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Med Sci (Paris). 2011 June; 27(6-7): 587–589.
Published online 2011 July 1. doi: 10.1051/medsci/2011276009.

Des souris humanisées pour l’étude du virus de l’hépatite C

Hélène Gilgenkrantz1*

1Inserm U1016, CNRS UMR 8104, Université Paris Descartes, Institut Cochin24, rue du Faubourg Saint-Jacques75014Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Animaux, Caspase-3, composition chimique, génétique, Caspase 8, Protéines de liaison à l'ADN, Dimérisation, Modèles animaux de maladie humaine, Susceptibilité à une maladie, Transplantation de tissu foetal, Transplantation de cellules souches hématopoïétiques, Hepacivirus, physiologie, Hépatite C chronique, thérapie, Hépatocytes, transplantation , virologie, Humains, Hydrolases, déficit, Foie, embryologie, Souris, Souris SCID, Souris transgéniques, Chimère post-radique, Protéines de liaison au tacrolimus, Tolérance à la transplantation, Transplantation hétérologue, Tyrosinémies, Activateur du plasminogène de type urokinase, Réplication virale

 

L’hépatite chronique C, ce sont 170 millions de patients infectés dans le monde dont environ 30 % évolueront vers une cirrhose. Jusqu’à présent, le traitement associait un interféron et un analogue nucléosidique avec un succès relatif dépendant du type de virus et de facteurs intrinsèques aux patients. Le développement récent de nouvelles antiprotéases et antipolymérases ravive le problème du manque criant de modèles cellulaires et animaux adéquats pour étudier leur efficacité et leur mode d’action. Un modèle cellulaire idéal permettrait de reproduire fidèlement l’intégralité du cycle viral, de l’entrée du virus à sa réplication. Un modèle animal permettrait, de plus, d’étudier la physiopathologie de la maladie en y intégrant la réaction immunitaire induite par l’infection et de tester l’efficacité vaccinale ou thérapeutique de nouvelles drogues. Or, le tropisme du virus restreint à l’homme et aux primates non humains limite l’utilisation d’autres espèces. Par ailleurs, la différenciation et la maturation complète des hépatocytes sont requises pour que ceux-ci soient infectés par le virus de l’hépatite C (VHC), caractéristiques qu’il est bien difficile de maintenir en culture primaire, même à moyen terme.

Les modèles de culture du VHC et leurs améliorations ont été récemment présentés dans ces colonnes [ 9, 10]. La possibilité d’infecter efficacement et de produire des particules virales à partir de tranches de foies humains issues de biopsies, c’est-à-dire dans un contexte cellulaire naturel, semble également très prometteuse (S. Lagaye et S. Pol, communication personnelle).

Premiers modèles murins ayant un foie « humanisé » : les souris uPA et FAH -/-

Qu’en est-il des petits modèles animaux permettant d’aborder les questions relevant de l’immunité et de l’efficacité des combinaisons thérapeutiques à moyen terme ? Avant que ne soient développées des souris au foie humanisé, le seul modèle animal naturel infectable par le VHC humain était une civette arboricole, vivant essentiellement en Asie du Sud-Est et dont le petit nom, tupaia, signifie écureuil en malais. Difficile pourtant d’envisager le développement d’un élevage de cet animal sauvage dans le cadre d’une recherche académique. L’idée d’implanter des hépatocytes humains chez la souris immunodéprimée a alors conduit il y a une dizaine d’années à l’obtention de « trimères ». Les souris subissent à la fois une transplantation de moelle osseuse de souris SCID (severe combined immunodeficient) - ce qui prévient le développement d’une réaction immunitaire - ainsi que l’implantation, sous la capsule rénale, d’une tranche de foie humain préalablement infectée par le VHC. L’ARN du VHC est encore détecté un mois après dans le sérum de la souris greffée [ 1]. Ce modèle a ainsi servi à valider l’efficacité préclinique d’anticorps dirigés contre la protéine d’enveloppe E2 [ 2].

Le développement des premiers modèles murins de repeuplement total du foie par des hépatocytes transplantés a permis d’aller un peu plus loin dans l’établissement de souris au foie humanisé. Les deux modèles existants, la souris transgénique uPA (urokinase plasminogen activator) et la souris tyrosinémique (FAH -/- ) fonctionnent sur le même concept : dans les deux cas, les hépatocytes résidents sont continuellement détruits, par un transgène toxique dans le cas du modèle uPA et par un défaut constitutif d’une enzyme du cycle de l’urée, la fumaryl-acide-acéto-hydrolase, dans le cas de la souris FAH -/- . Cette cytolyse induit un stimulus de prolifération, ce qui confère aux hépatocytes transplantés un avantage prolifératif sur les hépatocytes résidents, puisqu’ils ne subissent pas la pression de sélection négative de ces derniers. Successivement, l’équipe de E.P. Sandgren puis celle de M. Grompe, sont donc parvenues à repeupler quasi-entièrement le foie de souris transgéniques uPA et FAH -/- à partir d’un million seulement d’hépatocytes transplantés. Après des croisements successifs avec des animaux de fond génétique immunodéprimé SCID, les souris uPA permirent l’implantation, le maintien et la prolifération d’hépatocytes humains [ 3]. Il ne restait alors plus qu’à démontrer que ces souris au foie partiellement humanisé étaient infectables par le VHC et, ainsi, à confirmer l’efficacité thérapeutique de différentes drogues comme l’interféron ou les antiprotéases [ 4]. L’importance de la réponse immunitaire innée dans l’histoire naturelle de l’infection virale C a également pu être démontrée grâce à ce modèle [ 5]. Il fut beaucoup plus long et laborieux d’obtenir des souris humanisées à partir du modèle FAH -/- , les auteurs ayant dû, pour y parvenir, faire des croisements successifs avec des animaux de fond génétique Rag2γC. Ces souris sont en effet dépourvues de cellules natural killer (NK) et déplétées en macrophages murins résidents. L’infection de cette souris immunodéprimée par le VHC n’a été que récemment démontrée [ 6]. En revanche, l’absence d’un système immunitaire humain fonctionnel ne permet d’induire une fibrose hépatique dans aucun de ces modèles.

Souris humanisées pour le système immunitaire et le foie : un modèle idéal d’infection par le VHC ?

Quel est, finalement, le cahier des charges pour l’obtention d’un modèle idéal de souris humanisée permettant l’étude du cycle du VHC et celle de ses inhibiteurs potentiels ? Il faut tout d’abord faire de la place au sein du parenchyme hépatique afin que les hépatocytes humains puissent s’y diviser, autrement dit conférer un avantage sélectif négatif aux hépatocytes résidents ; les hépatocytes transplantés doivent d’autre part rester différenciés, ou être capables d’acquérir un niveau de différenciation terminale, faute de quoi ils ne seront pas infectés par le VHC. Ainsi, un tel modèle n’a-t-il pas encore été obtenu avec des cellules souches embryonnaires (ES) ou des cellules souches pluripotentes reprogrammées (iPS), leur niveau de différenciation étant, pour le moment encore, insuffisant pour valider ce paramètre [ 11]. Enfin, le système immunitaire de la souris doit être, lui aussi, humanisé, pour espérer reproduire toute la physiopathologie de la maladie. Ces différents critères semblent désormais réunis dans un modèle qui vient d’être publié dans la revue Gastroenterology [ 7].

L’animal receveur est une souris transgénique exprimant dans ses hépatocytes une caspase 8 dimérisable et donc activable par une drogue dépourvue d’autres effets biologiques. Un tel modèle avait déjà été obtenu avec la caspase 3 [ 8], révélant qu’il était possible d’induire à façon une mort hépatocytaire programmée par apoptose, sans effet bystander sur les cellules avoisinantes ou transplantées, laissant ainsi la possibilité d’y implanter des hépatocytes humains (Figure 1). Des animaux transgéniques nouveau-nés sur fond génétique Rag2γC exprimant cette bombe à retardement ont été irradiés et transplantés à la fois par des cellules souches hématopoïétiques CD34+ et des cellules progénitrices hépatocytaires, ces deux populations étant issues de mêmes foies fœtaux humains de 16 semaines. Environ 15 % des cellules du foie chimérique expriment l’albumine humaine entre 1 à 4 mois après la transplantation. Les animaux présentent également des cellules immunitaires humaines dans tous leurs organes lymphoïdes. Les souris ainsi humanisées pour le système immunitaire et le foie ont alors été inoculées avec le sérum d’un patient porteur d’une hépatite chronique C de génotype 1a (Figure 2). L’ARN du virus est détecté chez la moitié d’entre elles, bien que la virémie ne soit pas détectable dans le sérum des animaux. Ce défaut de détection est probablement dû au niveau encore trop faible d’hépatocytes humains dans le foie des souris. L’infection par le VHC engendre une réponse humaine T spécifique. Cette réaction immunitaire à l’infection permet l’infiltration du foie par des cellules CD45+, des macrophages et des cellules T CD3+ humaines et, de façon remarquable, le développement d’un processus fibrotique semblable à celui qui est observé lors d’une infection VHC chronique chez l’homme. Ce premier modèle de souris humanisées à la fois sur le plan immunitaire et hépatocytaire est donc un outil de choix pour mieux comprendre l’infection virale C, la co-infection VIH-VHC et l’efficacité de nouvelles molécules thérapeutiques, mais aussi pour aborder l’étude de la physiopathologie de la fibrose induite par le virus de l’hépatite C. Si des résultats équivalents pouvaient être obtenus avec des hépatocytes congelés ou des iPS différenciées en hépatocytes, l’utilisation de cette approche en serait grandement facilitée !

Conflit d’intérêts
L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
References
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