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Med Sci (Paris). 2012 August; 28(8-9): 689–692.
Published online 2012 August 22. doi: 10.1051/medsci/2012288005.

Les récepteurs REVERBα et REVERBβ donnent le tempo

Michèle Teboul1* and Franck Delaunay1

1Institut de biologie Valrose (iBV), UMR 7277 CNRS - UMR 1091 Inserm, université de Nice Sophia-Antipolis, Parc Valrose, 06108Nice Cedex 2, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Adiposité, génétique, physiologie, Animaux, Horloges circadiennes, Rythme circadien, Modèles animaux de maladie humaine, Ration calorique, Métabolisme énergétique, Homéostasie, Humains, Hypothalamus, Métabolisme des lipides, Souris, Souris knockout, Modèles biologiques, Membre-1 du groupe D de la sous-famille-1 de récepteurs nucléaires, déficit, Obésité, étiologie, physiopathologie, Récepteurs cytoplasmiques et nucléaires, Protéines de répression

Le système circadien : un gardien de l’homéostasie métabolique

La notion d’homéostasie métabolique est indissociable de celle d’intégrité du système circadien. Des altérations du système circadien se produisent par exemple lors d’horaires de travail décalés (qui concernent près de 20 % de la population active) et ont pour conséquences des altérations du métabolisme [ 1, 2]. Le simple fait de nourrir des souris avec la même quantité de nourriture pendant la phase de repos au lieu de les nourrir pendant la phase active conduit à une augmentation de prise de poids [ 3]. Enfin, les souris ayant une mutation du gène de l’horloge Clock sont hyperphages, obèses et développent plusieurs anomalies du syndrome métabolique telles que dyslipidémie, hyperglycémie et/ou stéatose hépatique [ 4]. S’il est maintenant bien admis que l’intégrité du système circadien est essentielle au maintien de l’homéostasie métabolique, en revanche les mécanismes de cette relation ne sont pas encore complètement élucidés, et de nombreuses équipes de recherche apportent leur contribution à cette question. Le système circadien a une architecture hiérarchisée avec une horloge centrale localisée dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC) de l’hypothalamus et des horloges périphériques dans pratiquement toutes les cellules de l’organisme, qui sont synchronisées par l’horloge centrale [ 5]. Une désynchronisation effectuée expérimentalement entre horloge centrale et horloges périphériques chez des volontaires entraîne très rapidement des altérations du métabolisme [ 6].

L’oscillateur moléculaire : des acteurs principaux et des seconds rôles

Les oscillateurs moléculaires circadiens présentent la même configuration dans les NSC et dans les organes périphériques (Figure 1) : une boucle principale de rétrorégulation transcriptionnelle dans laquelle les facteurs de transcription BMAL1 (brain and muscle Arnt-like protein-1) et CLOCK (ou NPAS2 [neuronal PAS domain protein 2] dans les NSC) reconnaissent des séquences ADN appelées boîte E et activent la transcription des gènes period (Per1, Per2, Per3) et cryptochrome (Cry1 et Cry2). Lorsque les protéines PER et CRY parviennent à un seuil de concentration suffisant, elles inhibent la transactivation de l’hétérodimère CLOCK-BMAL1, inhibant ainsi l’expression de leur propre gène.

À cette boucle principale s’ajoutent des boucles secondaires dans lesquelles des facteurs de transcription métaboliques contribuent à stabiliser les oscillations circadiennes. La boucle ROR/BMAL1/REVERBα était jusqu’à présent considérée comme une boucle non essentielle pour le maintien de la rythmicité circadienne, et plutôt comme ajoutant de la robustesse à la boucle principale. Ainsi, les récepteurs nucléaires ROR et REVERBα activent et répriment respectivement l’expression de Clock et Bmal1 de façon rythmique. Cependant, la période du rythme d’activité locomotrice n’est que faiblement affectée par l’invalidation du gène Reverbα.

Des approches complémentaires pour élucider le rôle des récepteurs REVERB

Outre leur rôle de constituants de boucles secondaires de l’oscillateur moléculaire, les récepteurs nucléaires REVERB étaient connus pour leur rôle crucial dans le métabolisme lipidique. Une avancée importante dans la compréhension du mécanisme d’action des récepteurs REVERB a été en 2007 (Figure 2) la découverte d’un ligand physiologique des récepteurs REVERB, qui n’est autre que l’hème [ 7]. Ceci remettait en cause le statut de récepteurs orphelins des REVERB, admis depuis leur découverte [7]. La liaison des récepteurs REVERB à l’hème conduit au recrutement du corépresseur NcoR (nuclear receptor co-repressor 1) (Figure 1). Ce dernier, par l’intermédiaire de HDAC3 (histone deacetylase 3), induit la déacétylation des histones et inhibe ainsi la transcription des gènes cibles des récepteurs REVERB. L’expression des Reverb ainsi que la synthèse de l’hème étant circadiennes, le mécanisme d’action de ces récepteurs dans le contrôle rythmique du métabolisme lipidique se précisait. Cette année, une étape majeure dans la compréhension du rôle de ces répresseurs transcriptionnels a été franchie par les travaux de trois équipes de recherche qui viennent de démontrer l’implication des récepteurs REVERB dans l’horloge et le métabolisme en utilisant des approches complémentaires. L’originalité de ces approches et l’impact qu’elles ont eu dans la compréhension du rôle de ces récepteurs sont dus à l’étude simultanée des deux récepteurs REVERB. L’équipe de T.P. Burris a développé des agonistes des récepteurs REVERBα/β qui augmentent le recrutement du corépresseur NCoR et augmentent ainsi l’activité inhibitrice des récepteurs REVERB [ 8]. Celles de R.M. Evans [ 9] et de M.A. Lazar [ 10] ont, quant à elles, effectué une analyse du « cistrome » des récepteurs REVERBα et REVERBβ. Cette approche a permis de mettre en évidence une grande majorité de cibles communes aux deux récepteurs ainsi qu’une convergence des voies de régulation par BMAL1, plusieurs gènes de l’horloge et gènes du métabolisme étant les cibles à la fois de BMAL1 et des récepteurs REVERB. Ces deux équipes ont également effectué une invalidation spécifiquement dans le foie des deux Reverb.

Les récepteurs REVERB sont essentiels au métabolisme lipidique

Les souris déficientes pour le gène Reverba ont une masse grasse plus importante et présentent des perturbations du métabolisme des glucides et des lipides La délétion des deux récepteurs conduit à une stéatose hépatique [10, 11]. Inversement, les agonistes des récepteurs REVERB augmentent la dépense énergétique sans modifier la prise alimentaire et diminuent ainsi la masse grasse, les niveaux de triglycérides plasmatiques et de cholestérol. Ces effets sont expliqués par la modification de l’expression de nombreux gènes du métabolisme. Dans un modèle d’obésité induite par l’alimentation, l’un des agonistes s’est révélé efficace pour diminuer la masse grasse et normaliser les dyslipidémies et hyperglycémies associées () [ 12].

(→) Voir la Nouvelle de J. Delezie et al., page 687 de ce numéro

Le couple de récepteurs REVERBα/β est un constituant majeur de l’oscillateur moléculaire

Tant que les fonctions des récepteurs REVERBα et REVERBβ étaient étudiées indépendamment l’une de l’autre, ces récepteurs étaient considérés comme des acteurs de second rôle dans l’oscillateur moléculaire. À la lumière de l’analyse des cistromes des récepteurs REVERB, il est compréhensible que l’invalidation d’un des gènes Reverb soit en grande partie compensée par la présence de l’autre. Le ciblage simultané des deux récepteurs REVERB par invalidation ou par des agonistes a permis de révéler que ces récepteurs tiennent une place de premier plan dans le fonctionnement de l’oscillateur moléculaire. Ainsi, (1) l’invalidation de l’expression des deux Reverb dans des fibroblastes embryonnaires de souris conduit à une perte de la rythmicité d’expression des gènes Bmal1 et Cry1 ; (2) l’invalidation de l’expression des deux Reverb spécifiquement dans le foie chez la souris conduit à une perturbation de 90 % des gènes rythmiques dans cet organe, dont l’expression des gènes de l’horloge. Ce phénotype est comparable à celui de souris déficientes pour un gène principal de l’horloge. Enfin, (3) les agonistes des récepteurs REVERB conduisent à une perturbation de l’expression des gènes de l’horloge dans l’hypothalamus, ce qui suggère que les récepteurs REVERB jouent un rôle dans l’horloge centrale.

Les récepteurs REVERB régulent le comportement circadien

Afin d’étudier le rôle des récepteurs REVERB dans la rythmicité de l’activité locomotrice, dont le siège se situe dans les NSC, l’équipe de R.M. Evans [9] a généré des souris présentant une délétion systémique de chacun des Reverb dans un fond génétique pur. Les souris mutantes pour Reverbα présentent une diminution de leur période endogène de 30 minutes lorsqu’elles sont placées en isolement temporel (obscurité constante), tandis que les souris mutantes pour Reverbβ ont un rythme d’activité locomotrice normal. L’invalidation simultanée des deux Reverb s’avère bien plus délétère puisqu’elle conduit à une arythmie en isolement temporel.

L’approche pharmacologique a également permis de mettre en évidence le rôle des récepteurs REVERB dans l’horloge centrale. En effet, une seule dose d’agoniste des deux récepteurs REVERB suffit à perturber le rythme d’activité locomotrice de souris sauvages placées en condition d’isolement temporel. Même chez les souris sauvages soumises à une alternance jour-nuit, une dose d’agoniste suffit à provoquer un délai de 1 à 3 h de leur activité locomotrice. Enfin, la perturbation de la synthèse de l’hème chez la souris conduit à un raccourcissement de la période de température corporelle [ 13]. De composants de boucle secondaire, les récepteurs REVERB se sont donc révélés être des composants majeurs de l’oscillateur moléculaire au même titre que PER, CRY, CLOCK et BMAL1 (Figure 2).

Conclusion

L’ensemble de ces résultats montre que l’oscillateur moléculaire, pour fonctionner, requiert la présence d’au moins un récepteur REVERB. Cette notion conduit à proposer un nouveau schéma de l’oscillateur moléculaire avec non pas une mais deux boucles principales qui se régulent mutuellement, BMAL1 contrôlant la première boucle et le couple de récepteurs REVERBα/β contrôlant la seconde. Les deux boucles ayant une convergence de leur cistrome, les récepteurs REVERB sont placés au carrefour de la régulation de l’horloge circadienne et du métabolisme (Figure 1). Ces découvertes sur le rôle des récepteurs REVERB démontrent leur exceptionnelle redondance fonctionnelle et laissent envisager une nouvelle voie thérapeutique pour le traitement des désordres circadiens (maladies du sommeil, décalages horaires) et des troubles du métabolisme.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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