmes de transcription nécessaires à l’expression des gènes codant pour des protéines ciliaires commencent à être connus chez les animaux, mais ils ne sont cependant pas complètement élucidés [ 1].

Au niveau structural, les cils et les flagelles sont constitués d’une ossature microtubulaire, l’axonème, qui est nucléée à partir du corps basal, un dérivé du centriole père [48] ().

() Voir la Synthèse de C. Fort et P. Bastin, page 955 de ce numéro

Celui-ci est ancré à la membrane plasmique au niveau d’une structure particulière, la zone de transition, assemblée au-dessus du corps basal et qui joue un rôle dans le contrôle du passage des composants ciliaires dans le cil (Figure 1A). Le cil est entouré d’une membrane ciliaire en continuité avec la membrane plasmique, bien que sa composition en soit distincte. Il est isolé du reste de la cellule par la zone de transition et est assemblé grâce à un transport bidirectionnel, le transport intraflagellaire (IFT), qui permet l’acheminement de molécules dans et hors du cil [ 2, 3].

Différents types de cils sont décrits selon leurs structures ou leurs propriétés fonctionnelles. Les cils primaires, qui sont constitués de neuf doublets de microtubules périphériques (9+0), sont présents en un seul exemplaire sur la plupart des cellules des mammifères au cours de la vie embryonnaire, et sur de nombreux tissus chez l’adulte, comme par exemple dans le rein où ils assurent une fonction mécanosensorielle (Figure 1B). Ils jouent un rôle dans la perception de signaux extracellulaires, notamment dans la transduction de voies de signalisation, dont la voie Sonic Hedgehog (Shh) qui est essentielle au développement de nombreux organes [49] ().

(→) Voir la synthèse de N. Diguet et S.M. Meilhac, page 996 de ce numéro

Par opposition, on distingue les cils qui possèdent, en plus de neuf doublets périphériques, une paire centrale de microtubules (9+2). La plupart de ces cils sont mobiles et possèdent différentes structures nécessaires à la motilité, telles que des bras de dynéine, des liens de nexine et des fibres radiaires (Figure 1B). Chez l’homme, ce type de cil est observé sous la forme de touffes de plusieurs cils par cellule au niveau des épithéliums respiratoires, des ventricules cérébraux et de l’oviducte. Le flagelle des spermatozoïdes, présent en un seul exemplaire sur chaque cellule, entre également dans cette catégorie de cils mobiles [3]. À côté de cette classification stéréotypée en deux catégories principales, il existe un ensemble de cils de structures variées. Par exemple, les cils des cellules du nœud embryonnaire (organe de latéralisation), qui sont essentiels à la mise en place de l’asymétrie droite/gauche au cours du développement des mammifères, possèdent une conformation en (9+0) mais sont mobiles, grâce à la présence de bras de dynéine sur les doublets de microtubules périphériques (Figure 1B) [ 4, 49] ().

(→) Voir la Synthèse de N. Diguet et S.M. Meilhac, page 996 de ce numéro

À l’inverse, les neurones olfactifs des fosses nasales possèdent plusieurs cils de type (9+2) par cellule, qui ne sont pas mobiles et ne possèdent pas de bras de dynéine [ 5]. De même, le kinocil, qui est nécessaire à l’organisation de l’épithélium auditif, est présent en une seule copie à la surface des cellules de l’oreille interne [ 50] (). Il possède une structure en (9+2) avec des fibres radiaires et des bras de dynéine chez le poisson zèbre, mais pas de bras de dynéine chez la souris ; il ne semble malgré tout pas être mobile [ 6].

(→) Voir la Synthèse de J. Ezan et M. Montcouquiol, page 1004 de ce numéro

Enfin, dans les photorécepteurs, un cil en (9+0) fait la jonction entre le segment interne et un segment externe qui, dans ce cas, est particulièrement développé et possède une morphologie unique adaptée à la fonction photoréceptrice. Ainsi, bien que leur structure de base soit commune, les cils peuvent varier considérablement d’un type cellulaire à l’autre en termes de taille, de forme, de nombre et de fonctions. De plus, ils sont assemblés selon un programme temporel bien précis qui diffère selon les cellules et les tissus. Cette diversité, qui est intimement liée aux différentes fonctions assurées par les cils, dépend de programmes transcriptionnels diversifiés, finement régulés et spécifiques du type cellulaire. Bien que ces programmes de transcription restent encore peu connus, deux grandes familles de facteurs de transcription sont plus particulièrement impliquées dans la ciliogenèse. Cependant, ces facteurs agissent souvent de concert avec d’autres facteurs spécifiques d’un type cellulaire pour augmenter la diversité ciliaire. Dans une première partie, nous aborderons les principaux facteurs de transcription régulant les gènes ciliaires, puis nous analyserons de quelle façon ils coopèrent pour participer à la diversité de structures et de fonctions des cils. Enfin, nous analyserons comment la recherche de nouveaux gènes cibles de ces facteurs de transcription peut permettre d’identifier de nouveaux gènes candidats des ciliopathies.

Régulation transcriptionnelle des gènes ciliaires

L’expression des gènes impliqués dans la ciliogenèse, c’est-à-dire des gènes codant pour des protéines nécessaires à la formation et à la fonction des cils, est principalement régulée par deux types de facteurs de transcription.

Les protéines RFX
Un premier groupe comporte les protéines RFX (regulatory factor X), membres de la famille des facteurs de transcription de type winged-helix. Ces facteurs possèdent un domaine conservé de liaison à l’ADN et se fixent sur le promoteur de leurs gènes cibles au niveau d’une séquence consensus appelée boîte X. Ils ont été identifiés chez un grand nombre d’espèces eucaryotes. Huit facteurs RFX sont présents chez les mammifères, avec un facteur putatif supplémentaire chez le poisson zèbre. La drosophile possède deux facteurs RFX tandis que Caenorhabditis elegans et la levure n’en ont qu’un [ 7]. Ces facteurs peuvent être subdivisés en deux groupes selon qu’ils possèdent, ou non, un domaine de dimérisation. Ainsi, les protéines RFX1-4, RFX6 et RFX8 des mammifères, DAF-19 chez C. elegans et RFX-(CG6312) chez la drosophile possèdent ce domaine, alors que RFX5, RFX7 et le second RFX-(CG9727) de la drosophile n’en ont pas.

Parmi les facteurs possédant un domaine de dimérisation, DAF-19 chez C. elegans et RFX-(CG6312) chez la drosophile jouent un rôle essentiel dans la formation des cils des neurones sensoriels [ 8, 9]. Chez la souris, RFX3 est indispensable à l’élongation des cils du nœud embryonnaire [ 10] et des cellules des îlots de Langerhans du pancréas endocrine [ 11], ainsi qu’à la régulation du nombre, de la taille et de la motilité des cils dans les cellules épendymaires [ 12, 13]. D’autre part, les souris déficientes pour Rfx4 présentent des défauts de croissance des cils au niveau du système nerveux central [ 14]. Chez le poisson zèbre, Rfx2 est nécessaire à l’assemblage des cils de la vésicule de Kupffer, structure impliquée dans la mise en place de l’asymétrie droite/gauche dans cet organisme [ 15]. Chez le xénope, Rfx2 est également nécessaire à la mise en place de l’épithélium mucociliaire [ 16]. Il a été récemment démontré qu’il contrôle l’expression d’un grand nombre de gènes ciliaires [ 17]. La présence du domaine de dimérisation n’est pas systématiquement corrélée avec le contrôle des gènes ciliaires, puisqu’il a aussi été montré que le facteur Rfx7, qui ne possède pas ce domaine, est requis pour réguler la ciliogenèse dans le tube neural chez le xénope (Tableau I) [ 18]. De façon générale, les facteurs RFX régulent la ciliogenèse en contrôlant directement la transcription des gènes ciliaires et, notamment, de nombreux gènes codant pour des protéines essentielles à l’assemblage et à la fonction des cils [17, 19]. Ainsi, ils contrôlent l’expression de la majorité des protéines de la zone de transition nécessaires à l’ancrage du corps basal à la membrane plasmique, étape clé pour l’initiation de la ciliogenèse [ 51] (). Ils contrôlent également l’expression des protéines du BBS (Bardet-Biedl syndrome)-ome, un complexe essentiel au transport des composants ciliaires et de la plupart des molécules de l’IFT (transport intraflagellaire) [48] (→→). Les facteurs RFX régulent aussi l’expression de gènes codant pour des protéines impliquées dans la motilité des cils, telles que certaines dynéines axonémales.

() Voir la Synthèse de A. Benmerah, page 962 de ce numéro

(→→) Voir la Synthèse de C. Fort et P. Bastin, page 955 de ce numéro

Certains facteurs RFX peuvent être coexprimés dans une même cellule. Ainsi, chez la souris, RFX3 et RFX4 sont tous deux exprimés dans certains territoires du cerveau, comme par exemple l’organe sous-commissural1, [13, 20]. RFX2 et RFX3 sont présents dans les cellules du nœud embryonnaire chez la souris [10, 15]. Il en est de même pour les facteurs RFX1, RFX2 et RFX4, qui sont tous les trois exprimés dans les spermatides au cours de la spermatogenèse chez la souris [ 21]. Cette expression simultanée de plusieurs facteurs RFX capables de reconnaître un même motif d’ADN suggère une possible redondance fonctionnelle entre ceux-ci. Dans ce sens, il a été montré que deux facteurs RFX peuvent contrôler l’expression d’un même gène, comme c’est le cas pour RFX3 et RFX4, qui peuvent tous deux réguler l’expression du gène codant pour la protéine IFT172 [14]. Cependant, l’observation des phénotypes des souris déficientes pour les gènes Rfx3 ou Rfx4 suggère également que, dans certains territoires comme l’organe sous-commissural du cerveau, RFX3 et RFX4 coopèrent, car des défauts similaires sont observés dans ce territoire dans les deux modèles mutants [13, 20].

De manière intéressante, les protéines RFX ne sont pas présentes chez les protozoaires ciliés et ne contrôlent donc pas la ciliogenèse de ces organismes. Leur recrutement au niveau des promoteurs des gènes ciliaires est apparu avec la multicellularité. Ceci est en faveur de l’hypothèse selon laquelle chez les mammifères, la ciliogenèse requiert la mise en place d’une régulation transcriptionnelle finement coordonnée au cours du temps et spécifique des tissus dans leurs différents territoires d’expression.

Le facteur FOXJ1
Le second type de facteur de transcription requis pour la ciliogenèse est FOXJ1 (forkhead box J1), qui appartient à la famille des facteurs de transcription FOX, caractérisés par la présence d’un domaine particulier de liaison à l’ADN de type forkhead (FKH). Ce facteur est présent chez de nombreux eucaryotes et semble avoir évolué avec la présence de cils mobiles [ 22]. Aucun homologue n’est présent chez C. elegans qui ne possède pas de cils mobiles, ni chez Drosophila melanogaster. Cependant, chez la drosophile, le gène fd3f, apparenté à FOXJ1, est nécessaire à la motilité des cils des neurones des organes chordotonaux2, [23]. Chez les vertébrés, FOXJ1 est un acteur indispensable à l’établissement du programme de motilité des cils. Chez la souris, son absence induit des défauts de formation des cils mobiles dans de nombreux tissus, tels que le cerveau ou les épithéliums respiratoires. Cette altération est due à une défaillance de l’ancrage des corps basaux à la membrane plasmique. Deux études montrent également un défaut de formation et de motilité des cils du nœud embryonnaire [24, 25]. Chez le poisson zèbre, la diminution d’expression de foxj1a induit l’absence ou la réduction de la taille des cils mobiles présents dans la vésicule de Kupffer et le plancher du tube neural [26, 27]. Des défauts ciliaires similaires sont observés chez le xénope dans différentes régions lorsque l’expression de foxj1 est diminuée (Tableau I) [28]. Plusieurs cibles de FoxJ1 ont été identifiées chez le xénope et le poisson, et sont impliquées, directement ou indirectement, dans la motilité des cils. Par exemple, Foxj1 contrôle l’expression de gènes qui codent pour les protéines des bras de dynéine ou qui sont nécessaires à leur assemblage, comme LRRC6 (leucine rich repeat containing 6) qui, lorsqu’il est muté chez certains patients atteints de dyskinésie ciliaire primitive, affecte l’assemblage des dynéines axonémales dans les cils des voies respiratoires [ 29]. De manière remarquable, si FoxJ1 est nécessaire à l’assemblage des cils mobiles, il est également suffisant pour induire la formation de cils ectopiques dans des cellules épithéliales de poisson ou de xénope, ce qui justifie de considérer parfois ce gène comme un régulateur essentiel de la ciliogenèse [26, 27]. Toutefois, cette propriété ne semble pas être vraie dans toutes les cellules, ce qui montre également que le contrôle de la ciliogenèse ne peut se réduire à un seul facteur de transcription [ 30].
Coopération et régulation croisée des facteurs RFX et FOXJ1
En résumé, la régulation des gènes nécessaires à la ciliogenèse fait intervenir au moins deux grandes classes de facteurs de transcription dont chacune présente des spécificités d’action. Ceci nous permet déjà d’entrevoir comment la diversité des cils peut être engendrée. De plus, il existe chez les mammifères plusieurs protéines RFX qui sont requises pour l’assemblage des cils dans des territoires différents, ce qui peut aussi expliquer en partie le contrôle tissulaire de la ciliogenèse (Tableau I). D’autre part, FOXJ1 est indispensable à la différenciation des épithéliums multiciliés et à l’acquisition des propriétés des cils mobiles.

Plusieurs études suggèrent que ces familles de facteurs de transcription coopèrent dans la biogenèse des cils mobiles. En effet, outre leur expression dans les tissus possédant des cils mobiles, les facteurs RFX régulent l’expression de gènes impliqués dans les fonctions des cils associées à leur motilité, tels que Dnah9 (dynein, axonemal heavy chain 9), qui est également une cible de FOXJ1 [27, 31]. Des expériences réalisées chez la souris, le poisson zèbre et dans les cellules respiratoires humaines, montrent que FOXJ1 induit l’expression des gènes RFX3 et RFX2 pendant la différenciation des cils mobiles [24, 26, 32]. Cependant, Rfx3 ne semble pas être régulé par FOXJ1 dans le plancher du tube neural, qui porte de longs monocils dont la fonction est encore débattue [33]. À l’inverse, dans les cellules épendymaires de souris, RFX3 se lie au promoteur du gène Foxj1 [12], suggérant l’existence d’une régulation croisée entre ces facteurs de transcription. Il a également été montré que les facteurs RFX et FOXJ1 peuvent faire partie d’un même complexe transcriptionnel. Ainsi, dans les cellules respiratoires humaines, l’expression de FOXJ1 seule, et non celle de RFX3, est suffisante pour induire l’expression des gènes contrôlant la motilité ciliaire. Pourtant, l’expression des gènes cibles de FOXJ1 est augmentée en présence de RFX3 et les deux protéines humaines peuvent êtres co-immunoprécipitées lorsqu’elles sont surexprimées dans ces cellules [32]. Un crible double-hybride a également montré une interaction directe entre les protéines de souris RFX2 et FOXJ1 [ 34].

Les facteurs RFX et FOXJ1 peuvent également coopérer avec des facteurs de transcription spécifiques des tissus, et ainsi permettre une plus grande diversité ciliaire.

Contrôle de la diversité ciliaire
Spécificité ciliaire chez les invertébrés : coopération entre facteurs de transcription
De manière intéressante, l’utilisation des modèles invertébrés, qui possèdent un nombre restreint de cils différents, a permis de mieux comprendre comment la spécificité ciliaire peut être contrôlée. Ainsi, les neurones chordotonaux chez la drosophile, qui servent à l’audition et à la proprioception, possèdent des cils mobiles en (9+0) dont l’assemblage est contrôlé à la fois par les facteurs RFX et FD3F (forkhead domain 3F). Ces deux protéines coopèrent pour réguler des gènes spécifiques de ce type ciliaire, comme les gènes Nan, Iav et Dhc93AB (dynein axonemal heavy chain 93AB), qui possèdent dans leurs séquences régulatrices des sites de liaison pour RFX et FD3F. Toute mutation dans le site de fixation de chacun de ces facteurs abolit ou diminue fortement l’expression de ces gènes cibles [23]. De plus, il a été montré que le niveau absolu de RFX dans les différents types de cellules ciliées de la drosophile avait une influence sur la nature des gènes induits. Le contrôle de l’expression de RFX par le facteur de transcription proneuronal atonal, spécifique des neurones chordotonaux, permet d’obtenir des niveaux élevés de RFX. Ces niveaux élevés sont en particulier nécessaires à l’assemblage de la racine ciliaire, qui ancre le cil dans le cytosquelette de la cellule et qui est très développée dans ce type cellulaire. Atonal peut directement activer l’expression du gène ciliaire dilatory, indépendamment du complexe transcriptionnel RFX/FD3F [ 35] et, ainsi, contrôler la spécialisation des cils des neurones chordotonaux (Figure 2A). Un mécanisme similaire semble opérer chez la souris au niveau des cils mobiles du nœud embryonnaire. En effet, leur formation nécessite le facteur de transcription NOTO (notochord homeobox). Celui-ci active directement FoxJ1 qui, en retour, active Rfx3 (Figure 2B). La réexpression de Foxj1 chez un mutant Noto suffit à rétablir l’expression des gènes ciliaires, ainsi que la taille et le battement normal des cils [24, 26]. Cependant, la polarisation du cil, c’est-à-dire sa localisation spécifique à la surface de la cellule, est altérée, indiquant que NOTO active, indépendamment de FOXJ1 et de RFX3, les gènes nécessaires au positionnement correct des cils.

Recrutement de facteurs de transcription accessoires
La formation spécifique d’un type de cil ou d’un autre peut aussi faire appel à des facteurs de transcription accessoires, dont la plupart restent à identifier. Ainsi, il a été montré que les différents gènes requis pour l’assemblage de tous les cils chez C. elegans possèdent dans leur promoteur, en plus d’un motif de liaison des protéines RFX, un motif conservé appelé boîte C, qui est requis pour l’activation de ces gènes. Le (ou les) facteur qui pourrait contrôler l’expression des gènes ciliaires en utilisant ce motif reste néanmoins inconnu [ 36]. Toujours chez C. elegans, il a été montré que la protéine RFX (DAF-19) induit l’expression d’un autre facteur de transcription, FKH-2 (forkhead-2), spécifique d’un sous-type de cellule ciliée et qui lui confère son identité [ 37]. La raison pour laquelle ce facteur est induit uniquement dans un seul type de cil par DAF-19 reste inconnu, mais il est vraisemblable que des facteurs spécifiques de ce type cellulaire, encore à identifier, soient impliqués dans le processus. Chez la souris, quelques données suggèrent que de tels facteurs pourraient également participer aux processus de ciliogenèse. Par exemple, le régulateur transcriptionnel HNF1β (hepatocyte nuclear factor 1β), qui joue un rôle majeur dans l’homéostasie du rein, régule l’expression des gènes Pkhd1 (polycystic kidney and hepatic disease 1) et Pkd2 (polycystic kidney disease 2), indispensables à la détection du flux d’urine par le cil [ 38].
Contrôle du nombre de cils
Les mécanismes qui permettent de contrôler la formation d’un nombre important de cils mobiles à la surface d’une seule cellule d’un épithélium commencent à être bien compris chez le xénope et la souris. Deux protéines particulières, la multiciline et la protéine MYB (myeloblastosis protein), sont requises pour que les cellules développent des cils mobiles [27, 39]. La multiciline, une protéine nucléaire qui ne possède pas de domaine caractérisé de liaison à l’ADN, est nécessaire pour la différenciation des touffes de cils mobiles. Elle agit, entre autres, en induisant l’expression du facteur de transcription MYB qui, lui-même, est nécessaire à l’amplification centriolaire, étape préalable à la formation d’un grand nombre de cils. Ces protéines sont toutes deux impliquées dans la régulation de Foxj1 (Figure 2C) qui permet, en coopération avec les facteurs RFX, d’induire la formation des cils mobiles. L’identification des mécanismes par lesquels la multiciline et MYB contrôlent l’expression de leurs gènes cibles devrait apporter des éléments importants pour comprendre la différenciation des épithéliums multiciliés. Ces résultats montrent que, si les facteurs RFX et FOXJ1 sont des effecteurs clés du programme de transcription qui gouverne la formation des cils, ils sont soumis eux-mêmes à un contrôle précis. Ce contrôle intègre par ailleurs plusieurs voies de signalisation majeures du développement comme les voies Notch, Wnt et FGF (fibroblast growth factor) ; ces voies ne seront pas détaillées ici (pour revue [1]).
Identification des cibles des régulateurs ciliaires : de nouveaux gènes candidats de ciliopathies

Des études génomiques et protéomiques visant à identifier les gènes cibles des facteurs de transcription ciliaires ont permis d’établir des listes exhaustives des composants des cils ([17, 23, 31, 40, 41] et pour revue [1, 42]). Ainsi, le gène ccdc151 (coiled-coil domain containing 151), identifié comme cible de RFX chez la drosophile [31], est nécessaire à la motilité des cils via le contrôle de l’assemblage des bras de dynéine chez le poisson zèbre [ 43]. Il en est de même pour le gène chibby, également identifié comme cible de RFX, et qui joue un rôle crucial dans la biogenèse de la zone de transition chez la drosophile et pour la mise en place des cils mobiles chez la souris [ 44, 45]. De la même manière, une étude visant à trouver les cibles de RFX2 dans les cellules multiciliées de la peau de xénope a conduit à l’identification de deux nouveaux gènes ciliaires. Le premier, ttc29 (tetratricopeptide repeat domain 29), est nécessaire à la régulation de l’IFT et le second, ribc2 (RIB43A domain with coiled-coils 2), est essentiel à la motilité des cils, et son absence perturbe l’organisation microtubulaire de l’axonème [17].

Ces études ont aussi permis d’identifier des gènes dont l’importance chez l’homme a été démontrée par leur implication dans plusieurs ciliopathies. Par exemple, le gène Zmynd10 (zinc finger, MYND-type containing 10), identifié comme cible des facteurs de transcription FD3F et RFX chez la drosophile, est essentiel à l’assemblage des bras de dynéine chez l’homme et la drosophile, et il est associé à des dyskinésies ciliaires primitives [ 46]. Ainsi, l’analyse des programmes transcriptionnels impliqués dans la ciliogenèse devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes d’assemblage des cils et leur diversité au sein d’un organisme. La poursuite de la caractérisation des gènes cibles sous contrôle des différents programmes transcriptionnels devrait permettre d’aider à l’identification de nouveaux gènes impliqués dans les pathologies ciliaires chez l’homme.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Nous remercions la Fondation pour la recherche médicale pour son soutien à Julie Jerber (prix Line Pomaret-Delalande) et à l’équipe dirigée par Bénédicte Durand (équipe FRM, DEQ20131029168). Jennifer Vieillard est financée par un contrat doctoral de l’université Lyon1.

 
Footnotes
1 Structure (d’origine épendymaire) qui borde le toit du 3e ventricule du cerveau, spécialisée dans la sécrétion de glycoprotéines dans le liquide céphalorachidien.
2 Organes sensoriels internes des arthropodes qui répondent à l’étirement. Ils sont impliqués dans la proprioception et l’audition. On les retrouve entre autres en grand nombre au niveau de l’antenne de la drosophile, qui joue le rôle d’organe tympanique.
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