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Med Sci (Paris). 2012 March; 28(3): 248–250.
Published online 2012 April 6. doi: 10.1051/medsci/2012283007.

TBX2, un nouvel acteur dans la sénescence cellulaire induite par PML

Nadine Martin,1,2 Anne Dejean,1 and Oliver Bischof1*

1Unité d’organisation nucléaire et oncogenèse, Inserm U993, Institut Pasteur, 28, rue du Docteur Roux, 75724Paris Cedex 15, France
2Adresse actuelle : Cell proliferation group, MRC clinical sciences centre, faculty of medicine, Imperial College, LondonW12 0NN, Royaume-Uni
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Vieillissement de la cellule, physiologie, Chromatine, génétique, Méthylation de l'ADN, Régulation de l'expression des gènes, Gènes suppresseurs de tumeur, Humains, Souris, Modèles biologiques, Protéines nucléaires, Protéine oncogène p21(ras), Régions promotrices (génétique), Protéine de la leucémie promyélocytaire, Protéines à domaine boîte-T, Facteurs de transcription, Protéine p53 suppresseur de tumeur, Protéines suppresseurs de tumeurs

 

La protéine PML (promyelocytic leukemia protein) a été identifiée il y a 20 ans dans le produit de la translocation t(15,17) causant la leucémie aiguë promyélocytaire [1, 2]. La protéine de fusion PML-RARα (retinoic acid receptor α) issue de cette translocation bloque la différenciation des cellules progénitrices hématopoïétiques. PML fait partie, avec p53 et Rb (retinoblastoma protein) notamment, de facteurs suppresseurs de tumeur induisant la sénescence cellulaire. Celle-ci est caractérisée par un arrêt permanent du cycle cellulaire en réponse à divers signaux tels que l’érosion des télomères ou l’activation d’oncogènes. En empêchant la prolifération illimitée des cellules, la sénescence constitue une puissante barrière antitumorale () [3]. Depuis la découverte du rôle de PML dans la sénescence cellulaire en 2000, la compréhension des mécanismes impliqués dans sa fonction de suppresseur de tumeur constitue un enjeu majeur.

(→) Voir l’article de J.M. Brondello et al., page 288 de ce numéro

PML, un suppresseur de tumeur

Le gène PML donne naissance, par épissage alternatif de l’ARN, à au moins sept isoformes de la protéine PML, désignées PML-I à -VII. Hormis PML-VII qui est cytoplasmique, toutes les isoformes de PML sont nucléaires et se concentrent au sein de petites structures appelées corps nucléaires PML, détruites dans la leucémie aiguë promyélocytaire et dont la fonction est encore mal définie. La première preuve de l’action de suppresseur de tumeur de PML est venue de l’observation d’une augmentation de la prolifération cellulaire et de la susceptibilité aux tumeurs lors de son inactivation génétique chez la souris [4]. Deux études ont ensuite montré que l’oncogène Ras activé stimule l’expression de PML et que celle-ci induit la sénescence cellulaire dans les fibroblastes primaires humains et murins [5, 6]. PML est requise pour l’implémentation de la sénescence par Ras [6].

Parmi les diverses isoformes de PML, seule PML-IV induit la sénescence [7], en mettant en jeu les suppresseurs de tumeur p53 et Rb. PML agit avec p53 au sein d’une boucle de régulation positive de la sénescence. PML promeut d’une part l’activité transcriptionelle de p53 au sein d’un complexe trimérique formé avec CBP (CREB-binding protein, un coactivateur transcriptionnel) [6, 7]. D’autre part, le gène PML est lui-même activé par p53, agissant comme médiateur de son action antiproliférative [8]. Concernant l’implication des protéines Rb (Rb1/p105, RbL1/p107 et RbL2/p130), connues pour inhiber l’activité des facteurs de transcription E2F, il a été montré récemment que PML recrute les complexes Rb/E2F au sein des corps nucléaires, dans un environnement riche en hétérochromatine. La répression des gènes cibles d’E2F est requise pour l’implémentation de la sénescence par PML [9]. PML est considérée depuis longtemps comme un facteur jouant un rôle dans la régulation transcriptionnelle. Cependant, peu de gènes cibles directs de PML ont été identifiés et son mode de fonctionnement dans ce contexte est encore mal connu.

PML inhibe le proto-oncogène TBX2

Afin de mieux comprendre son action dans la sénescence cellulaire, nous avons souhaité caractériser l’impact de PML sur l’expression des gènes associée à ce phénomène [10]. Nous avons pour cela établi le profil transcriptionnel de fibroblastes primaires humains soit en phase proliférative, soit après induction de la sénescence via la surexpression de PML-IV ou de l’oncogène RasV12 (sénescence prématurée) ou via leur culture prolongée (sénescence réplicative). La comparaison de ces transcriptomes a permis de définir une liste de 262 gènes réprimés spécifiquement dans les trois cas de sénescence, parmi lesquels figure le gène TBX2 (T-box protein 2). TBX2 est un facteur de transcription dont la surexpression provoque l’immortalisation des fibroblastes embryonnaires murins en inhibant l’expression des gènes suppresseurs de tumeur p15INK4b, p16INK4a, p21CIP et p19ARF. TBX2 coopère de plus avec des oncogènes dans la transformation cellulaire et retarde l’entrée en sénescence des fibroblastes primaires humains [11]. En rapport avec cette action, le gène TBX2 est fréquemment surexprimé dans divers cancers tels que le mélanome, le cancer du poumon à petites cellules, ceux du sein, du pancréas, du foie et de la vessie [12]. Du fait de son rôle important dans l’oncogenèse, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à TBX2 dans le contexte de la sénescence induite par PML.

Nous avons tout d’abord établi que TBX2 est un gène cible direct de PML-IV (et pas des autres isoformes PML). PML-IV réprime TBX2 spécifiquement lors de la sénescence et non lors de la prolifération ou de la quiescence des cellules. TBX2 est également un gène cible d’E2F. Le recrutement au niveau du promoteur TBX2 de PML-IV, qui ne possède pas de domaine de liaison à l’ADN, requiert son interaction avec un complexe p130/E2F4 fonctionnel, qui crée un environnement de chromatine transcriptionnellement inactive au niveau du promoteur (Figure 1). L’intégrité des corps nucléaires PML n’est pas requise pour l’inhibition de l’expression de TBX2 et l’induction de la sénescence par PML-IV, mais elle favorise son association au promoteur TBX2. Nous avons de plus observé que PML contribue à l’inhibition de l’expression de TBX2 lors de l’établissement de la sénescence par l’oncogène RasV12. Les fibroblastes embryonnaires murins PML-/- présentent un niveau constitutivement élevé de TBX2, reflétant leur résistance à l’entrée en sénescence précédemment décrite [5]. La diminution de l’expression de TBX2 dans les fibroblastes primaires humains est suffisante pour induire l’entrée des cellules en sénescence.

Une boucle de régulation

Nous avons ensuite testé si la protéine TBX2, de même qu’elle est capable de retarder la sénescence réplicative [11], a un impact sur la sénescence induite par PML-IV. En effet, la surexpression de TBX2 concomitante à celle de PML-IV abroge l’entrée des cellules en sénescence. TBX2 entraîne une diminution de l’association de PML-IV au promoteur de TBX2 et de CDC6 (cell division cycle 6) et une augmentation de la transcription de ces gènes et de celle d’autres gènes cibles d’E2F réprimés par PML (BUB1, ORC6L, USP1, ASF1B, BRCA1, NEK2, CDC2 et CCNA2 1). Cet antagonisme exercé par TBX2 est dépendant de son domaine RD1 (repression domain 1), décrit comme un module d’interaction protéine-protéine. Nous avons montré que la protéine TBX2 est capable de se lier à la protéine PML-IV endogène et que son domaine RD1 est le principal médiateur de cette association. Ceci suggère que TBX2 interfère avec l’activité prosénescente de PML-IV par une interaction directe.

Notre étude a ainsi mis en lumière un nouveau gène cible direct de PML mis en jeu dans son action de suppresseur de tumeur et une boucle de régulation dans laquelle PML et TBX2 interagissent pour contrôler l’induction de la sénescence cellulaire (Figure 1). La relation fonctionnelle entre TBX2 et PML dépend de leur abondance respective - inversement corrélées - et du contexte cellulaire. Un niveau élevé de TBX2 inhibe la fonction prosénescente de la protéine PML-IV en la séquestrant par interaction directe et en l’empêchant ainsi de se lier aux promoteurs de ses gènes cibles. Inversement, une augmentation du niveau de PML entraîne la répression de l’expression de TBX2. Dans le contexte de la sénescence, il est probable que d’autres facteurs que l’oncogène Ras et p53 [5, 6, 8], qui restent à découvrir, activent l’expression de PML. Dans le cas du cancer, il a été montré que la fonction de PML est fréquemment supprimée. Cette inhibition a lieu au niveau post-traductionnel : en effet, dans de nombreux cancers d’origines histologiques diverses, l’abondance de la protéine PML est fortement réduite alors que celle de son ARNm reste intacte [13]. Le ciblage de PML vers la voie de dégradation fait ainsi pencher la balance vers une prolifération cellulaire illimitée. Il est fort probable que, hormis l’antagonisme de TBX2 rapporté ici, d’autres mécanismes suppriment l’action de la protéine PML et contribuent ainsi à la tumorigenèse.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 BUB1 : budding uninhibited by benzimidazoles 1 homolog ; ORC6L : origin recognition complex, subunit 6 like ; USP1 : ubiquitin specific peptidase 1 ; ASF1B : anti-silencing function 1 homolog B (S. cerevisiae) ; BRCA1 : breast cancer 1 ; NEK2 : never in mitosis gene a-related kinase 2 ; CDC2 : cell division control gene 2, code pour Cdk1 une sérine/thréonine kinase ; CCNA2 : cyclin A2.
References
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