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Med Sci (Paris). 2012 December; 28(12): 1087–1094.
Published online 2012 December 21. doi: 10.1051/medsci/20122812019.

Transporteurs ABC peroxysomaux et adrénoleucodystrophie liée au chromosome X

Flore Geillon,1 Doriane Trompier,1 Catherine Gondcaille,1 Gérard Lizard,1 and Stéphane Savary1*

1Laboratoire Bio-PeroxIL, biochimie du peroxysome, inflammation et métabolisme lipidique EA7270, université de Bourgogne, 6, boulevard Gabriel, 21000Dijon, France
Corresponding author.
 

L’adrénoleucodystrophie liée au chromosome X (X-ALD) est la principale maladie peroxysomale1 [ 1]. Elle est causée par des mutations touchant le gène ABCD1 localisé sur le chromosome X, gène qui code pour un hémitransporteur ABC (ATP binding cassette). La déficience de ce transporteur entraîne un défaut de β-oxydation peroxysomale et une accumulation d’acides gras à très longue chaîne (AGTLC) contenant un nombre d’atomes de carbone supérieur à 22, saturés (acide tetracosahexanoïque C24:0, et acide hexacosanoïque C26:0) et monoinsaturés (C26:1) [ 2, 3] (Figure 1).

Les transporteurs ABC constituent l’une des plus grandes familles de protéines et sont conservés des bactéries jusqu’à l’homme [ 4]. Chez les mammifères, les membres les plus connus sont la protéine CFTR (cystic fibrosis transmembrane regulator), dont le défaut est associé à la mucoviscidose, et la P-glycoprotéine, impliquée dans le mécanisme de résistance aux traitements anticancéreux. Les transporteurs ABC sont des protéines transmembranaires dont la fonction est de permettre à des substrats variés de franchir différentes membranes de la cellule grâce à la fixation et à l’hydrolyse de l’ATP. L’unité fonctionnelle minimale d’un transporteur ABC est constituée de deux domaines transmembranaires (TM) et deux domaines cytosoliques (ABC). Les transporteurs ABC ont été classés en sous-familles sur la base d’homologies de séquence. La sous-famille D, chez les mammifères, comprend quatre membres qui sont des hémitransporteurs (un seul domaine TM et un seul domaine ABC) : ALDP (ABCD1), ALDRP (ABCD2), PMP70 (peroxisomal membrane protein 70-kDa, ABCD3) et PMP69 (ABCD4) [ 5]. Les trois premières protéines sont localisées dans la membrane peroxysomale tandis qu’ABCD4, bien qu’initialement décrite dans le peroxysome, est en fait localisée dans le réticulum endoplasmique.1

Les transporteurs ABC de la membrane peroxysomale

Le peroxysome est un petit organite intracellulaire présent dans toutes les cellules à l’exception des hématies. Ses fonctions métaboliques ont souvent été sous estimées en regard de celles attribuées à la mitochondrie, au lysosome et à l’appareil de Golgi. En fait, c’est un organite cellulaire essentiel et il en est pour preuve l’extrême sévérité des maladies génétiques associées à l’absence de peroxysomes2 ou à leurs dysfonctionnements, dont notamment l’X-ALD. Les principales fonctions peroxysomales concernent le métabolisme lipidique, avec l’α- et la β-oxydation des acides gras, ainsi que la biosynthèse des plasmalogènes (lipides essentiels du cerveau) et des acides biliaires [ 6]. Ces fonctions métaboliques complexes nécessitent le transport de diverses molécules - en particulier des AGTLC - à travers la membrane peroxysomale. Ce transport spécifique serait dévolu aux transporteurs ABC peroxysomaux de la sous-famille D et serait précédé par l’activation des acides gras grâce à une synthétase spécifique (FATP4) qui les transforme en acyl-CoA. Dans l’X-ALD, la déficience en ABCD1 conduit à un défaut de β-oxydation peroxysomale des AGTLC et ainsi à leur accumulation [2, 3] (Figure 1). En effet, la β-oxydation mitochondriale, qui représente l’unique voie cellulaire de dégradation directe des AGTLC, ne peut prendre en charge que les acides gras dont la longueur de la chaîne est inférieure à 22 atomes de carbone. Cette accumulation d’AGTLC résulte également de l’augmentation de leur synthèse endogène au niveau du réticulum endoplasmique par les élongases : l’action de ces dernières permet d’allonger la chaîne carbonée des AGLC. Cette accumulation tissulaire d’AGTLC caractérise aussi les souris déficientes en ABCD1 qui ont été produites. Ces souris ne développent toutefois pas la forme cérébrale de l’X-ALD, et n’expriment que tardivement des anomalies neurologiques périphériques évoquant l’adrénomyéloneuropathie (AMN) [ 7]. La démonstration récente que les AGTLC s’accumulent dans les fibroblastes de patients X-ALD sous la forme d’acyl-CoA, conjuguée à des travaux de complémentation fonctionnelle par ABCD1 humain chez des levures déficientes en PXA1 et PXA2 (orthologues des transporteurs ABCD humains), ont renforcé l’hypothèse de l’implication d’ABCD1 dans le transport des AGTLC sous forme d’acyl-CoA [ 8].

Le rôle d’ABCD2 reste à préciser mais différents travaux in vitro et in vivo ont montré que ce transporteur peut compenser, en partie, le défaut d’ABCD1, et prendre en charge les AGTLC saturés et monoinsaturés [ 9 11]. Il pourrait également jouer un rôle dans le transport des acides gras polyinsaturés, notamment de l’acide docosahexaénoïque (DHA, C22:6 n-3), acide gras essentiel dans le cerveau et la rétine. Cet acide gras a pour particularité d’être dégradé dans le peroxysome, mais aussi d’y être synthétisé. En effet, à la suite d’étapes d’élongation et de désaturation de l’acide α-linolénique (C18:3 n-3) dans le réticulum endoplasmique, il y a formation de C24:6 n-3 qui subit ensuite un cycle de β-oxydation (perte de 2 atomes de carbone) dans le peroxysome pour former le DHA. ABCD2 pourrait ainsi participer à la fois au transport du DHA pour sa dégradation et au transport de son précurseur immédiat pour sa synthèse [ 12 14].

Concernant ABCD3, là encore, il apparaît que la surexpression d’ABCD3 peut compenser biochimiquement la déficience en ABCD1, signe qu’ABCD3 peut transporter des AGTLC saturés et monoinsaturés, mais avec une moins bonne efficacité [9]. Le rôle exact d’ABCD3 reste à préciser, d’autant plus que cette protéine est exprimée de façon ubiquiste et qu’il s’agit d’une des protéines peroxysomales possédant le plus fort niveau d’expression. Associée dans un premier temps à tort au syndrome de Zellweger [ 15], la déficience en ABCD3 n’est en fait pas liée à un défaut de biogenèse peroxysomale. Les études réalisées chez les souris déficientes en ABCD3 suggèrent que cette protéine est impliquée dans le transport des acides gras branchés, des précurseurs des acides biliaires et des acides dicarboxyliques [5].

Les protéines ABCD sont des hémitransporteurs : ils doivent donc se dimériser pour former une unité fonctionnelle (Figure 2). Chez la levure, il n’existe que deux transporteurs ABC peroxysomaux, PXA1 et PXA2, qui s’associent sous forme d’un hétérodimère pour former un transporteur fonctionnel. Chez les mammifères, plusieurs études ont suggéré qu’ABCD1, ABCD2 et ABCD3 sont fonctionnels sous forme d’homodimères. En fait, différentes équipes, dont la nôtre, ont démontré l’existence d’interactions physiques entre les différents hémitransporteurs, indiquant qu’homodimères et hétérodimères coexistent [14, 16]. Les niveaux d’expression relatifs de ces trois transporteurs varient fortement, que ce soit au cours du développement ou en fonction des tissus [ 17, 18]. Ainsi, selon les situations, le jeu des combinaisons permet d’aboutir potentiellement jusqu’à six transporteurs spécifiques dont il reste à élucider la fonction (Figure 2). La redondance fonctionnelle partielle entre les protéines ABCD1, ABCD2 et ABCD3 ne permet pas de compenser la déficience en ABCD1 à l’état basal. Néanmoins, elle présente un intérêt thérapeutique évident à condition d’être en mesure d’induire l’expression d’ABCD2 et/ou d’ABCD3 de manière spécifique chez les patients. Dans cette optique, il est nécessaire de mieux comprendre l’origine de cette redondance et donc, implicitement, d’avoir une meilleure connaissance des molécules transportées et du type de transporteur associé (homodimère ou hétérodimère).

L’adrénoleucodystrophie liée au chromosome X : une maladie neurodégénérative complexe

Bien que classée parmi les maladies rares, l’X-ALD est la plus fréquente des maladies peroxysomales avec une incidence d’environ 1 cas pour 17 000 naissances. Cette incidence la situe à peu près au même niveau que la phénylcétonurie, maladie pour laquelle un dépistage systématique est réalisé à la naissance. L’X-ALD a été décrite pour la première fois en 1923 par Siemerling et Creutzfeldt, mais ce sont surtout les travaux de Moser et l’histoire de Lorenzo Odone, enfant souffrant d’X-ALD, narrée dans le film Lorenzo avec Nick Nolte et Susan Sarandon, qui ont permis de mieux faire connaître cette maladie. En 1993, le clonage positionnel du gène ABCD1 et la démonstration que des mutations de ce gène sont responsables de la maladie ont constitué une avancée majeure dans la compréhension de l’X-ALD [3]. À ce jour, plus de 500 mutations non récurrentes ont été identifiées dans le gène ABCD1 chez les patients. Ces mutations sont référencées dans la base de données X-ALD (http://www.x-ald.nl/). Depuis le clonage du gène ABCD1, de nombreux travaux ont été réalisés dans le but de mieux comprendre cette maladie complexe mais aussi de développer des stratégies thérapeutiques. En dépit de ces efforts, beaucoup d’inconnues demeurent sur la physiopathogenèse de l’X-ALD et plusieurs pistes thérapeutiques continuent à être explorées.

Description clinique de l’X-ALD

L’X-ALD touche essentiellement les garçons, mais quelques formes graves ont également été recensées chez les femmes. Du point de vue clinique, les formes de la maladie sont très variables, aussi bien en ce qui concerne l’âge de début (enfance, adolescence, âge adulte) que la symptomatologie (Tableau I). Les deux formes principales sont la forme cérébrale infantile (CCALD, environ 38 % des cas) et l’adrénomyéloneuropathie (AMN) (environ 50 % des cas). La forme infantile est la plus sévère. Les garçons affectés de CCALD développent, vers l’âge de 6 ans, une démyélinisation cérébrale inflammatoire qui entraîne le plus souvent leur mort à l’adolescence. L’AMN s’exprime après l’âge de 20 ans et se caractérise par une neuropathie périphérique non inflammatoire. Une paralysie spastique progressive accompagnée de troubles de l’équilibre conduit à des handicaps moteurs plus ou moins sévères. Dans environ un tiers des cas masculins, une atteinte cérébrale peut se développer. Chez environ 70 % des hommes, la maladie s’accompagne d’une insuffisance surrénale (maladie d’Addison). Les femmes porteuses de mutations ABCD1 développent généralement une AMN plus tardivement (après 40 ans) ; le tableau clinique est moins sévère, et l’insuffisance surrénale rare. Bien que les mutations du gène ABCD1 soient une constante chez les patients, aucune corrélation entre génotype et phénotype n’a pu être mise en évidence. Ceci a conduit à rechercher des gènes modificateurs, gènes qui, selon leur séquence ou leur niveau d’expression, pourraient atténuer ou, au contraire, aggraver le phénotype clinique.

Physiopathogenèse, AGTLC, stress oxydant et inflammation

D’un point de vue biochimique, la maladie est caractérisée par l’accumulation d’AGTLC (C24:0 et C26:0) dans le plasma et les tissus, et c’est d’ailleurs ce paramètre qui permet d’en faire le diagnostic. Plusieurs travaux suggèrent ou démontrent que les AGTLC ont des effets toxiques directs sur les différents types cellulaires des tissus qui sont altérés chez les malades. C’est le cas des oligodendrocytes qui sont responsables de la production de myéline dans le cerveau, et des cellules adrénocorticales qui interviennent dans la production de corticotrophine dans les surrénales. Les AGTLC peuvent induire une déstabilisation de la structure et des fonctions des membranes cellulaires et de celles d’organites (mitochondries, lysosomes), et conduire à la génération d’un stress oxydant délétère pour les cellules. Malgré ces effets néfastes qui suggèrent que l’accumulation d’AGTLC serait la cause princeps de la maladie, il ne semble pas y avoir de corrélation entre le niveau plasmatique des AGTLC, l’évolution de la maladie et la gravité des symptômes. Par ailleurs, l’analyse de modèles murins chez lesquels un défaut peroxysomal peut être induit spécifiquement dans un type cellulaire donné, indique que c’est l’altération des fonctions peroxysomales dans les oligodendrocytes et les cellules microgliales qui contribue majoritairement à l’inflammation cérébrale au cours du processus de démyélinisation [ 19]. Les causes du développement de la forme cérébrale sévère d’X-ALD, en particulier les cibles cellulaires et les facteurs de risque, sont donc actuellement encore assez mal connus. On ne peut exclure l’intervention de facteurs intrinsèques autres que les anomalies touchant les transporteurs ABC peroxysomaux, et contrôlés par des gènes modificateurs, ainsi que celle de facteurs extrinsèques autres que les seuls AGTLC.

Plusieurs arguments suggèrent que l’X-ALD est un syndrome neurodégénératif impliquant des composantes telles que le stress oxydant, l’inflammation et des désordres métaboliques [ 20]. L’augmentation des taux plasmatiques de produits issus de la peroxydation lipidique et la diminution des défenses antioxydantes sont en faveur d’une rupture de l’équilibre RedOx [ 21]. Il en est de même de l’augmentation du taux de la sous-unité membranaire de la NADPH oxydase gp91PHOX dans les leucocytes de patients [ 22] et de la présence de protéines carbonylées dans les monocytes [ 23]. Au niveau des lésions cérébrales plusieurs anomalies ont été décrites : l’augmentation importante des transcrits de cytokines pro-inflammatoires et de NO synthase [ 24], celle du niveau d’expression de la 5-lipoxygénase [ 25] et la présence d’infiltrats périvasculaires de lymphocytes T et B et de macrophages. Une analyse fonctionnelle génomique par puce à ADN réalisée à partir d’échantillons de cerveaux de patients CCALD et AMN a également révélé des désordres métaboliques : insulino-résistance et anomalies de la glycolyse. Les souris déficientes en ABCD1 expriment d’ailleurs des perturbations métaboliques analogues à celles qui sont observées chez l’homme, ainsi qu’un stress oxydant important [ 26]. L’inactivation d’ABCD1 dans des astrocytes à l’aide de siARN démontre l’implication d’ABCD1 dans le contrôle de l’équilibre Redox et de l’inflammation [25, 27]. Bien que la déficience en ABCD1 et l’implication des AGTLC aient été démontrées dans la génération d’un stress oxydant dans des oligodendrocytes [ 28], cela n’exclut pas que d’autres facteurs puissent moduler ce phénomène in vivo et contribuer ainsi au déclenchement de la forme sévère d’X-ALD. L’ensemble de ces résultats, qui confèrent au peroxysome un rôle important dans l’homéostasie inflammatoire et oxydative, a conduit à proposer l’hypothèse du three hit hypothesis [20], selon laquelle les facteurs environnementaux comme le stress oxydant et l’inflammation constitueraient des facteurs de risque additionnels. La cascade d’événements aboutissant à la démyélinisation ferait donc intervenir un stress oxydant et l’inflammation, et conduirait à des dysfonctionnements peroxysomaux et mitochondriaux généralisés (Figure 3).

Stratégies thérapeutiques

Une des premières thérapies mise au point pour les patients atteints d’X-ALD visait à diminuer les niveaux d’AGTLC. Cette thérapie nutritionnelle est basée sur l’apport d’acides oléique (C18:1) et érucique (C22:1) dans des proportions 4:1 (huile de Lorenzo) en complément d’un régime pauvre en AGTLC. Cette combinaison permet de diminuer en quelques semaines les niveaux plasmatiques d’AGTLC chez les patients. Son administration n’a hélas pas d’effet bénéfique sur l’évolution des symptômes neurodégénératifs, et ne ferait que retarder l’apparition des signes neurologiques de la maladie et ralentir l’évolution des formes AMN [ 29].

Environ 70 % des patients atteints d’X-ALD présentent une insuffisance surrénale primaire (maladie d’Addison). Une thérapie de substitution est donc quasi systématiquement proposée aux patients. Même si elle n’influence hélas en rien l’apparition et la progression des symptômes neurologiques, elle permet de compenser efficacement le défaut de sécrétion des hormones produites par les glandes surrénales. Les divers essais de thérapie pharmacologique visant à moduler le métabolisme lipidique, le système immunitaire, ou à réduire l’inflammation ont malheureusement échoué. Un espoir réside néanmoins dans l’identification de molécules pharmacologiques capables d’induire une surexpression ciblée des gènes ABCD2 ou ABCD3 et, ainsi, de compenser en partie la déficience en ABCD1. En ce qui concerne ABCD2, nous avons pu mettre en évidence plusieurs voies d’induction pharmacologique ou hormonale dans différents modèles cellulaires, y compris dans des cellules d’origine cérébrale [ 30 33]. Hélas, même si certaines molécules testées peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique, les tests chez l’animal ont souvent abouti à des résultats mitigés, une induction étant retrouvée dans le foie mais pas dans le cerveau. Le stress oxydant étant aujourd’hui reconnu comme un élément clé de la physiopathogenèse de l’X-ALD, une thérapie pharmacologique basée sur l’utilisation d’antioxydants suscite beaucoup d’espoirs. En effet, la combinaison de trois molécules antioxydantes (l’α-tocophérol, le N-acétyl-cystéine et l’acide lipoïque) administrée aux souris déficientes en ABCD1 et développant le phénotype AMN permet de faire disparaître le stress oxydant, la dégénérescence axonale et les défauts locomoteurs de ces souris [ 34]. Cette étude a permis de démarrer un essai clinique afin de voir si les antioxydants peuvent effectivement avoir un effet bénéfique chez les patients atteints d’AMN.

Pour les patients présentant la forme infantile de l’X-ALD, la greffe de cellules souches hématopoïétiques constitue la seule thérapie capable de stopper le processus de neurodégénérescence inflammatoire. Bien que le mécanisme des effets bénéfiques de cette procédure soit toujours inconnu, on sait que la greffe doit être pratiquée à un stade précoce de la maladie. Ceci limite le nombre de patients pouvant en bénéficier. De plus, le risque de complications après la greffe est élevé et peut entraîner le décès du receveur (15 à 20 % des cas chez les enfants). La thérapie génique permet d’éliminer le problème de compatibilité entre donneur et receveur qui se pose lors d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques, et de diminuer le risque de complications et la morbidité postgreffe. La thérapie génique s’adresse aux patients atteints de la forme infantile de l’X-ALD à un stade précoce et pour lesquels aucun donneur de moelle osseuse compatible n’a pu être trouvé. Il s’agit de faire exprimer par les cellules souches hématopoïétiques de la moelle osseuse du patient un gène ABCD1 normal, via un vecteur lentiviral, puis de les réintroduire chez le patient. On suppose que ces cellules génétiquement modifiées, par leur capacité à se différencier en cellules résidentes microgliales, pourraient avoir une action bénéfique « détoxifiante » ou stabilisatrice vis-à-vis du triptyque oligodendrocytes (cellules produisant la myéline), astrocytes (cellules nourricières), neurones (cellules assurant la transmission de l’influx nerveux). Chez deux enfants atteints d’X-ALD qui ont pu bénéficier de ce programme il y a quatre années, la thérapie génique a permis de stopper le processus de neurodégénérescence inflammatoire [ 35]. Cette thérapie représente donc un nouvel et réel espoir pour les patients atteints d’X-ALD.

Conclusion

L’X-ALD demeure aujourd’hui encore, par bien des aspects, un véritable défi pour les médecins et les scientifiques. Bien que la cause de la maladie soit clairement identifiée - déficience en un transporteur ABC peroxysomal -, le fonctionnement de ce transporteur ou de ces homologues, le mécanisme moléculaire du transport, les partenaires protéiques éventuels indispensables à sa fonction ou encore la compréhension de la redondance partielle avec ABCD2 et ABCD3 restent à clarifier. De même, la physiopathogenèse de l’X-ALD comprend encore de nombreuses inconnues. L’absence de corrélation entre génotype et phénotype clinique, et le fait que même de vrais jumeaux puissent développer des formes différentes de la maladie laissent perplexe. Quel est le lien exact entre l’accumulation des AGTLC, la démyélinisation, l’inflammation et le stress oxydant ? Quel est le facteur déclenchant ou encore l’ordre des évènements conduisant à la progression irréversible de la pathologie ? Les efforts de la recherche fondamentale visant à apporter des réponses à ces différentes questions doivent absolument être poursuivis. Néanmoins et malgré toutes ces questions, le succès retentissant rencontré par l’essai clinique de thérapie génique fait souffler un véritable vent d’optimisme et soulève des espoirs, non seulement pour les patients X-ALD, mais aussi pour d’autres maladies neurodégénératives.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Les travaux du laboratoire Bio-PeroxIL (EA7270, université de Bourgogne) sur les transporteurs ABC peroxysomaux et l’X-ALD sont soutenus par l’université de Bourgogne, la fondation ELA (http://www.ela-asso.com/), l'Inserm, le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Dijon et le conseil régional de Bourgogne.

 
Footnotes
1 Base de données http://omim.org/entry/300100
2 Les maladies de la biogenèse peroxysomale sont bien plus rares que l’X-ALD. Par ordre décroissant de sévérité, on trouve : le syndrome de Zellweger, l’adrénoleucodystrophie néonatale et la maladie infantile de Refsum. Il faut y ajouter la chondrodysplasie rhyzomélique ponctuée.
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