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Med Sci (Paris). 2012 June; 28(6-7): 639–645.
Published online 2012 July 16. doi: 10.1051/medsci/2012286018.

Legionella, légionellose

Yvan Jamilloux,1 Sophie Jarraud,1,3 Gérard Lina,1,3 Jérôme Etienne,1,3 and Florence Ader1,2*

1Université de Lyon, Inserm U851, centre national de référence des Legionella, IFR 128 université Lyon 1, centre d’infectiologie, 321, avenue Jean Jaurès, 69007Lyon, France
2Service des maladies infectieuses et tropicales, hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon, France
3Centre de biologie Est, hospices civils de Lyon, Bron, France
Corresponding author.
 

Legionella est une bactérie intracellulaire d’origine environnementale qui se multiplie dans les protozoaires colonisant les eaux douces (amibes). Legionella pneumophila (L. pneumophila) est la principale espèce responsable d’infections sévères chez l’homme. Quand une source hydrique domestique est contaminée, la contamination se produit via l’inhalation de gouttelettes vaporisées dans l’environnement. La multiplication des bactéries dans les macrophages pulmonaires conduit au développement de la maladie des légionnaires ou légionellose. Il s’agit d’une pneumonie progressive, sévère, survenant préférentiellement dans un contexte d’immunodépression. Un diagnostic précoce et un traitement antibiotique adapté permettent la guérison dans la majorité des cas. C’est une maladie à déclaration obligatoire, qui impose une enquête et une intervention environnementale si une source d’émission est identifiée.

Des progrès majeurs sont intervenus ces dernières années dans la connaissance de L. pneumophila par l’étude de l’épidémiologie environnementale et de la relation hôte-pathogène du point de vue de la biologie cellulaire et de l’immunologie (Encadré 1) . Cette revue synthétise l’avancée des connaissances dans ces domaines et résume la démarche diagnostique et de prise en charge de la légionellose.

1. Caractéristiques microbiologiques

Genre Legionella

Cinquante-trois espèces comprenant 70 sérogroupes (90 % des cas humains de légionellose sont dus au sérogroupe 1 de l’espèce ­pneumophila).

Bactérie Gram-négatif aérobie stricte

Croissance intracellulaire

Hôte naturel environnemental : protozoaires aquatiques du genre amibe. Quatorze espèces d’amibes libres et deux espèces de protozoaires ciliés (Acanthamoeba castellanii et Hartmanella vermiformis) sont les plus répandues [1–3].

In vivo : croissance dans les monocytes-macrophages et les cellules épithéliales pulmonaires (pneumocytes de type II) [ 4].

Aspect évolutif

Au cours de l’évolution, la survie dans les protozoaires environnementaux eucaryotes résulte de la sélection de caractères d’espèces. Ils ont permis à Legionella d’assurer sa réplication en exploitant le trafic cellulaire de l’hôte mammifère.

Plasticité et diversité génétique [ 5]

Aspect quantitatif

  • L’ADN, de grande taille, représente un patrimoine génétique d’environ 3 000 gènes.
  • Dans l’espèce pneumophila, on constate 80 % d’homologie de séquences entre les souches constituant le patrimoine génétique commun ou core génome.
  • En revanche, 7 à 11 % du génome sont spécifiques de la souche, indiquant une grande diversité génétique.

Aspect qualitatif

  • Trente gènes codent pour des protéines eucaryote-like ; 32 gènes codent pour des protéines porteuses de domaines eucaryotes impliqués dans les interactions protéine-protéine.
  • Le core génome regroupe les gènes de virulence majeurs qui sont très conservés

Alternance phénotypique ou switch de phase

L’expression ou la répression de certains groupes de gènes conduit à deux états phénotypiques distincts :

  • Une forme intravacuolaire (non virulente, dédiée à la multiplication) ; la bactérie est longue, filamenteuse et non flagellée.
  • Une forme mature (virulente) ; la bactérie est courte, flagellée, très mobile et riche en inclusions cétoniques (énergie carbonique).

Facteurs de virulence

Legionella possède tous les systèmes de sécrétion (SST) à l’exception du type III.

Le système de sécrétion de type IV (SST4) est le facteur de virulence majeur de L. pneumophila [ 6] (Figure 1). C’est un système conjugatif codé par 25 gènes Dot/lcm, qui transporte environ 300 protéines effectrices à l’intérieur de la cellule et qui contrôle toutes les étapes de survie et de multiplication intracellulaires.

Autres facteurs de virulence connus : la flagelline et le lipopolysaccharide (LPS) dont la fraction Lipide A possède une structure originale [ 7].

Environnement et Legionella
Cycle intracellulaire
La coévolution de Legionella avec les protozoaires aquatiques eucaryotes a permis l’acquisition de caractères génétiques codant pour des facteurs de virulence. L’appareil de sécrétion de type IV (SST4) - ou système Dot/Icm - de L. pneumophila joue un rôle majeur dans le cycle intracellulaire de la bactérie. Il promeut l’internalisation de la bactérie par la cellule hôte, permet la formation à partir du réticulum endoplasmique d’une vacuole autonome nommée Legionella-containing vacuole (LCV) et empêche la fusion endosome-lysosome. Toutes les étapes conduisant à la multiplication bactérienne dans la LCV sont contrôlées par la translocation de substrats et d’effecteurs protéiques par Dot/Icm. L’étude de la régulation temporelle et spatiale de ces effecteurs dans des cellules eucaryotes environnementales ou humaines constitue actuellement un champ de recherche majeur [6] (Figure 1). On a décrit plus de 300 substrats, parfois redondants, dont certains ont des fonctions enzymatiques et d’autres agissent comme des protéines régulatrices de l’hôte grâce à leur fonction eucaryote-like (pour revue des principaux substrats Dot/Icm et de leur fonction, voir [6]).

Génomique comparative
L’étude des bases moléculaires déterminant le saut transitionnel entre l’environnement et l’homme a pour but de discriminer les souches environnementales à risque. Ainsi, par la génomique fonctionnelle (étude des gènes régulant les fonctions de virulence) [ 8, 9], l’étude de la réponse de Legionella aux stress génotoxiques a révélé que, contrairement à la plupart des bactéries, celle-ci ne développe pas une réponse de type SOS (réparation de l’ADN et mutagenèse) [ 44], mais développe une compétence (état physiologique génétiquement programmé conférant la capacité de recueillir de l’ADN provenant de l’environnement) [ 10]. Cette particularité favorise la diversité génétique, l’acquisition de nouveaux gènes et augmente la virulence de la bactérie. Parmi la cinquantaine d’espèces de Legionella, l’espèce L. pneumophila est associée à plus de 90 % des cas de légionellose diagnostiqués dans le monde et le sérogroupe 1 de cette espèce est de loin le plus important en pathologie humaine (ce qui n’est pas le cas dans l’environnement où la diversité des espèces est importante). La génomique comparative des espèces montre qu’un groupe de gènes spécifiques du sérogroupe 1 et codant pour les protéines impliquées dans la biosynthèse du LPS (lipopolysaccharide) est présent dans des contextes génomiques divers. Ce résultat suggère que le LPS du sérogroupe 1 est le principal facteur de virulence responsable de la prédominance des souches de ce sérogroupe dans les cas de légionellose

L’Institut Pasteur a développé une ressource web des séquences de Legionella 1, et une base de données des légionelles2.

Surveillance épidémiologique
Des outils moléculaires sont utilisés pour établir les liens entre les souches isolées chez les patients malades et les souches environnementales afin d’identifier les sources de contamination. Ces mêmes outils ont révélé que la majorité des isolats cliniques correspond à un nombre très limité de souches présentes dans l’environnement [ 11, 12]. Ainsi, au sein même des L. pneumophila sérogroupe 1, toutes les souches ne semblent pas présenter le même potentiel pathogène vis-à-vis de l’homme. Les méthodes de typage font de plus en plus appel aux techniques de PCR (polymerase chain reaction). Des techniques de PCR suivies d’un séquençage (sequence-based-typing ou SBT) ont été développées ; elles sont directement applicables aux prélèvements pulmonaires en l’absence de souches identifiées en culture [ 13, 14]. Enfin, le développement récent de techniques de surveillance environnementale, comme la qPCR de Legionella, devrait permettre d’améliorer encore la prévention au niveau des installations collectives [ 15].
Réponse de l’hôte à une infection par Legionella
Facteurs de risque
Les facteurs de risque liés au terrain sont l’âge avancé, le tabagisme ainsi que toute situation d’immunodépression (cancer, hémopathie, diabète, infection par le VIH [virus de l’immunodéficience humaine], corticothérapie et traitement immunosuppresseur) [ 16]. Les facteurs de risque liés à l’exposition sont représentés par un contact prolongé ou répété avec les réservoirs. Ils sont détaillés dans l’ Encadré 2. La baisse de production d’IFN-γ (interféron-³) ou l’inhibition du TNF-α (tumor necrosis factor-α) au long cours par un traitement neutralisant (adalimumab, étanercept ou infliximab), dans le cadre d’une polyarthrite rhumatoïde par exemple, majorerait le risque d’infection à L. pneumophila (le risque relatif augmentant de 16,5 à 21) [ 17, 18].

2. Épidémiologie de la légionellose

Épidémiologie environnementale

  • Infection émergente des sociétés économiquement développées.
  • La colonisation des réseaux domestiques d’eau douce y est endémique.
  • Dans ces réseaux, deux réservoirs : les protozoaires aquatiques (amibes) et le biofilm (communauté de microorganismes multiespèces contenus dans une matrice extracellulaire à la surface d’un support polymérique).
  • Les installations collectives ou individuelles (température de l’eau comprise entre 25 et 42 °C) générant des aérosols contaminés sont les tours aéroréfrigérantes, les fontaines, les spas, les nébuliseurs, les dispositifs d’air conditionné, les douches ou les robinets.
  • Transmission directe3 à l’homme par inhalation d’aérosols contenant des Legionella.

Épidémiologie clinique en France (1998-2008) [16]

  • Situation parmi les pneumonies :
    • premier agent bactérien intracellulaire responsable de pneumonie aiguë communautaire (un test diagnostique simple est disponible); hospitalisation dans 98 % des cas confirmés ;
    • 40 % des patients hospitalisés avec un diagnostic de légionellose admis en réanimation.
  • Cas sporadiques ou cas groupés : individuels ou touchant une collectivité.
  • Origine : 91 % communautaire versus 9 % nosocomiale.
  • 1 115 cas par an au total, soit un taux d’incidence moyen de 1,6 cas/100 000 habitants/an avec une incidence dépassant 5 cas/100 000 habitants/an si l’âge dépasse 80 ans.
  • 14 épisodes de cas groupés en France entre 1998 et 2008, soit 380 cas identifiés.
  • Âge médian : 61 ans ; sex ratio (H/F) : 2,9.
  • Létalité moyenne : 13 % (22 % en 1998 versus 11 % en 2008).
  • Facteurs favorisants retrouvés dans 70 % des cas : tabac (57 %), ­diabète (13 %), cancer (10 %).
  • Exposition à un risque documentée dans 40 % des cas.

Réponse immunitaire
La réponse immunitaire innée de l’hôte vis-à-vis de L. pneumophila est déterminante pour contrôler la multiplication bactérienne. Tout d’abord, l’infection des cellules dendritiques par L. pneumophila induit leur apoptose [ 19]. Au niveau des macrophages, trois types de récepteurs sont impliqués dans la détection de L. pneumophila : les récepteurs Toll-like (TLR), Nod-like (NLR) et RIG-I-like (RLR) [ 45] (Figure 2). Les ligands bactériens sont le LPS, la flagelline bactérienne et le SST4 [ 20]. Les TLR2 et 5 reconnaissent L. pneumophila à la surface cellulaire, tandis que la reconnaissance par TLR9 s’opère dans le compartiment endosomal précoce [ 46]. Une fois activés, les TLR induisent une réponse antimicrobienne via l’induction du facteur transcriptionnel NF-κB, qui déclenche la production de cytokines pro-inflammatoires (IFN-γ, TNF-α). Les NLR, présents dans le cytosol, reconnaissent la flagelline de L. pneumophila et sont à l’origine de l’activation de complexes protéiques appelés collectivement « inflammasomes » : NAIP5 (NLR family, apoptosis inhibitory protein 5, aussi appelé BIRC1e), ASC (apoptosis-associated speck-like protein) et NLRC4 (NLR family, CARD domain containing 4 ; aussi appelé caspase-recruitment domain 12 ou CARD12 ou Ipaf) qui génèrent l’activation d’une protéase spécifique, la caspase-1 [ 21, 22]. La caspase-1 active par clivage les interleukines (IL) pro-inflammatoires IL-1β et IL-18 et induit la formation de pores membranaires entraînant une lyse osmotique de la cellule, appelée pyroptose. Ce mécanisme de mort cellulaire inflammatoire est bénéfique dans la mesure où il limite le développement de l’infection. Les RLR reconnaissent l’ADN de L. pneumophila dans le cytoplasme et favorisent l’expression des gènes codant pour l’IFN de type I, générant la production d’IFN-β [ 23, 24]. Enfin, les lymphocytes natural killer, recrutés et activés par les cytokines pro-inflammatoires provenant des macrophages et des cellules dendritiques, produisent de l’IFN-γ en réponse à l’action principale de l’IL-18 [20].

Les cellules de l’immunité adaptative sont également recrutées à la phase précoce de l’infection. Les cellules T CD4+ interagissent avec les macrophages par l’intermédiaire du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type II, surexprimé par les macrophages activés [ 25]. En revanche, le CMH de type I est sous-exprimé au cours de l’infection par L. pneumophila [ 26]. Le rôle important de l’immunité humorale, via l’action des cellules B, a été confirmé, notamment par l’observation d’une séroconversion [ 27], mais également par le succès des vaccinations dans des modèles animaux [ 28]. Il y a production de lymphocytes B mémoires et d’anticorps dont le rôle protecteur a été démontré au cours des réinfections [ 29]. Le switch isotypique des IgM vers les IgG est dépendant des lymphocytes T régulateurs CD4+. Le recrutement et l’activation des cellules de l’immunité adaptative, ainsi que les interactions entre les différents types cellulaires, sont cependant encore largement méconnus.

Vers la description de groupes génétiques à risque ?
L’approche fondée sur l’analyse de profils de polymorphismes génétiques permet progressivement d’individualiser des sous-groupes à risque. Chez l’homme, le polymorphisme TLR5 pourrait augmenter la susceptibilité de l’hôte au développement de la légionellose [ 30].
Diagnostic de la légionellose
Symptomatologie clinique
Il n’y a pas de signe clinique spécifique de la légionellose. Elle se manifeste essentiellement par une pneumonie d’évolution progressive et sévère sans atteinte ORL et par la présence de signes extrarespiratoires (30 % des cas) devant attirer l’attention [ 31]. Ces manifestations incluent céphalées, confusion, diarrhée, myalgies ou encore insuffisance rénale aiguë [ 32]. En comparaison avec le tableau clinique d’une pneumopathie à pneumocoque, la fièvre élevée supérieure à 39 °C (OR [odds ratio] = 10,3 – IC 95 % = 2,71-38,84) et l’échec d’un traitement probabiliste par les β-lactamines (OR = 19,9 – IC 95 % = 3,47–114,24) sont des facteurs orientant vers la légionellose [ 33]. De plus, la littérature rapporte que 40 à 50 % des patients atteints de légionellose et présentant des signes extrarespiratoires développent une manifestation neurologique liée à la maladie [ 34]. La plus fréquente est la confusion qui traduit l’atteinte encéphalique dont la physiopathologie est inconnue. La présence d’une méningite (avec un profil inflammatoire du liquide cérébrospinal) n’est pas habituelle [ 35]. En comparaison, la fréquence des signes neurologiques ne dépasse pas 10 % au cours des pneumopathies aiguës communautaires d’étiologie différente [ 36].

Les examens d’imagerie pulmonaire retrouvent souvent une atteinte bilatérale, systématisée ou non, asymétrique et alvéolo-interstitielle [ 37]. Du point de vue biologique, on décrit classiquement une hyponatrémie (témoin d’une sécrétion inappropriée d’ADH [hormone antidiurétique]) dans la moitié des cas, une cytolyse hépatique et une élévation des créatine-phosphokinases sanguines. Une étude rapporte que l’hypophosphorémie est évocatrice du diagnostic [ 38]. Enfin, une hématurie microscopique et, rarement, une protéinurie, peuvent témoigner de l’atteinte rénale. Une étude récente suggère qu’une valeur du rapport CRP (protéine C-réactive)/PCT (procalcitonine) supérieure à 1,25 oriente plutôt vers une infection à Legionella, et une valeur inférieure à 0,5 vers une infection à S. pneumoniae [ 39].

Diagnostic microbiologique
Seuls les examens microbiologiques apportent la certitude diagnostique. Deux méthodes présentent un intérêt majeur.
La recherche d’antigènes solubles dans les urines C'est la technique la plus rapide. Elle devient positive dès les 24 à 48 premières heures suivant le début des symptômes et le reste plusieurs semaines (2 mois en moyenne). Les tests utilisés actuellement ne détectent que L. pneumophila du sérogroupe 1. L’antigène détecté est un composant du LPS de la paroi cellulaire de L. pneumophila. En moyenne, la valeur prédictive positive des tests utilisés en France est de 85 % et leur valeur prédictive négative de 95 %. La sensibilité de la détection des antigènes urinaires est associée à la sévérité clinique de la maladie [ 40]. Si un patient est suspect de légionellose mais que le premier test est négatif, il n’est pas opportun d’en réaliser un second. Il est préférable de réaliser une culture et/ou une PCR sur un prélèvement pulmonaire. En Europe, la proportion de cas diagnostiqués par dosage des antigènes urinaires a beaucoup progressé depuis 1998 (15 % en 1995 versus > 90 % en 2006).
La culture de prélèvements respiratoires Elle reste la méthode de référence. Elle est recommandée si la détection des antigènes urinaires est positive pour identifier la souche et réaliser l’enquête épidémiologique (recommandation de l’Afssaps [Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé] - juillet 2011). Elle peut permettre le diagnostic de légionellose à L. pneumophila d’un sérogroupe différent du sérogroupe 1, et à un autre groupe que L. pneumophila si le test urinaire est négatif (en cas de forte suspicion de légionellose). Elle peut être réalisée à partir des expectorations ou de tout autre prélèvement trachéobronchique (aspiration trachéale, lavage bronchoalvéolaire, brossage protégé). La culture présente une spécificité de 100 % et une sensibilité variable de 25 à 80 %. La culture est réalisée sur milieux spécifiques. L. pneumophila peut habituellement être détectée au 3e jour de culture mais certaines souches non pneumophila peuvent nécessiter une culture prolongée. Des techniques de coculture de prélèvements pulmonaires sur tapis amibien, prenant en compte le fait que la bactérie se développe en intracellulaire, permettent dans certains cas d’augmenter la sensibilité de la culture en détruisant la flore oropharyngée contaminante.
La PCR sur prélèvement respiratoire Elle permet un diagnostic rapide (résultat dans la journée). Sa sensibilité est de 80-100 % et sa spécificité est proche de 100 %. Le taux d’ADN de Legionella apparaît corrélé à la sévérité de l’infection [ 41, 42]. Seuls quelques kits commercialisés sont actuellement disponibles. Les gènes cibles les plus souvent utilisés sont les gènes codant pour les ARN ribosomaux 5S et 16S pour les techniques spécifiques du genre Legionella, et le gène mip (macrophage infectivity potentiator) pour les techniques spécifiques de l’espèce L. pneumophila. La PCR réalisée sur des prélèvements non respiratoires (urine et sérum) est séduisante car elle serait applicable aux patients qui n’expectorent pas, et éviterait la réalisation de prélèvements invasifs. Les études sont limitées, mais montrent que les sensibilités sont nettement inférieures à celles des PCR sur prélèvements respiratoires.
La sérologie Elle a pour inconvénient son résultat tardif (délai de 10 jours à 5 semaines) et la nécessité de confirmer le diagnostic par un second prélèvement : l’intervalle recommandé entre le premier prélèvement (début des symptômes) et le second est d’environ trois à quatre semaines. Les anticorps apparaissent le plus souvent deux semaines après le début de l’infection, le pic étant atteint environ quatre à cinq semaines après le début de l’infection. La mise en évidence d’un titre d’anticorps multiplié par quatre est significative. La sérologie possède surtout une valeur épidémiologique. Sa sensibilité s’établit entre 41 et 94 %, et varie selon les techniques : 64 % pour l’Elisa, 61 % pour l’IF (immunofluorescence) indirecte.

La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire basée sur une liste de critères diagnostiques (Tableau I). Une enquête autour du ou des cas est nécessaire et impose une intervention environnementale si une source d’émission est identifiée.

Traitement de la légionellose

Le délai de mise en route d’un traitement adapté expose au risque de mortalité accrue [44]. Les pneumopathies aiguës communautaires sévères étant le plus fréquemment dues à Streptococcus pneumoniae ou L. pneumophila, la présence de facteurs de gravité clinique implique de prescrire une antibiothérapie couvrant Legionella.

Compte-tenu de la localisation intracellulaire de la bactérie, les macrolides, les fluoroquinolones et la rifampicine sont utilisables (Figure 3). La rifampicine n’est pas recommandée en monothérapie. Legionella possède une résistance naturelle vis-à-vis des β-lactamines. Aucune résistance acquise vis-à-vis des molécules recommandées n’a été rapportée à ce jour.

Les modalités thérapeutiques en cas de légionellose confirmée prennent en considération les paramètres suivants (Afssaps - juillet 2011) :

terrain sous-jacent : présence d’une immunodépression (voir ci-dessus), polymédication, troubles hépatiques ou digestifs ;

présentation clinique : critères de gravité des pneumopathies aiguës communautaires ;

efficacité in vitro et in vivo : concentrations minimales inhibitrices comparatives des antibiotiques ;

prescription raisonnée : épargne des quinolones (émergence d’antibiorésistance), effets secondaires, interactions médicamenteuses.

La stratégie thérapeutique doit être adaptée selon le degré de sévérité4 :

les formes peu graves (patient ambulatoire ou hospitalisé en service d’urgences ou de médecine) sont traitées par voie orale. L’azithromycine est l’antibiotique le plus actif, mais il n’a pas l’AMM (autorisation de mise sur le marché) dans cette indication en France. Clarithromycine, roxithromycine, josamycine et spiramycine représentent les alternatives. L’érythromycine n’est plus l’antibiotique de choix en raison d’effets indésirables fréquents.

Les formes sévères (hospitalisation en soins intensifs ou en réanimation, contexte d’immunodépression) impliquent un traitement par voie intraveineuse. La monothérapie par fluoroquinolones trouve ici son indication. L’association de deux antibiotiques choisis dans les trois familles utilisables est une alternative. Pour les macrolides, la spiramycine est préférée à l’érythromycine.

La durée de traitement est de 8 à 14 jours dans les formes non graves ; elle doit être poursuivie 21 jours dans les formes graves et/ou chez l’immunodéprimé.

Liens d’Intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
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