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Med Sci (Paris). 2013 December; 29(12): 1161–1166.
Published online 2013 December 20. doi: 10.1051/medsci/20132912021.

Vaccins contre les papillomavirus humains (HPV)
Dernières recommandations du Haut conseil de la santé publique, et premiers résultats cliniques et virologiques

Isabelle Heard1,2,3* and Daniel Floret4**

1Centre national de référence des HPV, Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur Roux, 75724Paris Cedex 15, France
2Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651Paris Cedex 13, France
3Inserm U943, Université Pierre et Marie Curie, 4, place Jussieu, 75005Paris, France
4Université Claude Bernard Lyon1, 43, boulevard du 11 novembre 1918, 69100Villeurbanne, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm - Serimedis).

Entre 2005 et 2011, le Comité technique des vaccinations et le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, puis le Haut conseil de la santé publique (HCSP) qui lui a succédé, ont émis 11 avis relatifs à la vaccination contre le papillomavirus (voir Encadré). L’avis princeps [ 1], en date du 9 mars 2007, recommandait la vaccination par le vaccin quadrivalent (alors seul disponible) (voir Encadré) des jeunes filles de 14 ans, ainsi que le rattrapage chez les jeunes filles et les jeunes femmes jusqu’à l’âge de 23 ans révolus qui n’auraient pas eu de rapports sexuels, ou au plus tard dans l’année suivant le début de leur activité sexuelle. En décembre 2010, le HCSP a estimé que, dans l’optique de la protection contre les lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus, les deux vaccins quadrivalent et divalent pouvaient être considérés comme équivalents [ 2].

Infection à HPV et vaccins disponibles

« Environ 120 types de papillomavirus (HPV) sont connus chez l’homme. Leur transmission se fait à la fois par voie muqueuse et par voie cutanée. Parmi eux, 40 sont à tropisme génital préférentiel et une vingtaine, dits « à haut risque oncogène », sont associés à des cancers du col de l’utérus, du vagin, de la vulve et de l’anus. Les types 16 et 18 sont les plus fréquents des HPV à haut risque oncogène, responsables, au niveau européen, de près de 70 % des cancers du col de l’utérus, à côté des types 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66… Les HPV dits « à faible risque oncogène », dont les types 6 et 11, sont, eux, à l’origine de condylomes ou végétations vénériennes.

Les nouveaux vaccins dirigés contre certains types de papillomavirus sont des vaccins uniquement préventifs, c’est-à-dire à administrer avant l’infection par les types de HPV contenus dans ces vaccins. Le vaccin bivalent (types 16, 18) est ciblé contre les deux principaux HPV oncogènes. Le vaccin quadrivalent (types 6, 11, 16, 18) présente de plus une efficacité contre les condylomes dus aux HPV à faible risque oncogène 6 et 11 ».

(Repris du Guide des vaccinations, Paris, INPES, 2012)

Une révision de l’âge de la vaccination est apparue comme nécessaire récemment en raison d’une part, des données nouvelles ayant permis une évolution de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des vaccins, d’autre part, des difficultés à obtenir une couverture vaccinale satisfaisante. En effet, les données calculées sur l’échantillon généraliste des bénéficiaires (EGB) (source Cnamts [Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés]/InVS [Institut de veille sanitaire]) [ 3] révèlent une couverture vaccinale de 35,8 % pour les individus ayant reçu une dose de vaccin, et de 20,2 % pour ceux qui ont reçu trois doses, chez les filles nées en 1996. Entre 2010 et 2011, la couverture vaccinale chez les filles âgées de 14 à 16 ans a également diminué, traduisant une baisse de l’acceptabilité de cette vaccination mais, peut-être également, une difficulté à vacciner à cet âge.

Ainsi, le HCSP a émis en septembre 2012 [ 4] des recommandations nouvelles relatives à l’âge de la vaccination, qui sont intégrées au calendrier vaccinal 2013 [ 5] : leur objectif est de simplifier la vaccination en permettant, notamment, davantage de co-administrations.

Dans le même temps, les premiers résultats de l’efficacité clinique et virologique du vaccin quadrivalent sont devenus disponibles. Ils proviennent essentiellement d’études réalisées en Australie, où la vaccination est proposée aux jeunes filles en milieu scolaire depuis fin 2006.

Les nouvelles recommandations du HCSP pour la vaccination HPV
Choix de l’âge de la vaccination
Les données de couverture vaccinale Le choix de vacciner à un âge relativement tardif par rapport à l’âge figurant au libellé d’AMM (actuellement 9 ans pour les deux vaccins) avait été fait en 2007 sur plusieurs arguments [ 6] : (1) la durée de protection conférée par le vaccin était alors inconnue. La crainte était que, dans l’hypothèse d’une vaccination précoce et d’une durée de protection limitée, l’administration d’un rappel s’avère nécessaire pour des jeunes filles qui n’auraient pas encore été exposées au risque ; (2) les enquêtes relatives à l’âge des premiers rapports sexuels montraient que ceux-ci survenaient en moyenne vers l’âge de 17,5 ans chez les filles. Seules 3 % des femmes interrogées déclaraient avoir eu des rapports sexuels avant l’âge de 14 ans ; (3) l’absence d’études permettant de co-administrer le vaccin HPV avec les vaccins DTCaP (diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite) recommandés pour le rappel fait à l’âge de 11-13 ans. À cette époque, seul le vaccin contre l’hépatite B avait fait l’objet d’études de co-administration avec le vaccin HPV.

La vaccination HPV est désormais recommandée chez les filles entre 11 et 14 ans. Le rappel de vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, recommandé entre 11 et 13 ans, offre une opportunité de débuter la vaccination HPV (en co-administration), ou de la compléter en administrant notamment la 3e dose aux filles qui ne l’auraient pas encore reçue. La compliance vis-à-vis d’une vaccination complète semble en effet de plus en plus problématique, puisque la proportion de jeunes filles ayant reçu trois doses parmi celles ayant débuté la vaccination était, au 31 décembre 2011, de 76,7 %, 72,8 % et 72,1 % chez celles nées respectivement en 1994, 1995 et 1996. L’importance de l’administration de cette 3e dose est donc rappelée, y compris si le délai écoulé depuis l’administration de la première dose dépasse un an. Cette limite de un an imposée par l’AMM est estimée en contradiction avec les principes généraux d’immunologie vaccinale qui considèrent que l’espacement des doses est plus un facteur d’amélioration de la réponse immune que de non-réponse. Cinq années après l’introduction de la vaccination contre le papillomavirus, on constate que l’initiation de la vaccination se fait majoritairement avant l’âge de 16 ans et que l’essentiel du rattrapage se fait avant l’âge de 19 ans. En 2009, la couverture vaccinale par trois doses des jeunes filles âgées de 19 à 23 ans en 2007 ne dépassait pas 10 % [3]. Par ailleurs, la politique de rattrapage basée sur la date de début de l’activité sexuelle suppose un interrogatoire intrusif et s’avère en pratique très difficile à appliquer. Désormais, l’âge du rattrapage est limité à 20 ans (19 ans révolus), ce qui permet de laisser un délai de deux années pendant lequel les jeunes filles peuvent débuter la vaccination sans avoir recours à une autorisation parentale. Enfin, il n’est plus fait référence à l’existence d’une activité sexuelle

Les données sur l’immunogénicité des vaccins Outre les données de couverture vaccinale déjà décrites, la révision importante de ces recommandations s’est appuyée sur plusieurs éléments. De nouvelles données scientifiques concernant les vaccins ont permis une évolution de leur AMM. Ainsi, pour les deux vaccins existants, les études comparant l’immunogénicité procurée par une vaccination débutée à partir de 15 ans et par une vaccination débutée entre 9 et 14 ans ont montré que la réponse immune était d’autant meilleure que la vaccination était initiée plus tôt. Le profil de tolérance de la vaccination précoce était similaire à celui d’une vaccination plus tardive. Par ailleurs, les données montrant la persistance de taux d’anticorps supérieurs à ceux procurés par une infection naturelle sont désormais disponibles jusqu’à 60 mois pour le vaccin quadrivalent et 113 mois pour le vaccin divalent. D’autre part, des données de protection à quatre ans vis-à-vis des lésions cervicales de haut grade liées aux HPV 16 et 18 sont disponibles : cette protection est de 98,2 % (IC 95 % = 93,5-99,8 %) pour le vaccin quadrivalent, et de 94,9 % (IC 95 % = 87,7-98,4 %) pour le vaccin divalent. Enfin, les données de co-administration des deux vaccins HPV avec les vaccins contenant les valences diphtérique, tétanique, coquelucheuse, polio et hépatite B, et avec le vaccin combiné hépatite A + hépatite B pour le vaccin divalent, sont désormais disponibles.

Une enquête sur la santé des collégiens réalisée par l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) en 2010 a montré l’évolution des pratiques sexuelles en France. Elle a révélé que 3,6 % des filles interrogées déclarent avoir eu des rapports sexuels avant l’âge de 13 ans et 14,1 % avant l’âge de 15 ans ; ces pourcentages étaient de 1,6 % avant 14 ans et 6,3 % avant 15 ans dans l’enquête baromètre santé INPES de 2005 [ 7]. Enfin, des enquêtes relatives à l’acceptabilité de la vaccination en fonction de l’âge ont été réalisées dans différents pays dont la France.

Acceptabilité de la vaccination
La vaccination HPV est fortement liée à la sexualité et, de ce fait, soulève des problèmes dépassant le strict domaine de la santé et de la prévention. L’acceptabilité de cette vaccination de la part des parents suppose qu’ils ont intégré l’éventualité d’une activité sexuelle de leur fille. La société, à travers des concepts moraux ou religieux, s’estime également partie prenante. L’adolescente elle-même a sa propre perception, fortement influencée par les conduites de groupe. Des enquêtes ont été menées afin d’évaluer l’acceptabilité du public et des professionnels de santé vis-à-vis de cette vaccination en fonction de l’âge, mais leur interprétation est difficile.

Il ne semble pas exister d’enquête française indépendante concernant l’acceptabilité des parents. En revanche, selon une enquête réalisée en Angleterre [ 8] auprès de mères de filles âgées de 8 à 14 ans, 75 % d’entre elles considèrent que le fait d’avoir à aborder la sexualité est un frein, ce qui milite en faveur d’une vaccination précoce. Une autre étude anglaise [ 9] fait état d’un consensus pour évoquer la problématique des infections sexuellement transmises (IST) après 11 ans, mais pas avant neuf ans. Une enquête réalisée en Californie (États-Unis) auprès de mères de filles âgées de moins de 18 ans révèle que 75 % d’entre elles estiment que l’âge idéal de la vaccination se situe avant 13 ans [ 10]. À l’inverse, dans une autre étude américaine, l’acceptabilité est jugée meilleure à l’adolescence qu’avant [ 11]. Dans d’autres enquêtes réalisées en Suède, Belgique et Nouvelle-Zélande, l’âge optimal varie également entre 12 et 17 ans [4].

Des études ont été réalisées en France auprès des médecins généralistes. Une enquête dans les Pays de la Loire révèle que 64,4 % des médecins sont favorables à une vaccination à 14 ans, comme recommandé [ 12]. Dans une autre enquête conduite en région PACA (Provence-Alpes-Côte d’azur), 53,9 % privilégient l’âge de 14-15 ans, contre 34,4 % l’âge de 11-13 ans [ 13]. Enfin, en Rhône-Alpes, 28 % des médecins pensent que l’âge recommandé pour la vaccination (14 ans) constitue un frein. Ils estiment difficile de parler d’IST avec une adolescente, et 50 % pensent qu’une vaccination plus précoce permettrait d’éviter cette discussion [ 14].

Au total, l’opinion des parents et des professionnels de santé est partagée entre, d’un côté, les partisans d’une vaccination précoce déconnectée d’une discussion sur la sexualité et les IST et, d’autre part, ceux qui prônent une vaccination tardive dans un cadre d’éducation à la santé en délivrant une information sur la sexualité, la contraception et la prévention des risques infectieux. Dans ce contexte, il a été estimé que l’élargissement de la fourchette d’âge de la vaccination introduirait plus de souplesse et permettrait au médecin de proposer cette vaccination à l’âge qui lui semblerait optimal, en fonction du ressenti de l’enfant, de sa famille et de ses propres convictions.

Un schéma vaccinal simplifié est-il utilisable ?
Les deux vaccins actuellement disponibles ont obtenu une AMM avec un schéma vaccinal qui comprend trois doses. L’administration de la 3e dose soulève des difficultés en France, mentionnées ci-dessus. En outre, les pays qui ont mis en place ce programme de vaccination « opportuniste » rencontrent des difficultés à obtenir des couvertures vaccinales optimales, alors que les données provenant d’Australie suggèrent qu’une couverture vaccinale élevée (de l’ordre de 80 %, obtenue grâce à un programme de vaccination en milieu scolaire) procure une immunité de groupe1. Ce pays a en effet enregistré une forte diminution de l’incidence des condylomes chez les hommes, qui ne sont pourtant pas vaccinés [ 15, 16]. Une vaccination avec un schéma simplifié, ne comportant que deux doses, pourrait améliorer la compliance tout en réduisant significativement les coûts [ 17].

Plusieurs études ont exploré la possibilité d’utiliser un tel schéma simplifié. Romanowski et al. [ 18] ont comparé l’immunogénicité du vaccin divalent (contenant un adjuvant lipidique, l’ASO4, adsorbé sur hydroxyde d’aluminium) administré selon un schéma à deux doses chez des jeunes filles âgées de 9 à 14 ans, de 15 à 19 ans et de 20 à 25 ans, à celle du même vaccin administré en trois doses. Un mois après la dernière dose, le schéma à trois doses (0, 1, 6 mois) ne manifeste aucune supériorité par rapport au schéma à deux doses (0, 6 mois). À 24 mois, le schéma à deux doses dans les tranches d’âge de 9 à 14 ans produit une réponse non inférieure à celle obtenue avec le schéma à trois doses dans la tranche d’âge de 15 à 25 ans (dans laquelle l’efficacité clinique a été démontrée).

Une étude en sous-groupe réalisée au Costa Rica s’est attachée à comparer l’efficacité du même vaccin divalent chez les personnes âgées de 18 à 25 ans ayant reçu le schéma vaccinal complet et chez celles n’ayant reçu que deux, ou une, doses de vaccin [ 19]. L’efficacité protectrice vis-à-vis de l’acquisition d’une infection persistante à HPV 16 ou 18 durant au moins 10 mois était de 80,9 % (IC 95 % = 71,1-87,7 %) pour trois doses, 84,1 % (IC 95 % = 50,2-96,3 %) pour deux doses et 100 % (IC 95 % = 66,5-100 %) pour une dose. Si l’interprétation de l’efficacité à une dose doit être faite avec précaution, en raison du faible nombre de femmes concernées, cette étude suggère bien que deux doses de vaccin puissent être efficaces, du moins à court terme.

Concernant le vaccin quadrivalent, une étude récente [ 20] a comparé l’immunogénicité du vaccin administré en trois doses (0, 2, et 6 mois) à celle du vaccin en deux doses (0 et 6 mois) chez des filles de 9 à 14 ans, et au schéma classique à trois doses chez des jeunes femmes de 16 à 26 ans (tranche d’âge dans laquelle l’efficacité clinique a été démontrée). Le schéma à deux doses apparaît non inférieur au schéma trois doses chez les filles, ainsi qu’au schéma à trois doses chez les jeunes femmes pour les HPV 16 et 18 un mois après la dernière dose. À 36 mois, la moyenne géométrique du taux des anticorps pour le vaccin contenant les quatre génotypes d’HPV reste non inférieure chez les filles vaccinées avec deux doses, comparée au taux des anticorps chez les jeunes femmes vaccinées avec trois doses. En revanche, il existe une différence, en défaveur du schéma à deux doses pour l’HPV 18 à 24 mois et pour l’HPV 16 à 36 mois. Une étude de la réponse cellulaire B mémoire a été réalisée dans un sous-groupe de cette étude [ 21] et n’a pas montré de différence de réponse entre les schémas à deux et trois doses. En revanche, les vaccinations tardives entraînent une moins bonne réponse que les vaccinations précoces. Ces données, bien qu’encourageantes, sont estimées insuffisantes pour généraliser un schéma à deux doses du fait notamment de ces différences d’immunogénicité à 24 et 36 mois, dont la conséquence clinique ne peut être prévue à long terme, et en raison de l’absence de données sur l’immunogénicité croisée vis-à-vis des autres génotypes d’HPV oncogènes qui ne sont pas contenus dans le vaccin [17].

Enfin, une étude, réalisée récemment au Vietnam [ 22], a comparé l’immunogénicité conférée par plusieurs schémas vaccinaux (0, 3, 9 mois ; 0, 6, 12 mois ; ou 0, 12, 24 mois) par rapport au schéma de référence (0, 1, 6 mois) du vaccin quadrivalent chez des adolescentes de 11 à 13 ans. Cette étude ne montre pas de différence d’immunogénicité selon les différents schémas vaccinaux. Dans le schéma 0, 12, 24 mois, les taux d’anticorps obtenus avant l’administration de la 3e dose sont similaires à ceux mesurés 32 mois après l’administration de la 3e dose, ce qui suggère qu’un schéma à deux doses (0 12 mois) pourrait être protecteur.

À ce jour, la Suisse a recommandé un schéma à deux doses espacées de 6 mois (quelque soit le vaccin utilisé) pour les filles vaccinées entre 11 et 14 ans. Le schéma classique est maintenu chez celles vaccinées à partir de 15 ans [ 23]. Au Canada, la Colombie Britannique [ 24] a recommandé l’administration de deux doses espacées de 6 mois chez les filles de 9 à 13 ans, et d’une 3e dose 5 ans plus tard. Au Québec, dans le cadre du programme de vaccination scolaire, deux doses espacées de 6 mois sont recommandées chez les filles du 4e grade de l’école élémentaire (pour la France l’équivalent du CM1 [cours moyen 1re année], soit à neuf ans). La nécessité d’administrer ultérieurement une dose de rappel sera considérée en fonction des résultats des études en cours [ 25].

Conclusion
En France, comme dans beaucoup de pays, la vaccination HPV est loin d’atteindre les objectifs de couverture vaccinale nécessaires pour modifier significativement l’incidence des cancers liés à cette infection virale sexuellement transmissible. Les raisons en sont probablement multiples, mais celles liées à l’organisation doivent être considérées avec attention, dans la mesure où ce ne sont probablement pas les plus difficiles à résoudre. L’élargissement de la fourchette d’âge et la possibilité de vacciner plus tôt peuvent probablement influencer favorablement la vaccination. La simplification du schéma vaccinal avec la suppression d’une dose irait certainement dans le même sens, en réalisant par ailleurs de substantielles économies. Toutefois, il existe de nombreuses incertitudes sur la durée de protection conférée par le vaccin, et raisonner sur des taux d’anticorps peut être critiquable dès lors que les corrélats de protection ne sont pas connus. En outre, le passage à un schéma à deux doses se heurterait en France à un problème réglementaire, compte tenu du libellé actuel de l’AMM des deux vaccins. Quoiqu’il en soit, il est improbable que de simples adaptations du schéma vaccinal suffisent à transformer l’adhésion du public à cette vaccination. Il n’est jamais simple de vacciner les adolescents.

Le programme vaccinal actuel, basé sur une vaccination « opportuniste », cumule donc les inconvénients de ne pas atteindre ses objectifs de santé publique en dépit d’un coût élevé. En outre, il est probable qu’il aggrave les inégalités sociales de santé dans la mesure où les personnes qui se font vacciner sont probablement celles qui, ultérieurement, seront compliantes au dépistage [ 26, 27]. Il est donc temps de prendre en compte les succès enregistrés par les pays, comme le Royaume-Uni ou l’Australie, qui ont mis en place des programmes de vaccination en milieu scolaire et obtenu des couvertures vaccinales dépassant les 80 %.

Les premiers résultats d’efficacité clinique et virologique
Efficacité clinique
L’Australie a été le 1er pays à introduire en 2007 la vaccination avec le vaccin quadrivalent dans un programme scolaire financé par le gouvernement. Jusqu’à fin 2009, le vaccin était proposé aux jeunes filles âgées de 12 à 26 ans, et, depuis 2009, le vaccin est proposé à l’école aux filles âgées de 12 à 13 ans. Environ 80 % des jeunes filles ont reçu une dose et 70 % les trois doses. Parmi les jeunes femmes âgées de 18 à 26 ans, la couverture varie de 30 à 64 %. Une première étude d’efficacité contre les condylomes a été réalisée en 2011. Dans cette étude, le taux de condylomes chez les femmes âgées de moins de 21 ans consultant au Centre de santé sexuelle de Melbourne est passé de 19 % (avant l’arrivée du vaccin) à 1,9 % (en juin 2011) [16]. Le taux de condylomes chez les hommes hétérosexuels du même âge est passé de 17 % à 3 % pendant cette même période, alors qu’il n’a pas été modifié chez les homosexuels. La Nouvelle-Zélande et les États-Unis ont depuis rapporté une réduction similaire des condylomes [ 28, 29]. Ces données montrent l’efficacité directe du vaccin quadrivalent contre les condylomes génitaux mais aussi une efficacité indirecte par le moyen d’une immunité de groupe. Une diminution des lésions cervicales de haut grade a également été mise en évidence chez les jeunes filles effectuant leur premier frottis de dépistage à l’âge de 18 ans en Australie [ 30].
Efficacité virologique
L’efficacité du vaccin quadrivalent contre l’infection par les génotypes 6, 11, 16 et 18 a été récemment décrite en Australie et aux États-Unis. Les données australiennes montrent une diminution significative des taux d’infection par les HPV de génotypes 6, 11, 16 et 18 dans des groupes de femmes testées avant, puis quatre ans après la mise en place de la vaccination. Ainsi, le taux d’infection par HPV 16 décroît de 21,3 % à 4,9 % (p < 0,001) [ 31]. De façon intéressante, le taux d’infection chez les jeunes filles qui n’étaient pas vaccinées après la mise en place des programmes de vaccination était significativement inférieur, pour les quatre génotypes 6, 11, 16 et 18, à celui des jeunes filles non vaccinées de la période prévaccinale (OR [odds ratio] = 0,42 ; IC 95 % = 0,19-0,93). Les auteurs de l’étude concluent à la grande efficacité de la protection contre l’infection HPV conférée par le vaccin quadrivalent.

Une analyse similaire, réalisée aux États-Unis, vient d’être publiée [ 32]. La vaccination par vaccin quadrivalent est proposée à titre individuel aux jeunes filles âgées de 11-12 ans depuis fin 2006. L’étude de l’efficacité virologique a été faite en comparant des taux de prévalence pour les quatre génotypes dans un échantillon représentatif de jeunes filles âgées de 14 à 19 ans prélevées en 2003-2006, puis en 2007-2010. Une diminution de la prévalence des quatre génotypes de 56 % a été observée entre les deux périodes. Cette diminution est supérieure à celle qui est attendue, compte tenu du fait qu’en 2010, seulement 32 % des jeunes filles âgées de 13 à 17 ans étaient vaccinées. De même que dans l’étude australienne, le taux d’infection par les quatre génotypes vaccinaux était également plus faible chez les jeunes filles qui n’étaient pas vaccinées dans la période après l’introduction du vaccin que chez les jeunes filles non vaccinées avant la mise en place de la vaccination. Les auteurs montrent que cette réduction est probablement due en partie à un changement des pratiques sexuelles : dans la période qui suit l’introduction du vaccin, les jeunes filles non vaccinées ont, comparées à elles de la période prévaccinale, un nombre moins important de partenaires, c’est-à-dire un moindre risque d’infection. L’absence de données concernant la vie sexuelle dans l’étude australienne n’a pas permis d’évaluer ce paramètre dans l’interprétation des résultats.

Ainsi, au-delà de l’efficacité du vaccin administré avec trois doses contre l’infection par les quatre génotypes d’HPV, d’autres facteurs entrent probablement en compte pour majorer cette efficacité, à savoir l’immunité de groupe, l’efficacité dès une ou deux doses et, peut-être, des modifications des comportements sexuels difficiles à évaluer. D’autres données, provenant en particulier d’Angleterre où la couverture vaccinale est supérieure à 80 %, devraient permettre de mieux comprendre la place relative de ces éléments. Au total, toutes les données collectées en dehors des essais vaccinaux montrent des résultats très encourageants qui doivent soutenir l’implantation des programmes vaccinaux [33–35].

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article. Daniel Floret est président du Comité technique des vaccinations. Déclaration publique d’intérêt consultable sur le site du HCSP à www.hcsp.fr pour Daniel Floret, sur http://ansm.sante.fr/ pour Isabelle Heard.

 
Footnotes
1 La vaccination d’un pourcentage élevé de la population lui confère une immunité collective ou immunité de groupe. En effet, une personne vaccinée empêche la propagation de la maladie, et protège son entourage. Cette protection collective s’applique aux individus non vaccinés.
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