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Med Sci (Paris). 2011 June; 27(6-7): 569–571.
Published online 2011 July 1. doi: 10.1051/medsci/2011276002.

« Se manger soi-même » pour survivre
Régulation coordonnée de l’autophagie par les nutriments

Benoit Viollet1,2* and Marc Foretz1,2

1Inserm, U1016, Institut Cochin, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014Paris, France
2Université Paris Descartes, Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Adenylate kinase, physiologie, Animaux, Autophagie, Survie cellulaire, Cellules cultivées, Aliments, Hépatocytes, métabolisme, Homéostasie, Protéines et peptides de signalisation intracellulaire, Mitochondries du foie, Phosphorylation, Protein kinases, Maturation post-traductionnelle des protéines, Saccharomyces cerevisiae, cytologie, Protéines de Saccharomyces cerevisiae, Transduction du signal, Facteurs de transcription

Autophagie : se manger soi-même pour survivre

L’autophagie est un processus cellulaire catabolique hautement conservé au cours de l’évolution permettant de maintenir l’homéostasie cellulaire par la dégradation et le recyclage d’organites superflus ou endommagés ainsi que des protéines agrégées ou mal conformées. Des portions du cytoplasme sont alors séquestrées dans des vésicules appelées autophagosomes qui sont dégradées après fusion avec les lysosomes (Figure 1). L’autophagie est un mécanisme hautement inductible et finement régulé qui joue un rôle important dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques comme le cancer, les myopathies, la dégénérescence neuronale, la réponse immune et le vieillissement [ 1, 12, 13]. L’autophagie permet aux cellules ainsi qu’à l’organisme entier de résister à des situations de stress comme un apport limité en nutriments, en énergie ou en oxygène. Cependant, les mécanismes moléculaires impliqués dans l’induction du processus autophagique en réponse à ces différents stimulus et la coordination des différentes voies de signalisation concourant à sa régulation sont encore mal compris.

Les acteurs dans l’induction de l’autophagie

Initialement, des études génétiques chez la levure Saccharomyces cerevisiae ont permis d’identifier les principaux acteurs moléculaires des différentes étapes de l’autophagie [1]. En particulier, la protéine kinase ATG1 (autophagy-related genes 1), identifiée par un criblage génétique chez la levure, est un acteur essentiel dans l’induction de l’autophagie. ATG1 forme un complexe avec les protéines ATG13 et ATG17 en réponse à un signal de carence nutritionnelle. Cette induction de l’autophagie est rendue possible grâce à une inhibition de la voie de signalisation TOR (target of rapamycin), la déphosphorylation de ATG13, une interaction accrue entre ATG13 et ATG1 et une augmentation de l’activité kinase de ATG1 et de la phosphorylation de ses cibles. Les cellules de mammifères possèdent deux homologues pour la protéine ATG1, ULK1 (Unc-51-like kinase 1) et ULK2. Alors qu’ULK1 joue un rôle essentiel dans la régulation de l’autophagie, la fonction d’ULK2 n’a pas été clairement définie. Les homologues chez les mammifères des partenaires d’interaction ATG13 et ATG17 sont les protéines mATG13 et FIP200 (focal adhesion kinase family interacting protein of 200 kD). Dans ce complexe, mATG13 permet l’interaction entre ULK1 et FIP200 et est nécessaire à la phosphorylation de FIP200 par ULK1 en condition de carence nutritionnelle. Cependant, les mécanismes moléculaires du contrôle d’ULK1 par les nutriments restent encore largement méconnus. Plusieurs voies de signalisation impliquées dans la détection des niveaux nutritionnels et la gestion des stocks énergétiques ont récemment été identifiées mais leurs interactions dans le contrôle de l’autophagie restent encore mal connues. Une série de publications récentes [ 2- 4] a permis d’établir une régulation coordonnée de l’initiation de l’autophagie par phosphorylation d’ULK1 en fonction de la disponibilité en nutriments par les voies de signalisation mTORC1 (mammalian target of rapamycin complex 1) [ 14] et AMPK (AMP-activated protein kinase).

Phosphorylation coordonnée de ULK1 par mTORC1 et AMPK

En présence de quantités suffisantes de nutriments, l’autophagie est maintenue à un état basal avec une fonction principalement de ménage (dégradation des protéines à durée de vie longue et renouvellement des organites endommagés). Dans cette situation, la voie de signalisation mTORC1 est fortement activée et bloque l’autophagie par la phosphorylation et l’inactivation des protéines ULK1 et ATG13 [ 5, 6] (Figure 2A). À l’inverse, en situation de carence nutritionnelle, mTORC1 est inhibée. Cette inhibition permet alors l’activation d’ULK1, la phosphorylation d’ATG13 et FIP200 et l’induction du processus d’autophagie qui est nécessaire pour la survie cellulaire (Figure 2B). Cette induction de l’autophagie peut être reproduite en présence de rapamycine, inhibiteur de mTORC1, même en présence de nutriments. Le complexe mTORC1, composé de mTOR, GβL, PRAS40 et raptor, est inhibé en absence de nutriments par l’activation de l’AMPK (Figure 2). L’AMPK est un senseur énergétique intracellulaire impliqué dans la régulation de l’homéostasie énergétique en réponse aux variations nutritionnelles [ 7]. L’AMPK est une cible indirecte de la metformine, un antidiabétique oral utilisé en première intention dans le traitement du diabète de type 2 [7]. Plusieurs études ont permis de relier l’induction de l’autophagie à l’activation de l’AMPK en réponse à un stress énergétique par sa capacité à inhiber la voie de signalisation mTORC1 [4, 8]. En effet, l’AMPK phosphoryle le suppresseur de tumeur TSC2 (tuberous sclerosis complex 2), aboutissant à l’inactivation de Rheb (Ras homolog enriched in brain), qui interagit et active mTORC1 [ 9]. De plus, l’AMPK phosphoryle raptor, induisant sa liaison à la protéine 14-3-3 et l’inhibition de mTORC1 [ 10]. Cependant, le contrôle de l’autophagie par l’AMPK pourrait également s’effectuer directement au niveau du complexe ULK1/mATG13/FIP200. Il a été montré que l’AMPK interagit directement avec ULK1 et que cette interaction est nécessaire pour l’induction de l’autophagie [2-4]. La liaison entre ULK1 et AMPK est augmentée en présence de rapamycine, suggérant que mTORC1 contrôle négativement cette interaction [ 3]. En effet, la région d’interaction de ULK1 avec l’AMPK contient un site de phosphorylation par mTORC1 qui empêche l’interaction entre ces deux partenaires [3]. La phosphorylation d’ULK1 sur ce site est fortement corrélée avec l’augmentation de l’activité mTORC1. Non seulement l’AMPK interagit avec ULK1, mais elle induit également sa phosphorylation sur de multiples résidus, modifications nécessaires à son activation en réponse à un stress énergétique ainsi qu’à des activateurs de l’AMPK comme la metformine et l’AICAR [2, 3]. Ainsi, la phosphorylation d’ULK1 au niveau des résidus cibles de l’AMPK et de mTORC1 est régulée de manière opposée reflétant les conditions où les activités AMPK et mTORC1 sont contraires (carence versus abondance de nutriments).

ULK1, AMPK, mitophagie et survie cellulaire

L’analyse d’hépatocytes déficients en ULK1 ou AMPK en culture primaire a révélé d’importants défauts dans l’élimination sélective des mitochondries par autophagie (processus défini par le terme de mitophagie) [2]. Une accumulation anormale de mitochondries a été détectée par une analyse en microscopie électronique à transmission dans ces cellules, parallèlement à une augmentation de la protéine p62 impliquée dans la clairance des mitochondries. L’expression d’un mutant non phosphorylable d’ULK1 (au niveau des résidus cibles de l’AMPK) dans des fibroblastes embryonnaires invalidés pour les protéines ULK1 et ULK2 ne permet pas de complémenter, en réponse à une carence nutritionnelle, les défauts du nombre anormal et de la morphologie aberrante des mitochondries, contrairement à l’expression d’une protéine ULK1 sauvage. En absence de nutriments, les cellules déficientes en ULK1 et ULK2 ont une viabilité cellulaire réduite en raison de leur incapacité à induire l’autophagie. Leur survie cellulaire peut être alors restaurée par complémentation avec une protéine ULK1 sauvage mais non avec un mutant non phosphorylable d’ULK1 au niveau des résidus cibles de l’AMPK [2]. Ces résultats suggèrent que la phosphorylation d’ULK1 par l’AMPK est essentielle et suffisante pour assurer la fonction d’ULK1 dans l’induction de l’autophagie en réponse à un stress nutritionnel.

Conclusion

Ces travaux dévoilent les mécanismes moléculaires concourant à la régulation de l’induction de l’autophagie en réponse aux variations de la disponibilité en nutriments (Figure 2). En présence de quantités suffisantes de nutriments, mTORC1 est activée et phosphoryle ULK1 pour bloquer l’interaction entre ULK1 et son partenaire AMPK, laissant ULK1 inactif. En situation de carence en nutriments, l’AMPK est activée et inhibe mTORC1 en phosphorylant TSC2 et raptor. ULK1, libérée de son interaction et de sa phosphorylation par mTORC1, peut alors interagir avec l’AMPK qui la phosphoryle et permet son activation. ULK1 augmente alors son autophosphorylation et phosphoryle mATG13 et FIP200 pour déclencher le processus d’autophagie. Cette phosphorylation coordonnée d’ULK1 par l’AMPK et mTORC1 permet d’expliquer comment les cellules peuvent mettre en place un programme de recyclage cellulaire finement régulé et préserver leur homéostasie en réponse à différentes situations de stress. Cependant, un excès d’autophagie peut être néfaste pour la cellule, il est donc important de déterminer par quel(s) mécanisme(s) de rétrocontrôle l’AMPK pourrait être inhibée permettant ainsi de contrôler efficacement l’arrêt de l’autophagie. Il a été récemment démontré qu’une fois activée, ULK1 est capable de phosphoryler l’AMPK conduisant à la diminution de son activité [ 11]. Ainsi, ULK1 constitue un point de convergence non seulement dans l’induction de l’autophagie mais également dans l’atténuation des signaux qui déclenchent son activation (Figure 2).

Conflit d’interets
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.
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