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Med Sci (Paris). 2012 January; 28(1): 44–46.
Published online 2012 January 27. doi: 10.1051/medsci/2012281016.

Un lien inattendu entre maladie de Huntington et syndrome de Rett

Jean-Christophe Roux,1,2* Diana Zala,3,4,5 Nicolas Panayotis,1,2 Ana Borges-Correia,1,2 Frédéric Saudou,3,4,5 and Laurent Villard1,2

1Inserm, UMR-S 910, faculté de médecine de la Timone, Marseille, F-13385, France
2Aix-Marseille université, faculté de médecine, Marseille, F-13000, France
3Institut Curie, Orsay, F-91405, France
4CNRS UMR3306, Orsay, F-91405, France
5Inserm U1005, Orsay, F-91405, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Transport axonal, génétique, physiologie, Axones, métabolisme, Transport biologique, Tronc cérébral, Facteur neurotrophique dérivé du cerveau, Mercaptamine, usage thérapeutique, Évaluation préclinique de médicament, Régulation de l'expression des gènes, Humains, Protéine huntingtine, Maladie de Huntington, traitement médicamenteux, physiopathologie, Protéine-2 de liaison au CpG méthylé, déficit, Souris, Modèles neurologiques, Protéines de tissu nerveux, Protéines nucléaires, Syndrome de Rett, Transcription génétique, Vésicules de transport

 

Le syndrome de Rett est un grave désordre neurologique d’origine génétique. Il affecte le fonctionnement du système nerveux central [ 1]. Cette maladie neurologique, dont l’incidence est d’environ 1/15 000 naissances de filles (400 nouveaux cas par an en Europe), est la deuxième cause de déficience intellectuelle sévère d’origine génétique chez la femme [ 2]. Le développement est normal durant la période périnatale jusqu’à 6 à 18 mois, puis s’installent un ralentissement du développement et une régression rapide des capacités intellectuelles et de la communication associés à une microcéphalie, des stéréotypies manuelles, des troubles de motricité et des fonctions autonomes [1]. Le gène responsable est MECP2, localisé sur le chromosome X ; il code pour un ­régulateur transcriptionnel [ 3].

Altération du transport axonal du BNDF

Nos travaux antérieurs ont montré que des altérations du tronc cérébral conduisent à des déficits des fonctions autonomes chez les souris modèles déficientes en Mecp2, tout comme chez les filles atteintes du syndrome de Rett [ 4]. L’analyse du transcriptome du tronc cérébral chez des souris déficientes en Mecp2 a révélé des atteintes sévères de la transcription de gènes impliqués dans le transport axonal. Parmi les gènes fortement sous-exprimés, nous avons identifié Htt et Hap1, codant respectivement pour les protéines Huntingtine et huntingtin-associated protein 1. La Htt contient une répétition de l’acide aminé glutamine dans sa séquence amino-­terminale. Cette répétition est anormalement longue chez les patients atteints de maladie de Huntington ce qui induit le développement d’une maladie neurodégénérative pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif [ 5]. Ces deux protéines Huntingtine et huntingtin-associated protein 1 jouent un rôle important dans la maladie de Huntington en régulant les complexes dynéine et kinésine-1 qui sont les moteurs moléculaires responsables du transport le long des microtubules de cargos et vésicules à l’intérieur des neurones [ 6, 7]. Ainsi, Htt et HAP1 agissent comme des facteurs favorisant le transport axonal des vésicules contenant, notamment, le BDNF (brain derived neurotrophic factor), facteur essentiel à la survie et au bon fonctionnement des neurones [ 8]. De manière intéressante, les patients atteints de maladie de Huntington et de syndrome de Rett présentent des déficits moteurs importants qui seraient dus, en partie, à des atteintes du métabolisme du BDNF [ 9]. Il faut souligner qu’il existe une grande différence entre ces deux pathologies car la maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative conduisant à une perte neuronale, alors que le syndrome de Rett est associé à un dysfonctionnement des neurones sans mort cellulaire. Malgré tout, nos résultats montrent que la machinerie permettant le transport vésiculaire du BDNF est sévèrement affectée dans les deux cas [8, 10]. Par ailleurs, les atteintes transcriptionnelles ne se limitent pas aux gènes Htt et Hap1 puisque nous avons mis en évidence une atteinte de plusieurs autres facteurs impliqués dans le transport axonal. En plus des dérégulations transcriptionnelles, la quantité des protéines Htt et Hap1 est fortement réduite dans le cerveau des souris déficientes en Mecp2. En s’intéressant tout particulièrement à une aire du cerveau riche en BDNF et impliquée dans la régulation des fonctions motrices, l’axe cortico-striatal, nous avons montré la présence de déficits, in vivo, de la répartition du BDNF dans le cerveau des souris déficientes en Mecp2. Ce résultat suggère un déficit d’acheminement du BDNF de sa zone de production (le cortex) vers sa cible (le striatum). Afin de prouver sans ambiguïté que la déficience en Mecp2 entraîne une altération du transport de BDNF, nous avons utilisé la vidéomicroscopie, qui permet de visualiser in cellulo le transport vésiculaire et d’en mesurer les paramètres cinétiques. Nous avons ainsi montré qu’en modifiant la quantité de protéine Mecp2 dans les neurones en culture, nous étions capables de moduler la vitesse de transport du BDNF. Afin de vérifier si le déficit de transport axonal affectait le seul BDNF ou pouvait toucher d’autres facteurs, nous nous sommes intéressés à la protéine précurseur du peptide bêta-amyloïde (APP), qui est également transportée dans les axones par un complexe similaire à celui qui transporte le BDNF, c’est-à-dire fortement dépendant de Htt et Hap1. L’avantage d’étudier APP, c’est que nous avons montré que son ARNm et sa protéine ne sont pas dérégulés, à la différence du BDNF. En revanche, lorsque l’on réduit les quantités de protéine Mecp2 dans les neurones en culture, le transport vésiculaire de APP est fortement réduit. Ce dernier résultat indique qu’en plus du BDNF, le déficit de transport axonal que nous venons d’identifier pourrait concerner d’autres facteurs et avoir des conséquences au-delà de la seule réduction du support trophique (Figure 1).

Une application thérapeutique en vue ?

Nous avons ensuite tiré parti de nos résultats dans une optique d’application translationnelle. En effet, il a été montré que la cystéamine, qui inhibe l’activité des enzymes transglutaminases, était capable d’augmenter la quantité de BDNF transportée par vésicule ainsi que sa sécrétion [ 11]. En traitant de façon répétée des souris déficientes en Mecp2 par la cystéamine, nous avons démontré l’efficacité de cete molécule. En effet, les souris traitées par la cystéamine ont une durée de vie légèrement augmentée et surtout, une fonction motrice très améliorée par rapport aux animaux non traités. Cette molécule, déjà utilisée pour son efficacité chez les souris modèles de la maladie de Huntington, est autorisée par la FDA (Food and drug administration) aux États-Unis, et est prescrite actuellement en clinique pour le traitement d’une autre maladie rare de l’enfant, la cystinose. Ces découvertes ouvrent donc des perspectives dans le domaine du traitement ­pharmacologique du syndrome de Rett.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été cofinancé par l’INSERM, le CNRS, l’Institut Curie, le réseau E-RARE EuroRETT, l’ANR (ANR-08-MNP-039, F.S.), l’association française du syndrome de Rett (AFSR), le programme Européen (FP7 2007-2013; n.238242). Ce travail est dédié aux patients affectés par des mutations dans le gène MECP2 ainsi qu’à leurs familles.

References
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